EDITORIAL

LA CHUTE DE LA SUISSE

Marcel Clément, dans l'"Homme nouveau" du 6 avril 1975 expose crûment la vérité à propos du Vietnam du Sud. Il relève : 1 "L'incroyable mollesse de la presse, de la radio et de la télévision du onde occidental devant l'impérialisme communiste..." De plus : "Si les chrétiens , par des actions licites, et en persévérant dans la prière, ne se réveillent pas de leurs rêveries, de leurs lâchetés, de leur indifférence, de leur dureté de coeur, c'est toute l'Asie du Sud-Est, dont Saigon est la plaque tournante, et c'est toute l'Europe occidentale qui tomberont dans l'esclavage communiste'.

En parlant de la "mollesse" de la radio et de la télévision, Marcel Clément m'étonne passablement. Ces moyens de diffusion, en France comme en Suisse, sont purement et simplement complices des manoeuvres communistes; ils sont au service de la Révolution. Analysez la texture du téléjournal, ou de "Temps présent"; vous y décèlerez chaque fois la touche idéologique qui atteint sûrement les esprits déjà engourdis des auditeurs. Lorsque Richard Nixon, ce bastion anti-communiste, subissait le déluge des pétards du Watergate, notre télévision participait à l'action dialectique qui, pour abattre un homme ou une collectivité, opère suivant trois règles caractéristiques

Frapper (la haine, principe essentiel)

Frapper Nixon (avec habileté et persévérance)

Frapper Nixon en même temps (que d'autres moyens de communications).

Certains, assez rares, relevèrent courageusement le caractère scandaleux de cette opération.

Etant donné la très grande influence qu'exerce la radiotélévision, on peut alors fort bien imaginer qu'un certain matin, les voix chaudes, sympathiques et bien connues de nos présentateurs annoncent que le Palais Fédéral et les résidences des gouvernements cantonaux sont aux mains d'unités armées démocratiques, chargées de libérer la Suisse du joug des oppresseurs fascisto-capitalistes.

Nos citoyens et citoyennes, nos jeunes gens et jeunes filles, qui chaque matin avant d'ouvrir l'oeil, enclanchent leur poste resteront toute la journée braqués sur lui, et avaleront sans réfléchir les informations les plus incroyables. Anéantis psychologiquement, robotises, ils se plieront aux ordres transmis par les porte-paroles des "libérateurs". Redoutons que des magistrats ou des officiers les imitent.

On peut penser ce qu'on veut de l'ancien et du nouveau régimes au Portugal; le fait est que le 25 avril 1974 une seule compagnie d'infanterie aurait suffi pour stopper l'insurrection; mais le martelage de la radio avait bloqué les volontés.

En Suisse, la première opération à effectuer dans les unités en service serait de procéder au ramassage des récepteurs; la deuxième opération consisterait à débarrasser le édifices publics et les entreprises importantes des "comités d'action" ou soviets, caractéristiques de l'offensive communiste. Ces initiatives devraient être prises sans attendre les ordres de supérieurs peut-être empêchés d'agir. De quoi l'auteur de cet article se mêle-t-ïl, penseront les chefs militaires ? Mais enfin, que fait telle compagnie isolée, si elle est soudain victime d'une guérilla ?

Je n'ignore pas que des précautions extraordinairement soignées sont prises depuis longtemps, mais qui connaît les ruses invraisemblables de la subversion ? La défense idéologique de la Suisse n'est pas organisée, car nos magistrats les plus éminents sont visiblement inaptes à déceler les pièges idéologiques, par exemple

le leurre de la participation-soviétisation,

le leurre des réformes scolaires qui doivent "changer les idées et les institutions.",

le leurre du transfert à l'Etat de responsabilités de plus en plus nombreuses, c'est-â-dire le passage au collectivisme, la colonisation quasi-totale de la radio-télévision par des amis

d'ou socialisme à visage forcément inhumain, Si les Suisses ... ne se réveillent pas de leurs rêveries ... c'est leur pays tout entier qui tombera dans l'esclavage.

