1Jean de Siebenthal
Combats apocalyptiques
Dans certains cours tactiques au service militaire vers 1940-
1945, on a pratiqué un peu de mi-mo-ter-enie, science qui enseigne à
réagir face à une situation donnée, en vue de préparer une donnée
d'ordres convenable. Les instructeurs avaient plaisir à indiquer les cas
extrêmes, où l'on dit : Les peuples du Nord attaquent les peuples du Sud,
ce qui est vraisemblable aujourd'hui, avec tout un débordement de
dispositifs, ou bien : L'ennemi étant en là, nos troupes en ça, faites votre
devoir.
En pratique, de nombreuses précisions se présentent, et on
peut à juste titre mettre en évidence quatre facteurs essentiels, dont on est
obligé de tenir compte si l'on veut éviter un désastre certain. Ce sont en
bref la mission, les moyens, le terrain et l'ennemi.
L'ennemi
Les traîtres, ceux qui veulent supprimer toute armée par
exemple, insistent sur l'absence d'ennemi : tout le monde il est beau, il
est gentil. ou bien, par oecuménisme, toutes les religions se valent, ainsi
que l'affirmait un pontife remettant en 1965 aux Turcs un drapeau
conquis en 1571 : ''le temps des guerres de religion étant achevé''. Ce qui
se passe en Indonésie, au Soudan, ou bien ce que déclare un Usama bin
Laden ne va pas dans ce sens. Hélas, il y a toujours un ennemi, dont il
faut tenir compte, qu'il faut connaître, pour éviter d'être surpris et battu
d'entrée. Le chrétien notamment se doit d'adopter cette attitude. Selon
l'Evangile, il faut prier pour ceux qui vous persécutent et vous
calomnient ; cela ne dispense pas d'éviter de se faire massacrer par
imprudence, ou de se laisser réduire en esclavage. La bêtise ne saurait
être le propre du chrétien. Ceux qui désirent la"civilisation de l'amour"
devront patienter pendant quelques siècles....
Il convient donc de s'efforcer de connaître en quoi consistent
les forces et les ruses de ceux ''d'en face''. Si l'on avait par exemple dans
les années 20 tenu compte des intentions exprimées dans un livre intitulé:
''Mein Kampf'', on aurait pu éviter semble-t-il les désastres de la seconde
guerre mondiale. Les écrits provenant de sectes annoncent souvent la
couleur.
Au sujet du Coran, on peut de même s'interroger. Je vous
entends déjà : Comment, le recueil de base de cette grande religion
monothéiste, vous osez y toucher ? Il suffit d'examiner certains points
d'histoire pour constater que ce livre, en dehors de passages animés d'un
souffle religieux grandiose, contient à l'état latent, des explosifs
redoutables. Par exemple : Sourate IX, v.30 : Les Juifs ont dit : Ozaïr est
le fils d'Allah. Les chrétiens ont dit : Le Messie est fils d'Allah. Tel est ce
qu'ils disent, de leur bouche. Ils imitent le dire de ceux qui furent
infidèles antérieurement. Qu'Allah les tue. Combien ils s'écartent ! Il est
prescrit aux muslims de les combattre...Allah l'Omniscient serait-il
sanguinaire ?
Le comportement du prophète n'est pas spécialement
pacifique si l'on en croit la tradition :
Ayant besoin d'une victoire, Muhammad décida d'attaquer la tribu
juive des Nadir, que l'on disait s'être réjouie à la défaite des musulmans,
Prétextant que Dieu l'avait informé que les juifs projetaient de l'assassiner,
Muhamad leur ordonna de quitter Médine dans les dix jours sous peine de mort.
Après un siège de plusieurs semaines, les juifs se rendirent et furent autorisés à
partir. Ils ne rejoignirent les juifs de Khaybar... que pour y être massacrés deux
ans plus tard. Cette victoire sur les juifs est abondamment commentée par la
sourate LIX. Le prophète connaissait parfaitement la richesse des Nadir. Les
musulmans se partagèrent leurs terres et la part de Muhammad le rendit
financièrement indépendant.1)
Les conquérants arabes par la suite s'empressèrent d'imiter de
telles moeurs.
Après la mort du Prophète, le calife Abu Bakr entreprit l'invasion de
la Syrie. Au cours de la campagne de 634, les territoires compris entre Gaza et
Césarée furent dévastés. Quatre mille paysans, chrétiens, juifs et Samaritains
furent massacrés en défendant leurs terres. Pendant la campagne de
Mésopotamie, plus de 600 monastères furent détruits. Les moines furent tués et
les Arabes monophysites furent convertis de force ou exécutés. La population
d'Élam fut exterminée et à Susa seuls les notables furent exécutés. La Chronique
de Jean, de l'évêque de Nikiu, qui fut rédigée entre 693 ct 700, nous permet de
mieux connaître la conquête de l'Égypte par Amr b. al-As. Pour Jean, « le joug
des musulmans était plus lourd pour les Égyptiens que celui des pharaons ». Au
cours de sa progression, Amr s'empara de la ville de Behnesa, près de Rayum et
tua tous les habitants. 2)
Les peuplades conquises furent partout réduites au statut
inférieur de ''dhimmis'', et soumises à des impôts, et à des razzias
esclavagistes.
On entend les véhémentes protestations selon lesquelles les
chrétiens ne se sont pas mieux conduits. C'est partiellement vrai. Mais
étant donné qu'aujourd'hui on tend à blanchir les musulmans, en les
présentant comme de doux agneaux inoffensifs, il y a lieu de rappeler
que l'Occident risque la menace effective d'une charia universelle. Les
nombreux musulmans de bonne volonté ne peuvent que constater cette
intention.
Les musulmans sont les premières victimes de l'islam. Combien de
fois n'ai-je pas observé au cours de mes voyages en Orient, que le fanatisme est
le fait d'une minorité d'hommes dangereux qui, par la terreur, maintiennent les
autres dans la pratique d'une religion. Affanchir le musulman de sa religion est le
plus grand service qu'on puisse lui rendre (E. Renan) 3).
