Suisside

Le 2 juin 2002, le peuple suisse s'est ainsi prononcé en faveur du régime des délais, qui permet librement à la femme enceinte de garder l'enfant qu'elle porte, ou de lui faire subir d'atroces tortures, l'assassinant froidement, avec la complicité du médecin bourreau et du législateur. N'est-ce pas, la femme est seul juge, elle a le droit de tuer librement et d'enfreindre sciemment l'article 10 de la constitution fédérale, qui proscrit tout sévice infligé à un être humain. La pauvre, elle invoque un état de détresse, les pressions qu'elle subit de la part du géniteur ou du milieu où elle vit. Mais la détresse du pauvre petit qu'elle porte, qui tente vainement d'échapper au scalpel du "médecin", émettant un cri muet, palpable dans la séquence enregistrée par le Dr Nathanson, elle y est insensible. La télévision s'est bien gardée de faire passer ce film, ce qui laisse croire que ses studios sont peuplés de complices d'un tel crime.

La femme n'est plus la mère en puissance, heureuse d'élever le fruit éventuel de l'amour ; ce n'est plus qu'un instrument de plaisir, capable d'évacuer le gêneur, ce locataire résultant d'une passade lorsqu'il y a échec de la contraception. La femme alors est propriétaire de son corps, autorisée à tuer son locataire.

Le gêneur n'est-il vraiment qu'un paquet de cellules, un organisme d'ordre végétal ou animal ? Allons donc : on sait que dès la conception, il y a un individu de l'espèce humaine, donc un homme, et que, dès qu'il y a corps humain, il y a âme humaine, immortelle. Messieurs les biologistes, cessez donc de torturer ces paquets de cellules, ces cellules-souches, etc. Il a paru en 1987 un livre, L'embryon, un homme, explicitant les travaux du Congrès tenu au CHUV, à Lausanne en 1986, particulièrement convaincant, qu'il a été impossible de diffuser dans les milieux ecclésiastiques locaux. Honneur au Valais, dont l'évêque s'est particulièrement dépensé pour influencer son diocèse, avec un résultat tangible.

La loi et les mœurs

La loi suit les mœurs, dit-on. La pulsion sexuelle est si forte qu'elle pousse n'importe quelle personne à s'accoupler avec n'importe quelle autre, sauf si de saines barrières ne sont pas érigées. Or à notre époque, on s'acharne à les faire tomber. La télévision par exemple joue un rôle particulièrement destructeur. Les films à composante érotique pullulent, avec baisers, étreintes, adultères, divorces etc. La publicité même insiste sur les regards lascifs, alléchant l'œil concupiscent des gallinacés, pour faire vendre voitures, café, chocolat, etc.

La chute des mœurs se laisse largement remarquer, de 1977 date à laquelle une tentative d'instauration des ''délais'' en Suisse a échoué, tandis que 25 ans après, en 2002, 72 % de la population est contaminée, constituant une véritable suicide, un Suisside. Une personne qui vote oui aux délais répond à diverses motivations dont la principale est la suivante : avoir une ''porte de sortie'' au cas où un avortement s'impose, suite souvent à une liaison illicite. Silence, on tue.

Que m'importe la démographie, que l'avortement soit une cause de dépopulation : après nous le déluge, l'immigration-invasion. La Suisse, avec 20 % d'étrangers, en est sur le chemin, alors que le Danemark n'a que 5 % d'étrangers. Avortons gaiement, et gayment.

D'une hypocrisie à une autre

On a dit que les articles sur l'IVG datant de 1942 constituaient une hypocrisie, attendu que la loi, en fait n'était jamais ou rarement appliquée. De plus, il y avait impossibilité de connaître la réalité au sens statistique : connaître avec précision le nombre des brochets pêchés telle année dans tel lac, c'est possible, mais connaître le nombre de tout petits enfants assassinés chaque année dans tel canton, c'est impossible. A nouveau, silence, on tue.

Barrabas et la démocratie

Toute la propagande en faveur des délais reposait sur la détresse de la malheureuse personne enceinte, considérée comme une victime innocente, qu'il ne saurait être question de punir. Fallait-il relâcher le petit innocent prisonnier du corps de la femme, ou sauver la mère possiblement coupable ? Un million de Suisses ont crié, relâchez Barrabas, abandonnant l'innocent à la crucifixion. Le Pilate de service s'en lavait les mains, laissant le petit aux griffes des avorteurs.

Étudions le but profond de cette nouvelle loi scélérate : la destruction de la famille. Voyez telle famille, dont la mère en espérance accepte de subir un avortement : cela se saura tôt ou tard, le ou les enfants pouvant considérer la mère, et le père, comme des assassins : charmante perspective. Famille abattoir !

Par ailleurs, on abat ou on va continuer à abattre des dizaines de milliers d'innocents chaque année en Suisse, moyennant des tortures indicibles. Crimes contre la loi divine et contre l'humanité, créant dans tout le pays un climat de violence déjà perceptible ; toute la police imaginable n'en saurait venir à bout ; on a ouvert les écluses de l'horreur, et aucune justice humaine ne pourra contenir le flot des turpitudes.

La seule digue concevable réside dans la famille digne de ce nom, père, mère élevant leurs enfants dans le respect mutuel, dans le respect de leurs destinées terrestres et éternelles.

Ouvre-moi les yeux, que je découvre les splendeurs de ta Loi.

Jean de Siebenthal

 

La dissolution de la famille, une conséquence de la globalisation

Diethelm Raff psychologue, Zurich

Zeitfragen du 6 mai 2002

La globalisation est un tour de passe-passe. Elle sert aux centralisateurs de gauche comme aux tenants du grand capital pour dépouiller les gens de tout ce qui fait la cohésion sociale et de tout ce qui permet une existence autonome. Il ne s'agit pas seulement de la centralisation des compétences vers les cantons puis au niveau fédéral et encore plus loin au niveau de l'Union européenne et même de l'ONU. Il s'agit de ce que la protection des citoyens cède le pas devant le despotisme de la globalisation. Ainsi on remarque que la famille traditionnelle n'existe plus, elle qui était la forme naturelle et originale de la vie sociale. De même l'éducation est retirée des mains parentales.