Voici comment sortir de la léthargie : nous sommes en pleine guerre mondiale idéologique, et ce qu'il faut armer d'abord, ce sont les esprits, au sens indiqué par l'Apôtre. On ne veut pas croire à la nocivité des démons, on se moque des "attardés qui ignorent les splendides conquêtes de la psychologie moderne". Le résultat, le voici : les démons agissent librement sur la terre; ils guident l'action subversive : tout révolutionnaire conscient agit sciemment sous la motion de l'esprit du mal.

"Revêtez l'armure de Dieu pour pouvoir résister aux manoeuvres du Diable. Car ce n'est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais ... contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du mal ... Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse ...; recevez le casque du salut et le glaive de l'Esprit, c'est-â-dire la parole de Dieu."

(Eph. 6; 11-17)

La prière est certes l'instrument fondamental, et nous devons prendre la décision héroïque de museler nos appareils de radio, et de télévision, d'abord dans le but de pouvoir prier davantage, et mieux. Evidemment, les jeunes gens avides du bavardage intarissable perdront quelques informations; dans la prière, ils recueilleront des biens incomparablement supérieurs : ils cesseront d'être des glaises modelées et remodelées par les animateurs trop habiles, pour se transformer en personnes vertébrées, vivantes, et autonomes. La radio éteinte, on travaille mieux, et on échappe surtout aux mirages. Que notre conversation soit dans les cieux !

Prier : indispensable. Se réunir pour prier, également. Mais la foi sans les oeuvres n'est rien qu'une maison sur le sable. Vient la tempête révolutionnaire, et tout s'envole, ou tombe par terre. Il faut mettre la Parole en pratique, dans sa vie personnelle, et dans ses états de Vie. Le moyen efficace de faire flamboyer le feu divin au plan civique, c'est le cercle. Trois à dix amis, régulièrement, assidûment, se réunissent une fois par semaine une heure durant, et assimilent ensemble tel point de doctrine sociale chrétienne. Mémoire : le texte, est présenté, et est lu par chaque participant d'une manière personnelle; de plus, il est exposé par l'un d'eux pendant une vingtaine de minutes. Intelligence : une discussion amicale décuple la compréhension, et rend vivante la doctrine parfois difficile. Volonté : le désir de mettre en oeuvre le sujet traité, dans notre état de vie, vient de soi-même. L'action bénéfique sort d'elle-mme; on peut en discuter et s'organiser pour les entreprises les plus grandioses, mais pas à pas, êh la manière d'une onde pénétrante et fertilisante.

Rien ne sert de gémir, il faut agir.

Le cercle, tel est le moyen nécessaire et suffisant : d'abord pour stopper la progression de l'idéologie satanique, ensuite pour reconquérir le terrain perdu. Il ne s'agit pas de faire une révolution contraire, il s'agit de faire le contraire de la révolution.

Deux cents cercles civiques en Suisse, et l'atmosphère sociale change : l'influence gauchiste dans 1'armée, dans les écoles, dans les Eglises, dans les milieux d'entreprises, dans les milieux agricoles, dans les mass-media, se dissipe.

Connaître d'abord l'ennemi : ses idées fondamentales, et sa tactique idéologique; apprendre à la déceler lors des fréquents événements qui la manifestent. Connaître aussi les lignes maîtresses de la chrétienté à reconstruire : un univers de communautés intermédiaires entre la personne et l'état, chacune d'elles étant douée de toute l'autonomie possible, imprégnée dl amitié, en vue du salut éternel de ses membres, pour la gloire de Dieu.

Connaître, pour réaliser, pour que la chute de la Suisse ne se consomme pas, mais pour que son message historique puisse se maintenir et rayonner : la vie communautaire d'états profondément différents, dans une amitié constamment renouvelée.

JEAN DE SIEBENTHAL

 

 

ACTUALITE - DOCTRINE

LA REVOLUTION

Tout le monde connaît par l'Histoire les diverses révolutions qui ont bouleversé l'Europe et le monde, mais peu de gens attachent de 1'importance à la Révolution permanente qui est plus une idée, un principe, qu'un fait; elle est, elle-même, à l'origine de presque toutes les révolutions, de toutes les guerres, séditions, complots et malheurs qui s'abattent sans cesse sur l'humanité.

