Forces culturelles

Dans le déluge des productions de toutes espèces, littéraires,

journalistiques, musicales, picturales, télévisuelles, radiophoniques,

scientifiques, technologiques, religieuses, théâtrales, par internet, etc, les

hommes de bonne volonté recherchent volontiers des éléments de

stabilité, des certitudes, en accord avec ce qui leur semble correspondre

avec la nature humaine prise en profondeur, en écartant les éléments

suspects, pour vivre honnêtement. Ils sont amenés à fréquenter des

oeuvres généralement rejetées par ceux qui se contentent de la

superficialité, qui suivent un consensus trop souvent imposé.

Le tri proposé ci-après peut choquer ; il est très lacunaire, et je

formule des excuses pour toutes les injustices que je pourrais commettre,

par omission par exemple. Le lecteur reconnaîtra notamment les sources

utilisées dans nos pages ; s'il en désire d'autres, il peut nous les signaler.

Pour consulter la littérature, on peut se servir des

bibliothèques, des librairies ; les sites internet intéressants foisonnent. Un

apport colossal est fourni bien sûr par le Vatican. En outre, voici, en

vrac, ce qu'il me semble judicieux de présenter.

Un monument est constitué d'abord par la collection éditée

par Jean Ousset et par ses amis de la Cité catholique devenue l'Office

international, organisateur dans les années 1960-70 des inoubliables

congrès de Beaulieu à Lausanne, charpentés par des personnalités de

premier plan telles que Jean Madiran, éditeur de la revue Itinéraires,

Marcel Clément, animateur de l'Homme nouveau, Gustave Thibon,

Louis Salleron, André et Henri Charlier, Marcel de Corte et par tant

d'autres, s'inspirant de ce qu'on peut appeler les Permanences (titre

d'une revue actuelle). Le mouvement ainsi déclenché a laissé des traces,

en Suisse romande notamment et en France bien sûr. Les remous

conciliaires ont altéré la vigueur de ce mouvement.

La revue Catholica fait face à ces difficultés d'origine fort

ancienne d'ailleurs, qui ravagent la société. On a cru remédier aux maux

par un certain culte de l'homme, combattu par le pape Jean-Paul I, et

aussi par Jean-Paul II, mais il faut louer cette revue pour son

approfondissement positif et continu des problèmes, par Bernard

Dumont, Claude Barthe, Thomas Molnar et par d'autres personnalités.

Dans la même direction toujours, des mouvements autonomes

et enrichissants ont paru et paraissent encore, telle La Contre-Réforme

catholique, éditée à Saint-Parres les Vaudes par l'abbé Georges de

Nantes, qui a perçu d'emblée les failles du culte de l'homme des années

1960, et attend des autorités compétentes une rectification salutaire. Sa

revue a lancé l'étude scientifique du Coran, démystifiant certaines thèses.

Ses vues mystiques, historiques et même politiques ont une consistance

non négligeable, bien qu'il soit en difficultés avec Rome.Dans le même

sens, la Fraternité St Pie X nous propose des réflexions dont

l'importance est certaine. Nous n'entendons ici nullement nous

prononcer sur les problèmes afférents.

La Fraternité Saint Benoît avec le périodique Prospections, les

éditions de Chiré avec Lectures françaises, Lecture et tradition , les

nombreux livres parus dont ceux d'Etienne Couvert, quelles splendides

sources. Mentionnons encore les éditions Sainte Madeleine au monastère

du Barroux, dont la fécondité nous encourage. Les éditeurs français de

valeur à notre point de vue sont nombreux, et parmi eux apparaissent

Dominique Martin Morin, Elor, Pierre Téqui, Daniel Raffard de Brienne,

Jean-Bernard Leroy, Emmanuel Tremblay, Michel de Poncins, Michel de

Rostolan, Henri Coston, avec le livre-clé : Les financiers qui mènent le

monde.

De grande valeur aussi sont les publications du Centre

Lepanto, de Rome, animé par le prof. Roberto de Mattei, éditeur de la

Correspondance européenne, où les problèmes à l'échelle européenne et

mondiale sont disséqués. Comment ne pas rendre hommage aux éditions

de l'Age d'homme à Lausanne et Paris, avec notamment MM.

Dimitriewicz et Despot ; leurs vues sont pénétrantes et réchauffent les

coeurs. Citons encore les éditions Ad Solem, qui ont par exemple sorti

des textes admirables de Jean Brun, de Claude Martingay, etc.

La Suisse romande a produit les hautes figures de Gonzague

de Reynold, historien d'envergure, chantre incomparable de la Suisse des

années 30-40, et de l'Europe de base chrétienne, et du Cardinal Journet,

théologien profond et fécond, parmi plusieurs théologiens à Fribourg.

Impossible d'oublier Jean-René Bory, connaisseur de l'histoire de

l'Europe. Citons encore Eric Werner, Jean-Marc Berthoud, René

Berthod, Roger Lovey, et les éditeurs du Pamphlet.

Une figure à part est celle de Michel de Preux, à la plume

acérée et déconcertante, analyste d'une grande perspicacité, dont un

mérite est d'avoir exhumé le traité politique de Charles-Louis de Haller

(éjecté de l'Université de Berne pour cause de conversion), appelé le

restaurateur face aux séductions d'un Jean-Jacques Rousseau, cette

terreur intellectuelle et politique du XVIIIe siècle.

Relevons le rôle positif de La Nation, de la Ligue vaudoise,

des cahiers de la Renaissance vaudoise, tous organismes attachés à

promouvoir le bien commun du Pays de Vaud, animés initialement par

Marcel Regamey, puis par Olivier Delacrétaz. On peut amicalement

observer que La Nation se fait un plaisir d'absorber des forces de nature

catholique. Le rédacteur en chef de La Nation n'en est-il pas une ? Cet

organisme ne craint pas d'inviter régulièrement d'éminents catholiques,

comme M. Bernard Dumont, M. Nerio Medici, et d'autres. Il semble

cependant que La Nation redoute par dessus tout la constitution dans son

secteur d'un centre voué principalement à la promotion de la doctrine

sociale d'essence catholique. Elle tient à sa spécificité protestante,

magnifiquement affirmée par l'oeuvre de Crêt Bérard ; c'est évidemment

son droit, mais elle ne peut s'empêcher de s'alimenter au fond aux

véritables sources séculaires de la Tradition catholique. Il ne faut pas

oublier le soubassement burgonde du pays de Vaud, dont la Réforme a

restauré le comportement de nature arienne. Le Fils de Dieu est bien

reconnu théoriquement comme vrai Dieu et vrai homme, mais l'abolition

du Sacrifice élimine la Présence réelle dans les églises et dans les

cérémonies. En ce sens le protestantisme est un arianisme de fait.