Pour appliquer la globalisation, on a besoin de gens maniables sans attaches, qui obéissent sans mot dire aux décisions que les ''élites dirigeantes'' ont prises dans leurs instances de discussion. Le citoyen ne doit plus être autonome mais ''incorporé ". La famille indépendante est un obstacle à la formation de sujets. Donc il convient de leur arracher l'éducation des enfants. Avec raison, l'article 16. 3 des Droits de l'Homme définit la famille comme la cellule naturelle et fondatrice de la société. On veut que cela cesse. Cependant il faut constater que la liberté ne peut se fonder véritablement que si l'être social peut agir à sa guise dans le cadre familial C'est pourquoi les États démocratiques protègent la famille contre les empiétements étatiques. Dans cette perspective les parents jouissent d'un droit éducatif protégé.

 

La famille n'est plus une patrie spirituelle mais une entité administrative.

Ce genre de famille n'a plus sa place dans un monde globalisé - L'État répudie ce droit spécifique et transforme la famille en une de ses entités administratives. Les adeptes de la globalisation ont adopté cette nouvelle définition de la famille : ''vie commune de plusieurs personnes pour un temps déterminé''. Cela pourrait tout aussi bien être l'habitation partagée d'ouvriers dans une baraque de chantier le temps de grands travaux.

La famille perd son essence. Même les publications ecclésiales teintées de marxisme décrivent la famille comme une "cohabitation d'adultes et d'enfants'' et une '' institution sociologiquement reconnue comme utile à la perpétuation de la société''. Cela n'est conforme ni au droit naturel catholique, ni au droit international ni à la psychologie de l'éducation. La famille en effet signifie responsabilité mutuelle de durée indéterminée des parents vers les enfants puis de ces derniers vers leurs parents âgés. La famille doit permettre aux enfants de faire leur chemin dans la vie, d'acquérir repères, valeurs communes, sécurité mentale : les outils de la vie en société. La famille n'est pas seulement une unité de lieu mais avant tout une unité spirituelle.

La famille enseigne les bonnes mœurs, enseigne le réflexe d'aider son prochain, de contribuer au bien commun, de savoir régler des conflits. C'est ce genre de famille qu'il faut soutenir pour avoir des couples heureux et pour que la vie collective fonctionne bien à tous les échelons .

 

 

Marxisme et grand capital se donnent la main pour la globalisation.

Nous nous étonnons parfois de la rapidité avec laquelle cette perte d'autonomie des citoyens et des instances indépendantes de l'État avance. Qui œuvre à cela ? Un marxiste en vue en Suisse, l'idéologue Jacob Lanner l'a dit dernièrement très ouvertement à ses compères : jusqu'en 1991 les marxistes n'ont eu en Suisse aucune chance d'imposer leurs idées. Après le scrutin sur l'EEE de 1992 des radicaux influents de la haute finance ont approché les marxistes et les ont entretenus de la nécessité d'abolir enfin les vieux mythes suisses. Tanner et consorts ont fait leur entrée à Bilanz, le magazine économique qui fait autorité. On ne peut comprendre la vigueur de la lutte de Bilanz contre la substance suisse que si l'on connaît le passé marxiste de certains managers de pointe comme Daniel Vassella de Novartis. Le marxisme de Tanner l'a tenu éloigné du corps des professeurs de l'université de Zurich. Maintenant il fait la leçon au pays par la grâce des capitalistes. Il faut maintenant créer une génération de globalisés. Le premier produit de celte collaboration marxisto-capitaliste est la commission Bergier et ses " recherches'' qui reprennent les schémas marxistes déjà connus C'est pourquoi le trotkyste zougois Josef Lang a écarté le premier président pressenti de la commission, le professeur Urs Altermatt qui n'était pas dans la ligne.

Les grandes entreprises s'en sortent relativement bien des conclusions de la commission Bergier et il n'y a rien d'étonnant à cela quand on connaît tous les dessous. Comme par hasard on ne reproche rien à la firme du conseiller fédéral Villiger qui, globalisation oblige, au même moment, vient de se délocaliser en Chine. Selon Andreas Gross le grand '' projet Bergier'' est "de transformer la mentalité de base des Suisses''. Il importe à ces gens de détruire la paix, la neutralité, la démocratie directe, le fédéralisme, la libre association et la famille.

L'éducation doit passer sous contrôle étatique

11 suffit de lire le manifeste communiste pour savoir ce qui nous attend de la part de cette nouvelle coalition de marxistes et de trusts. On y lit : ''Nous communistes, arracherons l'éducation à l'influence de la classe dirigeante en établissant une éducation sociale au lieu de l'éducation domestique''. Marx et Engels avaient établi dix mesures despotiques en vue de l'établissement de la dictature communiste, mesures visant à la suppression des libertés bourgeoises, de la séparation des pouvoirs, de la liberté de conscience et de la liberté religieuse Un de ces dix points est textuellement ''L'éducation officielle et gratuite des enfants''.

Depuis le sommet des droits de l'enfant 1'0NU prône aussi des restrictions massives du droit parental à l'éducation des enfants. Certaines mesures de la convention ressortissent du bon sens et sont bienvenues, d'autres conduiraient à l'abolition de la famille. Presque tous les États ont signé la convention mais aucune discussion n'a été proposée aux citoyens. La Suisse a adopté la convention avec réserves (sur le droit parental) mais le département de Mme Dreifuss s'efforce de la faire appliquer avec grand zèle. Mme Dreifuss d'ailleurs suit le modèle trotkyste dans sa stratégie de libéralisation de la drogue. Elle a dirigé la campagne du théologien marxiste Jean-Bertrand Aristide à Haïti et ... au mur de son bureau elle a accroché le portrait de Salvador Allende, qualifié par elle dans une interview donnée le 3 mars 1995 "d'un de ses trois maîtres à penser''. En Allemagne cette tâche est au ressort de Christine Bergmann dont l'éducation est un pur produit de la RDA et qui définit la famille comme ''le lieu où il y a des enfants'' un point c'est tout.

