Paix sur la terre ?

Un désir profond anime généralement les hommes : vivre en paix, afin de réaliser au mieux leurs virtualités, en harmonie avec leurs semblables, dans un ordre aussi stable que possible. La paix, dit-on, c'est la tranquillité de l'ordre, assuré par l'observation des commandements divins, indiqués dans le Décalogue. Rechercher la paix sur la terre sans vouloir faire appel à la loi promulguée au Sinaï, est parfaitement vain. En bref, aimer Dieu, honorer son père et sa mère, ne pas commettre d'homicide, d'adultère, de vol (d'usure en particulier en prêtant à intérêt), de respecter la vérité, s'abstenir de toute convoitise. Le Nouveau Testament maintient ces exigences, en leur donnant une plus grande portée, selon le sermon sur la montagne. C'est que le Seigneur se présente Lui-même comme l'accomplissement de la Loi, comme témoin de la vérité par exemple (devant Pilate). A la Nativité, les Anges énoncent : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Et à la Résurrection, Que la paix soit avec vous, dit-Il.

Ainsi, selon Michel de Preux*, le point central relatif à la paix suscite quelques réflexions :

Quel est exactement ce point? C'est le suivant : le caractère absolument incontournable, initial et initiateur, définitivement décisif enfin de la centralité universelle et permanente de la Personne du Christ, dont la confession privée et publique constitue un préalable explicite nécessaire à tout traitement des problèmes humains, quelle qu'en soit la nature, spirituelle, morale, politique. Prenons le problème de la paix.

......

Alors que Pie XI disait au début de sa lettre, dans un passage que lui même soulignait en lettres grasses de surcroît : "non seulement ce déchaînement de malheurs a envahi l'univers parce que la plupart des hommes ont banni Jésus-Christ et sa foi très sainte de leurs coutumes et de leur vie particulière comme de la société familiale et de l'État, mais encore l'espoir d'une paix durable entre les peuples ne brillera jamais tant que les individus et les États (...) s'obstineront à rejeter l'autorité de Notre Sauveur. C'est pourquoi Nous avons averti qu'il fallait chercher la paix du Christ dans le règne du Christ", Si, hors d'une confession explicite de la foi romaine au Christ, partant à son Règne universel et spirituel continué ici-bas dans et par son unique Épouse, l'Église, dont l'Eglise-mère est à Rome et nulle part ailleurs, la paix ne brillera jamais parmi les hommes - et c'est leur donner un faux espoir, les tromper que de ne point le leur répéter à temps et à contre-temps - la même condition préalable s'impose quand il s'agit de préserver l'harmonie et la justice dans les rapports entre la foi et la raison.

...

...Léon XIII, dans sa lettre "Aeterni Patris", comme le fera plus tard Pie XI dans "Quas Primas", commence par évoquer le Magistère divin perpétué dans l'Église comme cause première de cette harmonie et de cette justice.

"Le Fils unique du Père éternel, après être apparu sur la terre pour apporter au genre humain le salut ainsi que la lumière de la divine sagesse, procura au monde un immense et admirable bienfait quand, sur le point de remonter aux cieux, il enjoignit aux Apôtres d'aller et d'enseigner toutes les nations (Matth., XXVIII, 19), et laissa, pour commune et suprême maîtresse de tous les peuples, l'Église qu'il avait fondée. Car les hommes que la vérité avait délivrés, la vérité devait les garder; et les fruits des célestes doctrines &emdash; n'eussent point été durables, si le Christ Notre Seigneur n'avait constitué, pour instruire les esprits dans la foi, un magistère perpétuel."

Mais les hommes ne cherchent pas la vérité. La plupart d'entr'eux ne cherchent qu'une vérité à leur convenance propre; la plupart d'entr'eux se fuient eux-mêmes pour ne pas voir la vérité qui est en eux, car la connaissance de la vérité requiert un certain courage, et même parfois une grandeur nettement exceptionnelle. Seul le Christ, en définitive, rend possible au plus grand nombre d'hommes, par les vertus surnaturelles, par la grâce, la fidélité à la vérité. Sans le Christ, il y a longtemps que la vérité comme la paix seraient bannies du vocabulaire des hommes (n'était-ce pas le cas exemplaire de Ponce Pilate ?) et que les moindres de leurs défenseurs seraient réduits au silence absolu. Le combat des hommes contre la vérité et la paix est un combat obscur mais réel. C'est un combat profondément mensonger, car il utilise ces deux mots à contre-sens, comme nous le constatons fort bien dans l'actualité, où un bellicisme acharné et intéressé se pare du souci de l'ordre et de la sécurité internationale. L'information est elle-même conditionnée par des mensonges de l'État. Mais les chefs des nations ne sont point les seuls à vivre de l'entretien de la haine par le mensonge. A un niveau bien plus modeste, les avocats et les magistrats de l'ordre judiciaire, dans nos pays, en Valais comme ailleurs, ne cultivent-ils pas comme à plaisir les sources de conflits par l'injustice légalisée ou auréolée de l'autorité d'un jugement ? Aucun système de droit ne suppléera nulle part à l'absence d'honnêteté des hommes de loi, et ce quand bien même nos législateurs déploieraient des trésors d'ingéniosité pour compenser par des textes de lois toujours plus nombreux et complexes l'absence de moralité de ceux qui les appliquent ou bien servent professionnellement.

Aujourd'hui, la volonté de paix de Dieu n'est guère mise en doute, à tel point que certains disent qu'Il s'est totalement dépossédé de toute entrave à la volonté des hommes d'agir selon leurs velléités. On accentue un caractère de douceur, de longanimité, de patience inlassable, d'impuissance même face à tous les débordements. Les impies ont beau jeu de se moquer de Lui, de décupler leurs ignominies .

