FORCES SUBVERSIVES

"La Royaume des Cieux peut se comparer à un homme qui avait semé du bon grain dans son champ. Mais pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie au milieu du blé, et s'en alla.

Le Seigneur Lui-même a donné l'interprétation de cette parabole, les tiges, ce sont des personnes : sujets du Royaume ou sujets du Mauvais ; c'est Jésus-Christ qui sème le bon grain, et c'est Satan qui sème l'ivraie. La moisson, c'est le Jugement dernier, alors seulement l'ivraie sera socialement démêlée du bon grain. On peut logiquement dire encore que les tiges de blé représentent l'ordre établi par Dieu, c'est-à-dire l'ordre social qui découle de l'Évangile, qui est explicité par l'Église, pour être mise en œuvre par le laïcat chrétien. Les tiges d'ivraie, c'est la Subversion ou Révolution : c'est la haine de l'ordre établi par Dieu au profit de l'ordre voulu par l'homme en dehors de Dieu, ordre ou plutôt désordre explicité par une Contre-Eglise multiforme. Dès lors, les tiges de blé constituent le réseau des forces "conversives" ou forces de vie, tandis que les tiges d'ivraie constituent un réseau antagoniste de forces subversives ou révolutionnaires. Dans le champ du monde, ces forces sont entremêlées partout, à l'est comme à l'ouest, à l'intérieur de chaque homme même

Je vous propose d'abord un panorama de l'état actuel de la Subversion dans le monde, étoffé par quelques faits ; je vous propose ensuite de référer ces forces subversives à la Rédemption, à la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, afin d'obtenir un certain éclairage ; enfin, l'analyse de leur mode d'action actuel pourra nous mettre sur la voie de la réponse victorieuse : au cercle subversif, moteur de la Révolution répond le cercle conversif, moteur de la Rédemption, au sens du laïcat chrétien opérant dans le domaine qui lui est propre.

I-RÉALITÉ DE LA SUBVERSION

Distinguons la Subversion au pouvoir sous forme marxiste-léniniste, et la Subversion occulte, qui conduit un travail de sape là où elle n'est pas au pouvoir sous cette forme.

a) La Subversion au pouvoir

Extérieurement, je veux dire pour la presse en général, et surtout pour les touristes, les résultats sont impressionnants les avions, le métro, les constructions, les fusées, les satellites, les grands cortèges, les drapeaux, les sourires, les embrassades, que de merveilles ... On promène les touristes dans les églises, que de splendeurs Le voyageur est informé d'une telle façon qu'il s'émerveille sans pouvoir se poser trop de questions.

Essayons d'y regarder d'un peu plus près, et justement la question des églises et des chrétiens. Le communisme devrait se renier soi-même pour renoncer à l'athéisme militant persécuteur des chrétiens. Les récits de témoins indiscutables sont concordants : en règle générale, les directions des églises visibles sont entièrement sous le contrôle des autorités communistes ; il y a de rares exceptions dont l'admirable cardinal Wysinski et ses évêques.

Le président adjoint d'une grande église évangélique de l'Est déclare : "Les chrétiens évangéliques de notre église ainsi que tous les autres chrétiens de l'Union soviétique sont reconnaissants et louent Dieu de ce que le gouvernement soviétique des 40 dernières années ait agi conformément aux grands idéaux précieux pour la Chrétienté, car ce sont aussi les idéaux inhérents à l'Évangile."

D'après cela, ce gouvernement a agi conformément à l'Évangile en faisant massacrer sous Staline des dizaines de millions de gens innocents, en annexant les pays baltes, etc. L'Église orthodoxe visible elle-même est dans la situation décrite. Ses églises sont fermées les unes après les autres. Sous KROUTCHEV, 10 000 églises ont été fermées, en général contre la volonté des fidèles, et cela continue : on a passé de 22'000 églises en 1956 à 7'000 en 1969. On peut dire que ce qui reste d'église visible n'est qu'une mince façade destinée à illusionner le reste du monde.

Pour notre salut, il y a aussi une Église souterraine, une Église des catacombes, dont la splendeur est impossible à décrire ; elle subit une persécution dont l'horreur et la perversité dépassent de loin celles des trois premiers siècles. Les documents sont nombreux et formels ; ils sont bien sûr contestés par des personnalités très officielles. Je peux citer ici trois témoins : le R.P. Werenfried van Straaten, dans son Bulletin d'aide à l'Église en détresse raconte avec un courage admirable nombre de faits poignants ; le R.P. Zavatta, décrit dans un petit livre : "12 ans dans le paradis soviétique" ; je l'ai vu, et j'ai entendu son témoignage il y a quelques années à Lausanne.

Mais le témoin le plus éloquent est le pasteur luthérien Richard Wurmbrand, qui a passé 14 années dans les prisons roumaines et qui, le 11 juin 1970 s'est fait entendre à Lausanne par 3'000 personnes. Il y a dans le monde occidental des docteurs ès sciences marxistes, des soviétologues ; ils connaissent les écrits de Marx, de Lénine, de Staline, de Mao,.,; mais leur livre principal, c'est leurs écrits, sur lequel sont présentées les tortures subies au nom de la foi.