Ne croyons pas non plus que la Révolution est une question purement politique; c'est aussi une question religieuse, je dirais même : la grande question religieuse de notre siècle. Prise dans son sens le plus général, la Révolution est la Révolte érigée en principe et en droit; c'est la négation systématique de l'autorité légitime; son caractère est essentiellement social et non pas individuel. aussi la Révolution vise un Triple but

1 ) La destruction de l'Eglise, comme autorité et société religieuse

2) La destruction des autorités politiques légitimes.

3) La destruction de la société, des droits de la famille et de la propriété. Le communisme est le dernier mot de la Révolution par faite.

Dès le début, à la suite de Jean-Jacques Rousseau, puis en 1789 et en 1793, la Révolution s'est montrée l'ennemie acharnée du christianisme; elle a frappé l'Eglise avec une fureur inouïe, et sur les ruines qu'elle a faites, elle a inauguré un régime nouveau de lois athées, de sociétés indépendantes de toute religion.

Donc, au point de vue religieux, on peut la définir : la négation légale du règne de Jésus-Christ sur Terre, la destruction sociale de l'Eglise. C'est ce que constatait le Pape Pie IX en 1849 : "La Révolution est inspirée par Satan lui-même. son but est de détruire de fond en comble l'édifice du christianisme et de reconstituer sur ses ruines l'ordre social du paganisme". Et une instruction secrète de la Vente suprême dit très clairement : "Notre but final est celui de Voltaire et de la Révolution française ; l'anéantissement à tout jamais du catholicisme et même de l'idée chrétienne'.

Nous comprenons donc qu'entre l'Eglise et la Révolution, il ne peut y avoir aucune conciliation. La Révolution disait naguère une loge italienne n'est possible qu'à une condition : le renversement de la Papauté. Une fois le Pape renversé, Tous les Trônes, Toutes les autorités légitimes et naturelles tomberont naturellement.

Et quelles sont les armes de la Révolution ? Tous les moyens sont bons dit-elle. Elle se fait tout à tous pour gagner tout le monde à sa cause. Afin de pervertir les chrétiens et de nous ravir le sens catholique, elle se sert de l'éducation qu'elle fausse; de l'enseignement qu'elle empoisonne; de l'histoire qu'elle falsifie; qde la presse; de la loi dont elle prend le manteau; de la politique qu'elle inspire; de la religion elle-même dont e prend parfois les dehors pour séduire les âmes; elle se sert même des sciences, qu'elle trouve moyen d'insurger contre le Dieu des sciences; des arts également où elle déifie la volupté.

Il faut corrompre la jeunesse et le clergé surtout, en se présentant à eux sous des apparences de gens respectables, graves, ou même de bons catholiques. Cela est dit textuellement dans le programme de la Haute Vente : "Nous devons faire l'éducation immorale de lEglise, et arriver, par de petits moyens bien gradués, au Triomphe de l'idée révolutionnaire par un Pape J"' "Notre principe à nous, a dit un audacieux révolutionnaire, c'est la négation de tout dogme; notre donnée, le néant. Nier, toujours nier, c'est lâ notre méthode : elle nous a conduit à poser comme principes : an religion, l'athéisme; en politique, l'anarchie; en économie politique, la non-propriété". Et nous, face au péril révolutionnaire ?

Allons-nous nous contenter seulement de gémir devant cette décadence continuelle ? Chrétiens, nous avons une mission, celle de vivre d'abord et de répandre la foi au Christ, Roi et Centre de nos coeurs, Roi et Centre de toute société humaine; nous devons communiquer par l'exemple et la parole, en toutes occasions, cette Bonne Nouvelle de l'Evangile, et de la doctrine de l'Eglise.

Mais, pour pouvoir nous en imprégner et marcher dans le même sens, faisons des cercles ou foyers civiques suivant la méthode de l'Office international; s'il n'y a rien là où nous sommes, créons une cellule de base, puis deux, puis trois. Notre Office de Lausanne est là pour vous encourager, vous soutenir, vous aider par tous les moyens en sa possession. N'hésitez pas à nous faire signe; et n'oublions surtout pas que notre action, si elle a été bien pensée, ne pourra vraiment être féconde que par notre prière personnelle et communautaire, à l'occasion de nos rencontres. Le Royaume des Cieux est en nous, a dit notre Seigneur; nous avons donc tout ce qu'il faut pour agir et remonter la pente, mais il faut le vouloir. "Les Tiédes, je les vomis de ma bouche" dit Dieu dans la Sainte Ecriture.