Le Centre patronal émet une feuille d'information grâce à

laquelle les problèmes civiques importants sont brièvement disséqués,

nous dispensant de lectures fouillées, servant de guide politique. Les

plaquettes Etudes et enquêtes, avec les textes de Jean-Philippe Chenaux

notamment, prennent alors les choses en profondeur.

La Radio suisse romande par Espace 2, nous réjouit souvent et

nous régale par ses émissions de haute qualité, les musicales notamment.

Le dimanche matin, avec Bertrand Decaillet, quelle splendeur !

Dommage que la télévision TSR reste cramoisie et s'abaisse dans Temps

présent par exemple et aussi de temps à autre dans le Téléjournal à des

propos gauchisants, non sans incises lubriques même.

En Suisse romande, on ignore souvent que la Suisse

alémanique possède une élite importante, qui tient par dessus tout à

maintenir son identité. Elle s'exprime par exemple dans Zeit-Fragen et

dans le périodique Schweizerzeit, par la plume notamment de Ulrich

Schluer; la menace de l'Europe socialiste bruxelloise y est

vigoureusement combattue : se laisser régenter par des instances

juridiques étrangères ? Non merci ! Développer les efforts de l'AELE

serait plus conforme au génie helvétique.

Le VPM (Verein zur Förderung der psychologischen

Menschenkenntnis) à Zurich représente une force importante et combat

efficacement les atteintes à la loi naturelle, en se laissant impressionner

parfois par les prétendues "lumières". Il faudra bien un jour renoncer

carrément à ces lueurs en fin de compte destructrices, animatrices hélas

de nombreux esprits prétendûment européens.

Il faudrait que l'ampleur évidente de toutes ces forces

débouche sur une action politique permettant d'instaurer une civilisation

à caractère chrétien en commençant par le Décalogue, pour réprouver

les vices abominables tels que l'avortement, la luxure, l'homosexualité,

la pédophilie, sources de violences qui risquent de rendre notre vie de

tous les jours de plus en plus pénible. Légaliser les moeurs vicieuses,

est-ce une politique valable ?

Jean de Siebenthal

 

Garcia Moreno

...Il y a dix ans, les journaux signalèrent la mort d'un personnage

étrange. Il était président de la République de l'Équateur, un de ces États

révolutionnaires que nous avons vus naître du démembrement de la

Colombie. Trente ans seulement après Bolivar, sans aucun respect pour les

immortels principes, cet homme avait par un coup de force balayé les

misérables qui s'engraissaient au dépens du peuple souverain, installé dans

son pays un gouvernement aussi catholique que celui de saint Louis, et tiré

la nation du chaos où elle expirait. En 1862, en dépit des libéraux et des

émeutiers, il signait un concordat qui restituait à l'Église son entière liberté,

et, en 1867, une constitution destinée à faire de son peuple, au milieu des

nations sans Dieu, le vrai peuple du Christ. En 1870, il eut la hardiesse de

protester seul contre l'envahissement des États pontificaux, alors que, par la

reconnaissance officielle d'un pouvoir usurpateur, les rois se faisaient les

complices des brigandages italiens ; il obtint même du congrès, en 1873, un

subside national en faveur du pontife captif et dépouillé, En même temps, il

consacrait la République au Sacré-Cœur de Jésus, et ordonnait de placer

aux frais de l'État dans toutes les cathédrales une pierre commémorative de

ce grand événement. Dans un pays pauvre et ruiné, il trouva moyen de

réaliser en dix ans, au point de vue matériel et intellectuel, des prodiges

tels, que l'imagination la plus audacieuse n'eût osé les concevoir.

Naturellement les démocrates qu'il avait évincés du gouvernement, et

même les théoriciens de l'Église libre dans l'État libre firent rage contre lui ;

mais son bras de fer les écrasa toutes les fois qu'ils ouvrirent leurs serres

pour ressaisir leur proie. Enfin, comme le peuple reconnaissant envers son

bienfaiteur venait de lui confier une troisième fois la suprême magistrature,

sa mort fut décrétée dans les loges maçonniques. Il l'apprit, et écrivit au

pape cette parole sublime : « Puissé-je être jugé digne de verser mon sang

pour la cause de l'Église et de la société ! »

Dieu l'en jugea digne : le 6 août 1875, il tomba sous le poignard

de la Révolution. Sa dernière parole fut le cri du martyr : « Dios no muere,

Dieu ne meurt pas » . En Equateur, des jours de deuil et de désespoir

suivirent l'exécrable assassinat. En Europe, aussi bien qu'en Amérique,

retentit le nom à jamais mémorable de Garcia Moreno. Pie IX éleva une

statue au nouveau Charlemagne dans cette Rome dont il avait si

noblement revendiqué les droits, et le congrès de l'Équateur lui décerna

ce solennel hommage:

« Considérant que l'excellentissime seigneur don Gabriel

Garcia Moreno, par sa puissante intelligence comme par ses hautes

vertus a mérité d'occuper la première place entre tous les enfants de

l'Équateur; « Qu'il a consacré sa vie et son génie à la régénération et à la

grandeur de la République, en basant les institutions politiques sur le

fondement solide du principe catholique;

« Qu'avec la magnanimité des grands hommes, il affronta sans

crainte la diffamation, la calomnie et les sarcasmes impies, donnant ainsi

au monde l'exemple unique d'une inébranlable fermeté dans

l'accomplissement du devoir;

« Qu'il aima la religion et la patrie jusqu'à souffrir le martyre

pour elles, légua-t-il à la postérité une mémoire illustrée de l'immortelle

auréole dont le ciel couronne les vertus héroïques;

« Qu'il combla la nation d'immenses et impérissables bienfaits

dans l'ordre matériel, intellectuel, moral et religieux;

« Et qu'enfin la nation doit gratitude, honneur et gloire aux

citoyens qui, sous l'inspiration du plus pur patriotisme, savent ainsi

l'ennoblir et la servir:

« L'Équateur, par la voix de ses législateurs, donne à Garcia

Moreno le titre de Régénérateur de la patrie et de Martyr de la

civilisation. Afin de recommander ce noble héros à l'estime et au respect

de la postérité, il lui sera élevé une statue en marbre, portant cette

inscription : « A l'excellentissime Garcia Moreno, le plus grand des

enfants de l'Équateur, mort pour la religion et la patrie, la République

reconnaissante (Décret du Congrès, 16 septembre 1875)! »

Il est donc possible de vaincre la Révolution et d'arracher les

peuples à ses mortelles étreintes, puisque Garcia Moreno, dans cette

Amérique anarchiste qui désespérait Bolivar, l'a tenue quinze ans

frémissante à ses pieds. Seulement, pour délivrer les peuples de cette

robe empoisonnée dont la Déjanire *de 1789 les a revêtus il ne faut point

qu' Hercule, je veux dire Bolivar, porte lui-même la tunique dévorante;

autrement, il mourra comme son peuple dans les convulsions d'une

affreuse agonie ; il faut un Hercule chrétien, un Garcia Moreno, couvert

de l'armure du Christ, c'est-à-dire des vérités sociales dont l'Église seule

a le dépôt. Le vrai, le seul libérateur, c'est Jésus-Christ, parce qu'il est la

vérité, et que seule la vérité peut délivrer les peuples: Veritas liberabit

vos.

