CONDITIONS D'UNE COMMUNAUTÉ

Lorsqu'on m'a demandé de traiter ce sujet, j'ai hésité, estimant qu'il n'était pas tellement dans mes cordes. Puis, après un instant de réflexion, j'ai donné les quelques jalons qui servent de sous-titres dans la convocation que vous avez reçue.

Enfin, il y a quelques jours, j'ai pris les dictionnaires français et latins, et j'ai appris que le mot français venait d'un terme latin "communis" qui exprime l'idée de forteresse, de force commune, ce que j'ignorais. C'est un truc que je vous donne : n'importe qui peut faire une conférence acceptable à l'aide du dictionnaire. En effet, les dictionnaires n'ont pas encore été corrompus par le modernisme. lis expriment avec sérénité les origines et les fondements des mots, c'est-à-dire de la pensée humaine. Car la langue n'a pas été donnée à l'homme, comme on l'a dit, pour déguiser sa pensée, - elle a une origine divine - mais pour l'exprimer avec vérité. Sinon quelle serait son utilité ?

A l'heure où certains s'imaginent qu'il suffit, pour former une communauté, de se rassembler, de se sourire contre en disant "nous nous aimons", il vaut la peine de marquer que la communauté implique d'abord l'idée de force. La force est un bien. Le Pape Jean-Paul Il le rappelait dans son allocution de mercredi dernier..

La communauté est donc l'état de personnes qui se fortifient ensemble pour se défendre contre l'ennemi commun. Il faut être muni de munitions, tous termes de même origine.

Nous pouvons tirer de ces évidences quelques vérités premières

1) Tout d'abord, la communauté n'est pas une société à bien plaire qui procéderait de la volonté libre et toujours révocable de ses membres, sinon elle serait en constant péril. Les hommes ne peuvent donc pas, un beau matin, décider de créer de toutes pièces une communauté selon le contrat social de Rousseau.

2) Deuxièmement, au sein de la communauté, les activités et les discussions utiles ne peuvent tendre qu'à maintenir l'existence et à promouvoir le développement de la communauté et sa prospérité. Cette fin est raisonnable car il est absurde d'imaginer qu'un organisme puisse tendre volontairement vers la mort.

3) Troisièmement, les diverses activités des membres de la communauté ne vont pas spontanément s'orienter vers l'intérêt commun. Les divergences et lés conflits sont inévitables, or il importe que la forteresse présente un front commun vers l'extérieur. Cette fonction de coordination incombe à l'autorité suprême, c'est-à-dire au pouvoir politique dont la tâche est de maintenir l'ordre intérieur en arbitrant les intérêts particuliers et en les harmonisant au nom de l'intérêt commun.

4 Enfin, si des insensés poursuivent consciemment ou inconsciemment au sein du groupe des activités manifestement contraires à l'intérêt commun, et si de plus ces entreprises sont avouées comme telles, l'autorité souveraine cherchera à détourner ces égarés de leur dessein, de limiter leur action, voire de l'interdire ou même d'éliminer du corps social ces dangereux personnages. La légitimité du principe de la répression ne saurait être mise en cause mais dans le jugement et dans l'application pratique, c'est un problème de prudence et de sagesse. La liberté de pensée et d'action n'existe que dans les limites de l'intérêt commun.

De l'intérêt national, s'il s'agit de la nation. Voilà le mot lâché. La nation est le plus vaste communauté temporelle dans laquelle l'homme peut vivre. Les hommes ne la choisissent pas puisqu'ils y naissent. Elle préexiste à eux. Elle les engendre, les forme, les éduque, les défend, les prépare à la vie afin que cette société qui les précède persiste après eux.

C'est donc une communauté naturelle et non pas volontaire. Sans doute pour que la société se maintienne à travers la succession des générations, il est indispensable que ses membres soient animés de la volonté de la défendre et de la développer, mais ce sentiment, qu'on appelle le sentiment national ou le patriotisme, est si nécessaire et si naturel à l'homme qu'il faut avoir un esprit pervers ou faussé pour ne pas l'éprouver. D'ailleurs, lorsque le danger est là, dans une acuité qui n'est pas contestable, l'unanimité se reconstitue spontanément et les nuées s'envolent mais parfois il est trop tard et le dommage peut être considérable.