Trop souvent, pour ne pas dire toujours, nous prétendons combattre le mal à la place où il se manifeste sans jamais remonter au point où il prend son origine et d'où il exerce son action. Il faut d'abord une lente et longue préparation des canes et des intelligences pour affronter les menées révolutionnaires, afin de ne pas jeter des coups d'épée dans le vide. Démosthène, en son temps, avait très bien compris que la marche d'un pays, son esprit, étaient la conséquence directe de l'esprit et de l'attitude de chacun et des multiples sociétés de base.

"0 Athéniens,! Certes, les choses vont mal et Vous désespérez ! Mais à tort ! Vous auriez raison, en effort si, ayant réalisê tout ce qu'il faut pour que les choses aillent bien, vous les aviez vu quand même mal tourner. Mais les choses sont allêes mal jusqu'ici parce que vous n'avez pas fait ce qu'il faut pour qu'elles aillent autrement. Il vous reste à faire ce que vous n'avez pas fait, et les choses iront bien. Pourquoi dêsespéreriez-vous donc aujourd'hui

YVES AUDIGIER

 

Actualité

LEÇON DE CHOSES AU PORTUGAL

Préambule

9 avril 1974

A la Télévision romande, au cours de l'émission "A témoin", Mario Soares, secrétaire général du Parti socialiste portugais, depuis quatre ans exilé en France où il est professeur à l'Université de Vincennes et à la Sorbonne, déclare not amm ent que la masse ouvriè- re, tant à l'intérieur du Portugal qu'à 1'extérieur, doit être or- ganisée par le Parti socialiste en union avec lé Parti communiste portugais - dont 1'intéressé lui-même reconnaît qu'il est "stalinien" - et avec les gauchistes, mais aussi avec les "vrais démocrates", les libéraux et les chrétiens de gauche. Il annonce que le Parti socialiste a passé avec le Parti communiste des accords et établi avec lui un programme commun. Come garantie de l'exécution des accords, le Parti communiste promet, une fois la coa- lition au pouvoir, de "jouer le jeu démocratique". Le fruit de l'organisation des masses sera la révolution violente "qui est inéluctable". Mario Soares ajoute que le "changement violent des structures" est proche.

Premier acte

25 avril 1974

Sous la direction nominale du général Antonio Ribeiro de Spinola, mais sous la direction effective du capitaine Otelo Saraiva de Carvalho (qui deviendra aussitôt après le 25 avril 1974 général de brigade), une partie de l'armée renverse le gouvernement de Marcelo Caetano. Le général Spinola préside le MFA (Mouvement des forces armées), composé d'environ deux cents officiers subalternes des trois armes (terre, air, mer). Le programme du MFA a été rédigé par un officier communisant, Melo Antunes, que l'on retrouvera. Le gouvernement Caetano est remplacé par une Junte de salut national, de cinq membres, présidée par le général Spinola - qui est en même temps Président de la république et chef des force. armées -; c'est une émanation du MFA, puisque les membres de la Junte en sont tirés.

Fin avril/Début mai 1974

Mario Soares rentre au Portugal. La Junte décide d'associer le Parti socialiste (ci-après PB) et le Parti communiste (ci-après PC) au futur gouvernement provisoire.

Mai 1974

Un décret-loi du gouvernement démet de leurs fonctions tous les maires du pays. Immédiatement, des "assemblées de travailleurs" se constituent "spontanément" et mettent en place des organismes per- manents, commissions ou comités d'action, et cela dans les moindres villages. Ces assemblées et comités surgissent non seulement dans les communes, mais dans les entreprises, dans les services de l'ad- ministration, les universités. Ils contrôlent la direction et la gestion de tous ces corps, not ~ ent, dans les entreprises, les con- ditions de travail, de l'embauche, des licenciements. Dans les en- treprises, ils S'imposent par la grève. Les organes de direction en place renoncent dès lors à exercer leurs fonctions. Une autre mis- sion essentielle de ces commissions et comités est de "traquer les traîtres, les fascistes, les salazaristes, les membres de la PIDE (l'ancienne police politique)"; ce qu'ils font en dressant des lis- tes de suspects et en dénonçant des crimes "fascistes".

