Brebis perdues

Il y a dans le monde des milliers, si ce n'est des millions d'embryons surnuméraires, c'est-à-dire des embryons issus de fécondations in vitro et non implantés dans l'utérus d'une femme et le plus souvent congelés, conservés à basse température, en vue d'une implantation très éventuelle, ou dans un autre but.

Selon la Conférence des évêques suisses (lettre du 16 juillet 2003), ces embryons sont des sujets de droit inaliénable et absolu, dès le tout début de leur existence. Cette affirmation à mon sens manque de précision : qu'en est-il de l'animation, c'est-à-dire de la présence d'une âme ? Entre autres sources, le Congrès ''L'embryon, un homme'', tenu au CHUV à Lausanne en 1986, a clairement établi que dès le début, l'embryon humain est doté d'une âme humaine, créée immédiatement par Dieu, donc immortelle. Les Actes de ce Congrès (en vente au CDC), au cours de plusieurs conférences, attestent ce fait (cf. par exemple les pages 69 à 89 et 91 à 98).

3. D'autre part, l'enfant qui n'est pas encore né est également un homme; et même, puisqu'être parmi « les plus petits » est un titre privilégié d'identification au Christ (cf. MT xxv, 4o) comment pourrait-on ignorer une présence particulière du Christ dans l'être humain en gestation, lui qui est vraiment, parmi les autres êtres humains, le plus petit, le plus exposé, puisqu'il est privé de tout moyen de défense et qu'il n'a pas encore de voix pour protester contre les coups portés à ses droits les plus élémentaires ?(Jean-Paul II, 26.1.1980)

C'est donc le cas des embryons, même congelés : autant de tels embryons, autant de brebis perdues. Un chrétien, un prêtre, un évêque, se doivent de tout faire pour tenter de les sauver, comme le Seigneur en Luc, 15, 4-7 et ne pas proposer ''froidement'', comme les évêques espagnols, de les dégeler, afin de les laisser mourir de mort ''naturelle''. C'est là une capitulation devant le rôle missionnaire de l'Église, semble-t-il. Par ailleurs, il est connu que depuis les années 1960, il est malséant de tenter de convertir qui que ce soit, quelque adepte d'une autre religion par exemple.

La Légion de Marie constate une conséquence de la mutation post-conciliaire : il est devenu pratiquement impossible de convertir les incroyants ; pourquoi baptiser puisqu'il s'agit de construire ?

"Presque personne n'attache la moindre importance au fait d'obtenir des conversions à l'Église" (selon le fondateur F. Duff = 1974, vol XIX, no 5).

Sur l'adoption

L'adoption d'un enfant par une famille est une pratique fréquente. L'annuaire statistique suisse 2003 donne pour l'an 2001 les nombres d'adoptions suivants : 273 enfants de 0 à 4 ans, 180 de 5 à 9 ans, etc., dans notamment 482 couples mariés, ces enfants étant issus de divers continents.

Les enfants adoptés de 0 à 4 ans sont des petits issus de parents extérieurs, d'une mère porteuse, donc des corps étrangers, résultant d'une insémination étrangère au couple adopteur. Adopter un enfant de un an, ou un embryon de quelques jours, non encore né, quelle différence ? L'embryon adopté bénéficie même d'un plus grand apport physiologique et affectif de la nouvelle mère. Il y a dans un cas comme dans l'autre, une âme immortelle en jeu. Quant aux personnes ''ne partageant pas notre fond de croyance'', elles peuvent s'adapter.

Aux États-Unis, l'adoption des embryons congelés se pratique. Sur 100 telles adoptions, 12 seulement engendrent un enfant apte à vivre. C'est peu, certes, mais le maximum a été tenté : 12 nouveaux adorateurs de Dieu possibles ! Un seul même en vaudrait la peine...

On pourra se reporter au texte du P. Roland Graf, cité ci-dessous p.5 ff (L'adoption d'embryons, sortir de l'impasse ?).

