Le huitième commandement

Du gamin pris en faute à la subversion mondialiste

"Tu ne feras pas de faux témoignage"

I - Introduction

On réduit souvent ce commandement à une interdiction du mensonge, interdiction à laquelle certains esprits scrupuleux ou mal intentionnés lient l'obligation de proclamer n'importe quand n'importe quelle vérité. L'exemple de Notre Seigneur lui-même (Jn 7 8-10) montre que toutes les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire. Notons également en passant que mensonge et vérité ne sont pas aussi liés que beaucoup le pensent. Le catéchisme (celui de mon enfance, depuis il n'y a eu que des "parcours"...) définissait le mensonge comme "parler contre sa pensée avec l'intention de tromper" ; on peut donc mentir en disant une vérité, dès lors qu'elle est présentée de manière à tromper sur la nature profonde des choses. Ce "sport cérébral" est devenu de nos jours une véritable industrie! En revanche, on peut avoir à cacher une vérité par exemple au nom du secret professionnel, le péché est alors de la divulguer (Ex : la confession). On peut aussi souhaiter dissimuler tout ou partie d'une vérité qui serait trop dure à supporter par son interlocuteur : cas d'un malade auquel on minimise la gravité de son état. Ce genre de "mensonge diplomatique" est une affaire purement prudentielle.

A part ces deux cas particuliers, on peut distinguer trois sortes de mensonges : le mensonge égoïste, la calomnie et le faux témoignage.

II - Le mensonge égoïste

Il a pour but uniquement un avantage personnel.

A - Le coupable honteux

C'est le cri bien connu de l'enfant pris en faute : "Ce n'est pas moi, c'est l'autre". Misérables cachoteries ou excuses pitoyables : on refuse d'assumer les conséquences de ses actes. Peut-être est-ce là le mal du siècle, celui qui nous vaut de la bière ou du vin sans alcool, du café sans café, du lait sans crème... et du sexe sans enfant ! On veut des diplômes sans examen, la sécurité en tout et l'effort en rien. Ce genre de mensonge culmine avec toute une famille de pensée qui décrète que chacun n'est que le produit de son milieu : Mozart n'est que le fils de son père... mais alors, pourrait-on se demander, qui est donc ce "génie au carré" de Léopold Mozart ?! Moyennant ces "penseurs" on est donc parfaitement innocent de ses bonnes comme de ses mauvaises actions... on comprend qu'il suffise de désigner par un numéro matricule ce piètre robot interchangeable ! On ne répétera jamais assez que la grandeur de l'homme, la source de sa fierté est de se sentir responsable de ses actes, de les "assumer" comme on dit aujourd'hui sans chercher à tricher désespérément avec la nature des choses. Avoir le courage de reconnaître ses torts est le premier stade de la dignité humaine. Un homme qui a toujours raison ne risque pas de faire de progrès !

B - La vantardise

Cette fois, il ne s'agit plus d'échapper à une sentence mais de susciter une admiration indue. Cela va de l'histoire dite "histoire marseillaise" comme celle de l'homme auquel son confesseur demandait s'il n'avait pas trompé sa femme et qui s'entendit répondre : "Mon Père, je suis ici pour me confesser et non pas pour me vanter". Les parisiens n'ont d'ailleurs rien à envier aux Marseillais sur ce point. Les exemples surabondent, ils montrent que les vantards sont le plus souvent des inquiets plutôt que des orgueilleux. Ils sont assoiffés du moindre honneur, fut-il des plus éphémères... je ne sais pas beaucoup d'êtres humains qui peuvent affirmer en leur âme et conscience qu'ils n'ont jamais succombé à pareille tentation.

Un tel vice de pensée peut toutefois déboucher sur des faits très graves dès lors qu'ils rendent une vie sociale impossible, provoquant des colères dont ils ont une bonne part de responsabilité. En outre le vantard récidiviste est en général un égoïste forcené qui renforce sa vantardise par son égoïsme et recueille bien souvent le mépris de la part de ses contemporains, de ses compagnons de travail et de sa famille. Il faut savoir humblement se contenter d'être ce qu'on est et se rappeler constamment que ce que nous appelons justement nos "dons" nous ont été confiés par le Créateur comme à des intendants et que nous aurons à rendre compte de leur gestion ; il n'y a aucun mérite à avoir des dons, seulement des devoirs.