La municipale zurichoise Monika Stocker inspirée elle aussi par le marxisme parle dans une brochure d'où sont absentes les considérations pédagogiques et psychologiques de la ''rentabilité des garderies ". Pour elle, même à 100 f par jour et par enfant, c'est un bon placement (NZZ du 13 avril). La NZZ ose donner la parole à des féministes marxistes berlinoises pour faire de la propagande pour les crèches. Avec des arguments spécieux du genre que les femmes qui veulent élever elles-mêmes leurs enfants et refusent les crèches devraient se souvenir qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil : les nourrices des grandes bourgeoises du XIXe siècle.

Deux semaines avant le vote sur les subventions aux crèches la NZZ publie un article intitulé " Les petits enfants ont besoin de plus qu'une mère ''. L'État doit offrir des crèches parce que l'apparent désavantage de la séparation de la mère et de l'enfant est en fait un gain social futur pour l'enfant.

La troupe d'assaut idéologique pour la dissolution de la famille est la commission de coordination des questions familiales fondée en 1995 et présidée depuis deux ans par Jürg Krummenacher. Depuis que la notion de famille a pris le sens que lui donne la marxiste Dreifuss, la gauche crie avec véhémence à l'aide à la famille ce qui en fait signifie le transfert des tâches familiales à l'État. Au parlement cela se traduit par l'initiative de la socialiste Jacqueline Fehr qui veut entre 60000 et 100000 nouvelles places de crèches. Pour ne pas froisser les oreilles sensibles on baptise cela : assistance complémentaire aux familles ".

 

Les petits enfants sous la coupe de l'État

La logique marxiste aboutit à ce que l'on envisage d'enlever à des institutions privées et à des particuliers expérimentés et de bonne volonté le droit de prendre en charge les petits enfants lorsque cela est nécessaire. Les communes ne devront plus avoir le droit d'aménager de telles solutions. Les contrôleurs de qualité étatiques en matière d'éducation seront tellement déformés par leur formation idéologisée que tout naturellement ils retireront l'agrément officiel aux institutions privées et personnes dévoués qui avaient cependant fait leur preuve.

Les parents n'auront plus de droit de regard sur l'éducation de leurs enfants

La Genevoise Mireille Chervaz Dramé a exigé que l'État conjointement avec l'Économie prenne en mains entièrement l'éducation des enfants.

Chaque parent pourra exiger de sa commune et de son employeur de payer tous les frais d'éducation et de fournir une place adéquate pour la prise en charge de l'enfant et cela voudra dire aussi que le parent perdra son droit d'éduquer son enfant selon ses vues et ses principes. Il est même prévu que les allocations familiales soient retirées de la compétence cantonale et attribuées à la Confédération

Cela doit empêcher les parents de moduler de telles mesures au niveau cantonal si l'envie leur en prenait. Cela permettra aussi plus tard d'introduire plus facilement les normes imposées par l' UE ou par 1'ONU.

L'agenda 21 de l'ONU, émanation marxisto-féministe, est ainsi en voie de réalisation chez nous. Les crèches devaient être l'instrument primordial pour réformer les valeurs, les attitudes, les comportements, les cultures et les structures dans le monde entier.

Donc, à la journée annuelle de la coordination, on a claironné bien fort que la " mise à disposition des mesures d'assistance complémentaire aux familles était l'un des éléments les plus importants de la politique familiale " comme l'entend le département de Ruth Dreifuss.

 

La justification idéologique des crèches

Pour manipuler l'opinion il faut aussi trouver une justification à la séparation de la mère et de l'enfant. Dans le passé déjà l'enfant était éduqué par plusieurs personnes et pas seulement par la mère. Ainsi le bébé s'intéresse progressivement au reste de l'humanité. Il faut cependant remarquer que cela est acceptable quand ces autres personnes sont de la parenté ou des voisins. Maintenant il s'agirait tout bonnement d'employés. Des personnes qui vont et viennent disparaissent après deux ou trois ans et empêchent donc un bon développement émotionnel. De plus, dans l'histoire, la séparation d'avec la mère était limitée en heures. La science s'inscrit en faux contre ces projets : la crèche n'est pas un avantage pour le développement de l'enfant.

Les crèches perturbent les enfants

L'expérience des pays du bloc oriental particulièrement de la RDA et de la Tchécoslovaquie nous enseigne combien les crèches sont dommageables pour les enfants. La formation du sens de la confiance dans l'autre, l'acquisition du bagage affectif sont rendues difficiles, voire impossibles par ces longues journées de séparation d'avec la mère. Les travaux du pédiatre Dunovsky nous apprennent que la mortalité infantile était hausse en Tchécoslovaquie, que les enfants souffraient de retard dans leur développement, que les enfants y étaient agressifs peu sociables. Le désastre était tel que dans les années 80 le pouvoir communiste avait commencé à favoriser le retour à l'éducation familiale. L'enfant de moins de trois ans a besoin toute la journée d'une personne de référence unique et accessible, en clair de sa mère. Sans cela on ne peut construire de quiétude interne. Même les enfants qui à la crèche sont sans histoire se révèlent plus tard psychologiquement dérangés. Pour cette raison il ne faut jamais envoyer un enfant à la garderie avant trois ans et il est mieux de ne le faire que pour deux ou trois heures par jour, mieux encore d'attendre quelques années. Il est vrai que les garderies peuvent être bénéfiques aux enfants uniques trop individualistes. Pour leur apprendre à coopérer et partager après trois ans, une absence de quatre à six heures par jour reste problématique, principalement parce que le développement émotionnel d'un enfant diffère considérablement d'une personne à l'autre.

