Préambule

Congrès : Nécessité des élites

Le Cercle civique européen rassemble des associations et

des personnes décidées à maintenir et à promouvoir celles des

valeurs qui ont engendré l’Europe chrétienne, et basées sur le

Décalogue. Il a tenu son deuxième congrès de Lausanne à la

Longeraie sur Morges en présence d’une centaine de personnes, les

11 et 12 octobre 1997. Ce Congrès fut organisé au plan pratique par

le Centre de documentation civique à Lausanne.

Le livre ci-dessous contient les Actes de ce Congrès, selon

les documents remis par les divers conférenciers. À la fin, le texte de

M. Christian Burgaud sur le Crédit social ne fait pas partie des Actes

au sens thématique strict ; il présente une doctrine élaborée par des

amis canadiens. Un texte complémentaire de M. Etienne Couvert

figure également en annexe. Une troisième annexe donne des notes

relatives à l’exposé de M. François de Siebenthal.

Madame, Monsieur, ne vous privez pas d'une joie extraordinaire

: vous enrichir de la substance de toutes ces réflexions !

Sur la revue Finalités

Le Centre de documentation civique à Lausanne édite

depuis 1972 une revue de 20-30 pages paraissant dix fois par année,

consacrée à la diffusion du droit naturel et chrétien, et utilisée actuellement

par le Cercle civique européen.

Les articles publiés par le soussigné se présentaient au

cours des années d’une manière assez variée, sous des pseudonymes

parfois. Il convenait je crois de permettre aux lecteurs un usage plus

ramassé de leur collection. Actuellement, la presque totalité des articles

parus de 1972 à 1980 se voit insérée dans le volume de quelque

350 pages intitulé: Agonie et transcendance I, qui donne une illustration

suivie des problèmes posés aux citoyens, en rapport avec le droit

naturel et chrétien. On peut ainsi assister à une sorte d’agonie des

sains principes, nécessitant sans se lasser le rappel de leur transcendance.

Le lecteur désireux de rétablir un axe sûr dans le comportement

en politique peut le lire et même mieux, s’en inspirer en se

joignant à deux ou trois amis, afin de réagir et d’agir, en usant des

moyens légaux : référendums, lettres de lecteurs à diverses instances,

etc. Le dos de la couverture donne quelques titres assez “accrocheurs”

je crois, par exemple “Faire l’amour, c’est faire la guerre”.

Mais cela serait peu de chose sans le recours à l’essence de

notre religion : la vie trinitaire dans toute sa splendeur. Sans la méditation

assidue de cette vie, on erre. Le lecteur aura à coeur je l’espère

de se procurer et de fréquenter le “Manuel de la cellule trinitaire”,

qui décrit les rites et la vie intime de la cellule, accompagnés des textes

de l’Écriture ou de la Tradition qui ont quelque résonance civique.

La cellule ainsi conçue est un centre de vie, génératrice de

vie spirituelle et de vie civique.

Le pape Jean-Paul II a rassemblé récemment à Paris un

million de jeunes, fervents. Pour que cette rencontre soit bénéfique

pour la société, il est désirable évidemment qu’ils la prolongent en se

mettant au travail, pour engendrer des élites solides, assidues, formées

à la propagation du droit naturel et chrétien, chastes selon leur

état, respectueux de la famille, des commandements, repoussant toute

compromission avec l’avortement et autres turpitudes.

Les deux livres mentionnés fournissent dans ce sens des

instruments qui me semblent difficilement remplaçables.

Les membres du Cercle civique européen et les autres orateurs

ont chacun leur mode de rayonnement, qui apparaît au cours des

exposés ci-dessous.

Puisse la nécessité de vraies élites se dégager de ce livre et

de leur action !

Jean de Siebenthal

Note : Les photographies des orateurs apparaissent au

début de leurs textes. Les personnes suivantes ont fonctionné en qualité

d'organisateurs ou de modérateurs :

Homélie

Abbé Trauchessec

Le thème retenu pour ce Congrès du Cercle Civique

Européen : “Nécessité des élites “s’accorde merveilleusement avec

l'Évangile.

En effet les élites dans l'Église ce sont les élus, ce sont ces

hommes et ces femmes qui ont parfaitement répondu à l'appel du

divin Maître :

“Vous, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.”

Le Seigneur, qui nous aime d'un amour incommensurable

veut pour chacun d'entre nous ce qu'il y a de meilleur, à savoir le bonheur

éternel du Ciel dont jouissent les saints et les saintes, canonisés

ou non, que nous fêterons, le 1er novembre, en la fête de tous les

saints instituée pour n'en oublier aucun.

Cet appel à la sainteté, le Seigneur, en bon pédagogue nous

en fait mieux prendre conscience à travers des comparaisons telles

que le levain dans la pâte, la lumière placée sur le lampadaire ou le

sel de la terre.

De même, l’appel du Seigneur au jeune homme riche est

net, sans équivoque et loin de la médiocrité, de la tiédeur, de l'indifférence

qui nous caractérisent le plus souvent !

Ne nous arrive-t-il pas d'entendre dire ou de dire nousmêmes

ou, au moins de penser : “Le Bon Dieu n'en demande pas

autant.” ?

Quelle ignorance des Saintes Écritures ! Quelle ignorance

de l'enseignement de l'Église dénotent de tels propos !

L'appel à la perfection ne s'adresse pas seulement à

quelques-uns, comme certains seraient tentés de le croire, à tort, mais

à tous ! Le IIème Concile Œcuménique du Vatican a magnifiquement

rappelé cet appel universel à la sainteté dans le chapitre V de la

Constitution dogmatique sur l'Église intitulée Lumen Gentium.