On a si peu le droit de se détacher de sa propre communauté nationale et de brader son avenir, que cette communauté ne comprend pas seulement les vivants, mais aussi les morts, plus de morts que de vivants selon l'expression de Charles Maurras. La tradition, les institutions dont la vertu est éprouvée par le temps, doivent donc être respectées, cas échéant réparées, restaurées, car tout cela s'use comme toutes choses en ce monde. Les nouveautés, même utiles, ne peuvent que rarement être appliquées rapidement sans susciter un trouble, parce qu'elles ne peuvent s'intégrer et s'harmoniser dans l'unité nationale que progressivement. La communauté des hommes est une chose vivante et pas une usine technique.

Les membres vivants de la communauté n'ont aucun droit de disposer d'un héritage dont ils ne sont que les usufruitiers. Chacun de nous, dans le plus favorable des cas, ne peut apporter qu'une infime parcelle au capital immense dont il se trouve gratifié à sa naissance et dont il jouira toute sa vie. Le seul sentiment qu'il doit éprouver est celui de la reconnaissance. La communauté nationale étant une forteresse habitée, dans laquelle, comme dans une maison ' il faut constamment corriger, réparer, maçonner, préserver, parfois d'une manière inattendue, elle doit être pourvue d'une autorité intelligente, je veux dire vivante, et non d'une administration bureaucratique. Cette tâche incombe à l'autorité politique.

Il faut insister sur le rôle irremplaçable de l'autorité politique. Elle seule peut résoudre les conflits internes, pas seulement par la justice des tribunaux, ce qui est relativement simple, mais les conflits d'intérêts, de toute nature, matériels et moraux, infiniment compliqués. Le pouvoir politique doit pouvoir jouir de l'indépendance dans l'exercice de sa fonction, sinon il est la proie des factions.

Le souverain, pour le désigner par le terme qu'utilisent les juristes, n'est pas un personnage extraordinaire... Il n'est pas indispensable qu'il ait une grande intelligence, et encore moins de grandes idées. Heureux est celui qui possède l'esprit de discernement et la sagesse, vertus que Dieu accorda à Salomon parce qu'il n'avait pas demandé la richesse ni la gloire qui pourtant lui furent données par surcroît. Il vaut mieux être gouverné par un roi très moyen que par le génie de Napoléon.

Mais cela n'est pas encore suffisant. Si une autorité souveraine à la tête de l'État est indispensable, le souverain ne doit pas être seul, isolé. Il n'est pas un directeur. Il ne peut tout voir et tout connaître. Il faut à tous les niveaux de la société des autorités qui prennent des responsabilités à l'égard du pouvoir et à l'égard des administrés.

La société nationale doit donc être pourvue de cadres intérieurs, de corps intermédiaires, de communautés plus restreintes, à vocations particulières, jouissant de l'autonomie que réclament leurs activités propres afin que la vie circule dans tout le corps social de la manière la plus naturelle dans la concorde et la paix. Vous voyez que si bonnes que puissent être les institutions, si honorable que soit le pouvoir politique, la responsabilité reste réelle pour tous ceux qui, précisément, dans la nation assument quelque responsabilité.

Cette vie commune, si elle bénéficie de la durée, qui se compte par siècles, engendre la richesse matérielle et morale, artistique et spirituelle, comme le fruit sur la plante et tous en profitent. Respirant dès sa naissance l'atmosphère qui entoure la société, l'homme en est imprégné jusque dans sa chair au point qu'il a l'impression que ces biens font partie de son être. Et c'est la vérité. La civilisation nationale confère à toute notre personne une manière de penser, de réagir, d'apprécier, en un mot un mode de vivre dont on ne peut nous priver sans nous violenter profondément.

On peut s'étonner de ce que les participants de cette civilisation tous différents et inégaux puissent être formés selon le même modèle que constitue le type de civilisation à laquelle est parvenue leur nation après de longs efforts de discipline et de vie en commun.