Il ne faudrait quand même ne pas négliger ce que la Constitution helvétique énonce : Au Nom de Dieu tout-puissant, tout en se moquant de cette toute puissance par légalisation de l'avortement par exemple.

 

Je cite ici un passage terrible

De la troisième condamnation qui sera portée au jour du jugement.

Il reste maintenant à parler de la troisième accusation, au dernier jour du jugement. Je t'ai déjà entretenue des deux premières: mais pour te faire bien voir à quel point l'homme se trompe, je t'exposerai désormais la troisième. C'est le jugement général où la pauvre âme voit sa peine se raviver et s'accroître encore, par la réunion à son corps, sous l'intolérable condamnation qui l'accable de confusion et de honte.

Sache donc qu'au dernier jour du jugement, lorsque le Verbe mon Fils, viendra dans la majesté divine, pour accuser le monde avec puissance divine, il n'apparaîtra pas en pauvre misérable, comme lorsqu'il naquit du sein de la Vierge dans l'étable, parmi des animaux, ou lorsqu'il mourut entre deux larrons. Alors je tins cachée ma puissance qui était en lui, et le laissai endurer comme homme, peines et tourments, non que ma nature divine fût séparée de la nature humaine, mais je le laissai souffrir en homme, pour satisfaire à vos fautes.

Ce n'est pas ainsi qu'on le verra à ce dernier instant. Il viendra pour faire le procès du monde, avec puissance, de sa Propre personne. Il rendra à chacun ce qui lui est dû; et il n'y aura aucune créature qui ne soit remplie de crainte.

Aux misérables damnés, sa vue seule causera un tel tourment,une si grande épouvante que la langue ne la saurait exprimer. Aux justes il inspirera une crainte respectueuse mêlée de joie. Non qu'il ait à changer de visage puisqu'il est immuable : immuable, selon la nature divine par laquelle il est une même chose avec moi ; et immuable encore selon la nature humaine, depuis qu'il a revêtu la gloire de la résurrection. Mais aux yeux du damné il apparaîtra terrible, parce que celui-ci le verra avec ce regard d'épouvante et de trouble qu'il porte au dedans de lui-même. L'œil qui est malade ne voit que ténèbres dans le soleil pourtant si lumineux, pendant que l'œil sain en perçoit la clarté. Ce n'est pas la lumière qui fait défaut, ce n'est pas le soleil qui change, qui est autre pour l'aveugle, autre pour le voyant, C'est l'œil lui-même qui est infirme, et le défaut de lumière n'est imputable qu'à lui. Aussi les damnés verront-ils mon Fils dans les ténèbres, dans la confusion, dans la haine. Ce défaut de vision sera leur fait, non celui de ma divine Majesté, avec laquelle il apparaîtra pour juger le monde,

Le dialogue de Sainte Catherine de Sienne.

CHAPITRE IX Traduction R.P. J. Hurtaud, O.P. T.1, Paris 1947

La paix sur la terre ne saurait donc apparaître sans un recours effectif, au niveau des personnes comme des États, à Celui que toute créature verra un Jour.

Jean de Siebenthal

 

 

"Note : *Lettre de décembre 2002

 

 

Histoire et polémique Un verdict sans appel contre la Commission Bergier

Onze auteurs remettent en cause la démarche et les conclusions du Rapport final.

La reconquête de la vérité, telle a été l'entreprise de l'ouvrage important, édité récemment par les Cahiers de la Renaissance vaudoise. Selon Jean-Philippe Chenaux, directeur de la publication, même si les approches de ce travail collectif divergent parfois, "l'essentiel était de contribuer à une réflexion sereine, indispensable à l'objectivité historique et à l'honneur du pays" comme le souhaitait le regretté Georges-André Chevallaz dans une lettre d'encouragement qu'il nous adressait en avril dernier".

Sous le titre "Les Conditions de la Survie - La Suisse, la 2e guerre mondiale et la crise des années 90", les Cahiers de la Renaissance vaudoise ont sorti un ouvrage qui contribuera à rééquilibrer l'image que nos contemporains d'ici et d'ailleurs se sont faite des Suisses de l'époque.

Incohérences érigées en vérités officielles

Onze auteurs, historiens, journalistes, philosophes, économistes, politiques et politologues ont collaboré à cet ouvrage de 350 pages : Marc-André Charguéraud, Jean-Philippe Chenaux (dir.) Olivier Delacrétaz, Pierre Flückiger, Olivier Grivat, Carlo S.F. Jagmetti, Jean-Christian Lambelet, Jean-Jacques Langendorf, Philippe Marguerat, Eric Werner, Bernard Wicht.

En première partie, Jean-Philippe Chenaux rédige la chronique d'une "guerre totale", ainsi nommée "pour rappeler les menaces très concrètes proférées contre la Suisse par M. Edgar Bronfman en mars 1998", la quête de la vérité s'accommodant mal de la passion. De l'accord Currie en 1945 au "Meldebeschluss" (1962), puis à la campagne antisuisse (1963-1994), en passant par les offensives parlementaires d'un Jean Ziegler, d'une Verena Grendelmeier ou d'un Otto Piller, Jean-Philippe Chenaux s'attache à définir les circonstances et les fausses idées qui ont conduit le sénateur Alfonse d'Amato à créer la tension que l'on sait. Jean-Pascal Delamuraz déclenche alors "un véritable séisme" en évoquant les concepts de "chantage" et de "rançon". Il dénonce alors, sans parler de complot, "une formidable volonté politique de déstabilisation et de compromission de la Suisse". Olivier Delacrétaz voit dans la fameuse interview de JPD "l'acte le plus politique" de sa carrière : "Le conseiller fédéral vaudois, exprimant le sentiment à peu près unanime des Suisses, les libérait, les rendait à l'existence en tant que Suisses. Certains ont fait la fine bouche quant à la forme. Cette brutalité même était la plus susceptible de restituer la confiance de la population dans la capacité de résistance de nos autorités politiques aux menaces de l'extérieur".