Selon ce dernier, seule l'interdiction de la fécondation in vitro pourrait éviter cela, cet échec manifeste. Mais le peuple suisse, par votation, appuyé par ses autorités, a refusé cette interdiction. Il s'est donc trompé : la démocratie n'est pas infaillible. Essayons d'expliquer : pourquoi cet acharnement à féconder in vitro ? Ce désir obstiné d'avoir l'enfant qui, au plan naturel ne vient pas, au prix de manipulations aléatoires contre nature : surovulation, masturbation..., et dépenses pharamineuses ? De plus, il s'est investi des sommes importantes dans la médecine reproductive, d'où l'impossibilité politique de revenir en arrière.

Ajoutons que la stérilité des couples provient de divers facteurs, dont l'un est certainement l'emploi devenu habituel des contraceptifs, préservatifs, pilule anovulante, etc. et des produits abortifs dont le stérilet. On a voulu l'amour sans l'enfant par la contraception, assurant aux pharmacies un chiffre d'affaires confortable, et par la suite, on veut l'enfant sans l'amour par la coûteuse machinerie in vitro, génératrice d'embryons surnuméraires. D'où l'impasse décrite ci-dessus- Le pape Paul VI dans Humanae vitae, avait vu clair, malgré les oppositions. Et le catéchisme traditionnel, dans les commandements, l'avait prescrit : Tu ne feras pas d'impureté. L'ordre moral assure l'ordre public et sans ordre moral, pas d'ordre public (cf. pp 10-11).

Et le laïcisme chiraquien insiste:

Le plus ferme adversaire des requêtes du Pape à l'ntérieur de la Convention, a été le gouvernement français. Ce dernier juge en effet incompatible la référence au christianisme avec les racines laïques et républicaines de la France née de la Révolution de 1789. Cette "horreur" pour le mot "chrétien" constitue un trait distinctif du "laïcisme" qui n'a rien à voir avec le concept traditionnel de laïcité. Le mot "laïc" indique encore dans l'Église les personnes baptisées qui ne font pas partie de la hiérarchie ecclésiastique; la laïcité dérive à son tour de la distinction évangélique entre l'ordre religieux et l'ordre civil selon le commandement de Notre Seigneur de donner « à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt. 22, 21).

Le "laïcisme" naît au contraire avec la Révolution française comme une idéologie qui ne vise pas à distinguer mais à séparer radicalement et mettre en conflit la religion et la politique en subordonnant l'Église à l'État et en émancipant l'humanité de tout lien religieux et moral. (Extrait de la Correspondance européenne)

Monsieur le Président, à l'heure où vous comparaîtrez devant Dieu, n'allez-vous pas, en un sursaut salutaire, permis par la Miséricorde, renoncer à cette opinion démoniaque, apte à vous conduire dans les flammes éternelles, là où gémissent tous les laïcistes acharnés ?

Jean de Siebenthal

 

L'adoption d'embryons -

Sortir de l'impasse ?

P . Roland Graf

Sans modification du législateur et sans nouveaux chiffres de la médecine reproductive, il faut compter qu'en Suisse à la fin 2003 on détruira environ 1000 embryons prétendument surnuméraires. C'est ce que prévoit un règlement transitoire de la nouvelle loi sur les transplantations médicales. Cela concerne tous les embryons fécondés in vitro avant le ler janvier 2001 . En soi la cryogénisation des embryons est mauvaise. La cryogénisation des embryons est mauvaise, car elle place les embryons dans une situation indigne de l'être humain . Elle les bloque à un stade primaire de développement . Leur sort ultérieur dépend des décisions de tiers. Cela est contraire à la dignité humaine, car l'être humain ne doit pas être modelé, mais doit se déterminer librement en bien ou en mal. La loi est d'accord sur ce point puisque la cryogénisation des embryons est expressément interdite . C'est pourquoi on peut douter fortement de la déclaration faite par Pascal Couchepin aux États le 12 mars 2003 selon laquelle il n'y aurait eu en Suisse en 2002 que 81 nouveaux embryons dits surnuméraires. D'autant qu'on sait, depuis le 14 avril 2003, que selon la commission préparatoire, il y aurait eu en 2001 et 2002 chaque année 200 embryons surnuméraires. La discussion s'impose puisque les députés allemands Ulrike Höfken et René Röspel ont parlé de 15 embryons en 2001 et le professeur Wuermeling de 17 ! Il faut absolument que les conseillers nationaux exigent du Conseil fédéral et des milieux médicaux des statistiques plausibles et vérifiables.

