EDITORIAL

Trois degrés de la faim

La faim primaire

"Primum vivere, deinde philosphare''. Manger d'abord, ensuite philosopher ; comme un cerveau mort ne pense pas, il faut manger afin de pouvoir vivre physiquement. Les peuples actuellement repus en Occident ont perdu la signification de l'acte de manger à tel point que les auteurs préoccupés de l'existence des affamés ne suscitent guère l'attention. Entendre un rescapé de Vorkouta dire que pour manger un croûton, il aurait rampé sur un kilomètre laisse indifférent. L'usine esclavagiste du Goulag fonctionne grâce à l'instinct de conservation : les "zeks", maintenus à la limite de la famine, reçoivent journalièrement une "briquette" de pain dont le poids, qui dépend du travail accompli, est calculé en vue d'une extermination "Judicieuse". Soljenitsyne nous raconte-t-il cela, peu de personnes y croient. Les images télévisées des zones de famine nous émeuvent, un moment.

Si l'homme affamé ne peut s'épanouir et végète, symétriquement, l'homme gavé régresse, mais irrémédiablement semble-t-il : "Bienheureux, vous qui maintenant êtes affamés, car vous serez rassasiés... ""Malheur à vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim !" (Luc. 6 ; 21,25) Cela peut s'entendre au sens le plus direct, vous souffrez de la faim, mais votre développement reste possible, tandis que si vous vous gavez, votre esprit aveuglé vous conduit à la misère.

Repus, nous ne sentons plus l'urgence de l'utilisation de toutes les parties du globe susceptibles d'êtres fertilisées ; nous préférons accumuler la ferraille des gadjets : machines superflues, mille sortes de cafetières, cuirassés, chars blindés, WC indéfiniment perfectionnés.

Au sein de notre abondance éphémère, ne devrions-nous pas restreindre notre alimentation, afin d'éprouver cette faim qui torture tant d'hommes ? Mais alors, nourrir les hommes est-ce un but admissible comme tel, un but suffisant ?

Le communisme en reste là : produire, pour assouvir la faim primaire, mais visant trop bas, il rate la cible. La faim en effet a des degrés, car l'homme dépasse son corps.

Faim de l'amitié

Au-dessus d'un certain seuil, se nourrir devient un art : une civilisation n'est vraiment telle que si la nutrition s'intègre à la culture, et tend vers une gastronomie, en vue de l'amitié. Les repas soigneusement élaborés rassemblent alors les convives pour autant de fêtes amicales, et la faim se hausse au niveau d'un instrument de cordialité pour l'épanouissement de la communication ; le repas s'il garde une saine tempérance, développe la cohésion des participants, et les fait communier dans les valeurs de leur civilisation. La qualité des mets et des vins produits par un pays hautement développé, l'arrangement étudié de la table, rehaussent la qualité des propos échangés, et affinent normalement les signes de l'amitié.

Observons en passant que les repas distribués à la chaîne s'axent principalement sur la nourriture mais non exclusivement.

Que chaque repas demeure donc comme une cérémonie cordiale, comme une sorte de rite par lequel la faim viscérale se transforme en faim amicale, élargie aux dimensions de la cité proche ou des cités lointaines, et que la reconnaissance due à la société, dont les caractères illuminent les propos, rende chaque convive actif pour la diffusion de ces biens. Là aussi, une certaine redécouverte du jeûne s'impose, afin que l'esprit reste lucide et que la gourmandise n'obscurcisse pas l'amitié. Horribles sont les repas où seule la faim physique est satisfaite, où la haine rend les aliments inassimilables.