Jean-Philippe Chenaux décrit ensuite "le mélodrame de Christoph Meili" jusqu'à la création du fonds spécial de 100 millions de francs pour l'aide aux victimes du nazisme.

Financé (28 millions !) et béni par le Conseil fédéral, le Rapport final de la Commission Bergier conclut le 22 mars 2002 que "la politique de nos autorités a contribué à la réalisation de l'objectif nazi le plus atroce, l'Holocauste", allégation aussitôt reprise et amplifiée par la presse suisse et internationale.

Jean-Philippe Chenaux analyse et réfute dans le détail les accusations souvent infamantes et les allégations du Rapport final qui érigent en vérités officielles un certain nombre d'incohérences. "on ne fait pas de la bonne histoire quand on est sous la pression". Et le Rapport final est trop profondément marqué par les circonstances pour être objectif et équilibré. "D'une affaire de fonds en déshérence, on est passé à une mise en accusation générale de la Suisse et des Suisses !". Sans parler de l'ignorance des victimes oubliées ou marginalisées (sociaux-démocrates, communistes, Tsiganes, Alsaciens, soldats russes de Vlassov, etc.) , ni du total mépris affiché envers l'histoire orale (témoignages de mobilisés, de "Justes" ou du groupe de travail "Histoire vécue") . Bref, selon Jean-Philippe Chenaux, le Rapport final de Bergier occulte trop de vérités et de faits, aveuglé qu'il est par "cette satanique manie de juger".

-Neutralité, armée et politique étrangère

En deuxième partie, Marc-André Charguéraud analyse les "lacunes nombreuses et importantes" de la Commission Bergier : manque d'indépendance, interprétation partiale de la politique d'accueil de la Suisse, "exportations invisibles", héritages des fonds juifs. De son côté, Pierre Flückiger évoque la situation des réfugiés à la frontière genevoise (près de 42 % des réfugiés juifs accueillis en Suisse sont entrés par Genève) et la recherche historique en la matière est loin d'être close.

Philippe Marguerat parle de la neutralité suisse sous le feu du Rapport Bergier. Il y a certainement eu une collaboration avec l'Allemagne (surtout achat d'or) mais aussi une intense collaboration avec le camp allié. Jean-Jacques Langendorf, que nous avons eu le privilège d'entendre au dernier Symposium d'histoire militaire à Pully, développe également la notion historique du concept de neutralité suisse et voit dans le Rapport final "une historiographie de l'humiliation". Il s'attache ensuite au rôle de notre armée, aux interventions tant de la DCA que de notre aviation, à nos fortifications et au "génie unificateur" du Général Guisan.

Olivier Grivat évoque "ces internés militaires dont le Rapport final ne parle pas" : entre autres les milliers de Russes livrés à Staline. L'économiste Jean-Christian Lambelet en appelle à la méthodologie et l'épistémologie pour constater que les travaux de la Commission Bergier "ne satisfont pas les canons de la recherche scientifique". Eric Werner, lui, établit un subtil distinguo entre l'histoire et la légende, parce que, dans une génération ou deux, "on modifiera à nouveau l'angle de vue (...) On redécouvrira peut-être alors les essais poétiques de Gonzague de Reynold...

Carlo S.F. Jagmetti tire les leçons de la crise des fonds en déshérence et de l'utilisation de l'appareil diplomatique suisse. Bernard Wicht décrit le Réduit national et la place financière suisse. Quant à Olivier Delacrétaz, dans un chapitre intitulé "L'Etat, la Guerre et la Morale", après avoir souligné le statut ambigu d'une Commission à la fois indépendante et officielle, il pense que les collaborateurs du Rapport final, mus par leurs préjugés idéologiques, ont choisi les faits et les ont interprétés en fonction de conclusions connues d'avance". Évoquant "les hommes politiques d'alors ... et ceux d'aujourd'hui", le président de la Ligue vaudoise estime qu'on a beaucoup parlé de "devoir de mémoire". Il y a aussi un devoir de constat : "les autorités actuelles ont présenté d'obscènes excuses, en réalité des actes d'accusation contre des personnes qui n'étaient plus là pour se défendre". Il remet en cause la politique étrangère du Conseil fédéral des années 90.

Assorti d'une bibliographie importante établie par Jean-Philippe Chenaux et d'un index de noms cités, ce passionnant ouvrage remet vraiment l'église au milieu du village. Face au Rapport de la Commission Bergier, il permet au lecteur de porter un jugement plus serein sur la situation de la Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale. Il en est à sa deuxième réédition...

Georges-A. Nippell

"Les Conditions de la Survie", aux éditions des Cahiers de la Renaissance vaudoise, Lausanne. En vente en librairie 07.01.03.

L'article ci-dessus a paru dans le Régional du 17 janvier 2003.

 

Un cocktail idéologique aux effets dévastateurs

Au lendemain des attentats aux Twins Towers, les journaux du monde entier ouvraient leurs premières pages avec le titre: "Attaque de l'Amérique". Au cours des semaines qui suivirent, les "faiseurs d'opinions" et les hommes politiques exprimaient tout leur soutien politique et moral aux États Unis en favorisant l'attaque de l'Afghanistan alors non moins dense d'inconnues que ne le paraît aujourd'hui la guerre contre l'Irak. Cependant, dans les mois qui suivirent, l'élan de solidarité s'est lentement transformé en un sentiment de méfiance, sinon même d'hostilité ouverte envers les États-Unis.

