Élites et principe de Subsidiarité
Philippe Maxence
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur et une grande joie que
d'être présent aujourd'hui à cette tribune pour ce Congrès du Cercle
civique européen et du Centre de documentation civique. Je remercie
particulièrement Monsieur Jean de Siebenthal qui m'honore de sa
confiance en me permettant d'évoquer aujourd'hui avec vous deux
éléments indispensables de toute réforme sociale et politique catholique
: le principe de subsidiarité et la nécessité des élites à tous les
niveaux du corps social.
J'avoue avoir quelques scrupules à évoquer ces deux thèmes
car il y faudrait une expérience que je suis loin de posséder et
surtout, je suis l'hôte d'un pays où ces deux éléments restent des
réalités vécues alors qu'elles sont, pour nous Français, des espoirs à
retrouver. Avant d'entrer dans une présentation sommaire du principe
de subsidiarité et de ses liens avec les élites, brossons rapidement un
tableau des grands axes vers lesquels le monde semble se diriger.
I Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Toute démarche qui se veut réaliste doit, en effet, s'appuyer
sur des données facilement vérifiables. Affirmer aujourd'hui
que le monde se trouve dans une phase de mondialisation accrue n'a
pas besoin d'une longue démonstration. Ouvrons seulement les yeux.
Les moyens de communication, du satellite à Internet, les produits
manufacturés, la rapidité des voyages, l'uniformisation vestimentaire
de la jeunesse, l'existence d'une Organisation des Nations Unies,...
autant de signes parmi d'autres de cette volonté de faire de la terre un
grand village global, sans frontières, sans particularismes, sans héritage,
sans identité propre à chaque pays, à chaque nation.
Mais la mondialisation est à la fois un fait acquis et une
volonté politico-idéologique qui n'a pas encore abouti.
C'est un fait acquis au point de vue des techniques ou des
échanges économiques.
Et en même temps, le mondialisme n'est pas encore parvenu
à toutes ses fins, et notamment à la disparition des nations et à l'établissement
d'un gouvernement mondial.
D'autant que nous pouvons remarquer une autre tendance
: celle du particularisme exacerbé, de l'ethnicisme, du séparatisme.
Regardons les affrontements inter-ethniques en Afrique, les luttes
entre castes en Asie. Pensons plus près de nous aux ravages de la
guerre dans les Républiques de l'ex-Yougoslavie. Sans oublier, bien
sûr, les problèmes du Liban ou les affrontements entre communautés
aux États-Unis.
Or qu'est-ce que tout cela révèle ? Tout simplement que le
monde est pris dans une tension entre la mondialisation et le particularisme.
L'utopie rattrapée par l'histoire et la réalité. L'Europe ellemême,
je veux dire l'Europe de la Communauté européenne est prise
dans cette tension, insoutenable à long terme. Elle vise à l'union mais
par la disparition des nations. À la place, elle prévoit l'établissement
de régions qui dépendront entièrement du pouvoir central bruxellois.
En 1992, le ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne a ainsi
présenté une carte d'Europe entièrement redécoupée en trois régions
économiques, plus ou moins autonomes, et qui avaient toutes pour
pivot central l'Allemagne. Au mépris de l'histoire, au mépris de la
réalité politique présente, la France et l'Italie étaient tout bonnement
découpées en deux.
Le monde, l'Europe se trouvent donc aujourd'hui pris entre
le particularisme exacerbé et le mondialisme, entre l'atome et le
gigantisme, entre la désagrégation et la fusion. À terme, c'est l'homme
qui risque de se replier sur lui-même en échappant à son besoin
d'universel. Tout autant il risque d'être écrasé en manquant à son
besoin d'enracinement. En tous les cas la tension entre les deux sera
intenable.
I1 faut donc une réforme politique. Totale. Elle ne sera pas
suffisante à elle seule, c'est entendu. Mais elle est incontournable car
la fonction du politique est bien d'assurer le bien commun temporel.
Et c'est ce qui est aujourd'hui dramatiquement en jeu.
La doctrine sociale de l'Église apporte pour sa part les
principes auxquels il faut revenir pour sortir de ce chaos : la primauté
du bien commun, le principe de l'autorité et le principe de subsidiarité.
Les trois termes sont inséparables.