À Philadelphie, aux U.S.A., un pasteur presbytérien présidait une réunion publique contre la guerre au Vietnam ; il se mit soudain à louer le communisme ; alors Richard Wurmbrand monta à sa place dans la chaire et lui dit : "Comment osez-vous louer le communisme ? Les communistes torturent les chrétiens". Qu'en savez-vous du communisme, lui répliqua-t-on. Wurmbrand répondit : "Je suis docteur en communisme, et je vais vous montrer mon diplôme de docteur" ; il se dévêtit jusqu'à la ceinture, et montra les dix-huit marques qu'il portait sur son corps. À noter que R. Wurmbrand vit miraculeusement avec quatre vertèbres brisées lors de mauvais traitements subis pour le Christ.

Je cite Wurmbrand : ..."en prison, les communistes avaient crucifié un chat devant nous. Ils enfoncèrent des clous dans ses pattes, et le chat pendant la tête en bas. Vous imaginez les hurlements du chat et les prisonniers fous d'horreur frappant à la porte : "Lâchez le chat, lâchez le chat, Les communistes très polis de rétorquer : "Bien entendu, nous lâcherons le chat, mais faites d'abord les déclarations requises". Et j'ai connu des hommes qui ont déposé contre leurs femmes, contre leurs enfants, contre leurs parents, pour sauver le chat. Ils furent poussés par la folie, et cependant leurs parents et leurs femmes furent torturés comme le chat."

Un dimanche matin, un prêtre catholique fut attaché par la ceinture dans la saleté d'une cellule avec cent prisonniers ; on lui donna une assiette avec des excréments, une autre avec de l'urine. Il fut contraint de célébrer la Sainte Messe en se servant de ces excréments, et il le fit. On lui demanda plus tard : "Comment avez-vous pu faire cela ? Il était à demi-fou. Il répondit : "J'ai souffert plus que le Christ, ne me reprochez pas ce que j'ai fait." D'autres prisonniers furent forcés à coups de bâton de communier sous cette forme, et les communistes autour d'eux de railler : "Regardez vos sacrements, regardez votre église, comme elle est sainte, votre église, quelle belle église vous avez, quelle sainte cérémonie Dieu vous a octroyée".

"Dans le "Doshkol-noye Vospitanye" de mars 1966, on lit que la police secrète a pénétré dans une maison et a saisi quatre enfants qui se trouvaient dans l'attitude de la prière. Les enfants seront enlevés à leur mère."

Les tortures physiques, mentales et morales atteignent un degré inimaginable ; sans la présence infernale, on ne pourrait guère s'expliquer la méchanceté glacée avec laquelle est abattue la famille, l'habileté effrayante qui pourrit les consciences, pervertit les actions humaines ; elle seule éclaire le chef-d'œuvre par excellence que produit la rééducation communiste la sensation de liberté dans les chaînes. Et cette mystification réussit : en Chine, à l'heure actuelle, des millions d'esclaves se croient maîtres de leur destin !

Mais l'Église clandestine vit, sa beauté est indescriptible ; la sainteté y fleurit, radieuse, comme aux premiers siècles. En Russie et en Chine, il n'y a plus de chrétiens purement nominaux, tièdes et somnolents ; le prix à payer y est beaucoup trop élevé. Il faut se rappeler que les persécutions ont toujours produit des chrétiens meilleurs, des chrétiens qui n'ont pas peur de témoigner, des conquérants d'âmes, qui sortent de la fournaise purifiés et trempés.

Ce qui vient d'être dit n'est qu'une approche d'un problème gigantesque. Les considérations politiques et économiques entre pays divers ne doivent jamais perdre de vue quelle sorte d'interlocuteur se tient en face. Il est certain que dans un pays sous régime marxiste-léniniste, la nature humaine tend petit à petit à reprendre ses droits, et les violences à s'atténuer en apparence. Mais tant que l'athéisme fondamental n'est pas explicitement et pratiquement récusé, le régime reste intrinsèquement pervers. Ce sera encore longtemps le cas, à vues humaines.

 

 

b) La Subversion occulte

Dans tout pays non sous régime marxiste-léniniste, la subversion existe aussi, active à des degrés divers, plus ou moins masquée, influençant plus ou moins le pouvoir. Son action est essentiellement corruptrice. Distinguons la corruption des mœurs, de l'intelligence et de la nature .

1) Corruption des mœurs

Elle a existé de tout temps, mais elle prend aujourd'hui un caractère organisé et social.

Dans l'emploi de la drogue par exemple, il est avéré que plus d'un quart de la jeunesse de nombreux lycées et collèges s'adonne à ces substances. on cite le cas d'un institut en Suisse duquel un professeur et neuf élèves, drogués, durent être déplacés ; ils voulaient crucifier un autre élève. Th. Leary, responsable du suicide de centaines de jeunes est encensé par une Feuille d'Avis comme un nouveau Socrate.

Dans le domaine du sexe, ne pouvait-on pas voir à Genève, assez récemment un théâtre tristement célèbre par la pratique sur scène de l'acte sexuel et de la masturbation. Un religieux en Belgique n'a-t-il pas "béni" l'union d'un couple d'homosexuels ? La pornographie s'est mise à "fleurir" au cinéma.

La télévision fait l'apologie de la violence dans de nombreux films, et accentue toutes les informations qui font le jeu de la Révolution.