''Eliminer '' - est-ce laisser mourir ou tuer ?

On parle de ''laisser mourir'' les embryons, pas de les '' tuer''. Dans ce cas précis, quel mot est le plus adapté à la réalité ? Potentiellement l'embryon surnuméraire a la capacité de se développer et de devenir un adulte. Un professionnel peut le cultiver et le transplanter dans l'utérus d'une femme à cette fin. Est-ce vraiment une situation comparable à celle d'un malade mourant ? Est-ce une sorte d'acharnement thérapeutique ? La réponse est résolument '' non''. Imaginons qu'un patient gravement atteint et dépendant de tout un appareillage de survie puisse tout d'un coup bénéficier d'une nouvelle technique, d'une nouvelle méthode. Les médecins auraient alors le devoir de traiter ce patient avec ces nouvelles méthodes à disposition . Pour l'embryon, le diagnostic est clair : amélioration possible en l'implantant dans une mère porteuse . Décongeler les embryons est un acte volontaire. Les décongeler sans transfert ou par transfert dans le seul vagin (où ils n'ont aucune chance de survie ) équivaut à un meurtre . Ce n'est en tout cas pas '' laisser mourir''. Détruire l'avenir d'un embryon apte à se développer équivaut à tuer un innocent et cela est moralement répréhensible .

Le problème de l'adoption des embryons

Qui prend au sérieux la dignité humaine ne peut accepter cette destruction légale et doit se poser la question du moyen de sauver ces embryons. Certains veulent les conserver pour la recherche . Mais il s'agit d'une manipulation qui tôt ou tard conduit à la mort en éprouvette. L'embryon ne peut survivre que si un couple l'adopte. Au premier regard c'est une solution tentante . Légalement et éthiquement cela n'est pas dépourvu de difficultés.

Le don d'embryon est interdit par la loi. Il ne fait pas de doute que cette interdiction vise à empêcher la fécondation en vue de dons. Juridiquement, il faudrait voir si une adoption d'embryons surnuméraires serait considérée comme un don tombant sous le coup de la loi. Si toutefois les embryons surnuméraires sont congelés en vue d'une fécondation conforme aux stipulations légales, l'adoption deviendrait légalement possible . La logique voudrait que soit possible le don d'embryons pour les sauver postérieurement à une cryogénisation, mais que dirait un juriste ? Aux USA l'adoption d'embryons est possible et 12 embryons sur cent aboutissent à une naissance. L'adoption d'embryons est comparable à celle d'enfants . Il n'y a pas de lien génétique avec les parents . Il peut aussi exister des frères et sœurs. En droit suisse, les enfants ont le droit de connaître leur ascendance, mais le désir d'anonymat des parents prime. Au contraire de l'adoption ordinaire, il y a un lien plus précoce entre les parents et l'enfant. Il ne faut pas négliger le problème de la très forte pression artérielle en cas de grossesse par adoption d'embryon (30% contre 15 % par fertilisation in vitro ). De même qu'avec la fivete, il y a un risque d'échec, un risque de naissances multiples, et un risque d'avortement après diagnostic prénatal. En ce dernier cas, il faut penser que les parents adoptifs avorteraient l'enfant du couple donateur. Les donateurs veulent en général savoir ce qu'il advient des embryons offerts et si cela a abouti à une naissance. Certains donateurs vivent mal ce don et ne s'expriment que contraints et réticents à l'occasion d'une collecte de statistiques ou d'une enquête d'opinion.

Il y a aussi le domaine des risques génétiques. Faut-il obliger les donateurs à déclarer un éventuel risque génétique et faut-il en informer les parents adoptifs ? Doit-on fournir des données sur l'âge, la taille, le poids, la couleur des yeux et des cheveux ? L'âge de la mère est aussi un facteur à considérer. Doit-on envisager seulement les femmes qui ont tous les atouts de leur côté ou aussi celles qui ont des problèmes de stérilité ? Ces dernières diminueraient les chances pour l'implantation des embryons adoptés .