À défaut de pouvoir le citer en entier, faute de temps, retenons,

au moins, ce passage :

“Il est donc bien évident pour tous que l'appel à la plénitude

de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s'adresse à tous

ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang ;

dans la société terrestre elle-même cette sainteté contribue à promouvoir

plus d'humanité dans les conditions d'existence. Les fidèles doi-

vent appliquer les forces qu'ils ont reçues selon la mesure du don du

Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et

devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du

Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu au service

du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu s'épanouira en

fruits abondants, comme en témoigne avec éclat l'histoire de l'Église

par la vie de tant de saints.”

La méditation des paraboles déjà évoquées et de ce texte

du Magistère suprême ne doit-elle pas nous conduire à prendre dans

la cité les engagements, les responsabilités en fonction des talents

que Dieu nous a confiés et dont nous aurons à rendre compte au soir

de notre vie ?

À ceux qui ont beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé.

Sans doute sommes-nous de ceux qui ont beaucoup reçu, à commencer

par le don de la foi au jour de notre baptême.

Cette foi nous devons l'entretenir, l'éclairer et la communiquer

sans altération.

Lors de la célébration du IVème centenaire de la mort de

Sainte Thérèse d'Avila, en 1982, ne lisait-on pas sur l'affiche éditée à

cette occasion, une phrase dont elle est l'auteur :

“Le monde est en feu… Ce n'est pas l'heure de traiter avec

Dieu d'affaires de peu d'importance.”

Quelle actualité dans ces paroles ! Quel cri d'alarme qui

devrait secouer notre torpeur ! Devant les maux dont nous souffrons,

chaque jour un peu plus, que faisons-nous ?

Au début du siècle, Saint Pie X, le dernier pape canonisé,

ne disait-il pas : “Si le Christ ne règne pas par ses bienfaits, Satan

régnera par ses méfaits.”

Quel spectacle offre le monde à la fin de ce siècle, à

quelques années du troisième millénaire ?

Loin de baisser les bras, loin de nous laisser abattre par les

nombreuses difficultés de l'heure, nous nous devons de réagir d'ur-

gence à la manière des saints. D'abord en priant et ensuite en travaillant

selon la belle devise de Saint Benoît, Patron de l'Europe ;

“Ora et Labora “.

Oui, mettons-nous vite à l'œuvre avec ardeur pour faire

échec à l'extension sournoise du marxisme qui continue malgré la

levée du rideau de fer et la chute du mur de Berlin, pour faire échec

aux lois civiles contraires aux lois divines telles celles sur l'avortement

et le divorce. A l'heure où les criminels n'ont plus à craindre la

peine de mort les innocents, par millions chaque année à travers le

monde, sont assassinés dans le sein maternel. Dans tel pays, qui plus

que d'autres devrait donner l'exemple de la fidélité, ce “crime abominable

“ pour reprendre la vigoureuse et exacte expression employée

par le IIème Concile Œcuménique du Vatican, est remboursé aux

frais des contribuables !

Que faisons-nous pour que les lois civiles s’harmonisent

avec la loi divine : “Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni “,

à l'heure où le libéralisme favorise le divorce par consentement

mutuel ?

Que faisons-nous pour que la morale soit respectée, pour

que les incitations permanentes à la débauche disparaissent de nos

rues et de nos écrans de téléviseurs ?

Que faisons-nous pour tenir en échec l'abominable proposition

de loi sur l'infâme et répugnant “contrat d'union civile et sociale

“qui devrait prochainement être discuté au parlement français pour

la plus grande honte de ce Pays auquel le Pape Jean-Paul II a plusieurs

fois posé la question avec insistance en 1980: “France, fille

aînée de l'Église qu'as-tu fait des promesses de ton baptême ?''

Devant de telles offenses à Dieu et aux hommes créés à

son image, les saints ne craignaient pas de réagir avec vigueur et de

crier haut et fort - souvent au péril de leur vie “à temps et à contre

temps“ comme dit Saint-Paul, les droits imprescriptibles de Dieu

auxquels les hommes doivent se soumettre sous peine de se condamner

eux-mêmes.

Les mémoires seraient-elles si courtes pour ne plus se souvenir

de la disparition de Sodome et Gomorrhe et de brillantes civilisations

égyptienne, grecque et romaine, qui, elles aussi, ont sombré

dans la luxure ?

Le champ d'action qui s'ouvre à nous est vaste ; aussi a-ton

plus que jamais besoin de saints. La nécessité des élites a-t-elle

jamais été plus nécessaire ?

Comme les saints, usons des moyens préconisés par Saint

Paul dans l'épître de ce jour et, comme eux, trouvons, dès ici bas,

notre bonheur dans la mise en œuvre du Décalogue !

“Heureux ceux dont la conduite est sans reproche, et qui

suivent la loi du Seigneur “nous dit l’Introït de cette messe du XXI

ème dimanche après la Pentecôte. Là où un saint passe, Dieu passe,

dit le Saint Père.

Au-delà des difficultés présentes, gardons courage et

confiance. “Courage, petit troupeau, J'ai vaincu le monde “, nous dit

Notre Seigneur.

À la veille de fêter le 80e anniversaire de la sixième apparition

de Notre-Dame du Très Saint Rosaire à Fatima, rappelons ses

paroles pleines d'espérance :

“À la fin mon Cœur Immaculé triomphera.”

Ainsi soit-il

Abbé Trauchessec

Homélie prononcée le 11 octobre 1997 en la chapelle de la

Longeraie.

Familles et élites

Daniel Raffard de Brienne

Avant d'aborder la question des élites, il faut commencer

par définir le mot pour savoir de quoi l'on parle. Or le mot élite réserve

des surprises. À en croire les dictionnaires français, l'élite, c'est ce

qu'il y a de meilleur, c'est, pourrait-on dire, la crème, la fleur. Nos

amis italiens et allemands expriment la même idée en parlant de fleur

: fire ou Blume.

Mais le mot élite vient du verbe élire qui signifie choisir,

tout comme le portugais élite ou l'espagnol escogido. Il faudrait donc

comprendre que l'élite est choisie comme étant ce qu'il y a de

meilleur. Mais choisie par qui ?