L'autorité démissionne bien souvent ; dans un lycée, à Paris, un proviseur a été bel et bien rossé par des énergumènes, sans réaction valable du pouvoir concerné. Mai 1968 est encore dans toutes les mémoires. La guérilla urbaine se développe en Amérique latine ; dans les villes européennes, elle se prépare. La veulerie des responsables est souvent écœurante ; beaucoup espèrent passivement une sorte de miracle, ou s'attendent cyniquement à la pire des calamités,

Ceux qui réagissent sont relativement rares. Le gouvernement français a interdit le petit livre rouge, cette arme de suicide collectif, que tolèrent d'autres gouvernements. Il y a trois ans, lors des agitations à l'université de langue chinoise à Nanyang (Singapore), le premier ministre Lee Kuan Yew y envoya des soldats et fit arrêter et expulser une centaine d'étudiants. Jamais plus on n'entendit parler à Nanyang de manifestations estudiantines, bien que de temps en temps, des professeurs américains en visite officielle déballent leur marchandise empoisonnée incitant les étudiants à se sentir les égaux des professeurs, à établir la démocratie et la participation (subversive).

2) Corruption de l'intelligence

Le bon sens affirme avec raison qu'un homme est fou quand il ne distingue pas la réalité des produits de son imagination. À ce point de vue, beaucoup de philosophes modernes sont atteints de cette maladie, car, délibérément, ils déclarent que leur intelligence n'atteint plus la réalité : elle n'atteint qu'elle-même. Le résultat est qu'ils finissent par faire imposer aux hommes les produits contestables de leur imagination coupée du réel.

Un exemple assez connu, qui empoisonne toute la pédagogie, est celui de Rousseau, qui déclare : "L'homme est bon". Les pédagogues modernes font alors de l'enfant un petit roi supérieur à ses maîtres, capable d'autonomie dès le plus jeune âge ; le résultat ? déboussolement de l'adolescence, délinquance et déliquescence juvéniles, en pleine croissance. Jean Cau a des paroles terribles contre Rousseau : "C'est un schizophrène, un paranoïaque, c'est un malade mental".

Marx, autre prophète de la Subversion, continue à séduire les intelligences occidentales par son matérialisme dialectique ; ce dernier tend à prolétariser l'homme en lui enlevant dans l'ordre économique toute propriété, tout moyen de production personnel. Mao tse toung va beaucoup plus loin : toute la culture, tout l'acquis culturel des générations, toute la pensée et l'art du passé, tout l'héritage humain dans l'ordre intellectuel, la mémoire même de l'humanité doivent être détruites. C'est ainsi que cinquante millions de gardes rouges ont été lancés à l'assaut du passé, ont brûlé les bibliothèques, effacé les noms des rues,.. Il s'agit pour Mao d'anéantir le passé et de modeler sur sa seule pensée l'homme nouveau, le prolétaire intégral ; c'est jusqu'à quatre heures par jour dans certaines usines qu'on étudie cette pensée de Mao.

Dans l'esprit et dans la volonté des révolutionnaires, cette conception doit s'étendre au monde entier, à l'Europe en particulier : C'est la Révolution culturelle. Quelle arme merveilleuse pour abattre le vieux continent, surchargé de splendeurs culturelles précisément. La clé de voûte de notre culture occidentale étant le latin, la subversion va s'efforcer de le rayer des programmes, avec le concours efficace si possible de milieux ecclésiastiques. Il faut ensuite désorganiser nos langues occidentales, le français en particulier, en supprimant tout exercice à base d'effort : la dictée, l'analyse grammaticale, l'analyse logique, l'explication de texte, la dissertation,... Le professeur Majore dit : "On entend couper de leurs racines les nouvelles générations, en les privant de toute référence linguistique, intellectuelle, artistique ou morale, de façon à les livrer à toutes les manipulations par la voie des slogans et de l'intoxication.

La corruption de l'intelligence la plus redoutable, la voici maintenant : elle consiste à déclarer que l'ivraie c'est le bon grain ; que la Révolution, c'est l'Évangile ; que la seule solution aux problèmes sociaux, d'Amérique latine en particulier, c'est la pratique révolutionnaire marxiste-léniniste, l'Église devenant le fer de lance de la Révolution. Certain évêque candidat au prix Nobel de la paix galope dans ce sens.

3) Corruption de la nature

La science moderne, fruit de la civilisation chrétienne de l'Europe s'est évadée de la maison du Père, avec Galilée et Descartes, et se trouve en mains d'apprentis sorciers qui ne sont plus maîtres des forces qu'ils déclenchent. En conséquence, nous obtenons la dégradation du milieu naturel, la pollution des eaux et de l'atmosphère. Il est même possible que le processus irréversible de destruction de la vie sur le globe soit déjà engagé.

La revue Permanence de mai 1971 cite le Commandant Cousteau "En vingt ans, la vie a diminué de 40% dans les océans. En cinquante ans, plus de mille espèces ont été détruites ; même le corail est en voie de disparition. Les océans risquent de mourir, et avec eux l'espèce humaine,

Ainsi, dans le champ du monde, l'ivraie occupe de larges secteurs. La moisson serait-elle proche ? Beaucoup de personnes admettent le caractère apocalyptique des événements actuels. Les prophéties énoncées par la Vierge à Fatima en 1917 s'accomplissent : la Russie (et la Chine) répandent leurs erreurs dans le monde, Puisse Dieu nous préserver des missiles capables de tout faire périr dans une mer de flammes.

 

II. LES FORCES SUBVERSIVES RERÉRÉES A LA RÉDEMPTION

Rien de plus débilitant que de se vautrer dans les horreurs ; gémir sur la subversion ne sert à rien. La référence à la Rédemption est la seule possibilité pour un chrétien de traverser victorieusement ces misères ; la Croix est un repère qui permet de situer et de dominer tous les événements de ce monde de péché. La Messe, substantiellement identique au Sacrifice de la Croix, nous l'actualise.