Aux USA il n'y a que 28,3% d'embryons surnuméraires adoptés . Les 58,2% restants sont soit éliminés à la demande des parents ; soit on peut considérer que les parents désirent implicitement cette destruction puisqu'ils donnent de fausses adresses, ou ne donnent plus de leurs nouvelles . Les dons pour la recherche s'élèvent à 13,5%. Il existe des programmes d'adoption d'embryons, mais les couples ne sont pas enthousiastes . Il faudrait la pression de la loi pour sauver par ce biais le plus d'embryons possible . La constatation des surnuméraires entraînerait la perte du choix et l'adoption ne peut fonctionner que si la loi interdit la recherche ou la destruction .

Évaluation des différentes variantes

Il est clair que l'adoption n'est un moyen de sauver les embryons que sous certaines conditions bien précises :

1 . Interdiction totale et absolue de la fécondation in vitro afin qu'il n'y ait plus d'embryons surnuméraires, interdiction de la destruction et de la recherche , allant de pair avec le don des surnuméraires pour l'adoption C'est cette seule variante qui est éthiquement responsable puisqu'ainsi il n'y aurait plus après un certain temps d'embryons surnuméraires . Les autres variantes posent problèmes et à mon sens contreviennent à l'éthique .

2. La profession médicale s'en tiendrait à une stricte application de la FIV (sous la surveillance du Conseil fédéral, surveillance actuellement inexistante), il y aurait une interdiction formelle de destruction et de recherche et une adoption des surnuméraires. Mais cela produirait de toute manière toujours encore des surnuméraires ,

3 . La pratique actuelle associée à une interdiction explicite de la recherche sur embryons et au don des surnuméraires pour adoption. Il y aurait encore malgré cela des surnuméraires avec le risque supplémentaire d'en pousser la production pour permettre l'adoption et le succès de l'implantation. Ainsi il y aurait une répugnante intégration de l'adoption dans la culture de mort .

4 . La pratique actuelle avec une interdiction de l'adoption d'embryons, couplée à une interdiction de la recherche. Il subsisterait des embryons surnuméraires qui devront s'attendre à la mort en éprouvette .

La deuxième variante est déjà très problématique parce qu'on ne sait pas si tous les embryons pourraient être adoptés . À défaut leur nombre ne cesserait d'augmenter. Les variantes quatre et cinq sont également insatisfaisantes moralement et même répréhensibles . Même si une bonne intention conduit à l'adoption d'embryons il ne faut pas que cela devienne un usage abusif de la culture de mort . La destruction de tous les embryons n'est jamais admissible . Aucune des variantes 2 à 4 ne s'attaque à la cause du problème des surnuméraires . Donc on ne sort pas de l'impasse . Pour des raisons politiques il serait irréaliste de prôner et d'espérer une interdiction de la fécondation in vitro. Il serait de même en ce moment irresponsable d'introduire l'adoption d'embryons ( voir 3). Il faut d'abord que des statistiques sûres soient disponibles et que les points obscurs soient éclaircis. La balle est dans le camp de la profession médicale, du Conseil fédéral et des cantons. Jusqu'à ce que tout cela soit tiré au clair, il faut impérativement prolonger le délai de conservation, si nécessaire par une ordonnance fédérale urgente.

Qui porte la responsabilité de cette situation quasiment sans issue ? Il n'y a aucun doute ; les responsables sont la médecine reproductive et le législateur . Ce sont eux qui ont combattu avec véhémence une interdiction de la fertilisation in vitro avant l'entrée en vigueur de la loi . Avec l'argument qu'il n'y aurait plus depuis 1992 d'embryons surnuméraires . Le médecin chef de la clinique féminine de Zurich a osé écrire que depuis l'acceptation de l'article constitutionnel 24 (maintenant 119) par le peuple il n'y avait plus d'embryons dits surnuméraires, parce que ce texte stipule que ne peuvent être développés que les embryons immédiatement transférables à la femme (NZZ 28 . 1 . 2000) .