C - La tricherie

Elle se situe encore un étage au-dessous. Il ne s'agit plus de surestimer sa personne, mais de chercher un profit au moyen du mensonge. Le huitième commandement est ici très proche du septième qu'il s'agisse du vendeur malhonnête ou de celui qui s'approprie l'intelligence ou l'habileté d'autrui. Là aussi il existe des mensonges qui consistent à présenter des vérités de manière à tromper, et qu'on pourrait appeler "mensonges au deuxième degré". Les exemples abondent dans le monde actuel où sous divers prétextes apparemment moraux, on se livre à une guerre commerciale sans merci. Il est facile de trouver des exemples récents : "Qu'y a-t-il de plus "écologique" que de consigner les bouteilles afin d'éviter d'augmenter le poids des ordures ? Moyennant quoi un pays que je ne nommerai pas a décidé qu'un seul type de bouteilles de bière était autorisé... celui de la production nationale bien entendu !" "La couche protectrice d'ozone de la haute atmosphère est attaquée par les gaz propulseurs des bouteilles de laque utilisées par les élégantes... il est curieux que cette découverte ait coïncidé avec la mise sur le marché d'un nouveau gaz, dûment breveté par une puissante firme américaine bien connue..." "Il faut éviter de produire du gaz carbonique par une combustion exagérée de combustibles fossiles, il faut donc taxer l'énergie grande utilisatrice de pétrole... fort bien, mais pourquoi, au nom d'un tel principe, taxer également l'industrie nucléaire qui ne produit pas un gramme de ce gaz ?"

Quant à la propriété intellectuelle, on sait que certains individus sont des experts dans ce genre d'arnaque, du plus anodin au plus odieux. Tous les lecteurs de revues techniques savent que lorsqu'un article est signé de plusieurs noms, il n'y en a qu'un (en général le dernier) qui l'a rédigé. En milieu universitaire l'emploi de "nègres" est chose courante. Maintenant ces coupables pratiques se généralisent en milieu industriel ou mainte entreprise modeste se voit brusquement obligée de payer des "royalties" à un consortium puissant qui a pris un brevet sur sa propre invention. Vol et mensonge vont de pair. Certes, il faut parfois du courage à un patron pour rendre à chaque subordonné justice dans l'attribution de son travail, mais il n'y a pas de vertu sans courage.

III - La calomnie : un mensonge pour nuire

Tous les mensonges précédents avaient pour but un avantage personnel. Sans être excusables pour autant, ils sont tout de même moins odieux que les mensonges qui ont pour but direct de nuire à autrui.

A - La calomnie commerciale

On bâtit une légende à partir d'incidents futiles, ou sans incidents du tout ! "On m'a dit que..." telle marque de voiture ne valait rien, ne tenait pas la route, etc... Enquête faite, il est impossible de trouver un témoignage direct. Si on en trouve un on constate que les faits ont été amplifiés bien au-delà du raisonnable. Une variante actuelle consiste à déclarer "cancérigène" (le cancer a pris dans les grandes terreurs la place que tenait la peste ou la lèpre aux XIIIe et XIVe siècles) tel produit, alimentaire ou non. J'ai lu tout récemment dans une revue américaine que, enquête faite, certains pyjamas pour bébés, retirés de la vente à grand fracas ( et avec combien d'hommes ruinés ou mis au chômage !) car on les disait cancérigènes en raison du tissu - étaient parfaitement inoffensifs. La saccharine était jugée abominable pendant la guerre alors que le sucre était rarissime, elle est maintenant un des principaux constituants de la nouvelle diététique... on la trouve sur les tables de tous les hôtels !

B - La calomnie personnelle

Ces moeurs prolifèrent en politique : on suggère, on insinue. Tel homme politique se rend souvent dans la capitale : c'est qu'il y a une maîtresse. Tel autre était un peu fatigué lors d'un discours, c'est qu'il avait trop bu ou qu'il devient gâteux. Un autre n'a aucune liaison féminine, il est donc pédéraste... Toute réussite porte ombrage à un envieux - on pourrait dire à un homme ! - Elle ne peut jamais être honnête : les moeurs d'un adversaire ne sauraient être pures : on l'a bien vu dans le cas du Père Danielou. D'ailleurs on sait bien que Notre Seigneur passait son temps entre les publicains et les prostituées.