Jadis, le Seigneur a englouti le péché dans sa mort, mais il nous a invité à participer à l'opération "le disciple n'est pas au-dessus de son maître". St Paul ajoute "je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Église" (Col, 24). Il est clair que l'assaut subversif nous invite à entrer dans le mystère de la Passion, actuellement, ici, de façon personnelle et volontaire ; bientôt peut- être ce sera même en Suisse comme sous d'autres cieux, de façon collective et obligatoire. Soyons prêts. En effet, la subversion, on l'a vu, c'est la Révolution, cette haine de l'ordre établi par Dieu ; elle tend avec force et avec ruse à faire sauter toutes les structures qui canalisent les efforts des hommes vers la vie éternelle. Prenons garde, on veut faire sauter tous les siècles marqués du sceau chrétien ; on veut annihilier la nature humaine - par la révolution culturelle en nous plongeant dit Pie XI dans une barbarie pire que toutes celles qui ont paru. La Révolution a échoué partout, mais elle continue à séduire, à tromper, sous des formes innombrables.

Contemplons le Seigneur au Jardin des Oliviers ; le cercle ennemi travaille dans l'ombre, tandis que le cercle apostolique dort, sauf Judas. On a dit que la force des méchants provient largement de la lâcheté des bons. On n'aurait rien pu faire contre Jésus semble-t-il sans un traître parmi ses proches. Aujourd'hui, y a-t-il des traîtres dans le peuple de Dieu ? Notons les intentions avouées de l'ennemi :

"Ils (les membres d'un parti révolutionnaire) doivent prendre l'initiative dans toutes les activités, pénétrer toutes les institutions de l'Église, gagner la sympathie des fidèles, et de cette façon, ils seront capables de s'insérer dans la direction de l'Église elle-même" :

L'Église hongroise est devenue la servante de l'État communiste. Elle est dirigée par des commissaires et des inspecteurs du gouvernement, nommés par le Ministère de l'Instruction publique, et qui sont pratiquement membres de la police secrète. La sainte Eglise est devenue l'esclave et la marionnette des athées et la servante du démon.

Il vaut mieux que l'Église vive dans les catacombes et sans évêques reconnus.

Contemplons le Christ en cette heure amère où il voit tout cela, tous les Judas de l'histoire, qui vendent leur Maître, et avec une troupe armée s'approchent. À l'arrestation, Jésus reste le maître : "Qui cherche-vous ? Si un jour, il nous arrive d'être arrêtés, saurons-nous comme Richard Wurmbrand en 1947 manifester la joie de celui à qui le Seigneur dit : "N'ayez pas peur", à la stupeur des policiers. On observe dans les récits des témoins du Christ sous l'oppression communiste que l'attitude offensive - la foi offensive - est la meilleure tactique. Il s'agit de cette foi qui déclenche l'ondée mystérieuse de la grâce, et qui est capable d'ouvrir des cœurs endurcis, subjugués soudain par l'amour.

Chaque fois que les rouges se sont trouvés face à des chrétiens vrais, donnés à Dieu et aux hommes pour l'amour de Dieu, l'effet a été constant : les communistes se sentent faibles, impuissants, en état d'infériorité. A juste titre. Ils voient trop bien l'extraordinaire mentalité de vainqueurs qui anime tant de catholiques, l'énorme sérénité et joie qui est leur en pleine tempête. Certes, ces chrétiens tremblent, ils ont peur. Mais cette peur porte uniquement sur leur faiblesse, ils craignent d'être infidèles à la grâce. Et c'est pour cela qu'ils implorent la prière de l'Église libre. Mais ils savent que fermes dans leur don total à Dieu ils seront vainqueurs ; ils savent qu'ils ont déjà vaincu. P. Dufay, Etoile contre la Croix, p. 200-201.

Le cercle subversif a bien travaillé ; voici Jésus devant un Sanhédrin nocturne convoqué à la hâte, savamment noyauté où les hommes de bonne volonté sont manipulés et succombent au respect humain. Comment donc en arriver à la condamnation de cet innocent ; comment en arriver à évacuer ce témoin gênant du surnaturel, ce prétendu Messie non conforme à nos intérêts ? C'est maintenant que se constitue la tactique appliquée invariablement dès lors, et c'est maintenant aussi que Jésus pratique la seule attitude possible. Il reste ferme : "C'est au grand jour que j'ai parlé au monde ;,,,; je n'ai rien dit en cachette". Devant Lui déferlent les faux témoins, les accusations contradictoires ; Il se tait. Mais, pour l'essentiel, Il parle ; Il fait même parler son juge : "Je t'adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu" et Jésus répond : "Tu l'as dit". Alors le cercle subversif se déchaîne, et de proche en proche va faire tomber tous les obstacles à la crucifixion de cet homme intolérable.

Les jugements populaires en Chine contre des prêtres ou des religieux retentissent comme un écho dramatique du jugement de Jésus par la foule de Jérusalem. Notons que le cercle apostolique a triste mine, surtout Pierre, avec son triple reniement ; où sont les autres ? Il y a Jean, qui a ses entrées chez le grand prêtre. Pourquoi pas ? En URSS, s'il y a des prêtres et des évêques inféodés au régime, il y a aussi des fidèles comme tels jusque dans la police secrète. Soyons présents partout, avec fermeté, souplesse et discrétion, simples comme des colombes et prudents comme des serpents.