Seul de tous les chefs d'états, depuis le péché originel de 1789

et la déchéance des sociétés qui en a été la suite, Garcia Moreno a

restauré le gouvernement chrétien et mérité le nom glorieux de

régénérateur de la patrie ; seul, au milieu des rois so1iveaux, des princes

décrépits, des vils flatteurs d'une vile populace, en dépit des

calomniateurs et des assassins, il a donné au monde le noble exemple

d'une inébranlable fermeté dans l'accomplissement du devoir ; seul, au

milieu des tyrans et des anarchistes qui s'abattent tour à tour sur les

peuples pour vider leur bourse, leur esprit et leur cœur, il a comblé sa

nation d'immenses et impérissables bienfaits dans l'ordre matériel,

intellectuel, moral et religieux ; seul enfin, héroïque martyr de la

civilisation catholique, il a donné son sang pour la noble cause qu'il a

défendue: il apparaît donc comme le grand politique du dix-neuvième

siècle, comme le type trop longtemps perdu d'un sauveur de peuples.

Voilà pourquoi nous avons cru que Garcia Moreno ne devait

point comme un météore passer au milieu de ses contemporains, sans

laisser de trace après lui. Ne pas mettre en lumière une telle personnalité,

ce serait ravir à Dieu la gloire de ses œuvres, et à cet homme de Dieu

l'immortalité, à laquelle il a droit, même sur cette terre. De plus, ce serait

priver l'humanité d'un grand secours, car l'histoire de Garcia Moreno

donne au monde une leçon providentielle, la dernière peut-être avant le

cataclysme que tout le monde prévoit et que lui seul a essayé de conjurer.

Daigne le Dieu « qui ne meurt pas » rendre fécond le sang du noble

martyr, et susciter sur sa tombe d'autres régénérateurs assez intelligents

pour le comprendre, assez courageux pour l'imiter! (Extrait)

Ouvrages recommandés

- Pie VI, Écrits sur la Révolution française Disponible aux

Expéditions Pamphiliennes. - Abbé Lémann, Dieu a fait la France guérissable,

Éditions Saint-Rémi, 1998. - Jacques d'Arnoux, Les sept colonnes de l'héroïsme.

Disponible à la S. A. D. P. F.

Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil, France. Tél.; 05 49

51 83 04; fax: 05 49 51 63 50; http://www.sadpf.com.

- Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 Cadillac, France.

Tél./fax: 05 56 76 74 80 http://www.litoo.com. - E x p é d i t i o n s

pamphiliennes, B. P. 51, 67044 Strasbourg cedex, France.

R.P. A. Berthe. Garcia Moreno, Paris : Retaux-Bray, 4e édit. 1888,

pp. 81-93

*Déjanire, héroïne de Sophocle dans Les Trachiniennes :Voici qu'Héraclès revêt la

tunique, que Déjanire, délaissée pour Iole, a trempée dans le sang du centaure Nessos, auquel jadis son

époux l'arracha; c'est un philtre d'amour, pense-t-elle:(Encyclopedia Universalis)

R.P. Berthe

 

Lettre ouverte aux Conseillers d'Etat

Monsieur le Conseiller d'État,

L'heure est gaie, elle est à la détente, Les militants homosexuels

peuvent baisser les armes en conquérants et hisser haut leur couleur. A

peine quelques coups de semonce ont retenti que déjà leur cri de victoire

s'est élevé sous la bannière à croix rose : « Hourra ! La Gay Pride aura lieu

à Sion». Ils auraient pu crier -. « Sion est à nous désormais ! », car cette

victoire est décisive : elle leur confère à l'avenir un droit .

Mais ce droit fut acquis de basse lutte. Leurs adversaires, bras

ballants, lâchent des armes n'ayant pas servi. Ils se regardent interdits,

humiliés d'une défaite sans combat, stupéfaits de la trahison de leurs chefs.

Ils rentrent chez eux silencieux, s'interrogeant sur les motifs qui ont pu

soustraire leurs officiers à leur devoir. Devoir de préserver notre jeunesse

d'une vague d'immoralité qui peut-être l'emportera, devoir de défendre la

Cité contre des revendications qui la menacent dans ses fondements

mêmes, devoir de soutenir la religion de nos pères contre un mode de vie et

une pensée profondément antichrétiens, devoir, tout simplement, de faire

leur devoir !

Ils se seraient battus, ces braves, fût-ce au prix de leur vie, mais

c'était compter sans la trahison de leur tête. Ils savent qu'il est diverses

manières de trahir: leurs officiers ont pu feindre d'ignorer la bataille, ils ont

pu déserter, ou encore pactiser sournoisement, à leur insu, avec l'ennemi.

Sans doute ne le sauront-ils jamais. Le résultat en est, hélas !, le même,

Cette parabole, pour naïve qu'elle est, n'est pas une fable-: 6'200

courageux ont bravé les attaques iniques des médias et ont signé la pétition

lancée par Romandit, appelant de ses voeux l'interdiction par nos autorités

politiques et religieuses de la Gay Pride. Plusieurs autres associations se

sont jointes à notre action, qui a également joui du soutien de plusieurs

prêtres et pasteurs. Mais de semblables réactions de la part de nos

magistrats et de notre évêque, aucune. On s'empresse de se distancer d'un

« groupuscule » qu'on affuble, pour apaiser sa conscience, d'étiquettes

dénigrantes. On masque son mutisme et sa lâcheté du fard de la prudence

ou de celui de la tolérance. Pire, on passe pour des apôtres de la tolérance

en professant vouloir ne nous en accorder aucune.

Néanmoins, notre propos n'est pas amer, car nous sommes

persuadés que la violence injuste aura un terme et que l'heure n'est pas

aux jérémiades. Certes, l'heure est grave. Mais les hommes sont toujours

là et il ne tiendrait qu'à nos autorités de s'en servir. Si d'aventure la partie

était perdue, ce ne serait pas faute de combattants, mais bien de chefs

valeureux !

Nous prenons donc, une dernière fois, la liberté de vous

exhorter à remplir votre devoir, avec l'intime conviction d'avoir tenté ce

qui était à notre portée et avec la certitude qu'il sera, le moment venu,

plus exigé de qui a plus reçu. Ce devoir, la conscience vous le dicte. A

vous de faire en sorte qu'elle ne vous juge jamais ...