II Le principe de subsidiarité
Pourquoi attacher aujourd'hui tant d'importance au principe
de subsidiarité ? Pour deux raisons au moins, étant entendu qu'il y
en a beaucoup d'autres que je ne présenterai pas ici. La première de
ces raisons est tout simplement que correctement compris et appliqué,
ce principe de subsidiarité est d'une étonnante actualité. Plus
qu'hier, si c'est possible, il permet de résoudre cette tension que j'évoquais
tout de suite entre le gigantisme et l'atomisation. Je dis plus
qu'hier bien que ce principe corresponde tellement à la nature humaine
&emdash; c'est là son profond réalisme &emdash; qu'au fond il ne varie pas dans
le temps. Seules les circonstances varient et appellent le jugement du
gouvernant. Et les circonstances aujourd'hui rendent le principe de
subsidiarité d'une grande urgence.
La deuxième raison vient de ce que l'Église au XXème
siècle a insisté de façon de plus en plus pressante sur la nécessité de
recourir au principe de subsidiarité comme règle de vie sociale. Ce
n'est pas l'Église qui a inventé le principe de subsidiarité. Il est, en
quelque sorte, inscrit dans la nature humaine. Subsidiarité comme
vous le savez vient de subsidium, qui veut dire aide. Il est important
de recourir ici à l'étymologie car beaucoup &emdash; et parfois de bonne foi
&emdash; pensent substitution plutôt qu'aide. Or il s'agit de tout le contraire.
Il s'agit de substituer le moins possible mais, par une aide appropriée,
si elle est nécessaire, d'éduquer à la responsabilité. C'est en cela que
l'on peut dire que ce principe &emdash; au nom barbare, je vous l'accorde,
intraduisible dans certaines langues, le danois par exemple &emdash; découle
de la nature humaine. La mère aide son enfant à manger mais dans
le but de l'aider à acquérir la faculté de manger seul. Autrement dit
que l'enfant acquiert la responsabilité de lui-même pour cette fonction
importante de la nutrition.
Là aussi un peu d'étymologie peut nous aider à comprendre
ce que nous voulons dire. Responsable vient de respondeo, répondre.
Être responsable, c'est avoir la capacité, le pouvoir, de répondre
de ses actes, d'expliquer, de justifier pourquoi nous avons posé tel
acte, décidé telle chose. À un degré supérieur, c'est la qualité éminente
du chef, de l'autorité, des élites. Nous nous approchons par là
du lien entre subsidiarité et élites.
Venu de l'expérience humaine, le principe de subsidiarité
a été en quelque sorte formulé scientifiquement par l'Église. Cette
définition, reprise depuis lors mais avec une portée toujours agrandie,
se trouve dans Quadragesimo anno de Pie XI, paragraphes 86 ou 87.
On peut résumer ce principe en trois points :
1°) premier point : laisser les personnes responsables agir
par elles-mêmes si elles en ont les capacités. Autrement dit respecter
leur faculté d'initiative, le fait qu'elles soient cause responsable de
leurs actes;
2°) deuxième point: faciliter, aider les personnes responsables
pour leur permettre, si elles n'en ont pas encore les capacités,
d'assumer pleinement ces responsabilités ;
3°) enfin troisième point, si, pour un temps, ces personnes
s'avèrent vraiment incapables d'assumer ces responsabilités, on va
suppléer, faire à leur place mais dans l'idée de tout faire pour les former
afin qu'elles agissent un jour par elles-mêmes.
Vrai pour les personnes, ce schéma s'applique également
aux communautés de toutes tailles. On peut résumer encore ce principe
en trois mots : respecter, aider, suppléer. Le tout orienté en direction
de l'éducation à la responsabilité.
J'ai donné tout de suite un sens actif au mot responsable.
Mais il y a aussi un sens passif. On est responsable quand on subit les
conséquences. Prenons l'exemple de l'éducation des enfants. Qui est
responsable ? Les parents ? L'école ? L'État ? Vous savez ce que
répondent les idéologies. Mais la réalité ? La question à poser est
celle-ci: qui supporte, avant tout, en premier, au plan moral comme
au plan matériel les conséquences d'une mauvaise éducation ? Qui,
sinon les parents ? Les premiers, les parents récoltent les fruits de l'éducation
donnée à la maison, poursuivie à l'école ou dans les mouvements
de jeunesse. Les parents, avant même les enfants euxmêmes,
qui ne sont pas cause responsable de leurs actes, sont comptables
de l'éducation. Sur la terre comme au Ciel. Certes, si les
enfants volent ou agressent d'autres personnes, la responsabilité de
l'État, dans ses fonctions de police, rentre alors en jeu. Oui, mais ce
n'est pas de l'enfant en tant que sujet d'éducation dont l'État est
responsable. C'est de la sécurité des citoyens. Et, à ce titre, l'État va
se tourner vers les parents pour qu'ils payent et réparent.