En fait on tombe en plein paradoxe. Si l'on se fie à un

choix démocratique, car élire fait penser à élection, selon quels critères

et par quels moyens la masse des moins bons peut-elle désigner

les meilleurs ? Au demeurant, être meilleur est une qualité intrinsèque

qu'aucune élection ne peut conférer ; tout au plus pourrait-on

reconnaître les meilleurs, si l'on en est capable, mais non rendre

meilleurs les gens que l'on désigne. Ouvrons ici une parenthèse pour

limiter notre sujet. On peut être le meilleur dans n'importe quelle

catégorie, aussi bien sur le plan physique que psychique ou moral,

sans que cela ait d'incidence sur la vie de la société. Mais nous ne parlerons

ici que des élites qui jouent un rôle, par voie de hiérarchie ou

par influence morale, dans le gouvernement de la société.

Or la démocratie, pour sa part, s'oppose à la notion même

d'élite contraire à ses deux dogmes fondateurs et d'ailleurs contradictoires

: la liberté et l'égalité. La liberté, telle que la prône le libéralis-

me, aboutit à l'inégalité par la libre domination des plus faibles par

les plus forts. L’égalité, fondement du socialisme, se trouve contrainte

de brider la liberté en s'appuyant toujours, comme l'a montré

Chafarevitch, sur une nomenklatura, c'est-à-dire une classe supérieure

de fonctionnaires. Ainsi la liberté et l’égalité en viennent à créer la

contrainte et l'inégalité. L'aboutissement de la démocratie, c'est en

fait l'oligarchie, le gouvernement d'un petit nombre. Et, en fin de

compte, comme le dit la dernière encyclique pontificale, la démocratie

mène au totalitarisme.

L'oligarchie issue du processus démocratique est bien, par

ses origines et par ses modalités d'accession au pouvoir, tout le

contraire d'une élite, c'est-à-dire du meilleur. Certes tout homme jouit

de la liberté de choisir le bien moral et toutes les âmes sont égales

devant Dieu, mais il s'agit là de valeurs surnaturelles. Tout système

qui se veut angélique et qui n'est que la répétition du péché originel,

tout système qui entend transformer artificiellement les valeurs surnaturelles

dans le domaine naturel aboutit à une inversion des

valeurs. L'élite née de la démocratie n'est donc qu'une contre-élite.

On pourrait en dire autant de tous les élitismes que certains,

comme la Nouvelle Droite, veulent instaurer artificiellement

sans qu'ils soient enracinés dans la nature.

Car la véritable élite ne provient pas d'une élection, non

plus que d'une fabrication arbitraire. Elle est d'abord inhérente à l'inégalité

naturelle.

Il faut être intellectuellement aveugle pour ne pas voir que

toute l'organisation et même toute l'harmonie de la création sont fondées

sur l'inégalité, une inégalité voulue par Dieu. Toute doctrine

égalitaire constitue donc un refus du plan de Dieu, une révolte, un

péché contre Dieu. Elle est aussi une absurdité. Car, même si l'on s'en

tient à l'espèce humaine, on n'y voit que des inégalités. Inégalités

physiologiques : le sexe, l'âge, la race. Inégalités physiques : la beauté,

la force, la santé. Inégalités intellectuelles et mentales. Inégalités

morales.

Toute l'organisation sociale humaine est fondée sur ces

inégalités. Sans inégalités, il n'y aurait pas de société, seulement une

juxtaposition d'êtres semblables.

La famille est la cellule de base de la société naturelle.

C'est pourquoi, d'ailleurs, toute idéologie qui prône la construction

d'une société artificielle commence par essayer de détruire la famille.

Rien n'est plus inégal que l'organisation de la famille : les charges, les

responsabilités, l'autorité y sont distribuées en fonction de l'état de

chacun.

C'est à partir de la famille que s'élève la pyramide des

sociétés naturelles pour répondre aux différentes nécessités de la vie

temporelle. Il n'y a pas de modèle unique de cette pyramide. Les aléas

de l'histoire et les contraintes géographiques amènent des solutions

différentes.

Mais il y a néanmoins des constantes. Et parmi ces constantes,

on note l'existence à tous les niveaux d'oligarchies. Parmi les

hommes, parmi les chefs de famille, certains sont plus forts, plus

compétents, plus riches. Ils forment un groupe social, ou même une

classe, qui domine la société et y exerce la réalité du pouvoir. Cela

aussi résulte de l'inégalité naturelle que l'on est bien obligé de prendre

en compte si l'on ne rêve pas d'utopies fumeuses.

Et cela se vérifie tout au long de l'histoire comme sur toute

la surface de la Terre. On pourrait multiplier les exemples et citer,

entre mille autres cas, les patriciens de Rome, les incas du Pérou ou

les mandarins de Chine. Toutes oligarchies obéissant par ailleurs à

des modalités de fonctionnement très différentes.

Mais peut-on appeler élites ces oligarchies ? L'élite, c'est

le meilleur. S'agissant de son action au niveau du pouvoir social, on

devrait parler d'aristocratie, c’est-à-dire du gouvernement des

meilleurs.

Or il n'est que trop certain que, dans biens des cas, l'oligarchie

s'exerce au profit de ses membres, au détriment des classes

moins favorisées qu'elle devrait aider et protéger, et sans réel souci du

bien commun. Sans même chercher dans l'histoire des exemples de

ce comportement, il suffit de regarder comment agissent les oligarchies

nées artificiellement des utopies démocratiques, libérales ou

socialistes. Les chroniques judiciaires sont remplies de leurs exploits.

Pour qu'une oligarchie mérite le nom d'élite ou d'aristocratie

et en joue réellement le rôle, il faut qu'elle exerce le pouvoir en

vue du bien commun, que toute son influence et toute son action

soient guidées par des règles morales. Autrement dit, il faut qu'elle

applique consciemment le plan de Dieu.

C'est ce que l'on a pu voir se réaliser en Europe au cours

des siècles de chrétienté. Prenons l'exemple de la France.