P. Roland Graf

Traduction Denis Helfer

 

 

Réponse à Nicolas Sarkozy

« L'ordre public, pas l'ordre moral »

C'est par ce propos de monsieur Sarkozy qui lui a accordé un entretien que la Dépêche du Midi du 3 février titre sur toute sa première page.

On veut bien croire que monsieur Sarkozy n'a pas pesé tout le sens de cette formule, pas plus que monsieur Chirac lorsqu'il rappelle fréquemment que « la loi morale ne saurait l'emporter sur la loi civile ».

Cette formule est cependant révélatrice d'une totale rupture avec les fondements de notre civilisation : avec ses racines grecques qui enseignent avec Sophocle que la Loi des dieux, la Loi morale est au-dessus de la loi du Tyran, avec le Décalogue commun aux juifs et aux chrétiens, ces dix commandements dont le respect doit inspirer toutes les lois et qu'aucune, pour le moins, ne doit violer. « L'ordre public, pas l'ordre moral » C'était dans la pratique le souhait de la pire des bourgeoisies, du pire des capitalismes, uniquement soucieux de l'ordre pour les affaires, et de la respectabilité de façade. « L'ordre public, pas l'ordre moral », plus tragiquement encore, c'était et c'est le discours constant des régimes totalitaires et athées persécutant les religions et niant les valeurs morales qu'elles transmettent. C'était une des composantes idéologiques essentielles aussi bien du communisme que de son frère jumeau ennemi, le nazisme.

C'est toujours le principe des régimes communistes d'aujourd'hui, chinois, indo- chinois, castriste. Comment ne pas réfléchir au fait que lorsque l'ordre public ne se fonde pas sur l'enseignement et le respect des valeurs morales, authentiques, il se dévalue alors inéluctablement en ordre policier brutal ? Comment ne pas réfléchir au fait que le mépris affiché de l'ordre moral est un encouragement évident et logique au désordre immoral ? Comment ne pas observer que la morale étant de moins en moins enseignée dans les écoles, de moins en moins transmise par une société à la dérive, de plus en plus bafouée et moquée à la télévision, il faut alors toujours plus de gendarmes ? Faut-il donc s'étonner si les trop nombreux enseignants idéologues qui depuis 1968 ont tant vilipendé l'ordre et la morale, récoltent la violence ? Hélas, celle-ci frappe aussi tous les autres, les maîtres et les élèves et surtout parmi ces derniers les plus faibles et les plus pauvres. Le conformisme de nos médias, de nos spectacles, de nos «intellectuels », de nos politiques, consiste à tourner sans cesse en dérision toute morale. Faut-il s'étonner alors de la barbarie montante, de la violence, de la drogue, des viols et des tournantes ? Le moralisme qui est une morale caricaturale était certes souvent insupportable. Mais l'immoralisme qui est aujourd'hui la règle nous fait retomber dans la barbarie. Pas d'ordre moral, monsieur le ministre, alors il vous faudra prévoir encore et encore, toujours et toujours plus de policiers !

Pas d'ordre moral ? Alors je ne donne pas cher de votre ordre public !

Bernard Antony

 

Communisme: le drame cubain

et le silence du Vatican

Nous publions ci-après une intervention de l'écrivain Armando Valladares, prisonnier politique à Cuba pendant 22 ans, paru dans 1"Agencia Catolica de Informaciones" du 10 avril 2003, sous le titre Religiosos cubanos exilados piden ayuda internacional para dissidentes condenados. A la suite de l'article de Valladares, le 13 avril, Jean-Paul II est intervenu en faveur d'un certain nombre de dissidents par le biais d'une lettre envoyée par l'intermédiaire du Cardinal Sodano, à Fidel Castro.

« Dans la mesure où passent les jours, le silence de la diplomatie vaticane à propos de la reprise des exécutions sommaires et de la vague de condamnations des opposants au sein du régime communiste de Cuba devient toujours plus énigmatique, déconcertant et pesant. Un silence d'autant plus pesant qu'a été imposante l'insistance du Saint-Siège en matière de promotion des droits de l'homme du peuple irakien et des victimes de guerre. La nouvelle des exécutions et des emprisonnements publiée par "L'Osservatore Romano"', qui comprend la déclaration synthétique des évêques cubains, est presque nulle, si l'on considère la gravité des faits et des circonstances récentes qui touchent directement les victimes et leurs familles, mais aussi 12 millions de mes frères cubains rendus esclaves dans l'île-prison depuis plus de 40 ans.