Ces commissions fonctionnent dès le coup d'Etat dans les entreprises de presse, de radio et de télévision, publiques ou privées, et diffusent en permanence les mots d'ordre et les hymnes révolutionnaires.

Mai/Juin 1974

Sous la présidence du colonel Palma Carlos, le gouvernement se forme. Il comprend des membres du PC, du PB et du Mouvement démocratique portugais-Commission démocratique électorale (ci-après MDP/CDE): cette dernière formation est une dépendance du PC. Mario Soares devient ministre des affaires étrangères. A ce titre, il commence à négocier la décolonisation avec les rebelles de la Guinée/Bissau. Quant au secrétaire général du PC, Alvaro Cunhal, il devient ministre sans porte-feuille et deuxième vice-président du gouvernement.

Les grèves sauvages se multiplient.

Juin 1974

Le gouvernement publie un décret-loi sur la liberté de la presse qui réprime l'incitation à la grève, les infractions aux principes du régime, les appels à l'indiscipline militaire et à la violation des lois, les offenses au chef de l'Etat.

Le PC et les syndicats qu'il dirige cassent systématiquement les grèves - notamment celle des trente mille employés des postes, qui sont contraints de reprendre le travail sans avoir obtenu l'augmentation qui était leur motif.

Juillet 1974

Pour garantir l'ordre public à la demande des autorités civiles lorsque les forces militarisées - c'est-à-dire la Garde républicaine - ne suffisent pas ou que leur utilisation n'est pas jugée opportune, est créé le Commandement opérationnel du continent (en abrégé, ci-après, COPCON). En fait, il s'agit de remplacer la Garde républicaine - qui date du régime antérieur et qui n'est pas sûre - comme force d'intervention et police politique. La direction du COPCON est confiée au chef d'Etat-major, le général Costa Gomez. Mais le dirigeant effectif est le commandant-adjoint, Otelo Saraiva de Carvalho, gouverneur militaire de la région de Lisbonne, originaire de Mozambique, qui a servi en Guinée-Bissau sous Spinola - qu'il déteste -. Le COPCON se compose essentiellement du ler Régiment d'artillerie légère, cantonné à Sacavem, dans la banlieue nord de Lisbonne, et de quelques unités annexes, notamment d'unités de commandos.

Le PC multiplie en province les manifestations qui revendiquent des augmentations de salaire. Il en résulte que 90 % des entreprises ont dû suspendre leurs projets d'investissements, que les petites et moyennes entreprises - qui occupent 52 % des ouvriers - ont dépensé leurs bénéfices de 1973 en augmentations de salaires, que 2000 entreprises ont demandé du secours à la commission chargée de distribuer des aides à l'emploi, L'indice des prix a augmenté de 30 % en un an.

La Junte et le MFA ont deux sujets de discorde : d'une part, l'une a exilé au Brésil, l' amiral Thomas - ancien chef de l'Etat - et Marcello Caetano, contre l'avis du second qui voulait leur faire un procès public; d'autre part, elle a fait arrêter le capitaine Valera Gomes, qui demandait, dans des journaux de gauche, la libération d'un sujet cubain, Peralta, capturé dans les rangs de la rébellion en Guinée-Bissau. Valera Gomes sera relâché sur un ultimatum du MFA.

Le ler ministre Palma Carlos, qui envisage d'anticiper les élections présidentielles et de repousser les législatives jusqu'en 1976 de manière à permettre aux modérés (regroupés dans le Parti libéral - PL -, le Parti du progrès-Mouvement fédéraliste portugais - PP/MFP - et le Parti populaire démocratique - PPD - ce dernier centre-gauche) de reprendre du terrain, met sa démission en jeu pour recevoir les pouvoirs supplémentaires qui lui permettraient de conduire son plan à bien. Contre son attente, sa démission est acceptés.