Note sur le livre de Ibn Warraq. Certains auteurs le critiquent
violemment. Certes, cet auteur se présente comme une sorte de Voltaire
sciemment athée ; mais son mérite me paraît être fondamental : il nous
révèle ce qu'est l'islam par une vue de l'islam prise de l'intérieur , tandis
que de nombreux auteurs occidentaux ont vu l'islam essentiellement de
l'extérieur. Par ailleurs, dans son essai : L'avant-guerre civile (L'âge
d'homme, 1998), Eric Werner expose :
Cela étant, nombre de chercheurs n'hésitent plus aujourd'hui à
aborder ouvertement le problème : « Il n'est pas excessif ou irréaliste de
considérer les communautés musulmanes d'Europe comme une extra-territorialité
civilisationnelle et politico-juridique potentielle, directement rattachable à un
Bloc islamique extérieur », écrit par exemple Alexandre del Valle dans un
ouvrage consacré à la menace islamique en Europe ~. Une menace devenue
aujourd'hui très proche : « Très proche parce que la Oumma islamique,
normalement située au Sud et à l'Est du continent européen, tend de plus en plus
à s'étendre, à travers des abcès de fixation disséminés dans certaines grandes
métropoles et régions, au sein même du Vieux Continent. Ces abcès sont
alimentés, à l'Ouest, par une immigration islamique incontrôlée et, à l'Est, par la
reconstitution d'Etats musulmans européens (enclaves albanaises de Macédoine
et du Kosovo, Bosnie, Sandjak et Albanie) liés aux puissances islamiques
(Turquie, Iran, Pakistan, Arabie Saoudite, Malaisie) »Il. Considérée sous cet
angle, l'immigration islamique extra-européenne s'apparenterait « de plus en plus
à une guerre de conquête démographique et idéologique » Il. Guerre
démographique, dans la mesure où elle prend de plus en plus la forme d'une
colonisation de peuplement (phénomène qui, lorsqu'on le met en rapport avec
l'effondrement du taux de natalité chez les Européens de souche, équivaudrait à
la substitution progressive d'une population à une autre), mais aussi idéologique,
dans la mesure où elle s'inscrit en continuité directe avec le Djihad islamique,
guerre « dont le but est de soumettre l'humanité tout entière à la loi d'Allah,
l'Europe étant l'une des terres de conquête privilégiée des « Guerriers d'Allah »
depuis le Vllle siècle » 17. Bref, les communautés musulmanes d'Europe
«peuvent constituer l'embryon d'une future société européenne totalement
islamisée » 68.
Quant à l'existence de l'ennemi, potentiel ou effectif, je me
permets, ô horreur, de citer la méditation des deux étendards, bien
connue des anciens retraitants habitués aux exercices de St Ignace :
Il ose faire méditer le retraitant sur l'enfer. Absurde selon la
plupart des prédicateurs, car la miséricorde divine place d'emblée tous
les hommes dans le paradis, quoi qu'ils fassent ou aient fait. Cependant
le Seigneur n'est pas de cet avis, ayant mentionné plusieurs fois les
ténèbres extérieures. Comme la Vierge à Fatima en 1917, il fait voir (par
l'imagination) les grands brasiers et les âmes dans des corps de feu, avec
des gémissements, cris, blasphèmes, remords de conscience, etc.
La mission
Saint Ignace de Loyola, dans ses exercices spirituels, donne en
un raccourci célèbre la mission fondamentale de l'homme en général, et
du chrétien en particulier :
L'homme est créé pour louer, vénérer et servir Dieu Notre
Seigneur, et par là sauver son âme. Les autres choses sur la face de
la terre sont créées pour l'homme, en vue de l'aider dans la
poursuite de la fin pour laquelle il est créé.
D'où il suit que l'homme doit user d'elles dans la mesure
où elles l'aident à atteindre sa fin, et qu'il doit s'en dégager dans la
mesure où elles l'en détournent...
Vue grandiose où d'un seul coup la mission et les moyens
sont situés. La perspective de la vie éternelle : voir Dieu et tout l'aspect
de la Création dans les Cieux nous propulse dans un monde de
splendeurs éternelles.
L'influence d'une telle mission doit se faire sentir dans le
domaine politique : ce n'est pas possible, allez vous penser. Mais si : le
décalogue énonce le code dont les politiciens doivent s'inspirer. Certes,
il est systématiquement violé aujourd'hui, malgré de prétendus droits de
l'homme : Ne pas tuer, par exemple : et l'avortement ? Ne pas voler : et
le prêt à intérêt ? Respecter père et mère : et la destruction des familles
par le divorce ? etc. Ne pas convoiter ? et l'étalage de la luxure sur les
écrans...
La mission du politique s'appuie essentiellement sur le respect
de l'autorité. Or on se moque de la source de celle-ci : Dieu en personne.
La montée patente de l'insécurité illustre la conséquence inéluctable de
cet abandon : un curé ne disait-il pas : si vous ne voulez pas de prêtre
dans un village, il vous faudra vingt gendarmes...et des gilets pareballes...
Ce ne sont pas des psychologues qui pourront compenser de
telles défaillances. Le culte de l'homme ne vaut rien sans le culte du
Dieu en Trois personnes.
Le terrain
La situation géostratégique mondiale est régie aujourd'hui
notamment par les convoitises pétrolifères. Le tracé étudié pour tel pipeline
peut déclencher ou non tel conflit. Le terrain se situe aussi dans tels
laboratoires, où la masse des enfants à naître suscite de prétendus espoirs
de guérisons de diverses maladies : tuer pour guérir : quelle aberration.
Jamais les médias n'évoquent le terrain final où nous serons
tous tôt ou tard : l'éternité.
Jean de Siebenthal
1) Ibn Warraq. Pourquoi je ne suis pas musulman. Ed. L'âge
d'homme. 1999.p. 129.
2) loc.cit. p. 272
3) loc.cit (début).
Lépante, l'histoire étouffée
«L'Histoire a une vocation pédagogique essentielle trop
longtemps négligée. Peut-on ainsi passer totalement sous silence le 7 octobre
1571; surtout nous, Français, puisque le Roi Très-Chrétien se trouvait être
l'allié des Turcs infidèles contre l'Europe chrétienne : pour le moins
troublant; est-ce une raison pour faire silence ? »
Jean-Pierre Gomane, directeur au Centre des hautes études, la
Croix, 7 décembre 1996.
Rompant enfin le silence convenu sur la trahison française
en faveur de l'Islam, Jean Dumont ose, pour la première fois, mettre
en pleine lumière cette réalité troublante et poser les questions qui en
résultent.
Le 7 octobre 1571 fut la date de la victoire de Lépante où
l'Europe chrétienne, contre la France, imposa un décisif coup d'arrêt à
l'expansionnisme islamique menaçant alors les portes de Rome, de
Venise et de Vienne. Mais, au-delà de cet événement capital dont il
restitue toute l'histoire dramatique, Jean Dumont révèle que la
connivence de la France avec l'Islam ne va pas cesser de déployer ses
effets au long des siècles suivants, jusqu'à nous, aboutissant à nouer
les problèmes qui sont actuellement nôtres.