L'effondrement des structures de l'État antique et l'insécurité

générale y ont amené l'apparition d'un régime assez étonnant : la

féodalité. Un régime en principe idéal puisqu'il repose sur une pyramide

de liens personnels, d'homme à homme pratiquant l'entraide et

l'échange des services. Je ne veux pas faire de la féodalité un tableau

angélique. Comme disait Jacques Bainville, “tout a toujours très mal

marché “. Et selon le Curé d'Ars : “partout où il y de l'homme il y a

de l'hommerie”. La féodalité était donc imparfaite, comme l'homme,

comme toute institution humaine.

Elle était menée par une classe dirigeante, une noblesse

qui aurait pu n'être qu'une oligarchie jouisseuse et égoïste comme nos

modernes oligarchies. Mais elle était profondément chrétienne, animée

par l'idéal de la chevalerie, soucieuse du bien commun et du

règne de Dieu. Elle était une élite, une aristocratie, sans laquelle la

France n'aurait jamais eu d'âme, sans laquelle l'épopée des croisades

n'aurait pas freiné l'invasion islamique.

Plus tard, la féodalité n'a plus correspondu aux nécessités

de l'histoire, alors qu'un État se reconstituait au détriment des autonomies

régionales. Mais jusqu'à la Révolution, la pyramide des

sociétés naturelles a subsisté. La noblesse est restée une élite en

continuant de donner l'exemple de l'honneur et du service.

Les forces mercantiles qui substituent “l'économisme” à la

chrétienté ont déclenché la Révolution. Le règne du “roi très chrétien”

s'est achevé le 10 août 1792 dans le sang de ses derniers défen-

seurs. Ce sera la gloire de la Suisse d'avoir donné au roi ses derniers

et héroïques défenseurs.

On connaît la suite. Depuis deux siècles, la France,

l'Europe, le monde roulent vers l'abîme dans un torrent de boue et de

sang.

Il n'y aura de salut que dans le retour aux valeurs traditionnelles,

celles qui dans le plan de Dieu et donc selon les principes

du christianisme doivent organiser et conduire la société. Il y faut

l'exemple et l'influence d'une nouvelle élite, d'une nouvelle aristocratie.

L'histoire ne remonte pas le temps. Il n'est pas question de

recréer l'ancienne noblesse. Mais il n'est pas interdit de penser que la

nouvelle élite pourrait prendre exemple, non sur les vanités, mais sur

les vertus de l'ancienne noblesse.

C'est pourquoi, sans nul doute, le grand pape Pie XII,

comme le rappelle dans son livre le professeur Plinio Correa de

Olivera, s'est si souvent adressé à la noblesse, et plus spécialement à

la noblesse italienne. L'ancienne noblesse a encore un rôle à jouer, en

transmettant à l'avenir ce qu'elle a reçu du passé, en jetant un pont

par-dessus l'histoire entre la chrétienté détruite et la chrétienté à construire.

Daniel Raffard de Brienne

Élites et principe de Subsidiarité

Philippe Maxence

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

C'est pour moi un grand honneur et une grande joie que

d’être présent aujourd'hui à cette tribune pour ce Congrès du Cercle

civique européen et du Centre de documentation civique. Je remercie

particulièrement Monsieur Jean de Siebenthal qui m'honore de sa

confiance en me permettant d’évoquer aujourd'hui avec vous deux

éléments indispensables de toute réforme sociale et politique catholique

: le principe de subsidiarité et la nécessité des élites à tous les

niveaux du corps social.

J'avoue avoir quelques scrupules à évoquer ces deux thèmes

car il y faudrait une expérience que je suis loin de posséder et

surtout, je suis l’hôte d'un pays où ces deux éléments restent des

réalités vécues alors qu'elles sont, pour nous Français, des espoirs à

retrouver. Avant d'entrer dans une présentation sommaire du principe

de subsidiarité et de ses liens avec les élites, brossons rapidement un

tableau des grands axes vers lesquels le monde semble se diriger.

I Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Toute démarche qui se veut réaliste doit, en effet, s'appuyer

sur des données facilement vérifiables. Affirmer aujourd'hui

que le monde se trouve dans une phase de mondialisation accrue n'a

pas besoin d'une longue démonstration. Ouvrons seulement les yeux.

Les moyens de communication, du satellite à Internet, les produits

manufacturés, la rapidité des voyages, l'uniformisation vestimentaire

de la jeunesse, l'existence d'une Organisation des Nations Unies,...

autant de signes parmi d'autres de cette volonté de faire de la terre un

grand village global, sans frontières, sans particularismes, sans héritage,

sans identité propre à chaque pays, à chaque nation.

Mais la mondialisation est à la fois un fait acquis et une

volonté politico-idéologique qui n'a pas encore abouti.

C'est un fait acquis au point de vue des techniques ou des

échanges économiques.

Et en même temps, le mondialisme n'est pas encore parvenu

à toutes ses fins, et notamment à la disparition des nations et à l’établissement

d'un gouvernement mondial.

D'autant que nous pouvons remarquer une autre tendance

: celle du particularisme exacerbé, de l'ethnicisme, du séparatisme.

Regardons les affrontements inter-ethniques en Afrique, les luttes

entre castes en Asie. Pensons plus près de nous aux ravages de la

guerre dans les Républiques de l'ex-Yougoslavie. Sans oublier, bien

sûr, les problèmes du Liban ou les affrontements entre communautés

aux États-Unis.

Or qu'est-ce que tout cela révèle ? Tout simplement que le

monde est pris dans une tension entre la mondialisation et le particularisme.

L'utopie rattrapée par l'histoire et la réalité. L'Europe ellemême,

je veux dire l'Europe de la Communauté européenne est prise

dans cette tension, insoutenable à long terme. Elle vise à l'union mais

par la disparition des nations. À la place, elle prévoit l’établissement

de régions qui dépendront entièrement du pouvoir central bruxellois.