Manger avec art, ensemble, et savoir jeûner aussi, pour l'extension des biens, constitue ainsi un second degré

Faim de la Charité

La manducation qui assure la santé physique pour parvenir à l'amitié se transcende et reçoit alors en Dieu sa plénitude. La nourriture a souvent été célébrée plus comme un don des dieux que comme un fruit du travail des hommes. En vérité, le pain que nous mangeons et le vin que nous buvons constituent déjà un don de Dieu qui a voulu cependant notre collaboration, nous devons comme le dit St François de Sales, nous attacher au Dieu des dons plus qu'aux dons de Dieu et avoir faim de sa divine charité. Que nos agapes commencent donc par un hommage à l'Auteur des biens amicalement partagés. Que dire maintenant de cette invraisemblable Amitié du Dieu Pain vivant descendu du ciel, corps livré pour nous qui rassasie à la cène et donne la force de jeûner en Croix ? Est-ce abusif de voir dans la cène la formidable amitié gastronomique divine nous invitant au jeûne suprême de la Croix, pour l'amitié éternelle "J'ai soif" (Joh. 19, 28).

Jamais la cène ne sera assez belle, assez ritualisée, assez digne pour être à la mesure "sans mesure" du Dieu qui se donne en nourriture pour nous entraîner sur la Croix afin que les hommes soient nourris spirituellement, et par suite aussi amicalement, et matériellement.

C'est la manducation divine qui est essentielle ; c'est par elle que la faim primaire et la faim de l'amitié sont véritablement satisfaites. L'histoire montre que les peuples qui se nourrissent de Dieu d'abord, ne manquent de rien.

Chacune de nos cènes, qui actualise la première, nous transforme en lui pour que nous annoncions encore le sacrifice rédempteur ; en Jeudi Saint maintenant nous soutenons ceux qui déjà subissent le Vendredi Saint. Nous entrons dans l'amitié de Dieu pour mieux compatir à ses souffrances, partout où Il pleure. Qui sait si nos communions d'aujourd'hui ne nous préparent pas à affronter demain les douleurs mêmes des persécutées actuels. Manger donc pour calmer la faim primaire en donnant notre superflu au moins. Manger ensemble ensuite pour communiquer avec nos convives proches ou éloignés en observant souvent un jeûne d'amitié.

Manger enfin le Pain vivant pour entrer en société avec Dieu et avec notre prochain, pour participer au sacrifice de nos frères en la foi opprimés et pour préparer le nôtre s'il doit en être ainsi. Tels sont les trois degrés de la faim.

 

Jean de Siebenthal

 

PAGES DES JEUNES

 

Lettre à un jeune

 

Bonjour Anne,

Tu me parles franchement, permets-moi de faire de même à mon tour.

Tu me dis ne pouvoir lutter contre les "menées révolutionnaires, les menaces communistes et subversives" qui nous envahissent de toutes parts et qui sont même dans l'Église sous couvert d'une "irréversible évolution", d'un "progrès indéfini" "d'esprit conciliaire", c'est dommage.

Si nous, croyants, ne savons voir les démolitions successives qui se réalisent actuellement dans la société et dans l'Église, d'autres ont l'œil ouvert et savent profiter de toutes les occasions, abuser le pauvre peuple, le faire se gargariser de slogans "à la mode" et faire passer (sous couvert de justice, respect de l'homme, liberté, autonomie) leur lamentable marchandise.

Si on ne veut pas lutter contre tout ce qui sape autour de nous les valeurs humaines, le droit naturel, les valeurs morales et spirituelles, disons alors que nous ne sommes plus chrétiens, nous ne sommes plus missionnaires et sel de la terre.

C'est l'époque de "tout le monde il est beau tout le monde il est bon, il est gentil".

Au nom d'une béate tolérance on dit "amen, oui oui" à toutes les idioties qu'on entend pour ne pas paraître "retardé". On en revient de plus en plus à un piteux horizontalisme dans les réunions des chrétiens, dans les sermons, les catéchismes, dans les groupes paroissiaux ou d'action catholique (qui n'est plus qu'une action politique).

Je trouve bien dommage que tu vois dans la "Révolution" et le "Marxisme" des ferments de progrès alors que partout où ces deux idéologies poussent leurs hommes à prendre le pouvoir, c'est la terreur, le sang, les exterminations, les camps de concentration qui sont par milliers en URSS en 1975. Les ferments sont plutôt à chercher dans l'Évangile, la Doctrine sociale de l'Église, les enseignements pontificaux ; toutes choses que trop de catholiques, de prêtres et d'évêques méconnaissent, ou laissent de côté.