Le silence du Vatican à propos des exécutions et des condamnations à la réclusion de 75 dissidents cubains me fait souvenir de l'épisode scandaleux de la décoration du tyran Fidel Castro de la part de l'Abbesse de l'Ordre de Sainte Brigitte, en mars dernier, au milieu d'accolades et de louanges adressées à la sinistre figure de Castro devant les caméras de la télévision de Cuba en présence du Cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l'Évangélisation des Peuples, qui se trouvait dans l'île. Une farce choquante au point que même le Cardinal Ortega, archevêque de La Havane, d'habitude collaborationniste, refusa d'y assister.

Le silence du Vatican à propos des exécutions me rappelle aussi l'épisode des trois frères Garcia Marin, qui demandèrent asile à la Nonciature de La Havane en décembre 1980, mais furent arrachés de ce lieu par des agents de la police politique cubaine, qui étaient descendus d'une voiture à l'intérieur de la Nonciature vêtus d'habits sacerdotaux. Après quoi, les trois frères furent fusillés (cf. Armando Valladares, Contra toda esperanza, Plaza & janes, Barcelona, 1985, chap. 48). Le silence du Vatican à propos des récentes exécutions à Cuba me rappelle également le cri de « Vive le Christ Roi 1 A bas le communisme 1 » que j'ai pu entendre de la part de tant de jeunes catholiques à la prison de La Cabana, avant de remettre leur âme à Dieu, abattus par des balles (cf. A. Valladares, ivi, chap. 3) ; martyrs de la foi en faveur desquels les figures les plus représentatives des exilés cubains sollicitèrent l'ouverture d'un procès de béatification méritée, dans une lettre remise à la Secrétairerie d'Etat du Vatican le 14 octobre 1999, lettre qui attend encore actuellement une réponse. Enfin, le silence de la diplomatie vaticane sur le drame cubain, en ce moment et en ces circonstances, contribue objectivement à accroître le pire et le plus contradictoire des désordres qui menace le monde : le désordre mental.

En tant que catholique et cubain, je regrette énormément de devoir faire ces réflexions de manière publique, que je considère comme un moyen d'alléger de manière importante ma conscience, avec toute la vénération due envers la Chaire de Pierre, une douleur peut-être plus grande que les pires tortures physiques que j'ai subies en 22 ans de prison, parce que la souffrance spirituelle est bien plus profonde que la souffrance physique ».

10 mai 2003 n. 98 Correspondance européenne

 

Sur les perversions causées à la science politique par l'esprit philosophique

"La science des saints est la vraie prudence."

Prov. IX, 10.

Une amie de droite dite "extrême", connaissant mes démêlés passés avec la justice et certaine, comme moi, de la corruption de l'ensemble de ses organes, à quelques exceptions près, me disait cependant que n'ayant pas agi dans le cadre d'un parti politique mais individuellement, je n'avais défendu que mes intérêts privés.

C'est en effet l'une des conséquences les plus désastreuses de l'esprit démocratique moderne que d'assimiler l'action en faveur du bien commun à celle des seuls partis politiques et d'ignorer systématiquement, je dirais même par principe, le lien pouvant exister entre la justice générale ou commune et toute action strictement individuelle. La captation de l'idée de justice par les partis ou factions politiques dénature la morale en politique. Cette assimilation est dangereuse à plus d'un titre. D'abord en ce qu'elle présuppose que l'action politique aurait pour but, comme le pensent tous les démocrates modernes, une quête de justice. Idée typiquement conforme à l'esprit démocratique moderne, qui la qualifie volontiers de "généreuse", mais idée absolument fausse !