En 1992, le ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne a ainsi

présenté une carte d'Europe entièrement redécoupée en trois régions

économiques, plus ou moins autonomes, et qui avaient toutes pour

pivot central l'Allemagne. Au mépris de l'histoire, au mépris de la

réalité politique présente, la France et l'Italie étaient tout bonnement

découpées en deux.

Le monde, l'Europe se trouvent donc aujourd'hui pris entre

le particularisme exacerbé et le mondialisme, entre l'atome et le

gigantisme, entre la désagrégation et la fusion. À terme, c'est l'homme

qui risque de se replier sur lui-même en échappant à son besoin

d'universel. Tout autant il risque d’être écrasé en manquant à son

besoin d'enracinement. En tous les cas la tension entre les deux sera

intenable.

I1 faut donc une réforme politique. Totale. Elle ne sera pas

suffisante à elle seule, c'est entendu. Mais elle est incontournable car

la fonction du politique est bien d'assurer le bien commun temporel.

Et c'est ce qui est aujourd'hui dramatiquement en jeu.

La doctrine sociale de l'Église apporte pour sa part les

principes auxquels il faut revenir pour sortir de ce chaos : la primauté

du bien commun, le principe de l'autorité et le principe de subsidiarité.

Les trois termes sont inséparables.

II Le principe de subsidiarité

Pourquoi attacher aujourd'hui tant d'importance au principe

de subsidiarité ? Pour deux raisons au moins, étant entendu qu'il y

en a beaucoup d'autres que je ne présenterai pas ici. La première de

ces raisons est tout simplement que correctement compris et appliqué,

ce principe de subsidiarité est d'une étonnante actualité. Plus

qu'hier, si c'est possible, il permet de résoudre cette tension que j’évoquais

tout de suite entre le gigantisme et l’atomisation. Je dis plus

qu'hier bien que ce principe corresponde tellement à la nature humaine

— c'est là son profond réalisme — qu'au fond il ne varie pas dans

le temps. Seules les circonstances varient et appellent le jugement du

gouvernant. Et les circonstances aujourd'hui rendent le principe de

subsidiarité d'une grande urgence.

La deuxième raison vient de ce que l'Église au XXème

siècle a insisté de façon de plus en plus pressante sur la nécessité de

recourir au principe de subsidiarité comme règle de vie sociale. Ce

n'est pas l'Église qui a inventé le principe de subsidiarité. Il est, en

quelque sorte, inscrit dans la nature humaine. Subsidiarité comme

vous le savez vient de subsidium, qui veut dire aide. Il est important

de recourir ici à l’étymologie car beaucoup — et parfois de bonne foi

— pensent substitution plutôt qu'aide. Or il s'agit de tout le contraire.

Il s'agit de substituer le moins possible mais, par une aide appropriée,

si elle est nécessaire, d’éduquer à la responsabilité. C'est en cela que

l'on peut dire que ce principe — au nom barbare, je vous l'accorde,

intraduisible dans certaines langues, le danois par exemple — découle

de la nature humaine. La mère aide son enfant à manger mais dans

le but de l'aider à acquérir la faculté de manger seul. Autrement dit

que l'enfant acquiert la responsabilité de lui-même pour cette fonction

importante de la nutrition.

Là aussi un peu d’étymologie peut nous aider à comprendre

ce que nous voulons dire. Responsable vient de respondeo, répondre.

Être responsable, c'est avoir la capacité, le pouvoir, de répondre

de ses actes, d'expliquer, de justifier pourquoi nous avons posé tel

acte, décidé telle chose. À un degré supérieur, c'est la qualité éminente

du chef, de l'autorité, des élites. Nous nous approchons par là

du lien entre subsidiarité et élites.

Venu de l’expérience humaine, le principe de subsidiarité

a été en quelque sorte formulé scientifiquement par l'Église. Cette

définition, reprise depuis lors mais avec une portée toujours agrandie,

se trouve dans Quadragesimo anno de Pie XI, paragraphes 86 ou 87.

On peut résumer ce principe en trois points :

1°) premier point : laisser les personnes responsables agir

par elles-mêmes si elles en ont les capacités. Autrement dit respecter

leur faculté d'initiative, le fait qu'elles soient cause responsable de

leurs actes;

2°) deuxième point: faciliter, aider les personnes responsables

pour leur permettre, si elles n'en ont pas encore les capacités,

d’assumer pleinement ces responsabilités ;

3°) enfin troisième point, si, pour un temps, ces personnes

s’avèrent vraiment incapables d'assumer ces responsabilités, on va

suppléer, faire à leur place mais dans l’idée de tout faire pour les former

afin qu'elles agissent un jour par elles-mêmes.

Vrai pour les personnes, ce schéma s'applique également

aux communautés de toutes tailles. On peut résumer encore ce principe

en trois mots : respecter, aider, suppléer. Le tout orienté en direction

de l’éducation à la responsabilité.

J'ai donné tout de suite un sens actif au mot responsable.

Mais il y a aussi un sens passif. On est responsable quand on subit les

conséquences. Prenons l'exemple de l’éducation des enfants. Qui est

responsable ? Les parents ? L’école ? L'État ? Vous savez ce que

répondent les idéologies. Mais la réalité ? La question à poser est

celle-ci: qui supporte, avant tout, en premier, au plan moral comme

au plan matériel les conséquences d'une mauvaise éducation ? Qui,

sinon les parents ? Les premiers, les parents récoltent les fruits de l’éducation

donnée à la maison, poursuivie à l’école ou dans les mouvements

de jeunesse. Les parents, avant même les enfants euxmêmes,

qui ne sont pas cause responsable de leurs actes, sont comptables

de l’éducation. Sur la terre comme au Ciel. Certes, si les

enfants volent ou agressent d'autres personnes, la responsabilité de

l'État, dans ses fonctions de police, rentre alors en jeu. Oui, mais ce

n'est pas de l'enfant en tant que sujet d’éducation dont l’État est

responsable. C'est de la sécurité des citoyens. Et, à ce titre, l'État va

se tourner vers les parents pour qu'ils payent et réparent.