C - La calomnie assassine

Celle que la haine utilise pour pousser au meurtre : nous l'avons déjà rencontrée avec le cinquième commandement: la Révolution fut experte en la matière, allant jusqu'à accuser Marie-Antoinette d'être une mère dénaturée, mais auparavant il y avait eu Sainte Jeanne d'Arc accusée de sorcellerie et depuis, Paganini (en plein XIXe siècle) dont on disait que sa virtuosité - à vrai dire extraordinaire - cachait quelque chose de diabolique. Ce genre de calomnie s'attaque volontiers à l'Eglise qui se voit victime de légendes aussi tenaces que stupides comme la papesse Jeanne, voire les ceintures de chasteté dont l'existence était restée inconnue... jusqu'au XVIIe siècle ! (Rabelais n'aurait pas manqué d'en parler abondamment si ce n'avait été le cas !). Combien de temps a-t-il fallu pour faire admettre que les "sinistres cachots" du Mont Saint-Michel n'étaient en réalité que des silos à grains ?

La calomnie assassine est la spécialité de tous les tribunaux révolutionnaires, ceux du nazisme, de la libération, du communisme stalinien ou maoïste etc... Dieu nous épargne leur réapparition !

IV - Le faux témoignage

Il ajoute à la calomnie le fait d'être perpétré en public sous le sceau du serment. De nos jours, le faux témoignage a une nouvelle dimension par le fait de ce qu'il est convenu d'appeler les "mass-media" (curieux hybride contre-nature d'anglais et de latin). Pour beaucoup de nos contemporains la chose écrite jouit d'un prestige particulier et si le mensonge officiel s'étale sur cinq ou six colonnes à la "une", le droit de réponse dépasse rarement quelques lignes à la page n + 1.

A - Attaques sur les faits extérieurs

Ne nous leurrons pas, ils sont aussi vieux que le monde. Tous les enquêteurs professionnels - en particulier les policiers - savent combien les témoignages doivent être pris avec précaution. Dans "Le sapeur Camenber" l'auteur raconte que le brave sapeur, excédé de ne pas avoir arriver son casse-croûte alors qu'il était en faction, décide d'aller en prendre un au bistrot du coin. Il avait mis sur sa chaise un écriteau afin de prévenir les passants que son absence n'était que provisoire. Malheureusement , n'étant pas très fort en orthographe, il écrivit "Le sapeur a été mangé". Sur l'image suivante, on voit deux concierges discuter avec animation, l'une disant à l'autre "J'ai vu le monstre comme je vous vois "... Cela dit les faux témoignages garantis par signature sont tellement monstrueux que la police a pour consigne de ne recevoir les dépositions qu'avec beaucoup de précaution. Faire un rapport exact sans chercher à se mettre en valeur demande une ascèse intellectuelle peu commune...

B - Attaques sur la vie intime

Ce sont peut-être les plus odieuses et une certaine presse anglo-saxonne est passée maître en la matière. C'est une occasion de plus de fustiger le puritanisme sous toutes ses formes. Notons en passant que "pur" se dit en grec "catharos" et en hébreu quelque chose comme "purim" qui - en tous cas - a donné "Pharisien". Pharisiens, cathares, puritains : quelle filiation ! Pour les latinistes on peut mentionner cette phrase du Père Bruckberger parodiant l'Evangile "Hegel autem genuit Marx et Lenine exea quae fuit Pharisianorum et Scriborum..." On cherche à déconsidérer son prochain par des mensonges qui de plus n'ont rien à voir avec la question : un des derniers exemples est l'attaque américaine contre l'acteur Depardieu qui aurait violé je ne sais trop qui... à l'âge de dix ans ! L'accusation est évidemment stupide : qui un gamin de dix ans peut-il violer ? Fut-elle vraie, elle n'a aucun rapport avec la qualité d'un artiste... A chaque élection des Etats-Unis (Dieu veuille que cette misérable habitude ne vienne pas en France !) c'est un débordement d'assertions imbéciles, un tombereau d'inanités calomnieuses sur l'adolescence ou la petite enfance des candidats, le tout au nom de la "moralité". Nul doute que Saint Augustin n'aurait jamais été élu évêque. En même temps j'ai entendu à la radio (exactement le 17 novembre 1991) que tous les hommes honnêtes se réjouissaient de l'élection aux Etats-Unis "d'un candidat notoirement pourri mais respectueux de la démocrââtie (sic!) devant un autre que l'on soupçonne d'attaches 'racistes'". Le plus désolant n'est pas tellement que l'on prenne les électeurs pour des imbéciles, mais qu'on ait trop souvent raison !