«Nous vous serions enfin reconnaissants de répondre à notre

lettre et de nous communiquer les raisons de votre choix. Dans cette

attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Conseiller d'État, à nos

respectueux et dévoués sentiments.

Association Romandit, son président, Dominique Giroud

Copies à son Excellence Mgr Brunner,

à Monsieur Mudry, président de Sion.

Association Romandit

Dominique Giroud

 

La violence Dialogue socratique sur le mode plaisant.

Polemos : Et moi je te dis que tout n'est que violence sur la

terre.

Irenos : Et moi que toute violence est condamnable par le seul fait

qu'elle est violence.

Socrate : Il semble, chers amis, que déjà la violence est dans les

mots que vous employez et que Eris qui ne connaît pas le repos s'est installée

entre vous.

Polemos : Tu nous en vois bien marris - ô Socrate - car Irenos est un

ami qui m'est cher mais dont je ne puis accepter qu'il se dirige le cœur léger sur

une voie fausse.

Irenos : Et de mon côté je ne puis supporter que mon cher Polemos

ait une opinion aussi dangereuse qui risque de l'entraîner à la fréquentation

d'une société à rejeter.

Socrate : Je vous sais tous les deux amis de la vérité plus que de

toute renommée mondaine, c'est pourquoi je crois possible de rapprocher vos

points de vue, non dans l'espoir vain de contrer la fausseté de l'un ou de l'autre,

mais dans la certitude de compléter sur tel point les manques de l'un par la

surabondance de l'autre.

Polemos : Nous venions - ô Socrate - pour t'en prier.

Socrate : Eh bien, commençons par toi - ô Polemos - puisque tu

viens de parler. Que tiens-tu pour vrai en cette matière ?

Polemos : Que depuis l'expulsion du sein de sa mère jusqu'au

dernier soupir que lui arrache Atropos l'inflexible, la vie de l'homme est sous le

signe et sous l'empire de la violence, que les hommes, comme les autres

animaux, se nourrissent et subsistent grâce à la violence, que l'amour même est

violence puisqu'il oblige souvent l'être aimé à accepter sa propre

imperfection.

Irenos : Certes, mais cela n'entraîne pas que la violence soit

bonne.

Socrate : Tu parleras tout à l'heure, Irenos, auparavant essayons

de mieux comprendre ce que pense notre ami.

Irenos : Je m'efface devant ta sagesse.

Socrate : Pour toi donc, la violence est inévitable dès qu'il y a la

vie. Tout être ne peut naître, subsister et courir que moyennant des violences

répétées.

Polemos : Exactement.

Socrate : Et comme la vie ne peut être considérée que comme

bonne, il faut qu'alors la violence soit bonne aussi.

Polemos : On ne saurait mieux dire.

Socrate : La violence est même plus grande quand l'être est plus

grand, c'est pourquoi l'éducation de l'écolier nécessite davantage de violence

en intensité et en durée que celle du petit de l'animal.

Polemos : Cela me paraît évident.

Socrate : Cependant on ne saurait approuver la violence du bandit

ou de l'assassin.

Polemos : Non certes.

Socrate : Ni celle du tyran et encore moins celle du sophiste qui

use de son autorité pour corrompre la jeunesse.

Polemos : La difficulté est de savoir qui corrompt la jeunesse.

Socrate : Tu parles d'or - ô Polemos - c'est pourquoi le juge doit

être affamé de vérité, mais doit-il pour autant réfuter la violence ?

Polemos : Je ne le pense pas.

Socrate : Et peut-on considérer qu'il n'est plus dans le droit chemin

s'il use de violence pour mettre l'assassin ou le brigand en prison, voire pour

leur ôter la vie ?

Polemos : Je ne le pense pas.

Irenos : Puisses-tu excuser ma hardiesse -ô Socrate - mais il ne

s'agit plus de violence mais d'emploi de la force.

Polemos : Simple question de mots.

Socrate : Tu ne dois pas prendre cela à la légère - ô Polemos - car ce

n'est qu'avec le langage que l'on peut espérer chercher et trouver la vérité entre

amis. Il faut donc chercher le sens exact des mots que l'on emploie.

Irenos et Polemos : Nous sommes tout à fait de cet avis.

Socrate : Il y a près de moi un jeune homme qui vient d'arriver et qui

me semble avoir l'intelligence aussi grande que son visage est beau. Il a nom

Plaitonos ou Pléston, je ne sais pas encore très bien mais je vous propose de lui

confier la mission d'aller chercher le sens exact du mot violence…. Viens ici !

Le jeune homme : J'arrive ô mon beau maître !

Socrate : Les deux amis que voici ont quelque différend sur la

nature, l'utilité voire la nécessité de la violence mais il se peut qu'ils n'entendent

pas le mot de la même manière. Je te prie donc- mon jeune compagnon - de t'en

aller consulter quelque Pythie afin de connaître le désir des dieux sur la

signification de ce mot. Je te laisse le choix de la prêtresse, veille seulement à te

hâter car nous brûlons du désir d'enrichir notre savoir.

Le jeune homme : J'y cours, ô mon beau maître…

Socrate : Voici que notre jeune ami au pied léger vole vers quelque

grotte sans que, cher Polemos, nous ne lui ayons fait nulle violence !

Polemos : Je le reconnais bien volontiers.

Socrate : En attendant le verdict de la Pythie, j'aimerais quand même

examiner avec toi, Irenos, les aspects sous lesquels le commun des mortels voit

la violence.

Irenos : J'y consens bien volontiers.

Socrate : Il faut reconnaître que ce mot n'est pas toujours pris en

mauvaise part.

Irenos : Voyons cela.

Socrate : On parle d'un orage violent ou d'une pluie violente pour

désigner simplement des éléments en colère.

Irenos : C'est juste, mais il s'agit de choses matérielles… et chez

les hommes la colère est définie comme une folie passagère, c'est-à-dire

comme quelque chose de mauvais.

Socrate : Tu dis vrai, voyons donc plus avant. Lorsqu'on dit que

l'ennemi a attaqué avec violence ou, au contraire qu'on l'a repoussé grâce à

une violente contre-attaque, doit-on considérer que l'ennemi s'est mal conduit

ou bien - tout au contraire - qu'il a agi conformément à sa nature ? La

violence n'est-elle pas alors bien naturelle ?

Irenos : En effet.

Socrate Le soldat qui empêche une troupe de bandits de terroriser

les paysans n'utilise-t-il pas la violence ? Peut-on le lui reprocher ?

Irenos : Non, certes.

Socrate : Les lois ne font-elles pas violence à celui qui voudrait

les enfreindre ? Lorsque le magistrat prononce une sentence, ne contraint elle

point celui qui la reçoit, indépendamment du déplaisir qu'il pourrait en

avoir ?