Appliqué au problème scolaire tel que nous l'avons en

France, quel est le pouvoir des parents en matière d’éducation ?

L'Éducation nationale, en France, se charge de tout. Son ingérence

totale annihile les pouvoirs des véritables et premiers responsables.

Le nœud géométrique du problème du principe de subsidiarité, du

problème politique se trouve justement là : dans cette confiscation du

pouvoir de ceux qui ont pourtant les responsabilités et l'autorité naturelle.

Nous assistons depuis 1789 à la confiscation des pouvoirs des

responsables naturels par des officines, par des idéologues, par des

classes et des partis fabriqués artificiellement, par des élites nouvelles

qui n’étant plus confrontées aux conséquences de leurs décisions

entretiennent et aggravent une situation déjà dramatique.

Propos réactionnaire ? Le très sérieux et tout aussi peu

réactionnaire quotidien du soir français, Le Monde, dans son édition

du 9 septembre, sous le titre La France malade de ses élites ? remarquait,

à propos de l’élite sortie de l'Ecole Nationale d'Administration

(ENA) : «ce mélange de formation généraliste et de pseudo-expertise

sans débat ni recours au terrain semble toucher ses limites». «Sans

recours au terrain», c'est-à-dire sans l’expérience véhiculée par

l'exercice de véritables responsabilités sociales et politiques. Le

Monde le constate bien d'ailleurs : «de jeunes bêtes à concours sont

sélectionnées et formatées par le système scolaire pour être propulsées

ensuite sans expérience professionnelle à des postes de décisions.

» Pardonnez-moi de m'appuyer, une fois n'est pas coutume je

vous assure, sur ce dossier du Monde. Car le journal de référence de

la République laïque française va plus loin. Il enfonce le clou : « il

existe en France une élite dirigeante qui ne connaît pas la sanction de

l’échec ». Ce que Le Monde en bon français appelle « l'absence de

responsabilité».

Nous nous trouvons en France dans une situation où —

c'est une image — le pouvoir tient le marteau et les vrais responsables

le clou. Quand la même personne possède à la fois le pouvoir —

le marteau — et la responsabilité — le clou — habituellement cela

fonctionne bien. Quand ce n'est pas le cas, il y a matière à enseignement.

On corrige parce qu'on subit alors directement les conséquences

de ses actes. La grande leçon du principe de subsidiarité réside là

: laisser aux gens le marteau et le clou, autrement dit laisser aux

responsables le pouvoir. Car nous entrevoyons très bien quelles peuvent

être les réactions lorsque les deux sont dissociés. Si je tiens le

marteau et que vous tenez le clou, vous ne jouerez pas longtemps

avec moi à ce petit jeu-là. Car la peur vient très vite. La peur et le

repli sur soi. S'installe alors le règne de la déresponsabilisation. Et

quand arrive un problème, on ouvre le parapluie. Pour se protéger. Ce

n'est pas moi, c'est lui.

Au niveau de la société, les responsabilités, les domaines

de compétence qui devraient être du ressort des communautés intermédiaires

sont rejetés sur l'État. Conclusion logique, l'État doit tout

prendre en charge. Et quand l'État se défausse à son tour, parce que

cette déresponsabilisation est installée institutionnellement, alors on

abandonne les responsabilités du pouvoir à une super technostructure

qui s'appelle l'Europe de Maastricht ou l'ONU. En terme politique,

c'est un abandon de souveraineté et l'application du principe de subsidiarité.

Mais à l'envers.

III Les élites

Et l’élite dans tout cela ? Nous avons tendance à confondre

élite et aristocratie. À cela, rien de plus normal. Si l'on entend le

terme aristocratie — non pas au sens strict de gouvernement des

meilleurs — mais au sens plus élargi, de composante du meilleur

régime présenté par saint Thomas d'Aquin dans la Somme théologique

(I-II, Q105, 1), il est normal que nous établissions cette parenté

entre élite et aristocratie. Mais la situation d'aujourd'hui est loin de

nous plonger dans ce cas. L'article du Monde que je citais tout à

l'heure le montre bien. Il nous faut donc distinguer entre élite et aristocratie,

ou plus simplement entre véritables élites et fausses élites.

Le portrait de cette dernière nous l'avons en quelque sorte dressé il y

a un instant. N'ayant pas les conséquences de ces décisions, en raison

de la dissociation du couple pouvoir-responsabilité, cette fausse élite

voit s'ouvrir devant elle un vaste champ de turpitudes : fausses factu-

res, délit d'initié, prébendes, pressions en tout genre, etc… L’actualité

récente est suffisamment éloquente à ce sujet.

Quel sera alors le rôle d'une véritable élite, des véritables

élites ? Et d'abord peuvent-elles encore exister ? Recourons une fois

encore au sens des mots. Le mot élite vient d’élire. Rien qui à première

vue nous conduise au sens actuellement entendu du terme : les

meilleurs, les plus compétents. Le regretté Marcel de Corte l'a très

bien expliqué : «toute élection implique désignation à une dignité, à

une fonction par un choix. L’élite suppose donc l'approbation d'autrui,

entendue non pas au sens de suffrage universel ou d’élection

démocratique, mais au sens d'estime plus ou moins diffuse dans un

groupe, sans le moindre caractère artificiel de propagande, avec une

sorte de reconnaissance naturelle et spontanée de ceux qui sont “les

meilleurs” dans ce groupe» (in L’Homme contre lui-même, NEL

1962, page 108). Autrement dit, l’élection dont il s'agit, le choix qui

s’opère quand il s'agit de l’élite vient de la reconnaissance de la compétence.

Ce n'est pas d'abord la fonction qui fait l’élite. Le Monde le

reconnaît lui-même aujourd'hui. C'est la compétence qui conduit à la

fonction. Ou plus exactement c'est la compétence, le savoir-faire, les

services rendus qui donnent l'autorité absolument nécessaire au rôle

de l’élite.