Un autre sujet dont tu me parles dans ta lettre : l'armée.

Je ferai d'abord remarquer que l'armée n'a pas pour but de tuer mais de défendre le patrimoine national et les citoyens ; il y a une nette nuance.

Nous sommes trop idéalistes. Pie XII disait pourtant : "La fin de la paix est de protéger les biens de l'humanité en tant que biens du créateur. Or parmi ces biens, il en est de telle importance pou la communauté humaine que leur défense contre une agression injuste est sans nul doute pleinement justifiée".

Et "Vatican II" a dit également "on ne saurait dénier aux gouvern ments une fois épuisées toutes les possibilités de règlement fique, le droit de légitime défense".

Et Jean XXIII ajoutait : "Les hommes n'arrivent pas à s'entendre faute de confiance réciproque… La confiance réciproque ne peut naître et se renforcer que dans le respect de l'ordre moral… mai l'ordre moral ne peut s'édifier que sur Dieu".

Autrement dit sans une morale commune, il est difficile d'avoir as sez confiance les uns dans les autres pour désarmer.

J'espère que les termes "Loi naturelle, Foi, espérance, charité chrétienne" n'ont pas pour toi d'autres sens que ce qui est explicité dans le Décalogue et le Crédo !

Pourquoi décréter si vite que nos idées vont dans une voie différente ?

En tout cas, tu es totalement libre d'accepter ou de refuser notre action, mais ne crois-tu pas qu'avant de rejeter si vite, il vaudrait mieux chercher à connaître ce que l'on fait.

Nous ne sommes pas "la boutique d'en face", c'est une organisation internationale de laïcs chrétiens qui, à ce que j'ai constaté n'ont pas dévié de ce que nous avons appris au catéchisme, (et que souvent on apprend plus maintenant) et leur domaine est le plan civique et social ; l'animation de l'intérieur des milieux et des institutions suivant les principes chrétiens.

Qu'y a-t-il d'erroné en cela ? Que vois-tu de bizarre ? Depuis de centaines d'années, la hiérarchie nous demande d'agir en se sens.

Est-ce qu'à présent ce serait périmé pour adopter les idées farfelues des prophètes "champignons", et les théories encore plus utopiques des communistes et des révolutionnaires ?

Est-ce que ces théories vont pouvoir être le ferment d'un monde plus humain et plus chrétien ?

Je te laisse à ces quelques pensées et t'envoie mon cordial souvenir.

Yves Audigier

 

DOCTRINE

La liberté

La liberté, bien éminemment précieux, mais relatif (et dans l'ordre des natures, marque d'imperfection) a été transformée en un bien absolu, et ce par tous les philosophes naturalistes, les libéraux comme les marxistes, qui à ce titre sont de la même famille.

Cela n'a rien d'étonnant. Car dans le temps même que le naturalisme, par définition, rejette l'idée d'une loi éternelle, qui est Dieu môme et d'une loi naturelle qui découle à la fois de la nature du bien (nam bonum est quod omnia appetunt) et de la nature de l'homme, et par conséquent, de la considération fondamentale qu'en Dieu nous avons la vie, le mouvement et l'être, qu'en Dieu créateur et providence, nous avons la source de ce que nous sommes, le modèle dont nous sommes l'image et la volonté à qui nous devons plaire, dans ce même temps, le naturalisme, rejetant du droit prétendûment naturel tout ce qui constitue en dépendance de Dieu, cherche le fondement de ce droit dans ce qui nous constitue véritablement homme.

Or, ce qui nous constitue véritablement homme, ou plutôt ce qui est la suite nécessaire de notre nature rationnelle, c'est la liberté, qui se définit, de l'aveu universel, par l'échappée à tout ce qui détermine la volonté et la caractéristique de celle-ci de se déterminer de son propre mouvement et d'impérer elle-même et sans le concours d'un facteur étranger, les actes d'exécution qui suivent la décision. Par quoi nous méritons d'être appelés maîtres de nos actes. Mais cette liberté est orientée non au seul bien qui est Dieu, non pas môme aux biens qui amènent à Dieu comme le principe de tout bien mais à tout bien absolument. En sorte que la liberté est non seulement le choix de tout bien, mais le constitutif subratione boni de tout ce qui fait l'objet de notre élection, quelle que soit en réalité sa nature de bien.