C - Attaques directes sur la personne

On se trouve à la frontière des huitième et cinquième commandements, tant il est vrai que le mensonge et l'homicide ont le même père !

Les exemples datent de la plus haute antiquité. On connait l'histoire de la chaste Suzanne et des vieillards qui ont eu l'infernal toupet de dire "Nous avons vu Suzanne avec un jeune homme... nous sommes témoins du fait" (Dan 13, 36-40) ; l'auteur note plus loin "Ainsi ce jour-là fut épargnée une vie innocente" ce qui laisse entendre que cela n'avait pas lieu tous les jours ! Il peut s'agir d'un peuple entier, pensons aux Samaritains "Les juifs n'ont pas de relations avec les Samaritains" (Jn 4-9) lesquels étaient accusés d'être "possédés du démon" (Jn 8-48). La raison ? Essentiellement liturgique, fallait-il prier à Jérusalem ou sur le mont Garizim ? (Jn 4-20) Bien que "le salut vint des Juifs" (Jn 4-22) ce n'était pas une raison pour jeter un tel ostracisme sur toute une population.

Dans le domaine religieux, on tombe vite dans le délire haineux. Ne voit-on pas Notre-Seigneur être accusé de "refuser de payer l'impôt à César" (Lc 23-1) ce qui ne parut pas évident à Pilate qui avait une idée de la mentalité des Pharisiens ! On le voit de nos jours lorsqu'on accuse Pie XII d'avoir gardé le silence devant les massacres de Juifs (on oublie d'ajouter des Tziganes et des Polonais qui ont eu deux ou trois fois plus de morts pendant le même temps) alors qu'à la fin de la guerre le Grand Rabbin avait publiquement remercié le Pape de son action. On l'a vu lorsque récemment un ministre avait ressorti la vieille accusation contre l'Eglise d'avoir refusé une âme aux femmes, alors que sept femmes martyres figurent au canon romain qui date du IIIe siècle au plus tard et que Saint Paul (Ph 4-3) parle de deux saintes femmes "dont les noms sont inscrits au livre de vie" bien qu'elles eussent tendance à se crêper le chignon˙! Pour ceux qui l'ignoreraient la question posée était de savoir (au VIIIe siècle) si le mot latin homo signifiait "être appartenant à l'espèce humaine" comme en latin classique ou simplement "homme" par opposition à la femme (en latin classique vir et mulier) comme dans la langue populaire de l'époque. Ces évêques avaient opté pour le classicisme ! De même, ne voit-on pas un autre ministre clamer que le Pape actuel fait une insulte aux femmes en leur rappelant que leur rôle est de donner et de protéger la vie et non de la supprimer !

V - Conclusion

Satan étant le père du mensonge, il n'y a rien de surprenant que son emprise actuelle soit placée sous le règne de la calomnie sous toutes ses formes. L'Europe figure au premier rang de ses victimes, ainsi que la France en tant que fille aînée de l'Eglise. L'Europe est calomniée, diffamée ; tout est bon pour lui donner mauvaise conscience. On accuse l'Eglise de triomphalisme alors que c'est elle qui a libéré la femme, supprimé l'esclavage et séparé la théologie de la puissance politique. On accuse l'Europe de "colonialisme" alors qu'elle a laissé derrière elle des hôpitaux, des écoles, des routes... On l'a accusée de "génocide culturel", mais qui a déchiffré les écritures oubliées, qui a fait connaître les splendeurs de Babylone, d'Assour, de Palenque et d'Angkor Vat ? Un monument rendait hommage aux deux cent mille colons français morts pour faire de la Mitidja - un infect marais à moustiques - une des terres les plus riches d'Afrique. Qui a ressuscité le passé glorieux de l'Afrique du Nord avant l'invasion arabe ? Il faut avoir le courage de proclamer ce genre de vérité en dépit de toutes les larves défaitistes qui ne rêvent que de tout ramener à leur niveau pour faire oublier leur médiocrité et leur veulerie. Plus que jamais, il nous faut crier "Sursum corda".

Et, en ce qui concerne la vie de tous les jours, ayons à coeur de toujours dire la vérité afin que Notre Seigneur nous accueille en l'autre monde avec les mots dont Il salua Nathanaël "Voici un véritable fils d'Israël, qui ne sait pas mentir" (Jn 1-47).

Jean-Bernard Leroy

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