13 juillet 1974

Malgré Spinola, Palma Carlos est remplacé came premier ministre par le major Vasco Goncalves, membre du MFA - qui en dehors de cela a souffert de troubles psychiatriques -. En entrant au gouvernement, Vasco Goncalves devient général.

Le même jour, un décret-loi du gouvernement règle la promotion des officiers dans l'armée portugaise. Le décret établit des "conseils militaires", élus par des assemblées dans chaque unité ou garnison. Ils devront établir avant le 31 octobre suivant les listes de promotion à tous les grades au-dessus de celui de colonel, et aussi des listes d'officiers dont l'avancement devra être bloqué pour des raisons politiques et de ceux qui devront être dégagés des cadres. Ils nommeront les officiers appelés à fonctionner dans le COPCON. Leurs présidents siégeront dans la commission de l'Etat-major général chargée de promouvoir les nouveaux généraux et d'établir les règlements destinés A l'armée.

Septembre 1974

Inquiet de ne plus contrôler le MFA, qui lui parait tendre vers le communisme, Spinola décide d'organiser pour le 29 septembre 1974 à 15 heures, devant son palais de Belem, une manifestation de soutien, en appelant à lui la majorité silencieuse. Essentiellement, les groupements qui prépareront cette manifestation seront le PP/ MFP - parti le plus proche de Spinola - et une association d'anciens combattants, le Mouvement populaire portugais. La majorité de la Junte est d'accord avec cette manifestation. Le ministère en revanche s'y oppose.

27 septembre 1974

Conseil des ministres houleux. Spinola reproche à Alvaro Cunhal que le PC, dans ses manifestations, arbore le drapeau rouge au lieu du drapeau national. Il fait ensuite grief au gouvernement dans son ensemble de n'avoir pas pris en charge la manifestation de la "majorité silencieuse". A l'issue du conseil des ministres, il demande à Vasco Goncalves et à Otelo de Carvalho de le suivre au palais de Belem et les y fait arrêter - ou tout au moins assigner à résidence _.

Cette arrestation connue, Alvaro Cunhalv d' une part, bat le rappel des milices du PC, du MDP/CDE et de l'intersyndicale (syndicat dirigé par le PC) - brassards rouges et mitraillettes (débarquées, est-il dit, récemment sur les plages de l'Algarve par des bateaux venus des pays de l'Est) -; ces milices font des barrages sur les routes et surveillent les gares pour empêcher la venue à Lisbonne des membres de la "majorité silencieuse"; d'autre part, le MFA réagit de son côté; se joignant au PC, il lance le COPCON dans la lutte dès 23 heures. Des unités de char font mouvement vers Lisbonne. Des camions civils et militaires bloquent les issues de Lisbonne. Miliciens du PC et soldats du COPCON arrêtent les voyageurs et fouillent les voitures, croyant y trouver des armes. Les comités de typographes qui travaillent dans les journaux ont décidé d'empêcher l'impression de l'appel que Spinola adresse à la majorité silencieuse. La Garde nationale républicaine et le PB occupent les stations de radio et de télévision, la première Radio Clubs Portugues et Radio Televisao Portuguesa, le second Emissora nacional et Emissores associados.

28 septembre 1974

Aucun journal ne parait - ils sont tous interdits. Les hélicoptères du COPCON vont en province arrêter les chefs de corps fidèles à Spinola pour les remplacer par des fidèles du MFA. C'est dire que les arrestations commencent, opérées par les milices du PC, les soldats du COPCON, rejoints plus tard - dans la nuit du 28 au 29 septembre - par des fusiliers marins du lieutenant de vaisseau Antero (du MFA). Deux "opposants" sont assassinés à Vila Franco, trois cents arrestations sont opérées (chiffre officiel). La vague d'arrestations s'étend à la capitale, à l'Estoril, Cintra et Cascais. Les prisonniers sont conduits aux prisons de Peniche, Trafania et Caxias. Les premières arrestations n'ont visé ni les organisateurs de la manifestatïon, ni les militaires adversaires du MFA. Ce sont des intellectuels (comme l'écrivain José Valle de Figuereido), des possédants, des commerçants. Siégeant cependant sans interruption au Monte de Carparica puis au Parlement, à Sac Bento, le MFA a constitué une Commission de coordination du MFA, chargée d'exécuter les volontés de l'Assemblée pléni è re du mouvement; celle-ci comprend 240 membres, 120 de terre, 60 de l'armée de l'air et 60 de la marine; la Commission de coordinatïon compte 20 membres (elle en comptera bientôt 22, puis 24 dès le 12 mars 1975, puis 28 à l'heure actuelle).