Comment le cercle ennemi va-t-îl retourner Pilate, pour lui faire accepter et endosser la crucifixion du gêneur ? - crucifié sous Ponce Pilate - Par le travail de l'opinion…. par la manipulation de la foule essentiellement, et aussi par l'opinion présumée de la cour de Rome. Pilate, manifestement, est surpris par la requête des pharisiens : "Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? Réponse : "Si ce n'était un malfaiteur, nous te l'aurions pas livré" Jésus est étiqueté malfaiteur, agitateur, blasphémateur, fou ; c'est un fasciste, un SS, un OAS,-un impérialiste, dit-on aujourd'hui.

La foule en arrive au paroxysme du déchaînement de la haine, toujours actionnée et encadrée, et Pilate commence à craindre pour sa place de procurateur. Il a commis l'erreur des erreurs pour un chef : discuter avec une foule noyautée ; nous trouvons là un exemple assez remarquable de codécision. La crucifixion a été codécidée entre la foule et Pilate. Ce dernier n'a pas exercé le pouvoir dont il était revêtu ; il n'a pas parlé à la foule avec autorité. Jésus-Christ, lui, enseignait la foule, cas échéant avec autorité ; même comme doux serviteur, bon pasteur, il s'affirmait avec force pour protéger ses brebis et pour confondre les retors. Le voici livré au bon plaisir des grands prêtres, des chefs et du peuple (Lc.23,13) qui vocifèrent tous ensemble : "A mort, crucifie".

Au sommet du Calvaire, les deux cercles sont là. Notons que le peuple qui avait vociféré, maintenant regarde. Les grands prêtres avec les scribes et les chefs se moquent, en usant d'une ironie sarcastique contre l'infâme qui pend au bois. Écrasez l'infâme disait et écrivait Voltaire, ce modèle proposé à notre jeunesse. Les passants l'injurient, et les soldats ajoutent le vinaigre.

Voilà accompli le travail du cercle de ténèbres peut-on croire. Et Jésus, du haut de la croix demande qu'ils soient tous pardonnés. Aujourd'hui, demandons encore que la puissance de la Miséricorde divine surpasse celle du péché des persécuteurs.

Je cite G. Palmer : le maquis de Dieu en Asie (Ed. du Rocher) p. 252 : "Le P. Robert Juigner, des Missions étrangères de Paris, qui avait été déjà déporté à Dachau par les Allemands, fut emprisonné à Kouei-yang dans une cellule avec quatre-vingts autres détenus et y passa soixante jours, les mains liées nuit et jour. Les prisonniers dormaient en s'adossant les uns contre les autres dans le froid glacial de l'hiver, avec une couverture pleine de vermine pour quatre. Le Père parvint néanmoins, en se piquant le doigt avec une épingle, à écrire sur la ceinture de son pantalon de toile une poésie qu'il destinait à sa mère. (Il réussit à la faire passer dans son linge à laver) : merci de ce jour d'existence qui s'ouvre pour moi ce matin, Merci pour toutes les souffrances Que je recevrai de ta main. - Qu'avec toi je monte au Calvaire, Qu'avec toi s'expient sur la Croix Toutes les fautes de la terre Et tous les péchés envers toi. Pour mes bourreaux, comme au Calvaire, De Ton Père obtiens le pardon, Répète lui par la prière Qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Je t'offre ma vie pour la Chine ; Puisse mon sang, uni au Tien obtenir la grâce divine, Pour en faire un peuple chrétien. Septembre 1951

Le Père fut relâché et expulsé après trois mois de ce régime ; il déclara que c'était pire qu'à Dachau.

Mais la Rédemption s'opère, le bon larron se convertit, le centurion rend gloire à Dieu, les foules s'en retournent en se frappant la poitrine. Le torrent des grâces s'écoule du cœur transpercé ; Marie devient Mère de l'Église et va habiter chez l'apôtre qui avec elle n'a pas fui la Croix.

Ce qui se passe dès lors et du plus haut intérêt pour nous. Le cercle ennemi reste pleinement actif, dans l'ombre. Les hommes droits s'affirment. Jésus ressuscité se manifeste à ses amis ; il les instruit dans l'intimité. Quelques personnes rassemblées en son Nom, et Il est là, toutes portes closes, pour les édifier. C'est la naissance du cercle de vie : le cercle apostolique éminemment, la fraction du pain, les réunions de prière, la Messe. Le cercle moteur du christianisme est créé. C'est même un cercle trinitaire dès la Pentecôte. Placé dans le torrent des grâces génératrices du Père, exprimées en perfection dans la Personne du Verbe, ce cercle manifeste l'Amour subsistant du Père et du Fils dans la Personne de l'Esprit Saint qui se propage pour habiter dans les cœurs. C'est une retraite de dix jours qui a rendu possible cette effusion, de l'Ascension à la Pentecôte. De telles retraites sont semblablement possibles aujourd'hui.

III. CERCLES DE MORT ET CERCLES DE VIE

La Rédemption est le sommet de l'histoire ; elle contient en germe nos temps modernes. Pourquoi est-ce que la subversion se répand aujourd'huî avec une telle rapidité ? Comment est-ce que, sous couleur de bien le plus souvent, le mal peut s'insinuer et proliférer ; par exemple, on réussit à faire considérer l'avortement comme un bien. La réponse est donnée par l'existence des cercles subversifs, dont le comportement est préfiguré par le cercle ennemi de tout à l'heure.