Il faut éduquer les enfants pas seulement les prendre en charge.

Ce qui disparaît totalement de toutes ces tentatives de justification idéologique est qu'un enfant doit être éduqué et pas seulement pris en charge. L'éducation est un plein temps ce n'est pas un temps de travail à horaires fixes. C'est une relation qui passe par l'intériorité, c'est une osmose, une transmission basée sur la confiance. L'enfant qui n'a qu'un parent atteint aussi la maturité personnelle et sociale. L'essentiel est le lien durable la construction d'un sentiment de sécurité qui permettra ensuite au jeune de se dévouer à l'adulte, d'évoluer au sein de la société de trouver cet équilibre entre assurance de soi et ouverture. Dans tous les cas l'adulte responsable doit consentir des sacrifices et penser d'abord au bien de l'enfant. Le débat pédagogique doit avoir lieu et il ne faut pas se laisser intimider par les pontes de la globalisation. 11 faut lire des livres comme ceux de Daniel Stern (la mère et l'enfant), de Goleman (Intelligence émotionnelle), de Mary Ainsworth (Enfance en Ouganda), de John Bowlby (Relation parentale et développement de la personnalité. -Bonheur et malheur) de Klaus Grossmann (Développement de l'acquisition du savoir) de Ervin Staub (Développement du comportement philo social : la psychologie du prochain).

Il est nécessaire que les citoyens soient attentifs aux évolutions du monde. Nous devons exiger les conditions d'une vie paisible, nous devons parler autour de nous. Nous devons solidifier notre famille, développer les relations entre membres de la famille. Ainsi on pourra mieux comprendre les destructions entreprises autour de nous et y faire barrage. Nous devons consolider notre exigence de vie autonome. Nous ne devons pas nous laisser mener par une clique mondialiste qui veut tout réduire aux considérations de géostratégie, de matières premières, de luttes de pouvoir. La vie ne doit pas devenir un enfer. On attaque la civilisation de l'amour et de la paix. Nous devons nous coaliser et résister

Diethelm Raff

Traduction Denis Helfer

 

Une victoire à la Pyrrhus

Le commentaire de Sigmund Widmer dans le Schweizerzeit du 22 mars 2002

La notion de victoire à la Pyrrhus existe dans notre culture depuis bien 2000 ans. Elle est liée à Pyrrhus (319 -272 av JC) premier roi des Epirotes. Il vivait au nord -ouest de l'actuelle Grèce et, apparenté à Alexandre le Grand, il rêvait d'en rétablir l'empire universel. Vers 280 av. JC il gagna le sud de l'Italie dans ce but et dans celui donc de vaincre les Romains en expansion. Il vainquit vraiment deux fois les Romains mais au prix de tant de pertes qu'il fut contraint de faire retraite dans sa Grèce natale. Ces deux victoires discutables sont entrées dans l'histoire sous le nom de ''victoires à la Pyrrhus ". On se souvient de cet événement historique lorsque l'on examine la grande victoire, à Berne des gouvernants de centre gauche le 3 mars 2002.

En nombre de voix on peut fêter les 54,6 % de oui face aux 45,9 % de non. Mais la majorité des cantons n'était que de douze contre onze La grande victoire devient plus modeste. Au Valais par exemple, il y a eu 46 786 oui et 44 088 non. Si des 90 000 votants seulement 1349 avaient voté non au lieu de oui l'entrée de la Suisse à l'ONU aurait échoué. Il est clair que la Suisse orientale moins Zurich a voté non et au contraire la Suisse occidentale plus Zurich a voté oui.

Bien sûr, l'actuelle majorité de centre gauche aimerait bien supprimer de la constitution la double majorité des électeurs et des cantons requise dans les scrutins importants. Un petit rappel : en 1847 les Grands cantons citadins réformés progressistes ont vaincu les petits cantons, conservateurs, ruraux, catholiques. Les vainqueurs de 1848 ont introduit un droit de veto dans leur propre constitution. On accordait ainsi à la minorité catholique un droit à la résistance. C'était extraordinairement intelligent car ainsi les vaincus ont accepté de participer à la nouvelle construction étatique. Cela explique pourquoi la Suisse a été épargnée pendant un siècle et demi par les guerres civiles. Et nous fûmes le seul pays d'Europe. Et cela explique pourquoi nous étions si attirants. Jetons un œil aux commentaires des partisans de l'ONU le soir des résultats. Ils ont le triomphe relativement modeste parce qu'ils avaient eu terriblement peur, jusqu'au dernier moment de la double majorité On s'étonnera donc de ce que rapportait le journal gratuit bernois ''Berner Bär'' : dans une taverne le conseiller fédéral Deiss et ses proches collaborateurs ont fêté bruyamment et Deiss a conclu la soirée en disait qu'à cette adhésion à 1'ONU allaient succéder l'entrée dans 1'Union européenne et l'entrée dans l'OTAN. C'était dans la tendance des médias. Le journal '' Vingt minutes" titrait par exemple :'' Le oui à l'ONU met fin à la guerre froide''.

Regardons ce qui se cache derrière de telles bêtises. Pendant les 45 ans de la guerre froide, 1'ONU avait une majorité d'États démocratiques occidentaux. C'est pourquoi lors au scrutin de 1986, la gauche suisse était très réservée. A cela s'ajoutait une sympathie déclarée pour Israël, né en 1948. Il ne pouvait en être autrement puisque l'URSS soutenait les voisins arabes d'Israël et que toutes les démocraties occidentales, dont la Suisse penchaient nettement vers Israël. L'effondrement de l'URSS en 1989 marque la fin de la guerre froide. Il n'y a plus qu'une seule grande puissance mondiale : les USA et 1'ONU sont sous domination américaine. Depuis le 11 septembre le bellicisme des USA place les membres de l'ONU devant de nouveaux problèmes. Dans cette perspective on ne peut souhaiter que bien du plaisir à Deiss et à son équipe.