Par quoi l'on comprend que la loi ramène la volonté libre vers tout bien absolument parlant et hors du choix de la volonté.

En principe, la loi est (idéalement, en ce sens que toute loi devrait l'être) le signal indicateur de tout bien. Par quoi l'on comprend le rôle de la loi sur la volonté : elle est le guide de la raison, en lui indiquant parmi tous les objets de notre choix les vrais biens, ou ceux qui s'en approchent, ou ceux qui y conduisent ; de toute manière, la loi indique une réalité connexe au bien et ayant une relation avec lui. Dans ces conditions, elle permet à la raison de reconnaître le bien comme tel et de le préposer à la volonté qui en conséquence peut choisir ce bien et le constituer comme tel par l'élection, avant d'ordonner les actes d'exécution nécessaires à l'atteindre. De sorte que la loi est bien le guide en dernière analyse, de la volonté.

Il suit que la volonté, en face de la loi éternelle et de la loi naturelle, ne peut se poser que comme le moyen de choisir les ôbjets qui ressortissent à ces lois. Au lieu que si les lois divine et naturelle cessent d'être envisagées, ni l'intelligence, ni la volonté n'ont plus de guide assuré vers le vrai bien. D'où il suit que l'intelligence laissée à elle-même ne voit de désirable que le rationnel, et la volonté, à supposer qu'elle collabore avec l'intelligence, ne voit plus de bien que dans le rationnel, i.e. dans les constructions de la raison, ou même ne voit plus de bien, non pas le bien qu'il s'agit de choisir, mais dans son propre exercice même et dans les caractéristiques mêmes qui caractérisent les actes de volonté, élection et impération, à savoir l'autonomie absolue, l'indépendance de tout déterminant extrinsèque.

Il est donc normal que le naturalisme, que ce soit sous la forme libérale ou sous la forme marxiste (ou socialiste, car la nature du problème n'est pas changée) ne laisse plus à la liberté d'autre champ que celle de l'indépendance absolue de tout déterminant extérieur, que ce soit la loi divine, la loi naturelle ou la loi humaine.

Nous disons bien la loi humaine, car si la loi humaine est envisagée comme telle, il est clair qu'elle n'a plus aucun rapport avec la loi divine et la loi naturelle. Par quoi l'on voit qu'elle ne peut plus se fonder que sur elle-même. Il suit que, très rapidement, on ne l'envisage plus comme pure pression extérieure sur la volonté, car de fait, en tant qu'elle ne tire plus sa légitimité de sa conformité à la volonté divine ou à la loi naturelle, elle n'a plus d'autre apparence que le moyen d'éviter le pire, à savoir que les hommes ne s'entre-dévorent : par quoi la loi simplement n'est rien d'autre que la rançon de la civilisation, ou pour mieux dire le péage en forme de répression que chacun de nous doit payer dès son enfance pour pouvoir participer aux fruits de la société et de la civilisation. De sorte que la loi n'est plus conçue que comme une répression de la nature et de la liberté payée par tous, et exprimée sous une forme universelle pour être supportable à chacun de nous.

Je dis payée par la liberté, car si la loi est réduite à la simple répression d'une liberté, il est clair qu'elle s'oppose de quelque côté qu'on la prenne à la liberté, en tant qu'elle met fin à l'autodétermination intrinsèque absolue et à l'indétermination extrinsèque absolue de la volonté. D'où il suit que la loi et la liberté sont deux termes antagonistes, qui se dévorent l'un l'autre et ne cessent de chercher à se détruire, de telle sorte que le triomphe de l'une ne peut être obtenue que par la destruction de l'autre, et de telle sorte aussi que quiconque entend soutenir la cause de l'une ne peut le faire qu'en anéantissant la cause de l'autre.