Irenos : C'est certain.

Socrate : Et celui qui a reçu la sentence ne doit-il pas s'y

conformer ? Pour ma part je trouverai que c'est un mal de s'y soustraire et je

ne pense jamais m'abaisser à cela, même au prix de ma propre vie.

Irenos : Tu es grand, ô Socrate.

Socrate : Il en est de même du père qui corrige son enfant. Mais

ne dit-on pas lorsqu'on se force à accomplir quelque acte vertueux, ou que l'on

s'exerce à maîtriser son corps, que l'on se fait violence ?

Irenos C'est vrai.

Socrate Et lequel est le plus proche de la dignité de l'homme, celui

qui ayant déjà bu tend encore sa coupe ou celui qui, estimant que la mesure doit

être gardée en toutes choses, se fait violence et refuse les services de

l'échanson ?

Irenos : Mais c'est là - ô Socrate - une violence envers soi-même,

non envers quelqu'un d'autre,

Socrate : Tu dis vrai, mais il paraît difficile d'admettre qu'une chose

bonne pour soi soit mauvaise pour autrui, ce serait une exception Hapax

legomenon -Or nous avons vu d'autres violences qui étaient bonnes…

...mais j'aperçois notre jeune coursier. Ne nous laisse pas dans

l'attente plus longtemps, mon jeune ami et dis-nous vite quelle prêtresse tu as

visitée et quel fut son message.

Le Jeune homme : J'ai choisi, ô mon beau maître, d'aller rendre

visite à la Pythie de Lytrée experte dans les matières du langage. Elle m'a écrit

une réponse complète qui tenait sur quatre colonnes et comprenait maintes

phrases poétiques, elle m'a également dit de te remettra ce message.

Socrate Peux-tu nous résumer le texte des quatre colonnes ?

Le jeune homme : J'ai retenu sept idées :

- Qualité de ce qui agit avec force :

"Hé bien ! de leur amour tu vois la violence" (1)

- Emportement, irascibilité :

"Un peu de violence m'a fait de vos raisons combattre la puissance " (1)

-Force dont on use contre quelqu'un :

"La violence est juste où la douceur est vaine" (2)

-Contrainte exercée sur une personne pour la forcer à s'obliger :

"Si tu n'es consentant, j'emploierai la violence" (3)

- Actes, paroles de violence :

"Et pour peu qu'on le pousse, il court aux violences" (2)

- Ardeur de la dévotion :

"La grâce du Seigneur, comme son royaume, est le prix de la

seule violence" (4)

-Effort que l'on fait sur soi :

"Je l'ai juré ma fille, je vais finir ma lettre, je me fais une

violence pour vous quitter." (5)

Telles sont les sept directions données par la prêtresse du langage.

Irenos : Ce sont des directions bien divergentes, comment faire un

tri ?

Polemos Mais quel est le contenu du message ?

Socrate : Tu dis vrai, peut-être nous éclairera-t-il ? Je lis donc ce

message :

"A Socrate, le plus sage de tous les mortels, à celui qui donna sa

noblesse à l'intelligence, reflet des dieux.

"Tu défriches le chemin ô Socrate- d'autres que toi iront plus loin

dans la précision de l'énoncé des vérités que tu pressens. Des idées du jeune

homme qui vint me voir, fécondées par ta soif de connaissance et de vérité, -

naîtra celui qui saura distinguer entre les causes, les fins, les moyens, les

instruments et la forme que doivent prendre toutes les facettes de

l'ïntelligence humaine, mais dès à présent et pour le sujet qui t'occupes,

retiens que la flèche qui vole dans l'air vaut davantage par la cible qu'elle

poursuit que par le bras qui tendit l'arc";

Polemos : Cela est bien mystérieux.

Socrate : Cela signifie qu'il nous faut faire un effort pour atteindre la

vérité. Ce que l'on acquiert sans peine a souvent peu de prix à nos yeux. Il me

semble que dans la fable énoncée, la flèche doit désigner la violence elle-même

puisqu'elle est le principal sujet, et de notre conversation et de la fable. Le bras

qui tend l'arc est donc l'auteur de cette violence.

Irenos Et que sont alors les cibles ?

Socrate Ne seraient-ce pas les sept directions mentionnées dans son

discours ?

Si on les examine bien, on constate que le mot violence désigne à la

fois la qualité de l'action, l'action elle-même et le résultat de l'action, et qu'elle

peut aussi distinguer une action sur autrui et une action sur soi-même.

Polémos : Sommes-nous réellement plus avancés ?

Socrate : Ne semblerait-il pas que selon la Pythie la violence ait la

qualité du but à atteindre indépendamment de celui qui la provoque et de celui

qui la subit ?

Polémos : Cela me paraît raisonnable.

Irenos : Mais où est alors la différence entre force et violence ?

Socrate : Ne serait-ce pas seulement dans l'intensité et surtout dans

la brusquerie ? Après tout, convaincre les soldats ennemis que leur guerre est

injuste demande beaucoup de force, mais s'ils ne veulent rien entendre il faudra

bien en venir à la violence. Convaincre un enfant d'obéir à ses parents, aux lois

et aux dieux vaut mieux que toutes les violences qui pourtant seront nécessaires

s'il ne veut rien écouter afin de lui éviter d'être encore plus malheureux. User

de l'une plutôt que de l'autre est bien plus une question de circonstances

passagères que de bien et de mal.

Polémos : Comment faire la distinction ?

Socrate : Si je force quelqu'un à boire quelque breuvage, je lui fais

violence. Si c'est un poison qui va le tuer je suis un criminel, si c'est un remède

qui va le guérir je suis un homme de bien.

Irenos La violence ne serait alors qu'un moyen.

Socrate : Et la distinction que l'on peut faire entre les moyens,

outre la question de l'opportunité en temps, en lieu et vis à vis des intéressés

n'est-elle pas de l'ordre du juste et de l'injuste ?

Polémos : Il y aurait donc des violences justes et louables et des

violences injustes et devant être condamnées.

Irenos : La distinction n'est pas toujours aisée.

Socrate : Non mais elle entraîne qu'on ne peut ni condamner ni

approuver la violence sans quelque grain de sagesse.

Irenos : J'aimerais - ô Maître - approfondir ce point.

Socrate : Cela risque de nous entraîner très tard dans la soirée

aussi je vous propose de venir dans ma maison. Xanthippe est en ce moment

d'excellente humeur et doit faire griller quelques poissons que nous a

apportés ce matin un pêcheur ami de la sagesse, que nous dégusterons ainsi

que quelques olives de Crète et une amphore de vin de Corinthe. L'esprit

réfléchit mieux quand les passions élémentaires du corps sont apaisées.