Appliqué au problème scolaire tel que nous l'avons en
France, quel est le pouvoir des parents en matière d'éducation ?
L'Éducation nationale, en France, se charge de tout. Son ingérence
totale annihile les pouvoirs des véritables et premiers responsables.
Le nud géométrique du problème du principe de subsidiarité, du
problème politique se trouve justement là : dans cette confiscation du
pouvoir de ceux qui ont pourtant les responsabilités et l'autorité naturelle.
Nous assistons depuis 1789 à la confiscation des pouvoirs des
responsables naturels par des officines, par des idéologues, par des
classes et des partis fabriqués artificiellement, par des élites nouvelles
qui n'étant plus confrontées aux conséquences de leurs décisions
entretiennent et aggravent une situation déjà dramatique.
Propos réactionnaire ? Le très sérieux et tout aussi peu
réactionnaire quotidien du soir français, Le Monde, dans son édition
du 9 septembre, sous le titre La France malade de ses élites ? remarquait,
à propos de l'élite sortie de l'Ecole Nationale d'Administration
(ENA) : «ce mélange de formation généraliste et de pseudo-expertise
sans débat ni recours au terrain semble toucher ses limites». «Sans
recours au terrain», c'est-à-dire sans l'expérience véhiculée par
l'exercice de véritables responsabilités sociales et politiques. Le
Monde le constate bien d'ailleurs : «de jeunes bêtes à concours sont
sélectionnées et formatées par le système scolaire pour être propulsées
ensuite sans expérience professionnelle à des postes de décisions.
» Pardonnez-moi de m'appuyer, une fois n'est pas coutume je
vous assure, sur ce dossier du Monde. Car le journal de référence de
la République laïque française va plus loin. Il enfonce le clou : « il
existe en France une élite dirigeante qui ne connaît pas la sanction de
l'échec ». Ce que Le Monde en bon français appelle « l'absence de
responsabilité».
Nous nous trouvons en France dans une situation où &emdash;
c'est une image &emdash; le pouvoir tient le marteau et les vrais responsables
le clou. Quand la même personne possède à la fois le pouvoir &emdash;
le marteau &emdash; et la responsabilité &emdash; le clou &emdash; habituellement cela
fonctionne bien. Quand ce n'est pas le cas, il y a matière à enseignement.
On corrige parce qu'on subit alors directement les conséquences
de ses actes. La grande leçon du principe de subsidiarité réside là
: laisser aux gens le marteau et le clou, autrement dit laisser aux
responsables le pouvoir. Car nous entrevoyons très bien quelles peuvent
être les réactions lorsque les deux sont dissociés. Si je tiens le
marteau et que vous tenez le clou, vous ne jouerez pas longtemps
avec moi à ce petit jeu-là. Car la peur vient très vite. La peur et le
repli sur soi. S'installe alors le règne de la déresponsabilisation. Et
quand arrive un problème, on ouvre le parapluie. Pour se protéger. Ce
n'est pas moi, c'est lui.
Au niveau de la société, les responsabilités, les domaines
de compétence qui devraient être du ressort des communautés intermédiaires
sont rejetés sur l'État. Conclusion logique, l'État doit tout
prendre en charge. Et quand l'État se défausse à son tour, parce que
cette déresponsabilisation est installée institutionnellement, alors on
abandonne les responsabilités du pouvoir à une super technostructure
qui s'appelle l'Europe de Maastricht ou l'ONU. En terme politique,
c'est un abandon de souveraineté et l'application du principe de subsidiarité.
Mais à l'envers.
III Les élites
Et l'élite dans tout cela ? Nous avons tendance à confondre
élite et aristocratie. À cela, rien de plus normal. Si l'on entend le
terme aristocratie &emdash; non pas au sens strict de gouvernement des
meilleurs &emdash; mais au sens plus élargi, de composante du meilleur
régime présenté par saint Thomas d'Aquin dans la Somme théologique
(I-II, Q105, 1), il est normal que nous établissions cette parenté
entre élite et aristocratie. Mais la situation d'aujourd'hui est loin de
nous plonger dans ce cas. L'article du Monde que je citais tout à
l'heure le montre bien. Il nous faut donc distinguer entre élite et aristocratie,
ou plus simplement entre véritables élites et fausses élites.