Par quoi il appert que la liberté a simplement pris, dans le naturalisme, le caractère absolu que la loi a, dans le système des lois divine, naturelle et humaine, ou plutôt qu'elle a remplacé par un caractère à tous égards absolu le caractère absolu qui est la marque de la seule loi divine, et absolu par participation, de la loi naturelle et de la loi humaine, dont nous disons que le caractère est absolu par participation, parce que la loi naturelle est absolue autant qu'elle est conforme à la loi divine, et dans la mesure de cette conformité ; qu'elle est relative au contraire dans la mesure où tout en restant loi et ouvrage de la raison dans la mesure où elle continue de se fonder sur la loi divine et dans la mesure où elle entretient connexité ou relation avec elle ; que la loi humaine est absolue ou relative dans la même mesure. Et que par conséquent, toute loi n'est qu'une participation à la loi divine. Qu'elle est absolue dans l'ordre ou elle y est conforme et relatif dans la mesure où elle perd de sa conformité, soit en y ajoutant soit en y modifiant -sans cesser cependant d'être raisonnable jusqu'au point de devenir nulle dans la mesure où elle est contraire.

Autrement dit, la loi est un analogue, ou plutôt la notion d'absolu de la loi n'est ni équivoque, ni univoque, mais analogue. Au lieu que dans le naturalisme, où manque et la participation et part conséquent la mesure, la loi ne peut point être un analogue -autrement que part la volonté du législateur, c'est-à-dire, attendu qu' elle ne recherche point la conformité à la loi divine, par un pur arbitraire-, mais un univoque. Elle doit donc être univoquement absolue. Et pareillement la liberté, puisqu'il n'y a pas d'autre valeur plus éminemment humaine et personnelle, et que la volonté, faute d'être référée (par la loi, au bien) n'est plus que dans la mesure où elle ne subit aucune détermination.

C'est donc l'indétermination absolue. Par quoi on constate que la liberté absolue et la loi absolue sont dans un conflit aussi permanent qu'inexpiable et qu'elles ne peuvent être véritablement telles qu'elles sont, dans la pensée naturaliste, qu'à la condition d'avoir anéanti l'adversaire.

A cela s'ajoute autre chose : tout ce qui détermine l'action humaine, à commencer par la nature et les limitations qu'impose la nature à l'action humaine, limitant l'absolue indétermination de la volonté, lui retranchant de son empire d'actes impérés, tend à la limiter telle qu'elle. De sorte qu'à la limite le règne de la volonté absolue signifie non seulement l'anéantissement total non seulement de toute loi (parce que toute loi, étant univoquement absolue, doit être détruite, mais aussi de toute nature).

C'est pourquoi nous ne pouvons trouver l'analogue des lois, source de leurs vrais rapports, que dans la loi divine. C'est pourquoi 1. aussi les lois obligent de manière analogique selon que la loi est divine, naturelle ou humaine. Or la loi divine règle les actions de l'homme en tant que le bien est divin, la loi naturelle, en tant que le bien est humain. D'où il appert que c'est la hiérarchie des biens objets des lois qui détermine la hiérarchie des obligations.

Le bien divin l'emportant sur le bien naturel, de même la loi divine sur la loi naturelle) ainsi en cas de conflit la loi divine l'emporte-t-elle sur la loi humaine ; et de même la loi naturelle sur la loi humaine et pour les même raisons.

D'où il suit que la liberté absolue, comme choix du bien absolu, en tant qu'elle a ce bien Pour objet, l'emporte sur toute autre espèce de liberté ; d'où il suit que, à raison même du bien élu, la liberté qui a un bien de droit divin pour objet ne peut connaître aucune limite ; d'où il suit qu'un bien naturel porté sur davantage et mieux que sur un bien humain, et dès lors fonde une liberté qui ne peut être limitée que par le bien divin ; et pareillement, la liberté qui porte sur le bien humain ne peut être limitée que par les biens divins et naturels. D'où il suit que la liberté purement humaine peut être limitée en considération des biens naturels et divins, et non l'inverse. La liberté politique est ainsi moins importante, quelque forme qu'elle prenne, que la liberté naturelle c'est-à-dire la liberté de pratiquer les dix commandements, et que la liberté divine, celle d'adorer Dieu et de le remercier d'être Lui-même notre loi. Car Il est la vérité et la vérité nous libère (Jo VIII, 32). Par où il appert que nous n'avons pas, comme ceux qui ne connaissent pas Dieu, ni Dieu ni maître ; nous avons un Dieu, et point de maître : tu adoreras Dieu seul, et Lui seul tu serviras