Dans la nuit du 28 au 29, Spinola refuse le secours que lui offraient le 7ème régiment de cavalerie (logé près du Palais de Belem, où il se trouve) et le général commandant la garnison de,,Porto ("je ne veux pas être le chef d'une Vendée portugaise D'ailleurs, le temps des Vendées est passé"). En conséquence, son palais sera investi par deux colonnes militaires envoyées de la caserne de Lumias.

29 septembre 1974

Le journal 'Domingo" fait savoir simultanément -que le gouvernement demande l'enlèvement des barricades -que le MFA a fait opérer "quelques dizaines d'arrestations" afin de garantir "que la marche vers une nouvelle société démocratique, exposée sans (équivoque par le MFA, ne souffrira pas de déviation" -que le général Galvao de Melo appuie la manifestation -que 1Etat-major des forces armées (c'est-à-dire le général Costa Gomes, qui en est le chef) interdit celle-ci. Elle n'aura pas lieu.

Spinola est prisonnier - ou peu s'en faut - au palais de Belem.

Quant à la rue, elle est parcourue de manifestations qui rassemblent des milliers de militants d'extrême-gauche, appartenant notamment au Parti révolutionnaire du prolétariat/Brigades révolutionnaires, au Mouvement réorganisateur du parti du prolétariat, à l'Unité révolutionnaire marxiste-léniniste. On distribue des tracts. Exemple : pour la grande manifestation révolutionnaire contre le fascisme, contre la répression de la classe laborieuse, un tract donne des consignes telles que : en rang par sept; chaque entreprise devra s'identifier par une pancarte portée au premier rang; les mots d'ordre circuleront d'avant en arrière; chaque camarade du service d'ordre devra se placer entre deux camarades; ceux qui ne sont pas organisés par entreprise se formeront en arrière selon le même principe.

30 septembre 1974

TOUS les journaux reparaissent, sauf l'hebdomadaire Bandarra (de droite) qui a été occupé par le COPCON et qui ne reparaîtra plus - au grand applaudissement des autres journaux -. A l'heure d'écoute la plus faible - 11 heures du matin -, la seule que lu ée le MFA, Spinola annonce sa démission.

Première semaine d'octobre 1974

On compte alors qu'à la prison de Caxias (sur la route de Lisbonne à I'Estoril) où il y avait 90 prisonniers (nonante) lorsque le 26 avril 1974 les forces du MFA l'ont investi, il s'en trouve plus de 4000 (quatre mille) : membres de la PIDE (police politique de l'ancien régime, devenue GDS sous Caetano), hauts fonctionnaires de l'ancien régime, "bourgeois", propriétaires, etc. Pendant cette période, on arrête 30 personnes par jour. Le chiffre est approximatif, puisqu'il n'est pas tenu de registre d'écrou. Du reste, ces personnes à l'heure qu'il est n'ont été ni inculpées ni jugées.

A ce moment, depuis avril 1974, 700 officiers sur 4000 ont été épurés - certains, en outre, emprisonnés -.

La Commission de coordination du MFA a siégé quasiment toute la semaine pour désigner des successeurs aux membres de la Junte arrêtés, assignés à résidence ou démis : Spinola, Galvao de Melo (chef d'Etat-major de l'aviation, enlevé de l'hôtel Sheraton à Lisbonne où il passait une soirée et emmené dans une voiture blindée au milieu des voitures civiles conduites par des manifestants "antifascistes"), Sanchez Osorio (major, chargé de l'infomation), Miguel (colonel, chargé de la défense).

De chef d'Etat-major de l'armée, le général Costa Gomes devient président de la République - et de la Junte -. Dînant avec Spinola le 28, il avait conseillé à ce dernier de quitter le pays.

Quant au gouvernement PC, PB, MDP/CDE, il reste en place.