Avec la précision et la nouveauté de sa documentation
internationale, souvent inédite, Jean Dumont nous offre une grande et
passionnante saga d'histoire, profondément révélatrice. Un livre à
méditer pour trouver des issues à l'impasse majeure où nous sommes.
Jean Dumont, historien et spécialiste de l'Espagne où il
réside depuis 20 ans, a publié de nombreux ouvrages historiques qui
font autorité, notamment sur le siècle d'or espagnol et la découverte de
l'Amérique. Il est par ailleurs chargé de conférence à l'université de
Madrid.
Edition Criterion 1997, ISBN 2.7413.0152-2
L'abolition de l'homme
par C.S. Lewis
Editions Raphaël, Case postale 1
CH-1801 Le Mont Pélerin
... Dans un ultime avertissement, Lewis nous rappelle que
la dignité humaine n'est pas une option et qu'en réduisant l'homme à
un produit de l'évolution biologique nous le contraignons à vendre son
âme. « C'est le marché du magicien. Renonce à ton âme, je te donnerai
le pouvoir en échange. »
C'est l'âme humaine qui est en jeu; quand nous en nions
l'existence même, nous éradiquons notre humanité. L'abolition de
l'homme est un appel à inverser les tendances philosophiques de notre
époque et à cesser de prétendre que l'humanité peut être comprise et
gérée sans référence aux valeurs traditionnelles et fondamentales de la
morale. C'est une exhortation à cesser de croire qu'il suffit d'avancer
dans le temps pour avancer dans la vérité. C'est une invitation à
redevenir pleinement humain.
... Extrait de la préface de Denis Ducatel
Le miracle du 11 septembre
M. Giuliani, maire de New - York, a parlé de "miracle du
11 septembre ''. Il s'exprimait devant les 30'000 personnes venues le
14 septembre à la cérémonie en mémoire des victimes. Il faisait
allusion à la petite église église catholique du World Trade Center, la
chapelle St Paul. Le sanctuaire est resté intact alors que tout autour
n'était plus que ruine et cendre . Rien ne s'est brisé dans l'église, même
les vitraux sont restés intacts .
Le maire a déclaré : '' Cette église qui est restée
inébranlable, solide et calme au milieu des ruines est le symbole
éclatant de la force et de la capacité de résistance des habitants de
New York et de toute l'Amérique ."
Mais n'est-ce pas plutôt le signe de la force de DIEU, de sa
proximité dans le malheur ?
Le Père Harris desservant de la chapelle St Paul voit aussi
les choses ainsi : " Il est difficile de croire qu'il ne s'agisse pas ici d'un
miracle, pas de l'effet d'une intervention divine. Je crois que l'église se
dresse -ici comme signe d'espérance et comme métaphore du Bien qui
malgré tout résiste lorsqu'apparaît le mal".
Personne à l'intérieur de l'église n'a été touché. Un policier
(M. Capellini), qui est passé tant de fois devant sans y entrer a
constaté : " C'est extraordinaire la paix qui rayonne de cet endroit
quand on pense à tout ce qui s'est passé autour de l'église''.
DIEU donne des signes, surtout à qui sait les discerner et
fait pénitence .
(Extrait du Courrier der chrislichen Mitte, 12/2001, dans
Schweizerisches Katholisches Sonntagsblatt, 49/2001).
Traduction Denis Helfer.
Appel à tous les royalistes
1. Nous vivons désormais sous l'âge d'or de la gauche, qui
bénéficie du soutien de tous les pouvoirs politiques, culturels,
intellectuels et même spirituels.
2. Tous les partis de droite, quels qu'ils soient, ont échoué, et
se sont effondrés parce qu'ils n'ont pas voulu comprendre que nous
vivons sous un régime fondamentalement de gauche, et que tant que
nous vivrons sous ce régime, ils ne pourront pas faire épanouir les
valeurs auxquelles ils croient.
3. Débarrassés des marchands d'illusions à droite, jamais, dans
l'histoire du royalisme français, l'occasion ne s'est à ce point offerte de
nous faire entendre, de faire connaître notre idéal politique.
Le temps est venu de donner une nouvelle impulsion au
royalisme français.
4. Ce que nous pouvons faire aujourd'hui, c'est non pas de
restaurer la monarchie française dans l'immédiat, mais de la faire
connaître.
En effet, lorsque le temps sera venu où nos compatriotes
chercheront une solution, comment penseront-ils à la royauté, s'ils ne la
connaissent point ? Un chercheur d'or ne cherche de l'or que parce qu'il
connaît l'or.
De même, les Français ne penseront à la royauté que si nous
sommes visibles dans le débat politique actuel.
5. C'est pourquoi j'appelle tous les royalistes, et au-delà des
seuls royalistes, tous les Français fidèles à leur histoire, à se rassembler
pour une action politique commune.
6. Cette action politique nationale est un mouvement de
citoyens réclamant que soit discutée en France, publiquement et par des
moyens politiques officiellement reconnus, la question de l'institution
monarchique.
7. Ce mouvement de citoyens transcende les querelles
dynastiques : le temps semble encore loin du retour de la fonction royale
en France. C'est pourquoi, tout en étant respectueux du débat entre
partisans des Bourbons ou des Orléans, il n'envisage, pour l'heure, que de
réintroduire la question dans l'actualité et de faire part de ses
propositions à tous nos compatriotes.
8. Dans un premier temps, nous devons nous organiser sur tout
le territoire français, l'objectif à atteindre étant : un représentant par
département. Une fois organisés, nous préparerons ensemble les
élections européennes de 2004, pour faire surgir dans le débat une force
de proposition royaliste, qui simultanément, en raison même de cette
élection hors du périmètre national, permet de nous tenir éloignés des
combinaisons et des compromissions avec des partis aux dépens d'autres
partis.
9. Aidons-nous ! Et le ciel nous aidera!
Rejoignez-nous !