L'explication est simple. Chacun de nous a des défauts, des déficiences, des contradictions. Ce n'est pas en rassemblant ces causes de divisions que nous parvenons à vivre ensemble (c'est plutôt le rôle des partis), mais, au contraire, en développant ce qui est positif et bon en nous au détriment de nos défauts qu'il importe d'atténuer et de polir. Le propre de la politesse est précisément de savoir en présence de l'autre, surmonter nos défauts et supporter les siens.

L'œuvre civilisatrice de la société pallie les défauts et fortifie les qualités de chacun. L'inégalité naturelle des individus n'est point un obstacle ; une difficulté, oui, mais le résultat est remarquable, prodigieusement substantiel puisqu'il est en quelque sorte le rassemblement des qualités éparses dans tous les membres morts et vivants de la société nationale. C'est un puissant effort pour faire apparaître chez chacun ce qui est conforme à la nature humaine, afin d'obtenir un type d'homme, jamais réalisé intégralement mais, virtuellement possible. Nous parvenons à l'universel par l'épuration du particulier.

Il est téméraire d'imaginer qu'un jour les habitants de toute la terre puissent former une seule nation et atteindre à une civilisation plus haute à tous égards que celles que nous connaissons. Nos forces étant limitées,nos imperfections innombrables et jamais toutes surmontées, le Créateur, dans sa bonté, lors de la Tour de Babel, a plongé l'humanité dans la confusion du langage, afin que fragmentés en plusieurs groupes, nous puissions néanmoins parvenir à des biens de qualité mais limités. Les hommes répartis en plusieurs nations peuvent ainsi tendre à des fins proportionnées à leurs forces naturelles. Ces limites sont théoriquement extensives, mais, dans la réalité, nous sommes ramenés à de justes ambitions,chaque fois que nous nous imaginons pouvoir nous élever jusqu'au ciel.

L'homme qui réunirait toutes les qualités de toutes les races d'hommes répandues sur la terre est inconcevable pour notre esprit parce qu'il parviendrait presque à !a perfection. Le Fils de l'Homme en fut l'unique manifestation sur la terre depuis la chute du premier Adam.

L'œuvre de discipline qu'accomplit la société nationale reste donc de la plus haute qualité puisqu'elle tend, sous une certaine forme, à la diminution du péché originel, selon la formule de Charles Baudelaire.

Pour être exact, disons les effets du péché originel, car la civilisation n'atténue ou rie fait disparaître que les manifestations du péché, le fond de la nature humaine demeurant sans changement.

Bien plus, il est constant que l'homme doué par la naissance d'un heureux caractère, élevé dans l'ambiance d'une douce civilisation, s'imagine aisément que c'est arrivé: tous les humains ne sont-ils pas satisfaits, bien disposés et heureux comme lui ? S'il est des égarés ou des oubliés, ce n'est pas leur faute, il est très facile de leur fournir ce dont ils ont besoin. C'est la société qui n'a pas su prendre soin d'eux. Nous sommes tous bons (sous-entendu, le contraire serait trop désagréable). Embrassons-nous dans une réconciliation universelle. Donc plus d'éducation contraignante, plus d'institutions répressives, plus d'armées inutiles,, plus de dogmes religieux qui empêchent le plein épanouissement de l'individu. Libération générale!

On fait la Révolution, et on patronne celle que d'autres ont préparée dans les bas fonds de la société. Dans un premier temps, toute révolution est célébrée dans la joie. Rien n'est si agréable que l'instant où l'on rejette les chaînes qui ont longtemps pesé pour goûter enfin aux jeux interdits. C'est la Révolution française qui déclare la paix au monde, mais dresse la guillotine et vingt cinq ans de guerre, la révolution russe et ses millions de morts, la révolution des œillets au Portugal et le désenchantement.

Le réveil est toujours rude; les institutions et les nations ne se maintiennent que par les causes qui les ont engendrées. Toute révolution est destructrice et a toujours fait place dans l'histoire à des pouvoirs plus despotiques que celui qu'elle a abattu.

Je viens de décrire la communauté nationale. Logiquement, j'aurais dû commencer par la famille, première société naturelle. Celle-ci étant moins contestée que celle-là et plus proche de chacun, il était plus parlant de faire apparaître les éléments constitutifs dans une société plus différenciée.