Nous ne sommes pas ici dans le seul registre subjectif du

dévouement, du désir même de servir bien qu'il faille son existence

au point de départ. Nous sommes dans le registre de l'autorité réelle

née de la reconnaissance objective, par les faits, du service rendu, de

la compétence apportée. Un médecin n'est pas un grand médecin

parce qu'il désire se dévouer corps et âme aux malades. Un médecin

est grand parce qu'il s'est dévoué corps et âme aux malades, avec une

réelle compétence et une véritable efficacité. Autrement dit parce

qu'il a associé de manière éminente les pouvoirs (de soigner) que lui

conférait sa responsabilité (de médecin). Un maire d'une commune

est un véritable homme politique parce que ses choix en vue du bien

commun de sa cité conduisent effectivement au mieux vivre en commun

des habitants de la cité et non pas simplement parce qu'il désire

atteindre le bien commun. Et cela nous amène à un deuxième caractère

de l’élite. Car si la compétence conduit à la fonction, à l'autorité

naturelle, celle-ci donne à l’élite un caractère social, une signification

sociale. «L’élite explique Marcel de Corte émane d'une communauté

dont elle partage le destin avec plus de vigueur et de lucidité que les

autres». Cette vigueur et cette lucidité tiennent inévitablement,

quoique pas seulement, à une capacité très grande d'assumer des

responsabilités sociales et politiques au sein des communautés dans

lesquelles sont plongés ceux qui constituent l’élite. L’élite véritable

est au service du bien commun. Et ce service dicte ses devoirs.

Au plan social et politique qui est le nôtre, le rôle d'une

élite sociale et politique est donc de créer les «conditions publiques

normales et stables telles qu'aux individus aussi bien qu'aux familles

il ne soit pas difficile de mener une vie digne, régulière, heureuse

selon la loi de Dieu» C'est là une définition du bien commun donnée

par le pape Pie XII le 8 janvier 1947. Plus prosaïquement on peut

définir le rôle de l’élite comme devant créer les conditions qui permettront

au plus grand nombre d'avoir intérêt à bien faire ou à faire

le bien. Cela revient finalement à exiger le principe de subsidiarité en

règle de vie sociale. Si l'on reprend l'image du clou et du marteau utilisée

tout à l'heure pour résumer en quelque sorte ce principe, nous

voyons fort bien que lorsque nous avons le clou et le marteau nous

avons intérêt à bien faire. À bien faire quoi ? Ce qui est de notre

devoir, de nos responsabilités. Tout le rôle du politique, tout le rôle

politique des élites consistera donc à créer dans les communautés

dont ils ont la charge les conditions pour que les personnes aient intérêt,

c'est-à-dire le pouvoir, à bien faire leurs devoirs. Dans Retour au

réel Gustave Thibon écrivait déjà : « les hommes ont perdu le sens du

devoir, gémit-on devant la profonde incurie de tant de membres de la

société moderne. Cet état de chose soulève une question essentielle :

ces hommes qui ne font pas leurs devoirs ont-ils vraiment intérêt à le

faire ? Ayons le courage de l'avouer : tant que nous n'aurons pas construit

un ordre social où l'individu se trouve soudé à sa fonction par un

système de récompenses et de sanctions immédiates et personnelles,

il ne faudra pas nous étonner des éclipses du sens moral». Et Thibon

de conclure :«C’est précisément dans une époque comme le Moyen

Âge où, depuis le prince jusqu'au dernier artisan, l’intérêt des hommes

faisait le plus intimement corps avec leurs devoirs, qu'on a vu

fleurir, dans tous les milieux le plus de héros et de saints»

(Lardanchet, 1943, pages 162 à 166). Autrement dit une véritable

élite.

IV Conclusion

Pour conclure revenons au principe de subsidiarité. On

peut lui attribuer deux portées significatives : une négative, l'autre

positive, de deux façons. De manière négative, ce principe limite

dans une certaine mesure l'intervention de l'État ou de tout groupement

supérieur par rapport aux communautés intermédiaires ou inférieures.

De façon positive, le principe de subsidiarité donne, en

revanche, la mesure d’après laquelle l'intervention de l'État ou d'une

communauté hiérarchiquement placée au-dessus d'une autre est possible.

Mais tout aussi fondamentalement, ce principe a valeur directive

pour l'ensemble de la vie sociale à tous les niveaux : famille, école,

entreprise, etc…

Le rôle des élites doit éminemment tenir compte de cet

aspect des choses.

a) Elles doivent réactiver l'ensemble du corps social. Mais

non pas de façon arbitraire ou idéologique. Mais parce qu'elles sont

membres, de façons diverses, des communautés qui forment ce corps

social. Le père de famille doit créer les conditions où les membres de

sa famille auront intérêt à bien faire ; le chef d'entreprise doit créer

les conditions pour que les cadres, employés, ouvriers aient intérêt à

bien accomplir leur tâche, le chef de la commune, le bourgmestre

pareillement, etc.

b) Les élites doivent, d'une manière plus urgente aujourd'-

hui qu'hier limiter l'extension du rôle de l'État ou de toute technostructure

européenne ou mondialiste qui viserait à confisquer tout

espace de liberté, c'est-à-dire finalement tout exercice du pouvoir et

de la responsabilité correctement associés.

Cette élite politique et sociale, ne l'attendons pas du ciel.