Yves-Marie Adeline
ALLIANCE ROYALE
A PROPOS DE LA REVISION DES DISPOSITIONS
PENALES EN MATIERE D'AVORTEMENT
ce qu'il n'est pas permis de passer sous silence
par
Hermann Imboden ancien greffier au Tribunal fédéral
1-.Les dispositions pénales suisses sur l'avortement de 1942
sont critiquées depuis des décennies. On prétend notamment qu'elles
seraient dépassées depuis longtemps, devenues inactuelles et par
conséquent pratiquement inapplicables. Le clivage entre la loi et la
pratique aurait progressé et aurait conduit à des insécurités juridiques et à
l'arbitraire dans leur application. Il serait donc hypocrite et irresponsable
de s'y tenir encore. Diverses tentatives de révision ont échoué dans les
années 70-80. La dernière en date a été déclenchée par l'Initiative
parlementaire Haering-Binder (1993), qui visait à la dépénalisation
dans les premiers mois, à la "solution des délais (qui d'ailleurs est une
notion erronée) et à un élargissement des indications médicales. Cette
initiative, à la fin des délibérations qui se sont étirées sur huit ans s'est
terminée par l'adoption, au printemps 2001, d'un projet de loi en trois
volets de dispositions pénales nouvelles (art. 118-120 du Code pénal
suisse).
Le peuple suisse est appelé à en décider par votation le 2 juin
2002.
Un avortement au sens du code pénal consiste à tuer un enfant
à naître, ce que l'on oublie facilement. L'avortement est jugé criminel en
principe, également dans les nouvelles dispositions. Le fait de parler
d'interruption de grossesse pour faire voir le mal dans un jour atténuant
n'y change rien. La gravité de l'acte, comme par le passé, ressort des
peines à infliger. L'art. 118 du projet précise en effet que l'interruption de
la grossesse est passible de réclusion, jusqu'à cinq, voire dix ans si les
conditions justifiant l'exception ne sont pas remplies ( art. 119 ). Parmi
les exceptions il faut compter, en plus des indications médicales, la
solution dite des délais précisément, qui dorénavant sera réglementée
expressément dans la loi. Le cas échéant, à la demande de la mère
invoquant une situation de détresse, la grossesse peut être interrompue
impunément par le médecin, cela dans les douze semaines à compter du
début des dernières règles. La déclaration de nécessité appartient à la
mère elle-même et à elle seule. Au cas uniquement où elle serait
incapable de discernement, un tiers serait autorisé à prendre position, son
représentant légal. Par là, on relâche même légalement tous les freins à
une libéralisation totale de l'avortement aux trois premiers mois. De
plus, le mal des avortements existant depuis des décennies déjà, est
pratiquement légalisé, ce qui - on peut s'y attendre - engendrera une
misère plus grande encore surtout que, dans les cas d'indications
médicales, l'avortement est rendu possible de facto jusqu'à la naissance
de l'enfant. Lors des interruptions tardives, le bébé est arraché au
ventre de la mère par morceaux, ou alors il est déclenché une faussecouche
qui entraîne, au bout du processus, la mort du bébé. L'avortement
devient alors clairement un acte d'euthanasie.
2-.Il serait à supposer que le Législateur cherche à analyser
l'échec effectif ou prétexté d'une loi avant d'en édicter une nouvelle. Cela
en l'occurrence n'a pas été fait. Sur les vraies causes de l'évolution
chaotique du droit qui dure maintenant depuis des décennies, il n'existe
que de vagues allusions, même au niveau des délibérations
parlementaires. Ainsi p. ex. le fait que le droit en vigueur aurait
abandonné aux médecins la responsabilité des avortements et que ceuxci,
de plus en plus, se seraient habitués à faire passer pour légitimes des
interventions considérées jadis comme illégales. A ce propos, le
conseiller fédéral Koller lui-même, le 5 octobre 1998, a manqué de
clarté. Il déclarait devant le Conseil national que les notions juridiques
imprécises de la loi étaient, dans les cantons, interprétées et appliquées
très inégalement, parlant ici manifestement des indications médicales.
Que ceci est imputable aux médecins et non aux tribunaux, cela il ne le
disait pas. A cela s'ajoute que, dans l'argumentation de l'Initiative et dans
les délibérations parlementaires, on a évoqué constamment l'impression
que les dispositions pénales, aux tribunaux, ne soient guère ou plus du
tout appliquées et que depuis 1988 il n'y ait plus eu une seule
condamnation.
On pourrait en déduire que les tribunaux dans les cantons et en
dernière instance le Tribunal fédéral, auraient à porter la responsabilité
de l'actuelle situation chaotique du droit. Ce serait les charger à tort. La
responsabilité en revient surtout au Législateur lui-même car
l'interprétation et l'application des critères péremptoires ( savoir s'il y a
ou non indication médicale au sens de la loi) ont été déléguées aux
médecins et, du coup, enlevées une fois pour toutes aux tribunaux
ordinaires. Il n'y a donc à ce sujet pas de jugements prononcés ni, a
fortiori, de jurisprudence de dernière instance. Le Tribunal fédéral, dès le
départ, ne s'occupait que de questions secondaires telles la tentative ou la
complicité. La question juridique de base, savoir s'il y a indication
médicale, appartient au second médecin en sa qualité d'expert. S'il est
affirmatif, à tort ou à raison, l'avortement passera pour légal et le
praticien peut le faire sans être poursuivi. Le jugement et son exécution
ne sont soumis ni au contrôle d'une autorité de surveillance ni à l'examen
d'un tribunal.
3-.Pour cette raison le droit en vigueur s'est révélé une
illusion, d'autant plus que la confiance faite aux médecins impliqués s'est
perdue peu à peu. Rétrospectivement on y voit même une grossière
entorse au principe de la séparation des pouvoirs, selon lequel les
dispositions pénales s'interprètent et s'appliquent par les tribunaux de
l'Etat et selon lequel le Législateur par conséquent ne peut nullement
mandater un particulier. On pourrait user de sarcasme et dire qu'il y a en
Suisse, parallèlement, les tribunaux cantonaux et fédéraux, et des
tribunaux spéciaux pour l'avortement, dans la majorité des cantons,
formés de deux médecins qui décident en première et dernière instance
du caractère répréhensible d'un avortement. On ne peut guère parler
d'usage consciencieux des dispositions s'ils emploient abusivement les
notions d'indications médicales pour des interruptions décidées à la
légère. Des interruptions illégales ne deviennent pas légales du simple
fait qu'un second médecin, pour des motifs futiles, leur accorde
l'impunité.
Le soupçon d'abus se multipliant est d'autant plus justifié que
des équipements perfectionnés permettent à nombre de médecins
d'avorter dans leur propre cabinet spécialement par aspiration de
l'embryon. On peut parler alors d'une véritable justice de cabinet qui
facilite grandement aux médecins avorteurs sans scrupule, par manque
de surveillance et au nom du secret professionnel, le camouflage des
interruptions punissables. Un exemple: ils font passer pour des curetages
les avortements illicites. Les nouvelles dispositions n'y changent rien car
l'autorisation d'avorter dans les cabinets médicaux est maintenue. Les
pratiques douteuses de beaucoup de médecins ont bien sûr déteint sur
certains jugements rendus par les tribunaux cantonaux. Ainsi à Zurich à
la fin des années 50 déjà, p. ex. le médecin seul a été condamné ayant
pratiqué plusieurs douzaines d'interruptions illégales, mais les femmes
n'ont pas été poursuivies bien qu'elles se soient rendues coupables elles
aussi.