Irenos : Je te rends grâce - ô Socrate - et t'affirme que pour te

suivre je ne me fais nulle violence.

Polemos : Ou si tu préfères, une violence bien douce.

Jean- Bernard Leroy, octobre 1980

(1) Racine. (2) Corneille. (3) Goethe- (4) Massillon. (5) Mme de

Sévigné.

 

 

Pour en finir une fois pour toutes avec le Saint Suaire

Ainsi soit-il, c'est ainsi qu'était intitulé le film de Didier

Lannoy dans les Dossiers de l'Histoire du mercredi 4 avril 2001 à propos

du Saint Suaire. Beaucoup de dissimulations, pas mal de désinformation

et juste ce qu'il faut de vérité pour faire accepter le mensonge: on ne

pouvait rêver meilleur cocktail pour convaincre les téléspectateurs, mal

renseignés sur la problématique du Linceul de Turin, d'accepter la thèse

du faux.

Le documentaire s'ouvre avec l'incendie qui eut lieu le 11 avril

1997 duquel le Saint Suaire fut sauvé "par miracle". Toutefois, Daniel

Lannoy et ses amis ont "oublié" de mentionner que"les ouvriers qui

travaillent à la restauration de la chapelle assuraient avoir enlevé les

appareils et coupé l'électricité. Une dépêche de l'AFP annonça que

"quatre ou cinq foyers, tous localisés dans la chapelle, avaient été

détectés". En définitive, personne ne comprit comment un tel incendie

avait pu se déclencher et le parquet de Turin ouvrit une enquête. " Si les

magistrats privilégient la piste du court-circuit c'est seulement en tant

qu'hypothèse."(1) Mystère donc que cet incendie! Vient ensuite l'énoncé

du problème qui sera le leitmotiv du documentaire : "pour les uns c'est

une relique sacrée, le Suaire du Christ; pour les autres une image

extraordinaire, celle d'un homme martyrisé qui a laissé son empreinte.

Qui croire?"dixit Didier Lannoy, la voix off de ce film. L'énoncé est tout

de même curieux, parce qu'on ne voit pas très bien en quoi le fait qu'il

s'agisse d'une image d'un homme martyrisé, même et surtout

extraordinaire, s'oppose à ce que ce soit une ou La relique. La question

est mal posée; peut-être pour ne pas y répondre. En fait, un tel énoncé a

l'avantage d'éviter d'entrer tout à fait dans le vif du sujet.

La problématique n'est pas de savoir si le Linceul est une

image ou une relique, mais de savoir si le Saint Suaire est un faux

médiéval ou le linge qui a réellement enveloppé le Christ des Évangiles.

Ou plus clairement encore, de savoir si les résultats obtenus avec le

carbone 14 sont exacts ou non. Le lecteur aura certainement compris que

l'énoncé ainsi formulé, met en duel implacable le Christ des Évangiles et

le carbone 14; et que l'un des deux doit forcément avoir raison. Nos amis

reporters dirigés par Lannoy évitent manifestement la confrontation. Ontils

peur d'égratigner les fervents du radiocarbone, notamment M. Jacques

Evin ingénieur au C.N.R.S. et directeur du centre de datation par le

radiocarbone dont l'aveuglement n'a d'égale que la faiblesse de ses

arguments ? Ou alors ne veulent-ils pas trop cautionner l'infaillibilité du

radiocarbone pour ne pas s'empêtrer dans le ridicule des contradictions

qui en découleraient?

Il est toutefois manifeste que le scientifique Arnaud-Aaron

Upinsky n'a pas été invité au débat; il n'a été ni cité ni interviewé. Or,

c'est par Upinsky que l'argumentation du faux médiéval par le carbone

14 est devenu faible(2), peu fiable, bref, une fable. Notons que le

documentaire est bien ficelé et les personnes interrogées bien choisies. Il

y a le sus-dénommé Jacques Evin; Luiggi Gonella professeur

d'instrumentation physique qui, parfois inintelligible, ménage la chèvre

et le chou en essayant de s"exprimer en français (au risque d'avaler le

chou); Dominique Julia historien et directeur de recherche au C.N.R.S.

qui s'éloigne de la problématique du Linceul comme le Pôle Nord du

Pôle Sud; à l'entendre le fait que le Suaire soit le véritable ou non n'a pas

d'importance, car les fidèles n'ont pas besoin de preuves pour qu'ils aient

la foi (3). Peut-être, mais il se trouve que M Julia est hors sujet;

d'ailleurs, je serais curieux de connaître l'avis de St. Thomas à ce propos.

Il y avait aussi quelques autres apparitions furtives de personnages -

notamment Don Ghiberti le représentant du Gardien Pontifical du Suaire

de Turin, chargé de l'organisation de l'ostension de 1998 et Daniel

Raffard de Brienne sans que cela puisse éclairer le sujet.

Le Linceul est attesté en Occident, sans doute possible, vers

1357, par son exposition dans la petite église de bois de Lirey. Jeanne de

Vergy, la veuve appauvrie de Geoffroy de Charny - le propriétaire

présumé du Suaire, tué l'année précédente par les Anglais, espérait diton,

attirer ainsi les pèlerins. Les auteurs du reportage n'ont pas manqué

de reprendre le désormais vieil argument de la crédulité facile des gens

du Moyen-Age, et que l'apparition du Linceul s'est faite dans la période

"la plus noire" de celle-ci (la Guerre de cent ans, la peste) et encore

d'émettre la possibilité que Jeanne de Vergy, profitant des troubles du

temps, aurait programmé toute cette mise en scène pour renflouer ses

caisses avec l'argent des fidèles. Je ne souhaite pas répondre ici aux

critiques pseudo-historiques à Lannoy (ou à la noix), la postérité se fera

une joie de faire le bilan (ou le réquisitoire) du XXème siècle en matière

de paix et de l'honnêteté des gouvernants issus des conceptions étatiques

révolutionnaires de 1789 et de ses dérivés. Bref, on ne fait que reprendre

les arguments erronés de Pierre de Arcis, Évêque de Troyes vers 1389.

"Il existe de nombreuses traces historiques du Linceul,

byzantines et du haut Moyen Âge. Il reste, certes, un important travail à

faire mais il n'est pas vrai de dire que le Linceul surgit soudain dans

l'histoire, en 1357, à Lirey dira Upinsky dans "La science à l'épreuve du

Linceul". Et il renchérit: "à partir d'une suggestion d'Antoine Legrand, le

biologiste Paul Vignon a pu affirmer, le premier, que le Sindon est

l'original de la production iconographique à partir du VIe siècle: 80%

des icônes étudiées présentent une marque caractéristique en forme de "

lettre V", au-dessus de l'arête du nez. Paolo Rica, professeur d'histoire

du Christianisme, à Rome, et Jackson ont confirmé ces conclusions.(4)

Seulement nos perroquets reporters induisent les téléspectateurs dans le

doute lorsqu'ils se demandent si c'est le Linceul qui a inspiré les icônes

ou les icônes le Linceul. Upinsky balaie aisément ce doute: "Cette

homologie de l'original et des copies doit être bien comprise. Elle est

même une clef sociologique majeure. La mode, le mimétisme, le

conformisme sont la monnaie courante du comportement humain.