Le portrait de cette dernière nous l'avons en quelque sorte dressé il y
a un instant. N'ayant pas les conséquences de ces décisions, en raison
de la dissociation du couple pouvoir-responsabilité, cette fausse élite
voit s'ouvrir devant elle un vaste champ de turpitudes : fausses factu-
res, délit d'initié, prébendes, pressions en tout genre, etc L'actualité
récente est suffisamment éloquente à ce sujet.
Quel sera alors le rôle d'une véritable élite, des véritables
élites ? Et d'abord peuvent-elles encore exister ? Recourons une fois
encore au sens des mots. Le mot élite vient d'élire. Rien qui à première
vue nous conduise au sens actuellement entendu du terme : les
meilleurs, les plus compétents. Le regretté Marcel de Corte l'a très
bien expliqué : «toute élection implique désignation à une dignité, à
une fonction par un choix. L'élite suppose donc l'approbation d'autrui,
entendue non pas au sens de suffrage universel ou d'élection
démocratique, mais au sens d'estime plus ou moins diffuse dans un
groupe, sans le moindre caractère artificiel de propagande, avec une
sorte de reconnaissance naturelle et spontanée de ceux qui sont "les
meilleurs" dans ce groupe» (in L'Homme contre lui-même, NEL
1962, page 108). Autrement dit, l'élection dont il s'agit, le choix qui
s'opère quand il s'agit de l'élite vient de la reconnaissance de la compétence.
Ce n'est pas d'abord la fonction qui fait l'élite. Le Monde le
reconnaît lui-même aujourd'hui. C'est la compétence qui conduit à la
fonction. Ou plus exactement c'est la compétence, le savoir-faire, les
services rendus qui donnent l'autorité absolument nécessaire au rôle
de l'élite.
Nous ne sommes pas ici dans le seul registre subjectif du
dévouement, du désir même de servir bien qu'il faille son existence
au point de départ. Nous sommes dans le registre de l'autorité réelle
née de la reconnaissance objective, par les faits, du service rendu, de
la compétence apportée. Un médecin n'est pas un grand médecin
parce qu'il désire se dévouer corps et âme aux malades. Un médecin
est grand parce qu'il s'est dévoué corps et âme aux malades, avec une
réelle compétence et une véritable efficacité. Autrement dit parce
qu'il a associé de manière éminente les pouvoirs (de soigner) que lui
conférait sa responsabilité (de médecin). Un maire d'une commune
est un véritable homme politique parce que ses choix en vue du bien
commun de sa cité conduisent effectivement au mieux vivre en commun
des habitants de la cité et non pas simplement parce qu'il désire
atteindre le bien commun. Et cela nous amène à un deuxième caractère
de l'élite. Car si la compétence conduit à la fonction, à l'autorité
naturelle, celle-ci donne à l'élite un caractère social, une signification
sociale. «L'élite explique Marcel de Corte émane d'une communauté
dont elle partage le destin avec plus de vigueur et de lucidité que les
autres». Cette vigueur et cette lucidité tiennent inévitablement,
quoique pas seulement, à une capacité très grande d'assumer des
responsabilités sociales et politiques au sein des communautés dans
lesquelles sont plongés ceux qui constituent l'élite. L'élite véritable
est au service du bien commun. Et ce service dicte ses devoirs.