4-.Selon le rapport du 19 mars 1998 de la Commission des
affaires juridiques du Conseil national, la Suisse en 1966 a vu 16 978
avortement légaux et estimativement 45'000 avortements illégaux ( p.5 ),
au total donc plus de 60'000 avortements. Il est permis de douter de
l'exactitude de ces chiffres, repris par le Conseil national. Deux
remarques suffiront à suggérer ce qui se cache éventuellement derrière
ces chiffres bruts. La même année le Tribunal fédéral n'a eu à traiter que
d'un seul cas d'avortement. En fait, non pas au sujet de l'avortement
comme tel mais pour lésions corporelles graves suite à l'intervention qui
a mal tourné. La disproportion entre l'application du droit par le médecin
ou par le juge ne pourrait apparaître plus frappante. Ceci est
manifestement la conséquence du fait que le Législateur a enlevé aux
tribunaux le droit de juger de la pertinence des indications médicales. Sur
ce point, rien ne changera non plus.
Pourquoi dans le cas précité l'avortement a mal fini, ne doit
pas être caché non plus, car il existe hélas des interventions brutales aux
conséquences néfastes. D'après l'expertise du second médecin, il
s'agissait d'une jeune réfugiée tombée enceinte et abandonnée par le
géniteur. Vu l'état avancé de la grossesse, le médecin traitant a arraché le
bébé du ventre de la mère par morceaux. Ce faisant, il a percé la matrice
et sorti un bout d'intestin long de 80 cm. La femme a dû être hospitalisée
d'urgence et l'opération a duré des heures. Conséquence fatale : elle ne
peut plus avoir d'enfant. Et ceci n'est qu'un cas parmi beaucoup d'autres.
Le rapport susmentionné, sous le titre " Données statistiques
sur les interruptions de grossesse de 91 à 95 ", laisse entendre aussi ( p.5)
que les avortements légaux jusqu'en 1994, seraient descendus à 11'923 et
que simultanément les avortements illégaux auraient pratiquement
disparu. Voilà des affirmations audacieuses et d'autant moins crédibles
que les données viennent des milieux d'avorteurs disponibles et de
promoteurs de l'avortement dépénalisé. Ces milieux ont visiblement peur
des chiffres réels et ne sont guère intéressés par les enquêtes fiables et les
statistiques sérieuses. Les statistiques de la criminalité seraient
différentes aussi si on les confiait aux malfaiteurs.
Bien plus près de la vérité se situe vraisemblablement
l'estimation du Prof. Jean de Siebenthal, éditeur de la revue mensuelle
romande Finalités, évaluant à 50'000 le nombre des avortements annuels
en Suisse encore au début des années 90 (Finalités, juin 1991 ).
Un coup d'il sur nos voisins les Autrichiens révèle également
des chiffres bien plus élevés que ceux adoptés par la Commission et, à
notre étonnement, la Commission les passe sous silence. L'Autriche, en
fait, dans bien des domaines, soutient mieux la comparaison avec la
Suisse que les autres pays. Le régime du délai y fut introduit il y a 25 ans
sans diminution visible du nombre d'avortements. Au contraire, pour
environ 74'000 naissances, l'Autriche compte aujourd'hui de 80'000 à
100'000 avortements. Sur 100 grossesses, plus de la moitié sont
interrompues. En Suisse prétendument, ce serait une sur huit. Les
données autrichiennes proviennent du " Lebenszentrum Wien ", une
organisation chrétienne qui inlassablement vise au réalisme et à la
véracité, et qui depuis quelques années suit de près les pratiques des
cliniques autrichiennes en matière d'avortement.
Il faut compter qu'en Suisse aussi, dans le sillage de la
libéralisation légale, le nombre d'avortements grimpera nettement. Ce qui
n'est pas assorti d'une peine, semble ne pas être interdit. L'expérience
montre que particulièrement les personnes sans orientation religieuse
penchent à admettre l'équation " impuni donc permis ".
5.-Par le régime du délai, l'avortement, jugé criminel comme
par le passé, n'est pas sanctionné mais banalisé jusqu'à l'impunité et
prétendument admis. Les délibérations sur l'Initiative, dans les deux
Chambres, ont divisé du coup les parlementaires intéressés par la
controverse en deux camps irréconciliables, opposants farouches les uns,
et promoteurs les autres. Ces derniers luttant en faveur d'une
libéralisation totale de l'avortement dans les trois premiers mois,les
autres exigeant la protection de l'enfant à naître dès sa conception.
a) Aux considérations de ceux qui parlent en faveur, il faut
d'entrée opposer avec toute la clarté requise qu'il n'y a pas de vraie liberté
sans responsabilité, de même qu'il n'y a pas de responsabilité sans liberté.
L'une est l'envers de l'autre. Cela est indiscutable. Romano Guardini,
l'éminent professeur pour l'Idéologie chrétienne et la Philosophie des
Religions, s'exprima en termes plus clairs encore. Selon lui, la liberté de
l'un est à la fois mesure et limite de la liberté de l'autre. Chacun doit par
conséquent selon lui, répondre de ce qu'il fait de la façon spécifique qui
s'appelle responsabilité et qui relie à une norme morale. Cette réalité
inséparable de la liberté , il l'appelle la conscience . Pour lui il n'existe
donc " pas de liberté sans conscience ", de même qu'il " n'y a ni
conscience ni responsabilité morale dans une personne qui ne serait pas
libre". Quand ces conditions ne sont pas réalisées, la liberté devient
l'arbitraire. ( R. Guardini : Liberté et responsabilité p. 22 ss). La liberté
de conscience ne signifie donc pas l'arbitraire car la conscience astreint
l'homme de manière absolue à observer certaines règles éthiques valables
pour tous" ( Herders Standard Lexikon ,vol.2, p. 47/48)
Les Constitutions modernes regorgent de libertés
individuelles, et les Conventions internationales sont pleines de droits de
l'homme généralisés. Vraisemblablement, non seulement la notion de
liberté, mais aussi les prétendus droits à la liberté n'ont jamais été autant
abusés, et les droits universels de l'homme aussi fondamentalement
méprisés et tordus. Tout cela est dans la ligne de l'esprit du temps et
diamétralement opposé aux droits des particuliers, auxquels le code civil
( art. 2 ) met des barrières : ne pas mépriser les droits des autres et ne pas
abuser de ses propres droits. Cela est valable aussi pour le flot des
avortements dans l'ensemble du monde, auquel la Suisse n'a pas échappé,
qui au contraire est chose admise depuis des dizaines d'années et qui
devrait maintenant s'inscrire dans la loi. Le régime du délai en effet
décharge la femme enceinte de sa propre responsabilité, indépendante
même des normes éthiques.