L'actualité nous en apporte maints exemples quotidiennement. C'est

simultanément que les médias se mettent à parler de tel ou tel événement.

Ce qui ne prouve pas que l'événement n'a pas eu lieu... L'événement est

l'original, et les commentaires sont des "copies". En recensant la

multitude de crucifix existant à travers le monde, qui aurait l'idée de les

qualifier de "faux" " ? Une représentation n'est pas un faux... mais un

témoignage d'une vérité! En soi, la multiplicité des " suaires " ne saurait

donc être prise comme une signature de falsification - la mode voulant,

alors, que chacun fasse son propre " faux suaire " - mais, bien au

contraire, comme la signature d'un authentique primordial dont

procèdent tous les autres. À une époque où n'existait pas la photo, la

copie était même le seul moyen de multiplier la représentation d'une

image. Certains partisans de la thèse d'Arcis, peu scrupuleux, ont cru

pouvoir jouer de cette multiplication de copies pour faire passer le

Linceul de Turin à pertes et profits, comme faux. Or, une telle

déformation des faits, basée sur l'équivoque -faux-falsificationcopiereprésentation-

méprise - est totalement indéfendable pour trois raisons:

1. Il faut savoir que la dénomination de suaire fut très

répandue. Le dictionnaire Larousse (3 vol. 1966) ne laisse aucun doute à

ce sujet. À l'article Suaire, on lit en effet: " Dans l'Antiquité, espèce de

voile dont on couvrait la tête des morts. Linge dans lequel on

ensevelissait les morts; linceul. Saint suaire, linceul qui servit lors de

l'ensevelissement de Jésus-Christ (Des suaires qui portent ce nom,

certains ne sont que des copies. Celui de Turin dit "de sainte Véronique"

est le plus connu). L'Église, tout en permettant la vénération de ces

reliques n'en a jamais défini l'authenticité. "

Par extension de ce sens, on donnait le nom de suaire à un

tissu qui avait simplement enveloppé une relique, que ce soit le Pallium,

tissu posé sur le tombeau de saint Pierre, celui de sainte Anne à Apt ou

celui de saint Victor à Marseille. Dans ces conditions, qui pourrait

encore confondre suaire et Saint suaire pour invoquer la multiplicité des

"faux"?

2. Depuis Clément VII, le Linceul de Turin, qui est le plus

connu -si l'on en croit Pierre d'Arcis, sa renommée circulait dans le

monde entier au XIVe siècle - a été traité, à part, au plus haut niveau de

la hiérarchie, comme le présumé authentique Linceul de Jésus-Christ;

3. Dans leur ensemble, les " suaires " connus n'étaient pas des

falsifications destinées à tromper les fidèles, et ne représentaient pas

tous l'image du Christ :

- le suaire de Besançon qui représentait une image était une

copie évidente; il fut détruit en 1791 d'un commun accord entre le clergé

et le pouvoir révolutionnaire au motif invoqué qu'il n'était qu'une copie,

- le suaire de Cadouin, qui date du onzième siècle et ne

représentait pas d'image, était, selon l'usage, entouré d'un tissu précieux.

À cette époque ces tissus étaient généralement d'origine orientale. Le

jésuite 1. Francez. qui était convaincu de l'authenticité du Linceul de

Turin découvrit que les broderies qui ornaient les extrémités du suaire

de Cadouin étaient des lettres arabes à la gloire d'Allah.

- les autres étaient soit manifestement des copies du Linceul

de Lirey, soit d'évidentes peintures sans prétention de tromper. Le Pr

Don Luigi Fossati nous a bien dit, hier matin, que " Lorsque le Saint

Suaire devint la propriété de la Maison de Savoie et après que le pape

Jules II en eut approuvé, en 1506, le texte liturgique de la Messe et de

l'Office, on fit une infinité de copies grandes et petites. À titre de

présents, on en exécuta sur lin, aux mêmes dimensions que l'original;

avant d'être offertes aux bénéficiaires, elles étaient mises au contact avec

le Saint Suaire et, selon la croyance de l'époque, elles étaient

considérées comme de vraies reliques. Sur cinquante de ces copies, qu'il

a analysées, vingt-sept portent la date de confection (5).

Cependant les auteurs de ce documentaire ne remettent pas en

cause les propos de Jacques Evin pour qui "les résultats [par le

radiocarbone] des trois laboratoires étaient tellement convaincants " et

que, par conséquent "il n'y a pas lieu de refaire ces analyses "; il en

déduit que "le Saint Suaire a été fait à partir de lin qui a poussé à la fin

du XIIIème voire la moitié du XIVème siècle, et il achève - "on doit

admettre ce résultat". Donc, le Linceul date du Moyen-âge et l'image qui

y figure est reproductible en 3D. "Des mystères demeurent" dit Daniel

Lannoy; on ne saura jamais lesquels. Nul doute possible: on nous prend

pour des idiots.

A partir de là, peut-on dire que les résultats obtenus par le

radiocarbone soient définitifs et absolument fiables? "La datation au C14

visait à dissocier le lin du Linceul pour lui faire accuser la représentation

de Jésus, irréprochable en elle-même. Si la date du lin est médiévale,

puisque la représentation qu'il supporte est du premier siècle, c'est que le

Linceul est une contrefaçon! laissent entendre les médias. Ça, c'est bon

pour l'homme de la rue"-'. Frédéric Pons, dans un article paru dans

Valeurs Actuelles du 24 janvier 1998, nous expose les aléas du

radiocarbone : "Tout organisme vivant possède un taux de carbone 14

radioactif constant. Lorsque l'être meurt le C14 radioactif se désintègre

alors selon une loi mathématique immuable. il lui faut une période

d'environ 5700 ans pour perdre la moitié de son poids, puis encore à

nouveau le même délai pour perdre la moitié du poids restant. Et ainsi de

suite. Sur cette base, il ne reste plus alors qu'à mesurer le taux de C14

radioactif restant dans un objet d'origine organique pour en déduire

depuis combien de temps le vivant dont il est tiré est mort et donc son

âge. L'nthousiasme que cette méthode avait provoqué à l'origine est vite

retombé. Ses postulats de base -la constance du taux de C14 dans le

temps et dans l'espace, la fixité de la période d'environ 5 700 ans -ont été

remis en question.