La thèse de fond du parti antiaméricain peut se résumer en ces points : 1) après l'écroulement de l'Empire soviétique, le scénario mondial est passé du bipolarisme à l'unipolarisme, avec une seule superpuissance, les États-Unis qui étend son hégémonie sur le monde; 2) l'attentat du 11 septembre, loin d'affaiblir les États-Unis, leur a offert un prétexte pour renforcer leur hégémonie par une série de guerres, comme celle prévue contre l'Irak, qui donnerait à l'Amérique le contrôle des ressources pétrolifères mondiales; 3) Ergo: l'ennemi principal d'aujourd'hui n'est pas le terrorisme mais le super-pouvoir de l'Empire américain contre lequel il faut organiser une "résistance" dans le monde entier.

Ce raisonnement mélange pourtant des vérités avec des erreurs dans un cocktail intellectuel qui pourrait avoir des effets dévastateurs. Il est vrai que l'équilibre international de l'après-guerre, fondé sur la division du monde entre les deux super-puissances, a perdu, après la chute du Mur de Berlin en 1989, l'un de ses piliers. Cependant, le pouvoir mondial des Etats-Unis est-il vraiment si solide qu'il semble l'être ? A un niveau de puissance technologico-militaire, la suprématie américaine est sans aucun doute écrasante: il suffit de penser que les États-Unis sont le seul pays qui possède des armes nucléaires et des forces conventionnelles capables d'intervenir dans le monde entier. Sur le plan économique leur force se situe au contraire dans un contexte non unipolaire mais multipolaire, aux côtés de l'Europe et du Japon avec lesquels ils se partagent les deux tiers de la production mondiale, tandis que d'autres puissances, telles que la Chine et l'Inde, se présentent sur la scène. Mais aujourd'hui, le vrai pouvoir dans le monde, plus que celui militaire et économique des grands États nationaux, est le soft power, le "micropouvoir diffusé", dont Internet est le symbole. Sur cet échiquier, cela n'a aucun sens de parler d'unipolarisme ou d'hégémonie des États-Unis. Le soft power appartient à des acteurs internationaux, non seulement occidentaux, qui comprennent des ONG, des groupes religieux de différentes tendances, des lobbies économiques ou médiatiques, des groupes terroristes, des organisations criminelles, des hakers informatiques.

Sous cet aspect l'attentat du 11 septembre a bien montré que les États-Unis sont comme tous les colosses de notre temps, un géant aux pieds d'argile. L'écroulement des Tours jumelles de New York pourrait représenter pour l'Amérique ce que le Mur de Berlin a représenté pour l'Union Soviétique: le début d'un processus de dissolution. La guerre contre l'Irak pourrait arrêter ce processus mais aussi en être une phase ultérieure.

Sommes-nous sûrs qu'un effondrement des États-Unis, analogue à celui qui a plongé l'Union Soviétique dans le chaos, constituerait un bien pour l'Europe ? Sans le soutien militaire des États-Unis, les nations européennes seraient-elles capables de garantir leurs propres intérêts et leur système de valeurs ? Et de s'opposer à des scénarios prévisibles comme celui de massives invasions migratoires du Sud et de l'Est de la planète ? L'effondrement des États-Unis ne serait-il pas le prélude inévitable de celui de l'Europe ? (R. d. M.)

Correspondance européenne 20 décembre 2002

Union des nations pour l'Europe Chrétienne

 

- FRANCE: Il y avait sur le territoire de la France, anciennement chrétienne, en 1970 une centaine de mosquées, en 1999 on comptait déjà 1536 mosquées, et en 2001, donc seulement 2 ans plus tard, 1700 mosquées. Une expansion fulgurante ! Que les musulmans soient en voie de réislamisation, tandis que s'accélère notre déchristianisation, ce n'est pas seulement une vague impression, c'est la réalité qu'atteste un sondage de l'IFOP de septembre 2001. 36% des musulmans vivant en France affirment leur identité musulmane, contre 27 % en 1994. A l'inverse, les personnes se disant simplement "d'origine musulmane" passent de 20 % en 1989 à 16% en 2001. 42% s'affirment croyants, contre 38 % en 1989. 33% des musulmans interrogés déclarent prier chaque jour, contre 31% en 1994. 20 % vont généralement à la mosquée (16 % en 1989 et 1994). En 1994, 55 % avaient l'intention d'accomplir le pèlerinage à la Mecque, ils sont maintenant 58 %, se rapprochant du chiffre de 60 % de tous les musulmans en France. - Pendant ce temps, du côté catholique (80 % des Français), les séminaires sont vides, des milliers d'églises désaffectées (au Val-d'Oise, par exemple, 115 églises jouissent de la paix des cimetières sauf 2 ou 3 fois par an), la chute de la pratique du dimanche est vertigineuse (à St Gratien dans le Val-d'Oise, par exemple, seulement 3 % des catholiques vont encore à la messe dominicale). Les chiffres concernant la réislamisation de l'Islam en France font voler en éclat l'argumentation trop facile des évêques de France qui veulent justifier la désertification des églises par une diminution générale du sentiment religieux de notre époque "depuis les années 1960", selon les propres mots du cardinal Lustiger. Les années 1960 ? Ce sont les années du concile Vatican II qui a jeté les bases pour des changements radicaux dans l'Église, notamment dans la liturgie, éloignant des millions de catholiques français de la pratique de leur religion divine. Petit à petit les évêques, représentant la façade d'une bâtisse dont ils ont déjà fait écrouler la nef, s'en aperçoivent, pleurnichant sur notre époque au lieu d'avoir le courage de mettre en question les orientations fatales du fameux Concile. Au contraire, certains chuchotent déjà d'un nouveau Concile, un genre de Vatican III, non pas pour abolir Vatican II et revenir aux sources solides de la doctrine et liturgie catholiques, mais pour aller encore plus loin dans "l'aggiornamento". Serait-ce pour éloigner les derniers 3 % des pratiquants ? Une solution finale ? - (ru; cf. BAN 17.11.)