Elle culmine dans la revendication de l'autodétermination
radicale de la femme, qui seule, décide si elle veut garder ou tuer l'enfant
à naître ( cf. Romano Guardini, p.23, 32/33 et 50). Ni son compagnon ni
son époux, les géniteurs des bébés, n'ont leur mot à dire. Même les
mineures peuvent en décider sans le consentement de leurs parents si
elles sont capables de discernement.
De cette manière, le meurtre d'un être sans défense, un crime -
vérité intemporelle- , au lieu d'être soumis à réparation se trouve
banalisé et déclaré non punissable, dans l'argumentation d'un esprit
du temps sans âme. Que la solution des délais soit liée à une situation
de détresse n'y change rien. Car le cas échéant, la femme enceinte n'est
pas tenue de prouver l'état de détresse, il suffit qu'elle l'affirme. Par leur
argumentation les promoteurs entendent que toute femme
involontairement enceinte se trouve forcément dans cette situation, qui
en conséquence ne nécessite pas de supervision, l'obliger à détresse a été
maintenue pour donner au régime du délai la teinte d'une justification
éthique . Dans ce contexte, il est passé sous silence par les promoteurs,
qu'une situation de détresse peut masquer un simple prétexte pour se
débarrasser de l'enfant conçu parce qu'il menace de contrecarrer des
projets d'études p.ex. ou une éventuelle carrière ou parce qu'il ne cadre
pas avec le style de vie de la femme enceinte. Du droit possible à
l'autodétermination de la femme, savoir si elle désire une grossesse ou
non, il n'est question nulle part, on parle bien plus au contraire de
grossesses non désirées dont la femme elle-même et elle seule aurait à
décider dans les trois premiers mois.
b) Dans le débat sur la solution des délais, le PDC nous laisse
une image très divisée ayant changé de camp dans le cours des
délibérations et devenu ainsi le complice des promoteurs, ce que bien sûr
il ne veut pas encore admettre. Les femmes du parti ont glissé dans le jeu
un " modèle de protection " croyant convaincre ainsi les promoteurs de
la nécessité de faire dépendre l'impunité, aux trois premiers mois, d'une
obligation de demander conseil. Son grand pas a rencontré l'opposition
des deux camps et il a échoué. Son modèle de protection n'intéressa
guère les ''pour'', et les opposants reprochèrent avec raison qu'il s'agissait
là, contrairement à l'idée des initiants, d'un déguisement de la solution
des délais, pensant qu'il était aussi vain de vouloir mettre une différence
entre la peste et le choléra. Le PDC dut se contenter des éloges de la
gauche. Il ne doit pas s'étonner que par de telles démarches incohérentes
il perde du terrain et se retrouve en fin de course. Le fait de vouloir, sous
la pression des femmes, défendre leur modèle dit de protection par une
initiative parlementaire ne garantit pas une meilleure compréhension
vu que le PDC parle lui-même ouvertement d'une solution des délais qui
au contraire de leur idéologie ne peut être motivée comme une ''pesée
des biens juridiques'' entre le droit à l'autodétermination de la femme et
la protection due à la vie prénatale. Ceci est une pseudo-pesée, un nonsens
juridique, ce qui reste à développer. Il est vrai qu'il n'est pas seul à
argumenter ainsi.
Pourtant un parti démocratique engagé pour les valeurs
chrétiennes qui défendrait ces valeurs non pas pour la façade mais au
besoin se battrait pour elles, serait nécessaire plus que jamais. Au lieu de
lorgner vers la gauche ou vers la droite, selon le courant du moment, le
PDC ferait bien de regarder en avant s'orientant par une autorité
supérieure. Des interviews du président et de la vice-présidente
démontrent à quel point ce parti est divisé jusqu'à la pointe de sa
direction. Le 16 mai 2001, le président déclarait que la lettre C pour
chrétien dans la dénomination du parti désigne la base de ses valeurs. A
peine quelques jours plus tard à l'assemblée des délégués, la viceprésidente
se défend en disant que le PDC n'est pas (plus) un parti
chrétien.
c) Le régime du délai échoue déjà devant les principes
juridiques de la pesée des biens. Fondamentalement il ne peut être pris en
considération que des biens de même nature, comparables entre eux.
C'est autre chose quand on oppose par comparaison des biens juridiques
sous le même point de vue ou au même niveau. Quand on dit p.ex. qu'en
Suisse les chiens et les chats sont mieux nourris que des millions
d'enfants du Tiers-monde, cette comparaison n'est pas seulement
pertinente dans les faits mais elle est parfaitement faisable. On peut de la
même manière affirmer par comparaison que les plantes et les fleurs
alpines, les animaux et les arbres sont mieux protégés chez nous que des
milliers d'enfants non nés susceptibles d'être avortés et jetés comme
détritus.
Il ne s'agit cependant pas en l'occurrence d'aligner des
exceptions possibles de ce type. Dans le débat parlementaire, pour
justifier le régime du délai, il a été avancé des comparaisons grotesques
sans susciter d'opposition, concernant des "droits", pour la femme
enceinte, de deuxième ou troisième rang. Il serait superflu d'y joindre des
remarques critiques. Samuel Schmid alors conseiller aux États, refusant
le projet d'une pesée améliorée des biens juridiques, marqua un signe
clair pour qu'il soit à nouveau possible de comparer des entités
comparables (Bulletin officiel, session d'automne 2000 (p. 15/16). Nous
avons ici une telle pesée, nous opposons la vie et la vie, la vie de la
femme enceinte et la vie du bébé à naître.
C'est sur cette comparaison d'ailleurs que reposent les
indications médicales du droit en vigueur. Une interruption de grossesse,
dans cette optique, reste sans sanction au cas où la mère est menacée, le
danger de mort ne pouvant être écarté autrement ou la santé risquant de
graves dommages durables. Pour cette raison lesdites indications ne sont
nullement dépassées. Par contre elles ont été invoquées abusivement
durant des décennies, par des médecins avorteurs en puissance, au profit
d'interruptions indéfendables et illégales. A y regarder de près, le régime
du délai en dernière analyse est cependant une décision purement
politique, une invention de l'esprit du temps. Juridiquement il est, qu'on
l'admette ou non, une solution arbitraire dépourvue de toute
justification éthique. On n'arrive pas à se libérer du soupçon que le
parlement, prétextant un droit absolu à l'autodétermination, a renoncé à
sa responsabilité, la transférant à la femme enceinte.