Jean Pierre Moser

 

ACTUALITÉ - DOCTRINE

Page économique et sociale

L'article conjoncturel

Ayant dit un strict minimum de la riche substance des enseignements de l'Église sur la question sociale, il importe maintenant de quitter le terrain de la doctrine -concept abhorré par le progressisme pour aborder les nombreux problèmes nationaux que pose l'évolution des esprits dans les domaines social et économique. Pour l'office suisse les ignorer serait une erreur, car l'endoctrinement est intense et il y va de nos libertés de plus en plus grignotées et du droit naturel dont on s'écarte dangereusement. Notre Constitution devient un fourre tout pour idéologues délirants qui se refusent à reconnaître que cette prolifération de droits "constitutionnels" est la plus convaincante illustration de la décadence des élites.

Des options toujours plus nombreuses sont offertes à notre électorat, et comme la plupart des problèmes sont politisés, force est de descendre dans cette arène peu ragoûtante qu'est la politique.

 

Il s'agit aujourd'hui de l'article conjoncturel qui met dans l'embarras bien des électeurs. Problème complexe, même pour les meilleurs spécialistes, on ne sait quelle attitude adopter dans le prochain scrutin, et nous-même, après l'avoir examiné sous toutes ses faces, nous avons peine à nous déterminer, car de la décision qui sortira de l'urne dépendra le sort de l'économie de marché qui, malgré ses imperfections, nous aura valu de longues années de prospérité qui ont permis une sensible amélioration de la condition du monde du travail. De quoi s'agit-il avec l'arrêté fédéral concernant l'article de la Constitution sur la politique conjoncturelle ? Il faut le citer en entier pour bien saisir ce qu'on demande à 1'électorat. D'emblée on peut dire que c'est une somme de pouvoir accordé à la Berne fédérale comme on n'en a jamais vu. Voici son texte :

1 "La Confédération favorise une évolution conjoncturelle équilibrée en vue notamment de prévenir et de combattre le chômage et le renchérissement.

2 La Confédération prend à cet effet, en dérogeant s'il le faut, au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, des mesures dans les secteurs de la monnaie et du crédit, des finances publiques et des relations économiques extérieures.

3 Si les moyens visés au 2e alinéa ne suffisent pas, la Confédération a le droit de prendre aussi des mesures relevant d'autres secteurs. Si elles dérogent au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, elles doivent être limitées dans le temps.

4 Aux fins de stabiliser la conjoncture, la Confédération peut, à titre temporaire, prélever des suppléments ou accorder des rabais sur les impôts fédéraux et instituer des contributions spéciales. Les fonds ainsi épongés seront stérilisés aussi longtemps que la situation conjoncturelle l'exigera, puis remboursés individuellement ou sous forme de réduction de taux.

5 La confédération peut étendre ou restreindre les possibilités d'amortissement en matière d'impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes.

6 La Confédération, les cantons et les communes, de même que leurs entreprises et établissements doivent aménager leurs finances conformément aux impératifs de la situation conjoncturelle et pourvoir à une planification financière pluriannuelle. La Confédération peut adapter à la situation conjoncturelle le versement des subventions fédérales et des quotes-parts cantonales des impôts fédéraux.

7 Lorsqu'elle prendra des mesures au sens du présent article, la Confédération tiendra compte des disparités dans le développement économique des diverses régions du pays.

8 La Confédération procède de manière suivie aux enquêtes que requiert la politique conjoncturelle.

9 L'exécution du présent article sera assurée par des lois fédérales ou des arrêtés fédéraux de portée générale. Ces dispositions, législatives peuvent habiliter le Conseil fédéral et dans les limites de ses attributions, la Banque nationale à régler le détail des mesures à prendre et à fixer la durée de leur application. Le Conseil fédéral présentera annuellement à l'Assemblée fédérale un rapport sur les mesures prises. En tant que la législation d'exécution le prévoit, l'Assemblée fédérale décide si les mesures restent en vigueur.