 

- BRÉSIL: Ce pays, également une ancienne nation catholique, vient de se donner un président communiste ouvertement pro avortement et pro gay. Cet homme, du nom de Luiz Inacio Lula da Silva, bref "Lula", chef d'un syndicat radical, fondateur du "Parti des ouvriers" trotskiste, a été élu fin octobre 2002 avec une majorité absolue de 61 %, c'est-à-dire 51 millions de votes (!). La constitution brésilienne qui est encore clairement pro vie et protège l'embryon, risque d'être modifiée, car le parti de ce Lula exige la liberté totale d'accès à l'avortement sur simple demande pendant les premiers 3 mois de grossesse. Voilà un autre apprenti sorcier des pratiques meurtrières introduites par la France anciennement catholique, par la loi Veil de 1975, sur le continent européen ! Les journaux brésiliens rapportent que Lula, peu après son mariage, avait une fille par une infirmière du nom Miriam Cordeiro. Celle-ci aurait déclaré lors de la récente campagne présidentielle: "Il m'a offert de l'argent afin que j'avorte notre bébé... On ne peut faire confiance à cet homme !" En outre, le parti P.T. maintenant au pouvoir préconise le mariage des homosexuels. De belles perspectives en vue pour le sous-continent américain en dérive. Prions pour l'Amérique ! - (ru; cf. LSD 18.10.)

- - O.A.M.D.G. - -

(Omnia ad maiorem Dei gloriam - Tout à la plus grande gloire de Dieu)

 

La vérité intérieure de l'homme libéral

"Cor Jesu, dives in omnes qui invocant te ,miserere nobis.

Coeur de Jésus, 1 i b é r a 1 envers

tous ceux qui vous invoquent, ayez pitié de nous."

Extrait des litanies du Sacré-Coeur

Deux citations vont nous aider à circonscrire le profil de l'homme libéral à partir des deux extrémités de sa vie intérieure. La première, nous l'empruntons au philosophe russe Nicolas Berdiaeff, à la lettre septième de sa "Philosophie de l'inégalité", consacrée au libéralisme : "En vérité, il y a dans la liberté quelque chose d'aristocratique plutôt que de démocratique. &emdash; Le libéralisme est un sentiment et une conception du monde propres à la couche cultivée de la société. Il n'y a pas en lui d'éléments tumultueux, de feu qui embrase le cœur. Il contient de la mesure et trop de forme." Voilà le côté lumineux et réellement supérieur du libéralisme. L'homme libéral appartient à l'élite dans toute société. L'esprit libéral est un esprit supérieur, intelligent, nuancé, prudent. Mais ce qui fait la qualité ou les qualités réelles de l'homme libéral apparaît à bien des affamés spirituels, aux assoiffés de justice et de vérité, comme "une erreur de riche" (Louis Veuillot). Et c'est précisément à cet auteur que nous emprunterons notre deuxième citation, aussi courte que significative : "Sentant l'hérésie..." : ainsi commence sa longue étude du catholique libéral, publiée en 1866, quand l'idéologie triomphait sous le Second Empire et qu'un parti catholique s'en inspirait ouvertement. Le libéral, et le libéral catholique en particulier, sent peut-être l'hérésie (Louis Veuillot le prouve) mais il se veut aussi bon chrétien, fidèle à la religion. Le libéral se contredirait-il? Pas vraiment ' ... car, pour se contredire, encore faudrait-il affirmer deux choses au moins qui soient contradictoires entre elles. Or l'homme libéral n'affirme rien. Prudent, il ne s'en tient qu'à la forme. D'une certaine manière, il échappe de la sorte au jugement. Comment juger en effet quelqu'un qui n'affirme rien ? Sur ce point Berdiaef et Veuillot sont d'accord : "Libéral a fini par être synonyme de modéré, pour désigner l'homme du compromis, l'opportuniste." (Berdiaeff) - "je ne dis point que les catholiques libéraux sont hérétiques. Il faudrait premièrement qu'ils voulussent l'être. De beaucoup d'entre eux j'affirme le contraire; des autres, je ne sais rien, et ce n'est pas à moi de juger." (Veuillot).

L'homme libéral est donc insaisissable, et c'est là non sa force mais sa faiblesse, car jamais il ne définit lui-même où va porter son libéralisme, qui flotte d'une société à l'autre en fonction des idées dominantes, lesquelles ne sont jamais durablement les siennes, trop formelles ou formalistes pour s'imposer aux masses ou aux peuples. Les masses et les peuples ont besoin de foi, ou d'ersatz de foi. L'homme libéral en reste à la critique et aux garanties de procédure. Quand il triomphe en politique - jamais dans les révolutions, où il est vite étouffé par les partis extrêmes - mais après leur échec relatif, comme sous la Restauration, puis, du moins au début, sous la Monarchie de Juillet et sous le Second Empire, il est encore à droite de l'échiquier politique. Il se démarque alors du clan des "ultra", des légitimistes, des royalistes sous l'Empire de Napoléon III et la Troisième République comme plus tard, lorsque tous ces courants auront disparu, des droites nationalistes, de "l'extrême droite" actuelle (qui se situerait à gauche sous le Second Empire déjà ... Il revendique même avec le Président Valéry Giscard d'Estaing, une position centriste sous le socialisme dominant et dominateur d'aujourd'hui, car la droite, même modérée, est devenue honteuse et l'homme libéral n'est ni ne saurait être d'aucun parti honteux. En religion, il sera progressiste, à tout le moins opposé aux intégristes, réfractaire au traditionalisme. Comme l'écrit justement Louis Veuillot, l'habit libéral "est un habit d'une grande commodité : habit de cour, habit d'académie, habit de gloire; il donne les couleurs de la fierté sans transgresser les conseils de la prudence; il entre dans l'Église et il est reçu dans tous les palais et même dans toutes les tavernes." Berdiaeff note en parallèle : .. "Trop souvent deviennent libéraux les gens qui ont peu de foi, qui n'aiment guère se charger d'idées. Tout prosélytisme est impossible dans le camp libéral."