"On ne forme point des sociétés pour des choses qui s'entendent d'elles-mêmes" écrivait Charles-Louis de Haller dans son traité de science politique (1). La justice n'est pas la fin des États, mais uniquement le maintien de leur indépendance et leur propre développement. C'est un grand malheur de considérer que la justice est la fin d'un État, car, dans cette hypothèse, ce sera inéluctablement l'État lui-même qui créera la justice qui lui convient (et n'est-ce pas ce que nous constatons ?), alors qu'au contraire l'État doit être soumis à la justice comme tout le monde. Assimiler l'action des partis politiques à une quête de justice revient à soumettre cette vertu à l'art politique, autrement dit à la dénaturer, à la pervertir et à en faire un vice ! Il y a, certes, une vertu qui confronte les exigences de la morale à l'art politique; cette vertu, c'est la prudence. Mais la vertu de prudence ne reste une vertu que si elle contribue à infléchir le sens de l'activité politique vers le bien ou la vérité, vers la recherche du moindre mal ou d'une juste tolérance de l'erreur. Elle cesse par contre d'être une vertu lorsqu'en son nom, l'homme capitule devant des forces politiques amorales ou immorales ou qu'il contribue à fausser le sens moral, à égarer les consciences. La plupart, sinon la totalité, des prétendus "droits" modernes (liberté religieuse, liberté de la presse ou d'opinion, liberté de conscience etc.) relèvent de cette fausse prudence politique et n'ont d'ailleurs aucun contenu moral propre. Dans leur formalisme vide, elles ont du reste été condamnées par l'Église.

Toutes tendances confondues, les partis politiques égarent les consciences du sens moral objectif. Leurs fautes et leurs erreurs sont évidentes et communes; leurs mérites ou leurs vérités sont toujours suspectes ou accidentelles. Prenez le thème, cher à la droite dite extrême, de l'immigration ou celui, qui lui est connexe, de la défense des identités nationales en Europe. Ces thèmes sont à l'évidence dignes de considération et même d'un intérêt vigilant à l'heure actuelle. Mais attention : de quelle identité s'agit-il ? D'évidence, c'est pour eux tous un critère racial, ethnique et collectif, qui est simplement opposé à des populations allogènes venues en nombre et, à la faveur de dissensions à l'intérieur des populations autochtones, notamment entre les gauches et les droites, grandissent en force et en nombre parce qu'il s'agit d'une immigration de peuplement. Au fond, nous revenons à des luttes tribales primitives et ces hommes dits "de droite" ont tout simplement oublié que l'invasion étrangère est un châtiment divin, qui répond en l'occurrence à la peste du laïcisme dénoncée par le pape Pie XI depuis 1923, avertissement tenu dans le plus complet mépris par les chrétiens d'Europe : or on ne peut détourner un châtiment divin que par une conversion, même politique : Ces hommes dits de droite n'en veulent pas ... Ils subiront donc comme les autres ce châtiment, car Dieu, et non les partis de gauche, est plus fort que l'extrême droite !

Autre exemple, déjà évoqué ici : la justice. Elle n'est pas l'affaire du parti vainqueur. La justice est l'émanation des hommes justes. Elle ne saurait être la création d'un législateur humain ni des tribunaux, qui la rendent, mais ne la donnent pas ! Dans l'expression "rendre justice" se cache l'idée de restituer à quelqu'un ce qui lui appartient de droit et non de lui concéder un droit, de lui reconnaître raison, non de la lui octroyer. Les juges et les magistrats démocrates modernes agissent donc à rebours du bon sens, et avec la meilleure bonne conscience ! Or la justice, l'esprit de justice est naturellement lié à l'esprit de religion. Il est vain de la chercher chez les mécréants, que la démocratie actuelle fabrique en masse, y compris dans nos "universités". Citant Cicéron, Charles-Louis de Haller nous le rappelle au chapitre XIV de son fameux traité, qui porte ce titre : "Des bornes de toute puissance ou la loi générale du devoir" :

... la sagesse divine n'a pas fait dépendre de notre volonté arbitraire l'existence de cette loi universelle, destinée à ne jamais être oubliée, à être observée à chaque instant et dans toutes les circonstances. Cette loi n'est point le résultat d'une délibération ou d'une convention. Elle ne peut non plus provenir des hommes parce qu'ils n'en seraient jamais tombés d'accord, d'ailleurs leur volonté seule n'aurait jamais pu lui donner une sanction aussi universelle et permanente." (avec référence au "De legibus" de Cicéron, lib. II, c. IV).