Enfin, le Parti libéral et le Parti du progrès sont dissous et dorénavant interdits.

(à suivre)

JEAN-PIERRE MOSER

 

 

 

 

 

Lettre à nos lecteurs

LA QUESTION

La lecture de la presse quotidienne vous renseigne sur les événements du jour. Elle est peu réconfortante. La radio et la TV, souvent complices des débordements que nous déplorons, les narrent en forme de commentaires neutres, Savamment mijotés ou montrent des spectacles qui illustrent la montée rapide de la révolution. Il faut savoir que ces moyens de communication vous trahissent en taisant ou minimisant les effroyables drames qui se déroulent au Vietnam du Sud, au Cambodge et au Portugal. Dans le monde l'anarchie est partout, et vous croyez peut-être être à l'abri de ces calamités par nos montagnes, notre armée, notre neutralité, voire nos bonnes oeuvres ! L'Eglise est à la dérive, à la remorque de démocraties moribondes sur lesquelles elle prend modèle. Ses meilleurs éléments sont persécutés spirituellement. Elle n'est plus la barrière contre le mal qu'elle était naguère. Tout montre que ses adversaires campent au bas des créneaux de la Chrétienté qu'ils s'apprêtent à prendre d'assaut. Un écrivain britannique de renom a prédit l'avènement du communisme en Europe d'ici 1980.

Face à cette montée du mal que confirme plus récemment l'introduction dans les lois de la contraception, du divorce facilité, de l'avortement et de l'euthanasie, où est la résistance ? Il en est bien quelques îlots, mais ils sont isolés, sans coordination ni moyens financiers suffisants comparés à la multitude des honnêtes gens intéressés à l'ordre qui devraient se rassembler pour agir efficacement sur les pouvoirs publics, faibles et engagés dans un processus démagogique irrésistible.

Que faites-vous, lecteurs et amis, vous qui nous approuvez peutêtre silencieusement pour aider ceux qui comme nous cherchent dans le désintéressement à faire sortir de leur passivité nos concitoyens pour réaliser une véritable libération des esprits enracinés dans un conformisme bien helvétique. Une équipe de collaborateurs bénévoles s'efforce dans "Finalités" de mettre en garde contre le mal, de donner quelques éléments de doctrine à diffuser autour de vous pour rétablir le droit naturel qui est celui que l'Eglise a enseigné dans le passé. Une"Nouvelle Ecole" pseudo-scientifique, prenant avantage de "l'accé1ération de l'histoire, modèle insidieusement les esprits et s'emploi à faire admettre comme naturel que la vie de l'enfant dans le sein de sa mère et celle des vieillards affligés d'infirmités sont quantité négligeable, inutile (lire à ce sujet "Le choc du passé"). En bref le meurtre, désormais institutionalisé et bientôt financé par la sécurité sociale, devient pour beaucoup de nos contemporains un fait divers dont 1'auteur est un simple délinquant victime de la société alors qu'en réalité, dans la plupart des cas, il est conscient de ses actes.

L'évocation de,ces débordements à l'occasion de cette lettre nous amène à "la question" : celle d'un des secteurs de nos activités, l'information. Elle n'a - vous le savez - rien à voir avec la rubrique des faits divers du domaine de quotidiens dévertébrés, ouverts à tous les courants d'idées (bonnes ou mauvaises). Notre information, elle, dépend d'une documentation basée sur des doc trines à valeur permanente et liées les unes aux autres par la même racine, le droit naturel. Tout cela vous le savez, amis lecteurs. Nous avons cependant estimé pertinent de vous le rappeler, sans pathétisme, pensant que vous l'oubliez parfois, ignorant surtout inconsciemment un impératif concret. Voici : l'examen du fichier (soigneusement gardé) des destinataires réguliers de "Finalités" nous a fait constater avec peine que 5 % d'entre eux seulement paient la modeste somme de 20 francs nécessaires A la couverture des frais d'impression qui se montent présentement à 800 francs par mois. Dès lors, sans détour, nous posons "la question" : trouvez-vous normal de laisser à quelques-uns la charge de cette édition ? Comme à cette interrogation, il ne peut être répondu que par la négative, est-ce vraiment trop vous d