Encore une chose. Le scrutin sur 'ONU aurait représenté (selon la NZZ ; entre autres) une défaite de Blocher et de l' UDC . L'UDC a été la seule à dire non mais le même jour, les élections com- munales et cantonales (Vaud, Zurich, Nidwald etc) ont apporté des gains à 1'UDC et de plus l'UDC peut observer, l'âme en paix le comportement des Suisses à 1'ONU lorsque monte la tension entre les USA et tous les États qui refusent leur hégémonie.

 

En bref : l'UDC a échoué le 3 mars, mais à long terme, ce parti va profiter, à l'intérieur de notre pays , des conséquences de l'adhésion à l'ONU. C'est pour cela que cette splendide victoire de la majorité de centre gauche est exactement ce que l'on appelle une victoire à la Pyrrhus.

Dr Sigmund Widmer

Traduction Denis Helfer

 

La votation sur l'ONU : le résultat vu d'Amérique

CARTE BLANCHE AUX POLITICIENS

Le journal américain ''Wall Street Journal'' a livré un commentaire très pertinent sur l'issue de la votation sur 1'ONU et sur les conséquences de l'entrée de la Suisse dans l'ONU. Paru le 5 mars 2002 et écrit par Brian M. Carney, il était intitulé ''No neutral : Who will play Switzerland now ?''. En voici une version librement adaptée et traduite par le ''Schweizerzeit'' du 22 mars 2002.

 

Les politiciens jubilent

Un petit groupe de Suisse un seul petit groupe aspirait depuis longtemps à l'entrée dans l'ONU : les politiciens. Pour les représentants et les gouvernants de cette république montagnarde de sept millions d'âmes, la promotion ne peut pas se faire vers le haut mais seulement vers l'extérieur. Où aller au-delà de Berne et de Genève ? L'inflexible indépendance du pays les rend claustrophobes. Et cependant, aspirer à plus, c'est courir le risque de s'isoler.

Il y a longtemps que les politiciens suisses essayaient de faire irruption sur la scène internationale. Ils en ont toujours été empêchés par leur peuple opiniâtre nourri du lait de la famille Tell. Et il faut être juste : la version suisse de la neutralité armée a bien servi le pays.

La Suisse est passée à côté des dévastations des deux guerres mondiales du XXe siècle et c'est l'une des raisons pour lesquelles la Suisse est aujourd'hui un des pays les plus riches du monde.

Le Sonderfall

Les Suisses ne sont pas des extra-terrestres. Mais, pendant la Deuxième guerre mondiale, qui aurait préféré vivre en Pologne ? La Pologne qui avait reçu de la France et de la Grande Bretagne des garanties solennelles de sécurité. La Suisse, elle, ne comptait que sur elle - même. Ce qui est vrai, c'est que la Suisse est typiquement un pays international. C'est un pays qui a des relations financières mondiales et qui a une position recherchée dans les organisations internationales. La marque de la Suisse n'est en aucune manière l'isolationnisme, mais on a dit qu' "elle ne jouait pas le jeu''. Celui qui s'occupe de bien faire et a du succès en restant à l'écart du micmac collectif, eh bien, il suscite l'irritation. Mais voilà, la '' responsabilité internationale " n' a rien à voir avec la participation à une bureaucratie.

Maintenant, c'est fait. La Suisse est une nation (une petite nation) parmi 190 autres. Avant le scrutin les Suisses restaient au dehors et ressentaient les réactions négatives provoquées par le courage de résister au troupeau. Mais il y a cette aspiration à être accepté. Un peu plus de la moitié des Suisses y a succombé. Et d'autres se frottent les mains.

Brian M. Carney

Traduction Denis Helfer

 

 

 

Lettre aux amis

Père Arthur Lewis Collège of St Barnabas

Lingfield Surrey RH7 6NJ Angleterre

Après Pâques 2002

 

Retour à la sauvagerie

Imaginez, imaginez seulement que vous lisiez dans votre journal

''Blair fait appel à l'armée- pour écraser les conservateurs''

''la milice et la police battent, torturent, violent et assassinent les membres de l'opposition."'

''Des dizaines de milliers d'opposants au Gouvernement ont fui leurs maisons pillées et incendiées." ''Nous voulons les affamer." "Faites-en des esclaves du sexe.''

 

Bon, nous savons parfaitement que rien de ce genre ne va paraître dans la presse britannique. Le premier ministre anglais n'a pas et n'a jamais eu la moindre intention de recourrir à des méthodes semblables. S'il l'avait, il ne durerait pas cinq minutes. Pourtant ce furent des politiciens britanniques, dont certains sont encore avec nous, qui ont précipité précisément ce retour à la sauvagerie au Zimbabwé.

Ce sont les méthodes que le Président Mugabé a utilisées pour "gagner" les élections présidentielles de mars. De larges pans de la population ont été terriffiées au point de se soumettre. Et pourtant, même les tortures et la terreur n'ont pas empêché une majorité de voter pour l'opposition. Lors du second après-midi de l'"élection", ses conseillés durent avouer à Mugabé qu'il allait subir une débâcle. Il lui manquait plusieurs centaines de milliers de voix. Des préparatifs avaient été faits longtemps à l'avance et le nombre nécessaire de votes supplémentaires furent simplement fourrés dans les urnes d'environ 47% des bureaux de vote où il n'y avait aucun témoin indépendant. Au moment du décompte final, il y eut un saut de 2,4 millions à 2,9 millions de bulletins., Tout cela a été démontré méticuleusement en détail par R.W. Johnson, ancien professeur à Oxford et ancien président de la Fondation Helen Suzman qui était au Zimbabwé pour un journal anglais au moment des élections.