Nous saisissons ici la faille profonde, je dirais même la tare psychique de l'homme libéral, qui représente dans toute la variété des types humains une forme séduisante, et à certains égards même rassurante, de la dégénérescence, du tarissement des forces vitales. D'une certaine manière, l'homme libéral est un fin de race. Il y a beaucoup de fatigue en lui, une impuissance presque congénitale à affronter les grandes questions de la vie, de sa vie peut-être aussi ! On le croit sensible. Non : l'homme libéral a le cœur dur; c'est son esprit qui est mou ! L'homme libéral s'intéresse aux affaires plus qu'aux croyances, et il ne voit dans ces dernières qu'un moyen de préserver l'ordre social, sans plus. Toute mystique lui est et demeure profondément étrangère et il se désintéresse totalement des fondements métaphysiques ou religieux de la morale ou même de l'État, de la nature et des droits de la personne humaine. L'homme libéral utilise un capital qui s'est accumulé sans lui, parfois malgré lui voire contre lui : Louis Veuillot note avec beaucoup de pertinence que les païens de l'antiquité persécutèrent les chrétiens à cause de leur libéralisme religieux. C'était des libéraux. Lisez donc Marc Aurèle, et vous comprendrez ce paradoxe.

On peut dire que nos deux auteurs cités ici de manière pri -vilegiée ont saisi, chacun à sa manière, les deux limites du libéralisme, l'une d'ordre intellectuel ou philosophique, et l'autre d'ordre psychologique. "Le libéralisme traîne une existence privée de tout fondement ontologique, il vit des miettes d'une certaine vérité obscurcie." écrit Berdiaeff. Et Louis Veuillot prolonge :

"la libre pensée exalte la prudence jusqu'au délire, jusqu'à la trahison de la vérité; elle empêche la revendication et même l'expression la plus légitime et la plus nécessaire du droit chrétien." Le Concile Vatican II fut son triomphe dans l'Église même.

Et pourtant ! Lorsque j'entends ce mot "libéral", de tout autres images ou souvenirs me viennent à l'esprit. Je me souviens de ce conseil destiné à son fils par la reine Marie-Antoinette et formulé dans sa dernière lettre, écrite quelques heures avant sa mort dans la prison de la Conciergerie, à quatre heures et demie du matin, le dimanche 16 octobre 1793 : "Que mon fils n'oublie jamais les derniers mots de son père, que je lui répète expressément : qu'il ne cherche jamais à venger notre mort." A un moment identique de sa vie terrestre, le Christ, en croix, un instant auparavant encore insulté et moqué par les deux larrons, après un seul mot de justice de l'un d'eux, et un appel à son seul souvenir,"dans ton Royaume", s'entend promettre aussitôt qu'il y sera "aujourd'hui même".

Je n'allais donc pas assez loin, assez profond, quand je disais que le libéralisme était un attribut aristocratique de l'homme. Non, là n'est pas tout le libéralisme. Il faut en saisir l'essence ultime encore plus haut, à travers les moments cruciaux de la vie, moments où l'homme concentre en quelque sorte tout le suc de sa vie et révèle définitivement sa destinée. Alors le libéralisme est mieux encore qu'un attribut aristocratique de l'homme. Il manifeste ce qui, en lui, touche à une secrète et universelle dignité royale. Le libéralisme est la quintessence du don, de la gratuité. Sa vérité ultime jaillit de l'intime d'un être projeté par le monde à un degré inouï d'abaissement et d'enlisement, sans que cet être déchoie, au contraire, alors que cet être est magnifié par sa déchéance même qui lui est comme un vêtement d'apparat.

La suggestion faite par certains de proposer à Rainer-Maria Rilke un traitement psychanalytique par le Dr Freud inspira à l'une de ses amies, la princesse Marie de Tour et Taxis, cette réponse étonnante et très libérale :"je crains qu'en chassant les démons, s'en aillent aussi les anges." A cette hauteur, le libéralisme conserve tout son sens. Et c'est bien parce qu'il faut accéder à ce sens-là que tous ses dégradés communs, qui certes le trahissent tous à leur tour et plus ou moins gravement, gardent cependant une certaine légitimité, car où qu'il soit, le libéralisme ne se départit jamais totalement ni de ses anges ni de ses démons.

Michel de PREUX : extrait de la lettre LXXIX, du 17 décembre 2002

LECTURES FRANÇAISES

(Fondateur : Henry Coston)

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Le sommaire du n'548 (décembre 2002) de Lectures Françaises est particulièrement intéressant et copieux. On peut y lire, entre autres

I/ Une analyse de la situation au Moyen-Orient sous le titre «Vers une deuxième Guerre du Golfe » qui explique le but poursuivi par les Etats-Unis pour déclencher une guerre contre l'Irak.