Au plan social et politique qui est le nôtre, le rôle d'une
élite sociale et politique est donc de créer les «conditions publiques
normales et stables telles qu'aux individus aussi bien qu'aux familles
il ne soit pas difficile de mener une vie digne, régulière, heureuse
selon la loi de Dieu» C'est là une définition du bien commun donnée
par le pape Pie XII le 8 janvier 1947. Plus prosaïquement on peut
définir le rôle de l'élite comme devant créer les conditions qui permettront
au plus grand nombre d'avoir intérêt à bien faire ou à faire
le bien. Cela revient finalement à exiger le principe de subsidiarité en
règle de vie sociale. Si l'on reprend l'image du clou et du marteau utilisée
tout à l'heure pour résumer en quelque sorte ce principe, nous
voyons fort bien que lorsque nous avons le clou et le marteau nous
avons intérêt à bien faire. À bien faire quoi ? Ce qui est de notre
devoir, de nos responsabilités. Tout le rôle du politique, tout le rôle
politique des élites consistera donc à créer dans les communautés
dont ils ont la charge les conditions pour que les personnes aient intérêt,
c'est-à-dire le pouvoir, à bien faire leurs devoirs. Dans Retour au
réel Gustave Thibon écrivait déjà : « les hommes ont perdu le sens du
devoir, gémit-on devant la profonde incurie de tant de membres de la
société moderne. Cet état de chose soulève une question essentielle :
ces hommes qui ne font pas leurs devoirs ont-ils vraiment intérêt à le
faire ? Ayons le courage de l'avouer : tant que nous n'aurons pas construit
un ordre social où l'individu se trouve soudé à sa fonction par un
système de récompenses et de sanctions immédiates et personnelles,
il ne faudra pas nous étonner des éclipses du sens moral». Et Thibon
de conclure :«C'est précisément dans une époque comme le Moyen
Âge où, depuis le prince jusqu'au dernier artisan, l'intérêt des hommes
faisait le plus intimement corps avec leurs devoirs, qu'on a vu
fleurir, dans tous les milieux le plus de héros et de saints»
(Lardanchet, 1943, pages 162 à 166). Autrement dit une véritable
élite.
IV Conclusion
Pour conclure revenons au principe de subsidiarité. On
peut lui attribuer deux portées significatives : une négative, l'autre
positive, de deux façons. De manière négative, ce principe limite
dans une certaine mesure l'intervention de l'État ou de tout groupement
supérieur par rapport aux communautés intermédiaires ou inférieures.
De façon positive, le principe de subsidiarité donne, en
revanche, la mesure d'après laquelle l'intervention de l'État ou d'une
communauté hiérarchiquement placée au-dessus d'une autre est possible.
Mais tout aussi fondamentalement, ce principe a valeur directive
pour l'ensemble de la vie sociale à tous les niveaux : famille, école,
entreprise, etc
Le rôle des élites doit éminemment tenir compte de cet
aspect des choses.
a) Elles doivent réactiver l'ensemble du corps social. Mais
non pas de façon arbitraire ou idéologique. Mais parce qu'elles sont
membres, de façons diverses, des communautés qui forment ce corps
social. Le père de famille doit créer les conditions où les membres de
sa famille auront intérêt à bien faire ; le chef d'entreprise doit créer
les conditions pour que les cadres, employés, ouvriers aient intérêt à
bien accomplir leur tâche, le chef de la commune, le bourgmestre
pareillement, etc.
b) Les élites doivent, d'une manière plus urgente aujourd'-
hui qu'hier limiter l'extension du rôle de l'État ou de toute technostructure
européenne ou mondialiste qui viserait à confisquer tout
espace de liberté, c'est-à-dire finalement tout exercice du pouvoir et
de la responsabilité correctement associés.
Cette élite politique et sociale, ne l'attendons pas du ciel.
Pas seulement du moins. Elle doit naître de nos efforts, de notre travail,
de notre abnégation au service du bien commun. Il faut la former
dans des cellules d'études, spéculatives et pratiques. Il faut qu'elle
rayonne autour d'elle afin de redonner courage, confiance au plus
grand nombre si souvent désemparé. Elle pourra ainsi exercer une
influence bénéfique et réelle qui découlera non pas de l'application de
techniques et de trucs mais de la fécondité de l'autorité naturelle
qu'elle aura acquise et de la diffusion de la vérité qu'elle entretiendra
par capillarité. Ces élites doivent enfin se connaître, établir des
contacts, par réseaux afin d'exploiter au maximum les mille et une
possibilités qui lui sont offertes quotidiennement. Ainsi elles pourront
espérer voir un jour couronner leurs efforts par le rétablissement
du Règne social du Christ, règne très doux, règne de paix, cette tranquillité
de l'ordre à laquelle nous aspirons tous pour remplir nos
devoirs d'état et le premier de tous : « louer, honorer et servir Notre
Seigneur ».
Philippe Maxence
Directeur délégué du mensuel catholique La Nef.
Note:
Né en 1965, marié et père de quatre enfants, Philippe
Maxence a suivi des études de philosophie thomiste. Il est diplômé de
la Faculté libre de philosophie comparée (FLPC) et du Centre de perfectionnement
des journalistes de Paris (CPJ). Il a collaboré à La
Presse française &endash; -Le Nouvel Hebdo, à L'Homme nouveau, au
réseau radiophonique catholique Radio Espérance et il collabore à
l'Action familiale et sc