Un cercle étant donné, formé d'hommes, a toujours quelque chose de bon ; néanmoins, il faut discerner et définir les cercles, qui par leur constitution, leur orientation et leur fonctionnement, sont subversifs, jouent le rôle de l'ivraie, empêchent la maturation du blé en perturbant et en pourrissant les sociétés (attiédies). De même, il nous faut discerner, définir et promouvoir les cercles qui, par vocation, sont "conversifs". Nous sommes parvenus au cœur de l'exposé, à l'instant moteur par excellence, offert à la Sainte Trinité dans la Messe de tout à l'heure.

a) Les cercles de mort

L'ivraie a été semée pendant le sommeil des serviteurs Une condition essentielle de la prolifération des cercles de mort est la tiédeur et la lâcheté de "bons". Souvenons-nous du Jardin des Oliviers, du cercle de ténèbres actif, et du cercle apostolique affalé et bientôt dispersé.

Pour essayer de voir clair dans l'approche des cercles subversifs, on peut discerner trois caractères :

Principe de la table rase : Un tel cercle se veut neutre : toutes les opinions s'y valent. Ne parlez pas de Dieu, s'il vous plaît ; la religion (catholique) c'est connu produit les guerres de religion, l'Inquisition, l'affaire Galilée, la Saint-Barthélemy, etc. : vite, on agite les épouvantails. Je ne parle pas bien sûr d'un cercle de boules ferrées, où la boule est reine… Non, il s'agit de cercles où, d'une manière ou d'une autre, on discute d'idées ; ces cercles sont plus ou moins étendus, plus ou moins officiels, pas forcément subversifs. Prenons toujours garde lorsqu'il y a volonté de maintenir la table rase. Dans les cercles subversifs, l'opération visée est le lavage de cerveau, qui permet d'évacuer tous vestiges d'une structure provenant de la splendeur de l'être, de la splendeur de Dieu. L'homme se voulant à la place de Dieu, fait table rase et veut trouver au fond de lui-même sa propre cause.

Dès lors, toute vérité est liquéfiée, toute finalité est abolie ; tout est revisable ; toutes les religions se valent. Les rituels érotiques, les sacrifices humains aztèques, le culte vaudou, la messe, n'ont pas à être discernés. Pour échapper à la police, des hippies font même avaler par l'opinion que l'injection de drogues interdites relève d'un acte religieux. Rien de plus affreux qu'un dogme : la foi est en avant disent certains, il faut l'inventer, Le passé meurt à chaque instant : maintenant commence notre liberté.

À notre principe se rattache aussi la loi du silence ; par exemple dans les pays sous drapeau rouge, il existe une église souterraine, et des chrétiens durement persécutés ; à l'ouest, on passe cela sous silence dans la majeure partie de la presse et dans tous les documents officiels. Cette église est réduite au silence : c'est l'Église du Silence.

 

Êtes-vous dans un cercle où le nom de Dieu est proscrit ? Demandez-vous alors si l'on n'y suit pas le principe de Lénine : "Des millions d'ordures, de souillures, de violences, de contagions sont bien moins redoutables que la plus subtile, la plus invisible idée de Dieu".

Principe du noyautage : Tout cercle subversif est noyauté, ce qui souvent n'est pas très facile à discerner. Que faut-il comprendre par là ? Le lavage préalable étant effectué, les deux, trois, quatre, meneurs indiscernables vont pouvoir tirer les ficelles de ce pantin qu'est devenu le groupe. C'est parti : le groupe est manipulé, et il est extrêmement rare qu'un membre s'en rende compte.

Jean Madiran a montré, d'après la Constitution soviétique elle-même (article 126), que ce mode clandestin de direction régit absolument toutes les associations (permises). Ne peuvent exister que des organismes pourvus d'un noyau dirigeant émanant du parti. Les paroisses reconnues par exemple, sont obligatoirement menées par une vingtaine de personnes, dont certains émissaires du parti ; le rôle de ces derniers est de faire procéder à la destruction de leur église par les croyants eux-mêmes - un parti communiste ne collabore avec une institution religieuse que si celle-ci accepte de procéder elle-même à sa destruction -. Des réunions de prière, discrètes oh combien, mais non noyautées, entraînent pour les responsables jusqu'à trois ans de prison.

Le noyautage produit l'intrusion dans la société d'une hiérarchie parallèle. Les organes de subordination normaux sont vidés de leur signification par le noyautage, qui introduit des décisions prises ailleurs. Les comités, commissions, sont manipulés, en ce sens que les décisions importantes sont en réalité prises dans des cercles discrets fonctionnant dans les coulisses. Beaucoup d'assemblées, de cercles, de réunions obéissent aux règles de la table rase et du noyautage, (les sociétés secrètes notamment). Il arrive que le noyau soit purement et simplement un groupe de pression.

Reprenons notre cercle : le rôle des meneurs est de faire parler tout le monde, en appuyant insensiblement sur les éléments qui vont dans le sens préparé, selon l'opinion que le cercle à la fin de la ou des réunions doit avoir sur le sujet déterminé. Si c'est nécessaire on joue sur les pulsions ; on peut aussi prolonger la séance pour faire adopter par lassitude ce qui est prévu. Les irréductibles sont neutralisés si possible par quelques arguments qui jouent sur les épouvantails. Une très bonne connaissance de cette tactique permet parfois de la contrer, par un contre-noyautage soigneusement préparé ; c'est arrivé dans certains amphithéâtres en mai 1968.

Un pas de plus dans l'analyse des cercles subversifs révèle le troisième caractère : le principe dialectique : agir contre, ou : frapper sur la plaie.