6. Les indications médicales du droit en vigueur sont reprises
dans le projet selon le sens pour un danger de dommage corporel lourd,
mais on n'y parle plus toutefois de danger de mort, et l'on ajoute - ceci est
nouveau - la situation de détresse psychique grave. Dans l'un et l'autre
cas, le danger doit être d'autant plus grand que la grossesse est plus
avancée. Ainsi de facto les interruptions dépénalisées sont rendues
possibles jusqu'à la naissance du bébé. Qu'un second médecin doive
donner son appréciation dans un rapport d'expertise, cela n'est plus exigé.
L'interruption passe pour impunissable dès qu'elle s'avère nécessaire
selon l'unique avis médical. Le tribunal spécial se mue en juge unique.
a) On s'étonne que les nouvelles dispositions imposent au
praticien des mesures de précaution détaillées seulement dans le cadre de
la solution des délais, à savoir pour rester impuni dans les douze
semaines à partir des dernières règles. Il y est prévu que le médecin est
tenu d'exiger de la femme enceinte une requête écrite, d'avoir un
entretien approfondi avec elle, de la conseiller et de l'informer sur les
risques médicaux de l'intervention. Par le moyen d'un document
approprié, il doit la rendre attentive de plus à des consultations
disponibles sans frais, à des associations et autres instances offrant une
aide morale et matérielle, et enfin à la possibilité d'une adoption. Il est
tenu aussi de s'assurer personnellement qu'une fille enceinte de moins de
16 ans ait contacté un centre spécialisé d'information pour les jeunes. S'il
néglige ces mesures de prudence il peut être poursuivi (art 120 ).
Il n'est pas fait mention dans les nouvelles dispositions
concernant les indications médicales pourquoi aucune mesure
particulière n'est prescrite au médecin dès la treizième semaine. Pour ce
qui est de conseiller et d'informer, cela semble évident et va de soi dans
toute intervention médicale. On ne manque cependant pas de remarquer
que les nouvelles indications comparées aux anciennes se limitent plutôt
à de vagues notions dont l'interprétation et l'application, jugement y
compris (sic) sont laissées au médecin traitant. Par là, la voie est ouverte
toute large à une discutable justice de cabinet qui depuis des décennies
s'ingénie à déguiser mensongèrement les avortements défendus en
interruptions légales.
C'est pourquoi on ne peut pas s'attendre non plus à voir freiner
par les nouvelles indications la malheureuse marée des avortements. Il
faut compter au contraire avec une augmentation générale, même s'il
était vrai que la plupart des avortements, comme le prétendent les
délibérations au parlement favorables à la solution des délais, seraient
pratiqués dans les trois premiers mois. Sans surveillance ni contrôle dans
son appréciation, le médecin traitant, d'après les nouvelles indications, ne
craint pas la poursuite pénale, car le secret médical reste intact s'il n'y a
pas de bavure. En cas de légèreté réciproque, les avortements se
déroulant sans problème ne font guère parler d'eux, qu'ils soient légaux
ou non. De plus les camouflages par les indications ne sont pas à exclure,
pas plus que les situations de détresse prétendument liées à tout
avortement. Un médecin favorable à l'avortement semble-t-il ne fera pas
d'histoires. Les avortements à la légère sont d'ailleurs, surtout chez les
jeunes, la plupart du temps la conséquence de relations ou de liaisons peu
sérieuses.
b) Il peut en résulter des situations dramatiques quand la
femme enceinte se trouve en un véritable état de détresse morale grave
p.ex. du fait que son entourage l'a plaquée ou même tenue sous pression
et que, pour des raisons de conscience, elle est dans l'incapacité de
surmonter ses réticences morales contre un avortement. Si le médecin
dans ce cas la convainc apparemment que l'interruption prévue sera sa
propre décision et que la chose est anodine, la solution de tous ses
problèmes, il précipite la femme enceinte, à y regarder de près, dans un
état de détresse bien plus catastrophique assortie éventuellement de
séquelles désastreuses et permanentes. Les symptômes les plus fréquents,
résumés par le terme anglais de " Post Abortion Syndrom " depuis des
années, consistent en culpabilité à vie, cauchemars, dépressions, troubles
de relations et pensées de suicide.
Les tenants de la libéralisation, avec l'appui des milieux
féministes, tentent de plus en plus de nier ce syndrome, prétendant que
c'est un mythe ou une invention de l'idéologie des opposants. Se libérer
d'éventuels poids psychologiques ferait d'ailleurs partie du droit à
l'autodétermination de la femme. Ce qu'ils avancent ils le croient évident
dans l'optique qui est la leur. Quand les femmes avortent sans scrupules
parce qu'elles pensent en avoir seules la compétence et qu'elles sont
capables par conséquent de détruire un enfant à naître sans sourciller,
sans en faire un cas de conscience, elles ne craignent pas non plus de
traumatisme, les dérèglements psychiques leur étant plutôt
épargnés.Mais ce serait se leurrer que de faire comme ''si rien ne s'était
passé'' (Guardini p. 34) quand la femme après coup tente d'apaiser sa
mauvaise conscience par de semblables réflexions. Dans une authentique
situation de détresse, de quelque nature qu'elle soit le médecin ne l'aide
donc pas en minimisant les séquelles psychiques de l'avortement ou en
les niant simplement. L'aider dans une telle situation c'est d'abord la
préserver de pareilles séquelles. Pour cela elle a besoin avant
l'intervention et urgemment d'une prise en charge, de conseil, de soutien
moral et, dans bien des cas probablement aussi, d'aide matérielle.
c) La fondation " Aide suisse pour la mère et l'enfant " offre
depuis des années des prestations de ce type et elle a en cela acquis de
grands mérites. Dans la même direction va son initiative populaire " Pour
la mère et enfant ". Il est par conséquent dur d'admettre que la
Conférence des Évêques suisses ait taxé publiquement cette initiative
d'insuffisante et l'ait repoussée pour son contenu. Cela a troublé
l'opinion: une analyse critique aurait suffi, le refus n'était pas nécessaire.