Depuis son "élection" Mulabé continue exactement les mêmes attaques vengeresses et sanglantes mais dans une mesure encore plus brutale. Son but est d'humilier et de détruire la majorité de son propre peuple qui est fatiguée de sa tyrannie et qu'il considère simplement comme des ennemis. Il ne se soucie pas beaucoup de la condamnation du monde civilisé. Il dispose d'une écrasante force militaire pour imposer sa volonté démentielle. Il a des diamants congolais et le soutien du Président Gaddafi de Lybie pour lui permettre de faire la nique à un Occident faible et hésitant. Ce dernier lui a déjà donné presque tout ce qu'il a et peut maintenant être mis de côté si c'est le prix de sa survie.

Très peu de gens se rendent compte qu'un seul bataillon de parachutistes britanniques pourrait anéantir tout le château de carte de Mugabé en un jour et donner de l'espoir à une grande partie de l'Afrique. Le monde entier sait que cela n'arrivera pas.

Et Lord Carrington, un ancien ministre des affaires étrangères très respecté, porte une grande part de responsabilité dans cette catastrophe. La Conférence de Lancaster House a établi des critères parfaitement clairs pour l'élection de 1980 que l'Angleterre a imposée à ce pays bien qu'il soit déjà une démocratie . Les régions sujettes aux tactiques terroristes devaient être exclues du vote. Le Conseil électoral du Zimbabwe/Rhodésie était d'accord sur ce point. Lord Carrington était d'accord aussi mais se renia - après que le Conseil électoral ait été démis. Des centaines de témoignages dénonçaient le terrorisme impitoyable du Zanu-PF avant l'élection de "l'indépendance" de 1980. Mais Lord Soames, le gouverneur britannique "fantoche", les ignora tous, incité en cela par Lord Carrington et son ministère des affaires étrangères."C'est l'Afrique" disait-il. D'où la"victoire" de Mugabé par les méthodes qui ont assuré son triomphe dans chacune des élections suivantes.

La terreur sans fin

Mon pupitre est couvert par des piles de lettres d'amis chrétiens et de connaissances au Zimbabwé et de rapports sur le ccmbat de la presse indépendante du Zimbabwé, qui décrivent la terreur continuelle qui règne dans ce pays.

M. Denis Walker, dans la récente lettre d'information du Groupe chrétien de Rhodésie, citait un rapport de presse sur le meurtre de M. Terry Ford. Cathy Buckle, qui écrit du Zimbahwé avec un courage incomparable, donna un rapport plus complet dans sa lettre d'information du 24 mars."La photo en première page du "Zimbabwé Indépendant"... est celle du fermier assassiné Terry Ford, gisant dans un bain de sang, le corps entièrement couvert de blessures et de contusions. Terry, en essayant de s'échapper de sa ferme incendiée par une bande de voyous, avait été attrapé, attaché à un arbre, matraqué puis tué. son meurtre est seulement l'un des sept qui ont eu lieu ces derniers dix jours. Cathy donne la liste des victimes africaines battues à mort et continue:"Des quantités de gens ont été battus, une douzaine de fermes ont été saccagées ou pillées et on estime que 1200 agents électoraux de l'opposition ont été chassés de leurs maisons par des supporters du gouvernement." Les supporters du gouvernement sont les "vétérans" de la guerre, payés, aidés et encouragés par les membres de la nouvelle jeune milice barbare de Mugabe, également payée.

Nous devons rappeler que la grande majorité des victimes de Mugabe sont chrétiens et croient en un avenir meilleur, plus libre et plus chrétien pour leur pays. Nous n'avons aucune idée du nombre de martyrs chrétiens qui sont morts dans le Zimbabwe d'aujourd'hui parce que le combat est décrit comme étant politique

Je vous en prie, pour l'amour de Dieu, faites deux choses: Priez pour le peuple du Zimbabwé comme vous n'avez jamais prié jusqu'ici. Et (si vous pouvez) remplissez un chèque en faveur du Groupe chrétien de Rhodésie pour nous aider à faire au moins quelque chose pour ceux qui s'échappent de ce cauchemar toujours pire. (PO Box 5307, Bishop's Stortford CM23 3DZ, UK) Notre groupe ne peut pas faire grand'chose pour les gens à l'intérieur du Zimbabwé. Nous pouvons procurer de l'aide à quelques-uns de ceux qui sont chassés du Zimbabwé.

Le groupe chrétien de Rhodésie

Ma femme Gladys et moi avons quitté le Zimbabwé il y a 20 ans. Le 21 mars, le jour où Mugabé a pris le pouvoir, nous avons entassé ce que nous pouvions dans la voiture et nous avons quitté le Zimbabwé pour toujours. A cette époque je n'avais pas de responsabilité pastorale bien que quelques autres prêtres qui en avaient ont été expulsés peu de temps après. Le Groupe chrétien de Rhodésie avait manifestement manqué son premier objectif qui était de sauver la Rhodésie chrétienne.Désormais, son travail doit être d'aider les Rhodésiens dépossédés qui ont fui le pays. Et ceci ne pouvait se faire qu'en dehors du Zimbabwé. De plus nous avions étudié le marxisme et savions exactement ce qui allait arriver. Nous attendions la période de "réconciliation" par laquelle Mugabé a commencé son règne: ce fut la pratique marxiste standard. Nous n'avions aucune illusion au sujet de ce qui se passerait quand finalement il essuya un échec lors du référendum de février 2000.

Notre admiration est sans borne (je parle maintenant des Blancs) qui sont restés au Zimbabwé. Que pouvaient faire d'autre les fermiers blancs? La plupart d'entre eux - en fait la plupart des Blancs de ce pays - étaient nés là, et bien peu d'entre eux pouvaient avoir Vidée d'aller ailleurs. Et seuls ceux qui avaient bien étudié le marxisme pouvaient savoir ce qui allait arriver, et même ceux-là ne pouvaient pas savoir quand les choses deviendraient intolérables . Par dessus tout nous admirons ces prêtres, pasteurs et missionnaires qui sont restés attachés à leur peuple à travers tous les risques, advienne que pourra.