En bref : trouver quelque injustice, difficulté ou contradiction, la faire crier, et se servir de cela de manière à promouvoir un mal pire, sous couleur de bien si possible. Il s'agit chaque fois d'abattre une catégorie sociale déterminée. Le cercle subversif use de ce principe dialectique pour se mettre au service d'une certaine stratégie.

Il y a par exemple surpopulation dans certaines régions du globe ; au lieu de cultiver davantage cette terre qui peut nourrir jusqu'à 90 milliards d'habitants, au lieu de christianiser, d'éduquer à la pureté non : on propage l'érotisme, ce qui est un comble, ou bien on généralise l'avortement et la contraception. La difficulté causée par la surpopulation sert ainsi de prétexte à l'avilissement de populations entières, sous couleur de libération de la femme par dessus le marché : ce qui est visé réellement, c'est la corruption de cette dernière. Abominable initiative en Suisse : on veut décriminaliser l'avortement ; la loi même assassinerait.

On connaît assez bien le processus de destruction de l'Église de Chine par le moyen du cercle d'étude : deux à trois fois par semaine, parfois tous les jours, les chrétiens étudient, sous la présidence si possible d'un ecclésiastique progressiste, et sous la direction effective d'un noyau d'agents politiques. On relève la difficulté causée par certains manquements d'un chrétien, d'un prêtre, d'un évêque ; on insinue, puis on accuse, on brouille les idées, on sape la confiance dans les chefs religieux ; on accuse l'Église, que bien sûr on veut purifier, en érigeant une nouvelle église soigneusement noyautée. Il est arrivé même que c'est dans leur propre temple que les fidèles devaient cracher sur leur Église. Par le moyen du cercle d'étude, les âmes se sont trouvées dégradées, et l'Église s'est écroulée dans la boue et la puanteur. Que de beaux chrétiens sont devenus de misérables larves, parce que leur foi était en surface, et leur esprit mou, Il faut aborder les communistes seulement si on a décidé intérieurement de les convertir, en étant capable de leur faire voir la splendeur de l'ordre social chrétien.

Le principe dialectique montre à l'évidence son caractère satanique par le fait qu'il veut procéder au renversement délibéré de toutes les valeurs chrétiennes. Le moteur de la subversion, c'est l'inversion, la négation des commandements, des préceptes et conseils divins. Regardez bien, et dites-moi si l'on n'a pas bien des caractéristiques de la vie moderne en prenant le contre-pied des dix commandements, et des vœux de religion par exemple.

Arrêtons-nous un instant sur l'essence de la subversion, que nous trouvons maintenant sur notre chemin. Le comble du renversement est atteint par la dialectique marxiste-léniniste, en tant que renversement de la vie trinitaire, d'après une analyse due à Marcel Clément :

La classe exploitante : la thèse, assure le progrès de l'économie, embauche et nourrit les prolétaires, les exploite et accapare le produit de leur travail. Cette classe exploitante engendre et détruit. La classe exploitée : l'antithèse, prend conscience de son destin, de la force qu'elle représente, et entre en conflit avec la classe exploitante, Elle se révolte, jouant le rôle d'antithèse, d'opposîtion, qui se retourne contre la thèse.

De la lutte de ces classes résulte une nouvelle organisation des forces productrices, "synthèse" du conflit précédent, mais thèse de l'évolution à venir,

Retenons cette classe exploitante, engendre et opprime cette classe exploitée, qui, elle entre en conflit avec celle qui l'a engendrée pour la détruire par la lutte des classes. En bref : la classe exploitante : haine proférée ; classe exploitée : haine subie ; et la lutte des classes : haine échangée. Ainsi, la haine est le moteur du marxisme et du communisme, justement déclaré intrinsèquement pervers par Pie XI.

Cette haine atteint des profondeurs atroces. R. Wurmbrand dit ceci : "Je tremble à la pensée de ce que souffrent les persécutés dans le camp communiste. Je tremble à la pensée de l'éternité qui attend leurs bourreaux". Et il ajoute : "Je tremble pour les, chrétiens de l'Ouest qui ne secourent pas leurs frères persécutés."

Une autre perversion de la vie trinitaire est facilement vécue par chaque homme, dans le monde entier. En effet, le monde en évolution, en mutation, en changement, quelle source, quelle profusion de trésors ne nous présente-t-ïl pas ? Ce monde qui, apparemment, se suffit si bien à soi-même ! Mais ce monde s'exprime, par l'information, par les mass médias : presse, radio, télévision, affiches, mode,_ Qui n'est pas avide de cette expression du monde, de cette information, de cette parole du monde, partout présente ? Mais maintenant, ce monde et cette information n'intériorisent-îls pas, ne suscitent-ils pas une opinion, cette unanimité des esprits qui pousse à l'action, qui est capable de produire de grands ébranlements sociaux.

Il est temps maintenant de passer de l'envers à l'endroit, et de rétablir la vraie vie trinitaire, force motrice de véritables cercles de vie. La vie même de Dieu en nous, voilà ce que le baptême nous a donné, pour une fructification abondante et efficace.

b) Les cercles de vie

Nous voici à pied d'œuvre : nous connaissons la nature et le fonctionnement des forces subversives. Nous savons que leurs agents, consciemment ou non, ne font que retourner l'ordre divin. Ici, et maintenant, nous nous décidons à agir avec ce qui nous appartient : le cercle chrétien, où le Père, source et principe, est reconnu comme tel, où le Verbe, Parole éternelle, engendré, non pas créé, exprime tout le Père ; et cil l'élan d'amour qui les porte l'un vers l'autre est une Personne : le Saint-Esprit. Notre bien est incomparable : c'est l'amour l'Amour donné, c'est le Père ; l'Amour reçu, c'est le Fils ; et l'Amour échangé, c'est le Saint Esprit.