7-. En résumé il est à souligner: Par les dispositions pénales de
1942, le Législateur a définitivement retiré aux tribunaux d'État la
décision en matière d'indications médicales et l'a abandonnée aux
médecins dont beaucoup étaient heureux. Par une problématique justice
de cabinet à huis clos, portes fermées, par laquelle annuellement
d'innombrables condamnations à mort sont prononcées puis exécutées,
contre des êtres innocents et sans défense, ces médecins ont su pendant
des décennies, et mensongèrement, camoufler en interruptions légales
des milliers d'avortements de toute évidence illégaux. Les dispositions de
42 ont ainsi dégénéré en désordre juridique. Vouloir leur redonner force
de loi n'est pas un progrès. Les avortements faits à la légère sont
criminels et le restent, et on devrait les appeler des crimes pas sur le
papier seulement.
Le régime du délai est une décision purement politique,
juridiquement elle est de toute manière arbitraire et dépourvue de tout
fondement éthique. L'écartement violent d'un enfant non né est érigé de
la sorte en revendication d'autodétermination sans scrupule, ce qui ne
peut être banalisé ni tu. Tout pouvoir dégénère s'il outrepasse la barrière
de la responsabilité. La question décisive dans la pesée des biens
juridiques n'est pas quel est le droit qui prime, mais bien quelle est la vie
qui passe première. De plus il est absurde d'appeler maladie une
grossesse indésirée et de vendre sous le nom de médicament la pilule
abortive RU 486 et d'en porter les frais sur la caisse maladie au lieu d'en
prendre la responsabilité et d'éviter le chemin du parasite (cf. Guardini p.
58).
Par les nouvelles dispositions pénales le Législateur veut se
décharger sur les femmes de sa propre responsabilité; un grand nombre
d'entre elles n'accepteront pas cela. Protection et dignité font partie des
droits fondamentaux d'un être humain, dès son devenir jusqu'à sa fin
naturelle. Vouloir les enlever à un enfant en devenir, est une trahison à la
culture de la vie. Bien des défenseurs de la solution des délais devraient
se demander avec Willy Brandt ce qu'il se serait passé si leur mère aussi
avait revendiqué un droit absolu à l'autodétermination. Brandt d'après ses
propres déclarations n'aurait pas eu de chance, Ludwig van Beethoven
non plus.
Le rapporteur Dick Marty, le 21 septembre 2000, a déclaré
devant le Conseil des Etats que la situation actuelle, fruit des dispositions
de 1942 est inacceptable et indigne d'un État de droit. Les nouvelles
dispositions ne le sont pas moins. La majorité de l'Assemblée fédérale
se trouve donc bien sûr en bonne compagnie parmi le reste de l'Europe,
comme le démontre la Commission, par rapport aux autres pays et à la
résolution du Parlement européen (cf. rapport p.5 ). A propos de cette
évolution, encore Romano Guardini (''l'Europe restera chrétienne ou
n'existera plus "). Friedrich Nietzsche , il y a plus de cent ans, disait:
"L'Occident restera chrétien ou bien il sombrera ".
L'Europe, Suisse comprise, n'est-elle pas, plus que par le
passé en route vers le précipice ?
Prilly, le 11 novembre 2001
Hermann Imboden
Traduction de José Urscheler
Sur l'emprunt
L'emprunt c'est un rêve réalisé aujourd'hui; on comprend dès
lors le succès des métiers d'argent et les profits insensés qui en
découlent.
Ne rêvons pas! Peux-tu me dire si ton affaire, dont les marges
ne peuvent qu'être raisonnables en regard de la concurrence, peut
supporter les intérêts d'un emprunt sans que ses bénéfices ne baissent
d'autant? Après avoir servi l'État, il te faut servir la banque et renoncer à
une bonne rémunération de ton travail.
Peux-tu me dire si tes projets ne pouvaient pas attendre que ta
structure actuelle ait entassé assez de bénéfices pour être réalisés par
autofinancement, peut-être plus modestement, peut-être par étapes? Ce
n'est qu'ainsi que l'on connaît le prix de l'argent.
Une chose est certaine, le recours à l'emprunt pour financer les
rêves de l'imprudence raccourcit le temps de vie des entreprises. Quand il
est mal conçu (taux d'intérêt trop élevé, durée inadéquate, quantité
déraisonnable, etc.) il assure leur mort. Comment expliquer sinon le soin
avec lequel l'Église a longtemps cherché à moraliser les rapports de
l'homme à l'argent et la permanence avec laquelle, dans tous les siècles
de toutes les civilisations, les États de toutes les formes possibles ont
cherché à maîtriser la monnaie - émission, circulation, thésaurisation
comme instrument de pouvoir.
Extrait de
Francis Sambrès
L'aubergiste et le manchot, ou le jardin détruit
Ed. Dominique Martin Morin, F-53290 Bouère,
L'avant-guerre civile
Eric Werner
L'ordre se défait donc, mais par là même aussi se fait, se
fait dans la mesure même où il s'effiloche, se lézarde, part en
poussière. On rejoint ici la théorie de la « main invisible », chère au
libéralisme historique, sauf que la main n'a rien ici d'invisible, elle est
au contraire on ne peut plus visible. Mieux encore, elle ne fait rien
pour se cacher. Le pouvoir encourage donc le désordre, le
subventionne même, mais ne le subventionne pas pour lui-même, ne
le subventionne que pour l'ordre dont il est le fondement, au maintien
duquel il concourt. L'ordre par le désordre, voilà la formule. Désordre
politique, mais aussi moral, social, culturel (car tout se tient en la
matière). Autant que possible, le pouvoir s'emploie à brouiller les
cartes, à priver les individus de leurs repères coutumiers. L'objectif est
de les déstabiliser, de les rendre étrangers à leur propre
environnement. La réalité les fuit, leurs sens sont anesthésiés. Ils
ignorent d'où ils viennent et OÙ ils vont, ne savent même pas bien
souvent de quoi l'on parle. Parfois aussi c'est l'émeute, les casseurs
entrent en scène. Mais, là encore, qu'y faire ? Sus à l'obsession
sécuritaire. Un même mouvement entraîne ainsi toute chose, seul le
pouvoir échappe à l'universelle dissolution. L'individu se raccroche
donc à lui comme à une bouée miraculeuse. C'est son seul recours,
l'unique point fixe émergeant encore dans la tourmente.
Eric Werner est chargé de cours à l'Université de Genève. Il
a déjà publié, à l'Age d'Homme, De la misère intellectuelle et morale
en Suisse romande (avec Jan Marejko), Mystique et politique, Le
système de trahison et Montaigne stratège.
L'âge d'homme, 1998
ISBN: 2-8251-1196-1