Dans la mesure où les partis politiques, toutes tendances confondues, ont la prétention au moins pratique et implicite de se substituer à Dieu, et à l'Église chez les chrétiens modernes, pour définir la justice sans plus en référer à la religion, ils se condamnent eux-mêmes à l'impuissance. N'importe quelle réforme de la Justice échouera, parce que rien ne remplace l'esprit de justice chez les magistrats eux-mêmes lorsqu'il fait défaut, et cet esprit de justice fait nécessairement défaut lorsque dans l'exercice même de leur juridiction, ils ignorent Dieu.

L'esprit démocratique moderne place l'homme qui y adhère ou qui le subit dans l'impossibilité effective de penser sainement - ce que prouve au demeurant le livre du Professeur André de Muralt - et même d'agir raisonnablement. Et c'est sans doute à cette aliénation-là que doit servir ce régime ! Car alors même qu'il est absurde dans pratiquement tous ses principes, aucun professeur d'université n'en dénoncera jamais les incohérences ni les mensonges. Bien au contraire, lui faisant honteusement allégeance, ils ne vouent leurs forces intellectuelles qu'à la mise en valeur de toutes les erreurs théoriques qui l'entretiennent et en perpétuent ainsi, avec la nuisance, l'autorité usurpée sur le commun, étouffant en outre à dessein la voix du Magistère de l'Église pour mieux égarer le genre humain.

Des auteurs comme Thomas Hobbes (le concepteur du contrat so-cial), John Locke, J.-J. Rousseau et même dans un certain sens, le ''grand'' Montesquieu, continuent à être pris au sérieux par les "uni-versités" ou prétendues telles ... lesquelles ignorent avec superbe non pas seulement la doctrine de l'Église mais une quantité d'auteurs classiques, antiques et modernes, dès lors qu'ils sont jugés ''réactionnaires'', parce qu'en réalité leur seul tort est de condamner sans appel la fausse philosophie politique triomphant depuis la grande révolution venue de France. Ce sont pourtant ces auteurs, avec l'Église, qu'il nous faut redécouvrir. Mais cela ne pourra se faire qu'en discréditant tous les autres, ceux précisément qu'honore malhonnêtement une université de rhéteurs et de sophistes.

Michel de PREUX

Sierre, le 18 juillet 2003

1) Restauration de la science politique, Chapitre XVII Introduction - tome I "Définition des Etats en général et de leur fin", page 543.

La niche extensible des intermittents

du spectacle

Les magistrats de la Cour des Comptes sont en majeure partie issus de l'ENA. Ce faisant, ils sont parmi les meilleurs de l'Education nationale et ils ont eu le cerveau indéfiniment lavé et relavé par les soins diligents de ce mammouth. Aux contre-vérités enseignées à la base par l'Educalion nationale, ils ont ajouté celles que véhicule l'ENA, temple du socialisme français. De ce fait, ils ont, sans doute, de la peine à comprendre vraiment le ressort profond de l'effet de ruine qu'ils décrivent page à page, et avec autant de talent que de patience, dans leurs rapports. Et, pourtant, c'est l'intérêt majeur de ces rapports de faire comprendre pourquoi l'action publique, en quelque domaine que ce soit, déclenche toujours l'effet de ruine.

La mauvaise gestion du régime des intermittents du spectacle est décrite en détail dans le rapport de la Cour et illustre parfaitement comment l'effet de ruine s'étend sans limite une fois « bien » organisé.

L'idée de base est que les métiers du spectacle étant précaires et comportant des phases d'inactivité, il leur faut un régime social différent des autres, en particulier pour le chômage. Au lieu de laisser le marché réguler leur spécificité, les pouvoirs socialistes de droit ou de fait ont créé un système compliqué qui attire inévitablement toutes les combines et tous les combinards.

En dehors des périodes de tournage ou de spectacle, ces intermittents sont indemnisés par un régime spécial de chômage dépendant du régime général. Les indemnités leur sont versées s'ils ont travaillé au moins trois mois. En moyenne, ils travaillent 65 jours