La famille, bien qu'elle implique la volonté d'un homme et d'une femme d'unir leurs destinées pour fonder une nouvelle famille ne repose pas sur la libre volonté des conjoints, puisque leur consentement ne peut être repris et que leur union est irrévocable. Chacun d'eux, du moins dans les liturgies qui n'ont pas été expurgées, promettent devant Dieu d'aimer l'autre et de lui être fidèle sans conditions jusqu'à la mort.

L'indissolubilité de cette société est confirmée par la venue d'enfants qui sont issus de l'un et de l'autre parent, constituant entre eux un lien charnel et vivant. Nouvelle famille, ce n'est qu'en partie vrai, puisque dans nos pays, cette famille continue celle du père, du moins jusqu'à ce jour, M. Furgler souhaitant changer cela comme beaucoup d'autres choses.

De même que la nation exige des siècles pour acquérir une existence véritable, la famille ne se trouve pas constituée au lendemain des noces, comme par une cérémonie magique. Elle est virtuellement formée, mais il lui faut encore remplir cette virtualité de réalités substantielles. Elle doit être construite et reconstruite jour après jour, défendue contre l'ennemi et de l'extérieur et peut-être plus encore contre l'ennemi de l'intérieur, durant toute la vie des époux. Que de difficultés à surmonter dans les grandes choses et dans les petites.

Il existe sans doute quelques rares couples dans lesquels l'accord est si complet au départ, intellectuel, moral, physique, qu'aucun nuage ne vient ternir par moment le ciel de la vie. Un regard, un geste suffisent à indiquer que l'entente existe avant toute parole. Il n'est pas certain que cette facilité soit particulièrement propice au développement de la personnalité des époux.

Lorsque l'homme et la femme ont chacun un caractère bien réel, pourvu de qualités et de défauts différents, ils doivent faire des efforts renouvelés pour créer et maintenir une unité qui ne soit pas seulement de façade. Tout défaut étant un manque, les époux sont appelés à s'augmenter l'un l'autre et non pas à se faire des concessions réciproques comme dans une société récréative. La concession à l'égard d'un mal doit venir en dernier lieu quand toute possibilité de le surmonter parait exclue. Alors, ce n'est pas de la tolérance, mais de la compréhension et de l'amour. A ce point, chacun se charge des défauts de l'autre. Et c'est tout bénéfice pour l'un et l'autre.

Au cours des années, chaque conjoint complète donc sa personnalité propre par l'apport de l'autre de sorte que chacun finit par être davantage lui-même qu'il ne l'était au départ. Le but final de la vie n'est-il pas pour tout homme de devenir mieux lui-même. Devenir soi-même, c'est épanouir les qualités, les potentialités que la nature a mises en nous et cela s'accomplit dans l'unité de la personne, si on s'est engagé sur la voie de la vérité; Toute la vie ne suffit pas à ce travail jamais achevé. Du moins, heureux l'homme qui au soir de sa vie s'aperçoit qu'il n'a pas cheminé en sens inverse.

Pour illustrer la nécessité profonde et la haute vertu de l'effort qui doit s'accomplir au sein de la famille et de la nation, je vous soumets une comparaison que je suis en mesure de choisir dans la vie du vigneron. Vous savez tous que la vigne a besoin de chaleur pour mûrir son fruit et donner du vin de qualité. Mais si cette affirmation était vraie sans nuance, il suffirait de cultiver la plante à Noé dans les seules régions chaudes. Or, il n'en est rien. Plus on transporte une variété de vigne au sud de son site naturel, plus le vin devient ordinaire et grossier. Pourquoi ? Parce que le raisin y mûrit trop facilement et trop rapidement. C'est si vrai que si l'on cultive telle variété dans une région jamais défavorable on évite certes les mauvais vins, mais on n'obtient jamais un grand vin. Celui-ci se rencontrera dans une région parfois défavorable, mais qui donnera une qualité supérieure, grâce à une chaleur suffisante et équilibrée tout au long de l'année, avec assez d'eau mais point trop : la plante a pu fournir un effort soutenu et constant dans sa végétation, rassemblant ainsi à sa manière toutes les vertus implicitement contenues dans le sol et dans le climat, et s'épanouissant dans cet équilibre vivant qu'on appelle le vin.