...

Des copies de cette lettre peuvent être obtenues auprès de Mme S.Perrenoud, Ch. des Voitats 10, 2533 Evilard (Suisse)

 

Des risques du changement

Ils croient que rien n'arrivera parce qu'ils ont fermé la porte

 

Il ne suffit pas de détruire le communisme, encore faut-il ne pas périr sous ses décombres On n'avait pas assez pris en compte dans les pays de 1 'Est les effets du communisme et le vide éthique qu'il avait engendré. On était ingénument tombé dans l'illusion qu une fois disparu, tout serait automatiquement transformé pour le mieux. Ne pas démanteler un système sans avoir préparé une alternative viable, telle est la leçon de l'effondrement de l'URSS. Si Boris Eltsine a porté le coup de grâce à l'empire soviétique, il laisse une économie en ruine. Des millions de personnes ont sombré dans la misère, les systèmes de santé et d'éducation se sont écroulés. 35 % des 147 millions de Russes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Fort de l'appui d'hommes politiques, le monde de la criminalité organisée a mis la main sur de larges pans de l'économie. Et s'il existe bien des élections concurrentielles, le droit de participer à la vie de sa communauté est rendu vain quand le processus démocratique est vidé de sa force Par le favoritisme ou la corruption. La Roumanie et la Bulgarie témoignent elles aussi que les sociétés désarticulées sont vulnérables aux tentations mafieuses et aux discours démagogiques.

À la différence de l'URSS, nous ne sommes pas en Chine et au Vietnam dans un contexte de décomposition de l'Etat S'il se désengage partiellement de certains secteurs économiques, il est loin de laisser le champ libre dans les domaines social et politique. Au reste, les gouvernants de ces pays savent bien que "les structures totalitaires fondent dans la démocratie comme le sucre dans l'eau ", et que "si l'on donne au peuple la liberté de choisir, il choisira toujours la liberté - ~ lis n'ont nul besoin de lire Tocqueville pour savoir que les régimes usés ne sont jamais aussi fragiles que lorsqu'ils tentent d'accomplir des réformes nécessaires à leur survie. Il leur suffit de jeter les yeux sur l'ex-URSS. L'échec de la transition soviétique ancre davantage les PC asiatiques dans leur acharnement à rester au pouvoir, et leur donne un argument supplémentaire, non sans efficacité sur les foules, pour refuser toute ouverture politique. De fait, la déroute de l'URSS renforce l'immobilisme politique des derniers pays communistes de la planète. Mais à focaliser son attention sur la contre-rèférence soviétique, on oublie les transitions réussies en Hongrie, Pologne, République Tchèque. Slovaquie, Il est également d'autres facteurs qui confortent le statu quo politique, en particulier la tradition confucéenne : celle-ci conduit en Chine à vouloir d'abord l'État qui assure la sécurité et l'ordre, avant l'État représentatif du peuple. Le Vietnam, de même que son grand voisin, a toujours connu des systèmes autoritaires : auparavant, tout y venait de l'Empereur, Fils du Ciel, détenteur du droit de vie et de mort sur tous. Mais si avec le communisme, on a abandonné le mandat descendant du ciel, on n'est pas pour autant passé au mandat « montant de la terre ».

 

L'évolution plutôt que la révolution

Il est pour l'heure hors de question d'entamer des réformes politiques en Chine ou au Vietnam. Le parti unique doit se perpétuer, la technostructure conserver ses privilèges, le communisme servir d'alibi. Pour cela, il faut un système suffisamment conservateur pour sauvegarder l'essentiel et suffisamment souple pour donner le change. On mit donc de l'huile dans les rouages. Une nette libéralisation est survenue au cours de cette décennie. À la fin des années 1980, les Vietnamiens ont enfin pu recevoir chez eux des amis, pendant une demi-heure puis plus longtemps. Aujourd'hui, les gens parlent, on les laisse vaquer en paix à leurs affaires. Hier obligatoires, les visas de sortie du territoire ont été supprimés. Quasiment tout le monde peut se rendre à l'étranger - et en revenir - même ceux au profil politique "incorrect" '

Contrairement à ce qui est souvent annoncé, une société civile plus ou moins spontanée existe bel et bien au Vietnam, même si elle est embryonnaire. Mais elle ne prend pas le visage que l'on attendait, car, pour ne pas être interdite, l'organisation collective doit être construite en articulation avec les pouvoirs locaux. Aussi ces groupes restreints ne peuvent donc aucunement jouer le rôle de feux follets d'une éventuelle démocratisation. À côté de ceux-ci, existe une autre société civile, organisée d'en haut et structurée à l'extrême. C'est celle des mouvements de masse au maillage très fin : l'Union des Femmes, les Groupes de Paysans, le Front Patriotique, l'Union de la Jeunesse Communiste, tous sous contrôle et au service du parti.

La liberté de parole est revenue, mais pas n'importe quelle liberté. En effet, pour contrebalancer l'ouverture internationale du pays, et tout ce qu'elle apporte d'informations à des gens qui ne manquent pas de comparer leur situation aux nations voisines, le parti communiste maintient une pression permanente. La presse est donc priée de se cantonner au rôle de porte-parole des autorités. Les groupes musicaux doivent soumettre leurs textes à la censure avant de les chanter en public, afin d'éviter toute allusion à la démocratie, la chute du mur de Berlin… Lors du Têt, il est quasiment obligatoire que sur chaque maison, flotte un drapeau rouge frappé de l'étoile jaune. Les familles s'en abstenant s'exposent à des tracasseries