Nous voulons aujourd'hui participer à la promotion du christianisme dans la vie civique, en usant d'un moyen facile et efficace : le cercle de vie civique. C'est très simple. Il n'y a pas à inventer : la source et le principe de l'ordre civique sont connus : l'Évangile, la masse des écrits des Pères de l'Église, des Saints Docteurs, des Souverains Pontifes, des Saints Conciles. Mais sur chaque point, cela doit être explicité, exprimé, mis au jour, discuté, commenté, illustré, expliqué, et relié aux problèmes actuels. C'est bien de la Révélation qu'il s'agit, de la Personne du Fils, vivante dans nos cercles. Mais bien plus, par l'Esprit Saint, nous pouvons intérioriser cette doctrine, et la faire transparaître, rayonner, mettre en pratique ; ces directives seront alors vécues. Nous serons un ferment, capable de faire lever la pâte, là où nous sommes, avec prudence et simplicité ; sinon, notre maison est sur le sable, et notre foi morte.

En pratique, c'est tout à fait simple, je le répète : le cercle civique chrétien est un cercle d'étude, mais un cercle de vie, et non un cercle dialectique, On prend un texte qui émane de la Source et principe, de la Révélation donnée par l'Église, expliquée par ses fils aimants ; ce texte, de façon très simple, est pris et préparé par morceaux de quelques pages à tour de rôle par chaque personne du cercle ; elle dit ce qu'elle y a trouvé, ce qu'elle en pense, ce par quoi elle estime qu'il faudrait le compléter. Ainsi, le responsable du jour s'exprime, et chaque personne du cercle aussi ; il s'agit d'un travail de l'intelligence, qui, je vous l'affirme, est très loin d'un travail "intellectuel". Cette doctrine ainsi reçue et explicitée doit être intériorisée et, petit à petit, vécue. Nous ne pouvons transformer le monde tout de suite, mais nous pouvons entre nous déjà former une société chrétienne, et semer, là où nous sommes, sur le plan civique, une graine chrétienne, par la rectitude de nos sources de pensée, par l'expression précise et aimable de nos réflexions échangées, et par la vie droite et charitable que nous menons autant que nous le pouvons, par l'Esprît qui habite en nos cœurs. Une Source limpide, une Vérité ferme, un Cœur embrasé.

Là où de saines structures existent encore, ce travail vient à son heure pour vitaliser ces structures, et non pour les doubler par des parasites invisibles. Soyons attentifs : les plus belles organisations sont très rapidement mises sous tutelle subversive par un noyautage bien conduit.

Pour nous chrétiens dans la vie civique, la vie trinitaire, c'est le fleuve pur, non pollué, des écrits et paroles qui émanent de tous ceux des membres de l'Église qui comme Saint Thomas d'Aquin essayent de répondre aux difficultés en mettant leur tête dans le tabernacle; de façon plus pratique, ce fleuve, c'est l'ensemble de tous les documents et instruments que nous mettons à votre disposition. Ce jaillissement formidable s'exprime dans nos cercles d'étude, dans ceux que vous formez déjà, dans tous ceux que vous allez constituer aujourd'hui, et qui avec une régularité indispensable, semaine après semaine, se réuniront pour se tonifier dans l'amitié. La Personne vivante du Christ sera au milieu de ces cercles, de manière que ces trésors de doctrine passent dans l'exposé très libre, très simple, très cordial, dans la discussion soumise à la lumière de la vérité. Alors l'Esprit Saint lui-même intériorisera tout cela, nous le fera assimiler, rayonner et diffuser.

Notre monde, c'est la Source, c'est le Père : jaillissement de la Tradition vivante ; notre information, c'est cette Tradition et cette Vie révélée, exprimée ; notre opinion, c'est le Saint-Esprit. En résumé, dans nos cercles, la vie trinitaire se manifeste par la vérité présentée, par la vérité exprimée, et par la Vérité intériorisée et rayonnée. Jadis, c'est l'Esprit Saint qui a intériorisé le Verbe dans le sein de la Vierge Marie, qui l'a fait chair, C'est encore l'Esprit qui va intérioriser l'ordre social chrétien dans nos cœurs et dans le tissu social. Ah ! si chacun, l'homme privé comme l'homme de gouvernement reconnaissait dans la Personne du Père, la source et le principe du jaillissement de la doctrine sociale ; si l'information était référée à la Bonne Nouvelle, à l'Évangile, au Verbe divin, les horreurs inévitables elle-même étant reportées sur la Passion ; si l'opinion n'était autre que l'Esprit Saint, capable de nous entraîner vers le bien avec force et douceur… Que de belles tiges de blé dans le champ du Seigneur !

CONCLUSION.

Mais l'ivraie menaçante est là ; elle étouffe déjà une grande partie du champ. Nous qui voulons par la vigueur de notre croissance échapper à l'asphyxie mortelle, puisons à la vraie source la vie de nos cités, infusons-la dans nos cercles, tout animés par la joie de la vérité répandue et communiquée, de façon délicate et ardente. Ainsi les moissonneurs du Jugement nous trouveront finalement nombreux et vigoureux dans cette Suisse en danger de perdre son âme, mais qui a encore tant de possibilités.

Jean de Siebenthal

Exposé au Congrès du Centre de documentation civique en automne 1971