2/ Chirac l'imposteur dans lequel Olivier Destouches démontre combien le président de la République est un adversaire résolu de la France et de sa souveraineté et comment il abaisse notre pays en le livrant à l'oligarchie bruxelloise, à la puissance germanique et aux forces occultes.

Jean Saint-Paul dans Érotisme et pornographie rappelle très clairement que ces deux notions sont étroitement liées aux idées de la révolution et de la subversion. Elles sont exaltées depuis une date récente dans le seul but de saper les bases de la civilisation chrétienne.

4/ La chronique de Contre-Encyclopédie contient deux notices consacrées l'une à l'écrivain Abel Bonnard (1883-1968), académicien français, ministre de l'Éducation Nationale (1942-1944), condamné à mort par contumace en 1945 et mort en exil en Espagne et l'autre à René de La Tour du Pin, écrivain et doctrinaire de l'ordre social chrétien, un des maîtres de la Contre-Révolution (1834-1924).

Signalons enfin une importante chronique qui analyse quelques ouvrages qui font actuellement beaucoup de bruit : La Rage et l'orgueil de l'italienne Oriana Fallaci, Le Totalitarisme islamiste à l'assaut des démocraties par le géopoliticien Alexandre Del Valle, ouvertement pro sioniste et Du passé faisons table rase de Stéphane Courtois, qui dresse le bilan du communisme : les monstruosités, tortures, assassinats, millions de morts, etc.

Ce numéro de 80 pages est à commander au prix de 6 E (franco de port) à SA DPF, BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil. On peut le trouver en librairie à Paris à Duquesne Diffusion (27 avenue Duquesne, 75007 Paris).

Revue de la politique française

Éditée par S.A. DPF - BA 1 - 86190 CHIRE-EN-MONTREUIL

C.C.P. S.A. DPF 2920-71 M Bordeaux

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Mort de Jean Hainaux (Jean-Clair Davesnes)

Le journaliste Jean Hainaux, connu dans la presse indépendante sous le pseudonyme de Jean Clair Davesnes, est mort le 9 septembre dernier, à l'âge de 80 ans.

Jeune militant d'Action Française avant la guerre, il fut un des spécialistes les plus appréciés des questions agricoles, exprimant des positions très marquées pour la défense de l'exploitation traditionnelle, dans le journal La Nouvelle République du Centre Ouest dans lequel il écrivit pendant de longues années.

Lorsqu'il prit sa retraite en 1981, il prêta avec enthousiasme sa plume à la rédaction de Lectures Françaises où il donna pendant plus de 15 ans une chronique de très haute tenue qui fut vivement appréciée par les abonnés et lecteurs.

En 1989. il publia (aux Éditions de Chire) un livre remarquable. L'Agriculture assassinée, qui connut deux éditions successives qui se sont épuisées en moins de trois ans. suivies d'une troisième édition revue et augmentée d'un important rajout. parue en 1992.

Il y brosse un tableau de l'évolution de l'agriculture en France au XXe siècle en mettant en cause la désastreuse politique agricole mise en place sous les IVè` et Ve républiques par les politiciens et les technocrates à la solde du mondialisme.

La lecture en est particulièrement recommandée pour tout savoir sur la désertification des campagnes. Il se dévore comme un roman et vous donnera les clés pour expliquer la maladie de la vache folle, l'épidémie de fièvre aphteuse, la « malbouffe » de plus en plus répandue, le marasme général de la paysannerie, etc.

Demandez sans tarder ce livre à SA DPF, BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil en envoyant un chèque de 29,80 E (24.40 E + 5,40 E de frais de port).

L'édition est en cours d'épuisement et ne sera pas réimprimée (il ne reste plus que quelques dizaines d'exemplaires disponibles).

Demandez également le numéro de Lectures Françaises qui rend hommage à J. Cl. Davesnes : n'546 (octobre 2002) au prix de 5 E franco.

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Communautés actives : conditions de la survie

Rien ne vaut l'exemple de personnes réelles engagées dans des communautés réelles. Refaire des familles, sur une base religieuse, au plan de la loi naturelle déjà. Refaire des entreprises d'esprit communautaire, répondant aux critères ci-dessus, refaire encore dans les écoles des classes communautés chaleureuses et stimulantes, etc.

Mais cette revivification ne peut s'opérer que si les idées adéquates sont cultivées dans des microsociétés, organes concentrés de vie communautaire : des cellules.

Au plan biologique, une cellule est un concentré de molécules devenu vivant qui transcende chacune d'elles. Au plan de l'action sociale, il en est de même. Tant que nous n'avons pas constitué une cellule communautaire, nous n'existons pas, au plan de la diffusion du droit naturel et chrétien : cause finale de nos cellules. Implantons donc, contre notre inertie, ou celle de nos proches, un germe de vie communautaire, cercle ou cellule. S'il est indispensable au plan personnel de rentrer en soi par la prière plusieurs fois par jour, la cellule aussi pourra rentrer en soi au début et à la fin de chaque réunion, par la prière. Ora et labora. Nous œuvrons pour le Royaume, commencé en nous, et dans chaque groupe réuni en Son Nom : peut-être seules de telles cellules resteront possibles pendant des centaines d'années, si le Contrat social triomphe planétairement. Trop souvent, on s'imagine que, politiquement, la marche à la termitière est irrésistible, irréversible. Le monde en mutation profonde rapide et constante m'interpelle et me crie : A gauche! La Révolution toute puissante a gagné... Souvenez-vous de Joseph de Maistre :

"Il ne tiendrait qu'à moi de vous citer des batailles modernes, des batailles fameuses dont la mémoire ne périra jamais ; des batailles qui ont changé la face des affaires en Europe ; et qui n'ont été perdues que parce que tel ou tel homme a cru qu'elles l'étaient ; de manière qu'en supposant toutes les circonstances égales, et pas une goutte de sang de plus versé de part et d'autres, un autre général aurait fait chanter le Te Deum chez lui, et forcé l'histoire de dire tout le contraire de ce qu'elle dira".