Les relations des Vietnamiens avec l'étranger restent surveillées de près : par exemple, ils peuvent difficilement pénétrer dans le consulat français de Ho Chi Minh Ville sans autorisation préalable de la police. Si le retour des VietKièu ne pose plus de difficultés, la réconciliation nationale reste sélective. Ainsi, pour entrer à l'université, selon que vous êtes fils de cadres communistes ou fils de militaires du « mauvais bord », vous devez atteindre des notes différentes. Autre exemple des limites de la réconciliation, alors même que dans tout le pays, on attache une importance suprême au culte des ancêtres, les familles ayant des parents enterrés dans les cimetières militaires de l'armée du Sud-Vietnam n'osent s'y rendre de peur de représailles. En pratique, ces cimetières sont interdits et tombent à l'abandon, par contraste avec les rutilants cimetières des combattants du Nord Vietnam,

 

Penser l'après-communisme

On se trouve face à une dictature amollie, une espèce de totalitarisme dégradé, pour autant que cette expression ait un sens. Mais pendant combien de temps peut-on continuer de faire du monolithisme politique et du libéralisme économique ? C'est la politique du grand écart et à un moment, dit-on, elle arrive au point de rupture. Est-ce si sûr ? L'histoire enseigne que ce genre de régime peut durer fort longtemps.

Au demeurant, les habitants veulent-ils vraiment changer ? Si l'aspiration à un changement politique commence à poindre en Chine, il n'en est rien au Laos, hormis quelques groupes de rebelles. Dans ce pays, les gens sont heureux, ils se sont habitués à la médiocrité politique ambiante. Le régime leur convient, ils n'en attendent rien, sinon de pouvoir continuer à vivre comme ils le font. Bien sûr, une mortalité infantile de 20 % avant l'âge de 5 ans. et 46 ans d'espérance de vie, ne sont pas des performances exceptionnelles pour un peuple qui ne souffre pas de la pollution de l'air, qui évite les crises cardiaques, les dépressions, le cancer et le SIDA. Les dirigeants ne croient plus à la révolution mais à leurs fins de mois et leur santé qui décline. Chacun pense à son petit confort et essaie de tirer la couverture à soi. Le parti vit en paranoïaque assiégé et se méfie des idées incontrôlées : les journaux ; les livres, tout est suspect. Il ne tolère que les idées bien rangées, selon la doctrine officielle. Chaque chose à sa place et surtout pas d'improvisation. De fait, le Laos est on ne peut plus enclavé, non seulement par le territoire, mais par l'idéologie et la peur : la peur des Thaï, de l'Occident, des mouvements rebelles, des journaux. La hiérarchie héritée des "luttes de libération nationale " continue de diriger le pays. Pas de sang nouveau et surtout pas d'opposition, ainsi se résume la vie politique locale. Mais à force de stabilité, les esprits semblent ici noyés dans le béton, comme si le Laos n'avait pas d'histoire de rechange '

Le Vietnam a, lui, opté pour une relative évolution : il tente de se convertir en régime autoritaire à vocation économique, dans le sillage de la Chine, qui elle-même s'inspirait de la Corée du Sud et de Taïwan. Ironie de l'histoire, ces 2 derniers pays ont atteint un stade de développement propice à l'émergence du pluralisme politique : le véritable précurseur ne serait pas la Chine, mais Taïwan… Beijing et Hanoi, iront-ils jusqu'au bout de ce chemin ? Pour aller plus loin, passer du parti unique au multipartisme, on mise sur la retraite des vieilles gardes héroïques et l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération de dirigeants moins hantés par les serments du passé. On compte aussi sur l'influence de la diaspora chinoise et dans une moindre mesure. de la vietnamienne. La diaspora chinoise comprend 20 millions de Taïwanais, 5 millions de Hongkongais et 30 millions de Chinois d'Asie du Sud-Est. Bien que nullement homogène sur le plan politique, elle représente une force de changement incoercible qui, depuis les côtes voisines, sape sourdement le bloc bureaucratique communiste. « Les idées poussent invisiblement, sans révolution apparente » 4.

Quoi qu'il en soit, l'échec russe rappelle qu'il vaut mieux prendre son temps pour assurer la transition politique, que celle-ci doit être graduelle et non brutale. « Les crises du post-communisme soviétique démontrent les insuffisances du seul processus électoral dans la difficile transition vers la démocratie pluraliste ». Réussir la sortie du communisme implique de surmonter les instabilités inhérentes à l'effondrement d'un système de parti unique et de poser les bases d'une autre stabilité politique. Or si le communisme repose sur la bureaucratie et la contrainte, les démocraties et économies de marché vivent du mouvement et de l'alternance, d'harmonieuses et complexes combinaisons de poids et de contrepoids juridiques, politiques, médiatiques et économiques. Mais ces équilibres, dans lesquels les peuples ont leur mot à dire, sont l'aboutissement de patients et douloureux efforts : ils ne pourront être bâtis sans que les élites chinoises et vietnamiennes assument leur tâche historique, sans qu'elles cessent de s'autocensurer au-delà de la censure officielle, prolongeant l'immobilisme politique par cette attitude ; sans qu'elles s'engagent à leur façon, dans les étroites mais bien réelles marges de manœuvre qui naissent. Une partie d'entre elles a commencé de le faire, mais il est nécessaire qu'elles aillent plus loin, sans malveillance mais sans complaisance à l'égard de leurs gouvernants.

Entendront-elles, venant de l'autre bout du monde, l'appel de l'écrivain Gabriel Garcia Marquez : « N'attendez rien du XXIème siècle, c'est leXXIème siècle qui attend tout de nous »

Sir Tomba

Droits de l'homme Vietnam, Laos, Cambodge no 56

Case postale 333, 1211 Genève 4

Notes 1 Maeterlinck, Soljenitsyne 2 Margaret Thatcher 3 Cf. Tous les éléments cités sur le Laos dans ce paragraphe proviennent du numéro d'Autrement consacré à cette région. 4 Maurice Blondel 5 in Raymond Aron, de Nicolas Baverez