10 Les cantons, les partis politiques et les groupements économiques intéressés seront consultés lors de l'élaboration des lois fédérales et des arrêtés fédéraux de portée générale, sauf s'il s'agit d'arrêtés fédéraux urgents. Les cantons et les groupements économiques pourront être appelés à coopérer à l'application de cette législation.

Art. 32, lé al. 1 Les dispositions prévues aux articles 31 bis, 31 te., 2e alinéa, et 31 quater ne pourront être établies que sous forme de lois ou d'arrêtés sujets au vote du peuple. Pour le cas d'urgence survenant en période de perturbations économiques, l'article 89 bis est réservé.

Dès lors comment voter le 2 mars ? Il ne saurait être question d'imposer une attitude "Préfabriquée" dans une officine politique mais d'exprimer d'une part un point de vue autant que possible conforme à certaines contingences économiques et politiques et d'autre part de s'inspirer du droit naturel dans son aspect particulier ressortissant à l'intervention de l'État et à ses limites en matière économique et sociale, l'un et l'autre de ces domaines ne pouvant être dissociés sans dommage pour une politique économique axée sur le social. C'est dire que la brutale irruption de l'État et la concurrence des groupes de pression de ces dernières années dans l'économie ne facilitent pas la solution objective du problème de l'équilibre économique qui, en principe devrait écarter une inflation insupportable ou des récessions excessives, sources de conflits sociaux. En matière d'intervention de l'État, on connaît la position de l'Église qui fait un devoir à l'État et au particulier de sauvegarder le bien commun, lequel passe par la protection du monde du travail sans négliger pour autant certaines nécessités économiques et le droit à la propriété privée assortis à des conditions restrictives relevant du droit naturel, points sur lesquels nous espérons revenir ultérieurement.

Donc sur la suggestion à donner à nos lecteurs pour le prochain scrutin, nous sommes partagés entre le désir de donner sa chance au pouvoir central en votant oui, car il s'agît de ne pas décourager dans les efforts de redressement de nos finances au point qu'il soit acculé à prendre des décisions "désespérées». Mais d'autre part nombreux sont tentés de voter non car après tant d'affirmations successives par lesquelles ce pouvoir prétendant n'être plus à même de réduire les dépenses, à quoi s'ajoute l'inquiétant affaiblissement de la volonté politique des autorités harcelées d'initiatives farfelues et propositions de projets de lois qu'elles croient bien traiter en leur opposant des contreprojets inutiles qui sèment la confusion. Il en résulte qu'est mise en cause la confiance dans le pouvoir central qui volent pollens tire par trop la couverture à lui aux dépens de nos libertés individuelles et du fédéralisme.

Dès lors tant de pouvoir laissé à sa discrétion fait imaginer l' usage qui pourrait en être fait si d'aventure s'instaurait un régime à tendance collectiviste qui, avec "l'accélération de l'histoire" n'est peut-être pas si lointain qu'on le pense généralement

Dans l'hypothèse d'un rejet de l'article constitutionnel d'aucuns se demanderont Et après qu'adviendra-t-il il Ne tend-t-on pas trop la corde en poussant à l'extrême la détermination de voir imprimer un tour plus rigide et moins démagogique à l'ensemble de la politique gouvernementale, en particulier à celle relevant des finances fédérales ? Ne va-t-on pas susciter non plus une récession mais une crise économique avec chômage ? En l'état actuel des choses tout est possible sinon probable et il faut se préparer à une telle éventualité comme semble enfin le faire Berne où le responsable des finances a parlé d'une réserve d'un demi milliard qui serait utilisé pour parer au plus pressé. Que cela suffise ou non, il convient de voir les choses en face et jamais la solidarité du peuple, avec nos autorités, n'a été aussi nécessaire à condition qu'elles aient appris du dernier scrutin qu'on ne saurait abuser de lui.