Il y a ainsi dans nos vies comme dans celles des plantes un élément d'imprévu qui fait que toute réussite comporte une part de miracle et doit quelque chose à la Providence afin de nous inciter à la reconnaissance plutôt qu'à la revendication.

Il est encore un trait qui distingue les communautés naturelles comme la famille ou la nation d'autres sociétés comme la commune politique ou les sociétés de droit civil. Nation et famille ont un caractère de totalité La commune a bien un fondement naturel durable, mais, surtout actuellement, on peut la quitter ou venir y habiter sans entrave. C'est une société partielle qui ne touche pas l'homme dans son être profond. Les sociétés de droit civil comme les sociétés de gymnastique, de chant ou de contemporains n'intéressent la personne que sous un rapport limité. Ces communautés sont accidentelles en ce sens que chacun de nous peut vivre sans en faire partie, alors qu'aucun être humain n'existe sans appartenir ou avoir appartenu à une famille ou à une nation, ou à un clan.

Afin qu'on ne nous accuse pas d'être exclusif, il nous faut encore esquisser l'aspect d'une communauté qui peut relier les humains par-dessus les frontières familiales et nationales et aussi par-dessus les siècles. En écoutant un concerto de Bach ou un opéra de Mozart, nous communions avec d'autres hommes, à travers l'espace et le temps, parce qu'ils ont exprimé dans leurs œuvres ce qu'il y a de vrai et de permanent dans la nature humaine, je trouve que cette communion est encore plus vive et plus profonde dans le domaine de la littérature, de la sculpture et de le peinture.

Il y a des sculpteurs de l'antiquité grecque , du Moyen âge ou de la Renaissance qui vous arrachent des larmes de joie, ou lorsque je contemple, par exemple, le tableau de Rembrandt (à Leningradl si bien que je n'ai vu que la reproduction sur le retour de l'Enfant prodigue, je suis ému au plus profond de moi-même. Je ne vois pas les yeux du père ni ceux du fils, mais ce profil penché nous révèle l'émotion du père et cette main aux doigts doucement écartés sur le dos de son fils effondré mais déjà heureux, semble trembler de charité et d'amour. Comment une seule main peut-elle susciter une telle évocation ?C'est l'art du peintre qui transfigure le réel, et par la beauté, permet l'appréhension directe de la vérité par nos sens.

Dans la même perspective, les tragédies de Racine nous font participer à la violence des passions humaines, et celles de Sophocle nous étreignent comme s'il s'agissait de nous parce que l'auteur y exprime la souffrance de l'homme de tous les temps et d'une manière d'autant plus poignante que nous y découvrons des trous que la Révélation chrétienne est venue combler; mais le génie de Sophocle les a laissés béants afin de respecter la vérité, une vérité qui était comme un appel de l'homme à la vérité de Dieu.

Nous accédons ainsi, grâce à la civilisation, aux civilisations humaines, à une communion avec les hommes de toutes les époques et de tous les pays, par dessus les obstacles du temps et de l'espace, non pas en brisant les barrières, comme certains nous y invitent, mais en les surmontant dans une véritable communauté d'esprit.

Ici comme ailleurs, la communauté ne rejette rien de ce qui est bon,elle ne méprise rien, elle réunit, elle rassemble en vue du bien commun où chacun vient se nourrir et se désaltérer.

Pour achever ce tableau, il me faudrait parler des communautés spirituelles qui participent, elles, à une communauté surnaturelle. Mais je ne suis pas théologien. Les communautés spirituelles, me semble-t-il, impliquent des conditions plus exigeantes que les communautés naturelles, si elles veulent être fidèles à la vérité. Mais les mêmes causes y engendrent les mêmes effets que dans les communautés temporelles, tant il est vrai que Dieu a répandu dans toute sa Création une vérité unique.

Alphonse MOREL

Conférence prononcée le 19 novembre 1978, lors du 8ème Congrès de Office Suisse de formation et d'action civique selon le droit naturel et chrétien.