De nombreux auteurs aujourd'hui avouent la faillite du léninisme, et même du roussisme. Que faisons-nous à ce tournant de l'histoire ? De toutes manières, nous avons à prévoir les cadres de la civilisation post-révolutionnaire.

La cellule est l'un des moyens de tenir pendant cette bataille, qui durera jusqu'au Dernier Jugement. Certes les gens de notre bord se battent entre eux, se querellent, se lancent des anathèmes, se traitent de faux frères, s'accusent de constituer une fausse contre-révolution, de se livrer au naturalisme : purs, surpurs, archipurs, hyperpurs qui s'épurent. Or, nous sommes à Paris en 1788, à St-Pétersbourg en 1917 ou mieux à Byzance en 1452. Nous nous querellons et nous nous affadissons pendant que l'ennemi a un pied sur les remparts. Gémir devant le petit écran ? mieux : agir grâce à la cellule.

Fondons donc une cellule de plus aujourd'hui même et vivifions celles qui existent :

Une heure par semaine

De trois à huit personnes

Un texte sûr

Telles sont les conditions matérielles.

Une discussion assimilatrice, amicale de la vérité proposée par le texte, telle est la condition formelle.

Un amour commun du Règne social de Jésus-Christ sous tendant les actions et particulièrement celles de l'animateur principal, telle est la cause efficiente.

A l'heure de l'adoration dominicale communautaire succède pendant la semaine l'heure de transformation civique du potentiel recueilli. Chacun admettant l'ordre naturel et créé, à des niveaux de conscience variables de l'un à l'autre participant, la cellule crée, par la concentration des regards sur la vérité proposée, un embryon de vie communautaire qui ne tarde pas à grandir. Mais gare à la "mortalité infantile". Persévérer, dans la patience, dans la nuit de l'inefficacité apparente, consentir à n'émettre aucune radiation visible, à devenir hypothétiquement radioactif. Avoir l'humilité d'abandonner en cellule des préjugés idéologiques ou doctrinaux non accordés au droit naturel et chrétien ; ou encore mettre son talent si grand soit-il en veilleuse devant la simplicité apparemment primaire de certaines considérations ; renoncer peut-être à des liens de société excellents... Une ascèse... La cellule, répondant civique de la perle de grand prix (Matth. 13, 45-46) permet d'étoffer la mémoire grâce à des faits précis, de former l'intelligence par l'exercice communautaire, de forger des caractères, des volontés éclairées. Le reste, l'action civique effective, sera donné par surcroît.

Certains se répandent dans des réunions démocratiques "Contrat social" pour essayer d'agir et de faire passer quelques idées solides. Peine perdue : en dehors de l'obligation professionnelle stricte, on gâche ses forces, et on fait le jeu de l'Autre. Appartenir à l'une de nos cellules et en même temps à une cellule de la gauche, c'est le comble de l'inconscience, et le suicide idéologique assuré. Consacrer à sa cellule quelques maigres heures dérobées de temps à autre, voilà qui ne fait pas avancer la barque ; nous n'existons dans une cellule que par un engagement généreux : chaque semaine sans exception (sauf cas grave) une heure bien pleine, bien préparée, à l'aide d'un résumé clair, basé sur le texte soigneusement annoté, et la volonté d'insérer les conclusions de chaque heure dans la trame de la vie familiale, professionnelle, communale...

Des cellules "informelles" jailliront alors d'elles-mêmes, au cours de repas, pauses-café, conversations impromptues ; les idées passeront d'elles-mêmes. Chaque membre d'une cellule active devient comme un aimant régénéré aux lignes de force irrésistibles, une sorte d'"aura" l'entoure, le protège, et modifie bénéfiquement l'environnement social. Mais il serait illusoire de se contenter de cellules informelles, de discussions enfumées et arrosées sans axe de dialogues de sourds ; la cellule formelle : condition nécessaire de la cellule informelle.

Trop peu structurée, votre action, entend-on aussi. Voyez telle organisation sud-américaine, imitez les ordres religieux. C'est vrai, et rien n'exclut que la microvie des cercles vivificateurs des communautés naturelles ne se prolonge en une vie à un échelon plus élevé. Il serait temps de prendre conscience du fonds contre-révolutionnaire existant, déjà considérable, et de l'accroître ; bien plus, pourquoi ne pas l'enseigner systématiquement dans des sortes d'académies, ou séminaires, rencontres, etc. Des organisations de gauche prospèrent en raison directe des exigence imposées à leurs adeptes ; faisons de même, et demandons carrément davantage, au rythme de la légion de Marie par exemple.

Pour l'instant, tenons ferme ce levier social ; la cellule. Approfondissons notre formation par des exercices spirituels, par des stages ; tissons entre nous des liens d'amitié solides capables de résister aux inévitables vexations, et portons au potentiel le plus élevé l'esprit communautaire. De nous dépend l'avenir, qui est dans une large mesure notre affaire. L'humanité animal colossal soumis à un Super-Etat ? Tous fonctionnaires, à la vie entièrement publique ? Ou bien les hommes sur la terre puisant leurs énergies dans un tissu de communautés chaleureuses et amicales, axées sur la grande finalité ?

Ce dilemme n'a rien de primaire à l'heure planétaire. La cellule nous donne le moyen de rendre notre choix efficace.

Extrait de la Conférence du 8e congrès le 19 novembre 1978