Personnellement, nous voterons en faveur du rejet de l'article constitutionnel estimant que Berne dispose de suffisamment d'instruments légaux pour corriger les excès de la conjoncture.

Denis Favre

INFORMATIONS

STAGE DU SIMPLON

Du 31 mars au 5 avril 1975 à l'Hospice du Col du Simplon (semaine après Pâques) aura lieu un stage "Montalza" de formation civique, où débutants et chevronnés pourront approfondir leurs connaissances et s'imprégner de méthodes efficaces. Deux permanents de l'Office international dirigeront les journées. On prévoit une importante participation française, et la participation suisse promet aussi d'être substantielle.

Remercions d'ores et déjà les chanoines du Grand Saint Bernard qui non seulement mettront leurs installations à notre disposition, mais encore conduiront les skieurs sur les bonnes pistes. Une partie importante de chaque journée en effet sera consacrée au sport, comme c , est l'habitude.

Inscrivez-vous dès maintenant à l'Office suisse, Avant-Poste 7 1005 Lausanne, tel. (021) 23 12 66.

Note : Ceux qui désireraient monter au Simplon dès le 26 mars le peuvent. Ils pourront ainsi participer aux Offices des saintes journées, et se livrer aux sports de montagne.

Stagirus

 

INFORMATIONS II

Destruction de la loi naturelle

Il A la conférence de Bucarest sur la population, pour la première fois, on a assisté à des tentatives manifestes pour éliminer progressivement des textes des Nations Unies les expressions qui affirment les droits de la famille et en font pour les nations un élément fondamental méritant une protection particulière. Tandis que beaucoup de dirigeants bons-chrétiens ou même athées parlaient excellemment de la protection due à la famille, on a vu des délégués de pays de "vieille chrétienté" faire le procès de l'institution familiale".

"La discussion... a fait apparaître une volonté d'accorder à d'autres, par exemple aux personnes d'un même sexe vivant maritalement ou à l'enfant né de l'insémination artificielle la protection et les droits civils qui étaient jusqu'à maintenant réservés à la famille. On a vu se manifester aussi une philosophie selon laquelle le mariage traditionnel constitue le principal obstacle à la dignité et à la promotion de la femme"

"Ces doutes sur la famille, qui à Bucarest ont révélé la crise du monde occidental, sont maintenant exportés dans le monde entier".

MGR GAGNON Synode 1974 Il octobre 1974

(Documentation catholique n_0 1667 du 5. 1. 1975, p. 39)

 

Hiérarchie naturelle

Dire qu'une hiérarchie naturelle entre deux personnes soit un obstacle à des sentiments cordiaux, déclarer qu'il s'agit d'une "frustration" est l'un des plus grands crimes commis par la doctrine pseudo-démocratique. Sans cette hiérarchie, la forme la plus naturelle d'amour humain, celle qui unit normalement les membres d'une famille n'existerait même pas. Des milliers d'enfants sont devenus de malheureux névrosés du fait de la célèbre éducation "anti-autoritaire" destinée à éviter les frustrations".

KONRAD LORENZ

"Les huit péchés capitaux de notre civilisation".

La politique de Monseigneur Casaroli

"Même sans vouloir s'en attribuer le monopole le Saint Siège agit dans la communauté des nations comme interprète et porte-parole de la conscience de l'humanité".

"Encore qu'il n'en ait pas reçu le mandat, il s'efforce de se faire fidèlement l'écho des exigences morales du monde tout entier, du sentiment religieux universel comme aussi des exigences éthiques du monde non croyant".

MGR ANTONIO CASAROLI

"Kissinger du Vatican". Nouvelliste et feuille d'Avis du Valais du 30. 12. 1974, article de Georges Huber.

À concilier avec :

"Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Partez donc, enseignez toutes les nations; baptisez-les au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Apprenez-leur à observer fidèlement tout ce que je vous ai commandé.

MATH. 28 : 18,19

Palestine

Les chiffres parlent : de 250 à 300 mille chrétiens en Palestine en 1948, seulement 251000 environ aujourd'hui.

F. VOLLE. MARCHONS (Revue CPCR). Décembre 1974.