Dans plusieurs cas célèbres, cette datation a même donné des

résultats des plus fantaisistes: l'homme de Lindow a été daté

successivement de 300 ans avant Jésus-Christ, puis du ler siècle après

Jésus-Christ et enfin du V siècle, soit 800 ans d'écart; des coquilles

d'escargots encore vivants ont été datées de 24 000 ans avant Jésus-

Christ, datation qui a projeté dans le passé ancien un objet actuel ; un cor

viking a été daté de 2006 après Jésus-Christ par le laboratoire de Tucson,

datation qui a projeté dans le futur un objet vieux de 1500 ans."

Mis à part le carbone 14 il faut notamment noter ces autres

irrégularités .

- le manque de procès-verbal des prélèvements,

- les opérations filmées à l'exception de l'empaquetage des

échantillons, - le non-respect des protocoles,

- le fait que les résultats des échantillons témoins étaient

connus d'avance, l'intercommunication des résultats entre les trois

laboratoires,

- la divulgation des résultats avant remise des conclusions,

-la non-publication des résultats bruts,

- la non-élucidation de l'isolement de l'intervalle de confiance

d'Oxford,

- les contradictions entre les participants aux prélèvements sur

les poids des échantillons et sur les découpes,

la non-discussion contradictoire des résultats statistiques,et de

leur validité, etc.

Le communiqué de clôture du symposium de Paris, le 8

septembre 1989, pris acte de

"l'apparition d'une contradiction épistémologique" et de "la

nécessité d'entreprendre de nouvelles études" et "sans doute de nouveaux

tests .(6)

Voici encore ce qu'écrivit un farouche partisan du carbone 14,

M. Tite le propre Directeur du laboratoire de recherche du British

Muséum, responsable de la coordination de la datation au carbone 14, à

Upinsky le 14 septembre 1989: " Je vous écris pour vous confirmer par

écrit que, moi-même, je ne considère pas que le résultat de la datation

radiocarbone du Suaire de Turin montre que le Suaire est une

contrefaçon. (...) il est clair que la datation au carbone 14 n'apporte

aucune preuve à l'appui dune telle hypothèse. (7)

La fiabilité absolue du radiocarbone est donc une fable et le

documentaire de Lannoy ressemble à ce qu'on pourrait appeler de

"l'obscurantisme scientifique" ou, tout du moins, le cautionne. La

déclaration de Jacques Evin en fin de reportage nous en donne un

exemple édifiant: "Il y a quand même de fortes probabilités que le Suaire

du Christ soit celui qui l'a enveloppé au moment de sa mort ou de son

ensevelissement au tombeau; que ce Suaire, comme il est dit dans les

Évangiles, a été conservé et que des générations de chrétiens ont regardé

un drap en se disant: "'dans ce drap le Christ a été enveloppé". On ne

peut rester insensible à ça. Mais à ce moment là, on fait la part des

choses entre l'analyse scientifique et puis le sentiment. C'est normal qu'il

y ait du sentiment. Il ne peut pas ne pas y avoir de sentiment devant des

objets pareils. Quand on regarde une très belle peinture dans un musée

ou quand on écoute une très belle musique, on a du sentiment; eh bien là,

c'est pareil. " Notez comme Mr Evin est ambigu, au début de sa

déclaration il nous laisserait presque croire que le Linceul pourrait être

authentique, mais il se rattrape aussitôt en faisant du chrétien qui croit à

l'authenticité du Linceul un sentimental duquel tout témoignage n'a

aucune valeur face à la science "'exacte". Cependant les travaux du

C.I.E.L.T.(8) dont Upinsky est le vice-président ont été menés avec des

moyens scientifiques bien plus diversifiés que le seul radiocarbone. A

présent le C.I.E.L.T. constitue une menace contre le dogmatisme

scientifico-positiviste, dont Mr Evin est manifestement l'un des

représentants. Il était nécessaire de le diaboliser. Upinsky, dans la

conclusion de son ouvrage ""La science à l'épreuve du Linceul" dénonce

cette attitude : il souligne, en effet qu'il y a un "'procès en sorcellerie sur

la nature de l'approche des participants: On cherche à faire croire au

lecteur que les dits "tenants de l'authenticité "(9) visaient à "récuser les

procédés de datation scientifiques" (souligné par nous) et donc, n'étaient

pas des scientifiques. L'accord de M. Jacques Évin sur le communiqué

du CIELT demandant une nouvelle datation ferait justice d'une telle

insinuation, si besoin était. Quel scientifique récuserait une méthode

authentiquement scientifique ? L'objectif d'une telle manipulation

sémantique est, à l'évidence, de faire croire au lecteur que le débat du

Symposium rentre dans le schéma totalement sous contrôle de

:"superstition religieuse contre vérité scientifique ". Alors qu'à l'inverse,

dans le cas de la problématique du Linceul, c'est la Science qui conclut à

l'authenticité, et le préjugé qui invoque sans cesse le " miracle " ou la "

magie ". Plus loin il ajoute que "tout d'abord le processus

d'authentification du Suaire fonctionne comme un révélateur permettant

de séparer les scientifiques et les scientistes: ceux qui jouent, sans

arrière-pensées, le jeu de la méthode scientifique; et ceux qui, voulant

réduire l'essence de l'homme à une équation physico-chimique, font de la

science positiviste une Religion, refusant toute découverte qui

dérangerait leur lecture étroitement mathématique du monde.

Considérant que le Linceul de Turin n'est pas écrit en langage

mathématique, ces scientistes refusent d'admettre que le Suaire participe

à ce mystérieux "résidu d'objectivité " dont tout scientifique a fait

l'intime expérience. Apôtres de la Raison, ils perdent ainsi la raison. " je

laisserais le mot de la fin à Georges Bernanos qui disait le 31 juillet

1936, à propos de la vérité, : « Les plus irréparables sottises sont celles

que l'on commet au nom des principes. Les plus dangereuses erreurs,

celles où la proportion de vérité reste assez forte pour qu'elles trouvent

un chemin jusqu'au coeur de l'homme. »" Ainsi soit-il.

Stéphane Salis

1 Frédéric Pons, Valeurs Actuelles du 24 janvier 1998.

2 cf. La science à l'épreuve du Linceul. La démonstration scientifique

de l'authenticité, O.E.I.L. Paris 1990.

3 Je ne rapporte ici que le sens général de la pensée de Mr Julia, non

une citation précise.

4 Cf. Ibid.

5 Ibid.

6 Ibid. ; p. 81.

7 Arnaud-Aaron Upinsky, Le procès du Linceul, O.E.I.L. , 1993;

p.81.

8 Centre International d'Etudes sur le Linceul de Turin.

9 Il s'agit du C. I. E.L.T,