Pas seulement du moins. Elle doit naître de nos efforts, de notre travail,

de notre abnégation au service du bien commun. Il faut la former

dans des cellules d’études, spéculatives et pratiques. Il faut qu'elle

rayonne autour d'elle afin de redonner courage, confiance au plus

grand nombre si souvent désemparé. Elle pourra ainsi exercer une

influence bénéfique et réelle qui découlera non pas de l'application de

techniques et de trucs mais de la fécondité de l'autorité naturelle

qu'elle aura acquise et de la diffusion de la vérité qu'elle entretiendra

par capillarité. Ces élites doivent enfin se connaître, établir des

contacts, par réseaux afin d'exploiter au maximum les mille et une

possibilités qui lui sont offertes quotidiennement. Ainsi elles pourront

espérer voir un jour couronner leurs efforts par le rétablissement

du Règne social du Christ, règne très doux, règne de paix, cette tranquillité

de l'ordre à laquelle nous aspirons tous pour remplir nos

devoirs d’état et le premier de tous : « louer, honorer et servir Notre

Seigneur ».

Philippe Maxence

Directeur délégué du mensuel catholique La Nef.

Note:

Né en 1965, marié et père de quatre enfants, Philippe

Maxence a suivi des études de philosophie thomiste. Il est diplômé de

la Faculté libre de philosophie comparée (FLPC) et du Centre de perfectionnement

des journalistes de Paris (CPJ). Il a collaboré à La

Presse française – -Le Nouvel Hebdo, à L'Homme nouveau, au

réseau radiophonique catholique Radio Espérance et il collabore à

l'Action familiale et scolaire. Après avoir été responsable de l'information

de Radio Espérance, il est aujourd'hui directeur délégué de La

Nef.

La pénétration maçonnique

dans la société chrétienne

Étienne Couvert

Le problème qui se posa d'abord aux révolutionnaires pour

détruire la Société chrétienne fut celui-ci :

Comment pénétrer dans cette société et peu à peu en

détruire les structures politiques et sociales, puis les convictions religieuses

?

Il fallait donc d'abord séduire l'opinion catholique en lui

faisant absorber des principes destructeurs présentés comme des

idées nourricières. Il fallait ensuite écarter la méfiance ou l’hostilité

des autorités politiques et religieuses (rois et pape) d'où la politique

du secret et le respect au moins apparent des convictions chrétiennes.

Il fallait patiemment substituer sans jamais le dire une pensée gauchie

par des falsifications successives, progressives mais insensibles, à la

pensée chrétienne ; il fallait une tolérance officielle des loges en organisant

un recrutement initial, défectueux, parce qu'imprégné de mentalité

chrétienne, mais déjà apte à recevoir quelques germes nouveaux.

Ainsi la Constitution maçonnique d’Andersen affirme les

principes qu'elle veut détruire, mais elle prépare les déformations.

Elle proclame l'existence de Dieu, le respect de la religion, mais elle

se déclare philosophique et progressive. Elle affirme que son but est

“la recherche de la vérité et la liberté de conscience” ; contradiction

énorme: comment rechercher la vérité, si l'on doit respecter toutes les

religions ? Comment garder sa liberté de conscience, si l'on doit professer

l'existence de Dieu ? On commence à préparer les “vagues

d'assaut successives contre l'Église Catholique“. La tolérance ne peut

se combiner avec le respect de toutes les religions, puisque certaines

sont intolérantes. La recherche de la vérité suppose la suppression de

tous les dogmes religieux, puisqu'ils sont immuables et qu'ils sont

déjà une vérité acquise. Les Papes condamnent-ils la F.M.? Ils manifestent

par là leur intolérance et leur attitude provocante.

La F.M. avait préparé aussi l'aveuglement des pouvoirs

politiques. Il lui fallait se donner une façade plaisante, mondaine pour

détourner toute méfiance et obtenir l'autorisation d'exister, condition

absolument nécessaire pour agir efficacement sur une population profondément

chrétienne, dont l'éducation religieuse avait depuis des

siècles imprégné l'âme.

1)- La F. M. est une Société d'Éducation

Révolutionnaire.

Il n’était pas possible pour les dirigeants, de donner directement

des ordres et d'exiger l'obéissance sans se dévoiler et se rendre

vulnérables. Il fallait donc procéder autrement.

Parmi le tout venant des adhérents aux loges, il fallait opérer

une sélection : les hommes honnêtes et paisibles s'éliminent peu à

peu : soit dégoût des rites bizarres ou stupides, soit indifférence : la

porte de sortie est largement ouverte. Il suffisait d’écouter un enseignement

plus inquiétant pour obtenir le dé part des initiés restés relativement

honnêtes : c'est une première forme d’épuration, lorsque la

F. M. prépare une action plus fortement révolutionnaire. Les départs

sont compensés par des nouvelles recrues. Restent les ambitieux, les

mécontents. Il suffit de renforcer un enseignement plus “philosophique,

progressif et éclairé”.

-- Il reste à les convaincre qu'ils travaillent en vue du progrès

de l'humanité, qu'ils sont les champions d'un ordre nouveau,

enfin libérés des vieilles vertus routinières.

Les dirigeants maçonniques utilisent deux méthodes

remarquables pour obtenir cette éducation révolutionnaire :

a) La double hiérarchie : une hiérarchie administrative

officielle qui maintient un appareil institutionnel relativement anodin,

et une hiérarchie secrète : celle des hauts grades dans laquelle les

initiés ne sont pas élus par la base, mais cooptés par les grades supérieurs.

Les grades administratifs élus sont renouvelés annuellement et

démocratiquement : ils sont l'image même de nos gouvernements

modernes. Les hauts grades sont obtenus par une sélection rigoureuse

des plus convaincus et sont conférés à vie.

b) Les “cercles intérieurs” où se pratique 1a dynamique de

groupe. Par atelier, un petit nombre d'adhérents, environ une vingtaine

; circulation libre et fréquente des hauts gradés au cours des tenues

d'ateliers, qui se déroulent toujours selon un rit à caractère religieux

pour imposer même aux sceptiques une certaine crainte respectueu-

se. Or, avant la tenue d'un atelier, les hauts gradés se sont réunis entre

eux ; ils ont mis au point la direction des débats, les idées dominantes

à faire pénétrer dans les esprits et à faire adopter. Ils se retrouvent

à deux ou trois, parmi la masse des frères non initiés ; ils n'ont pas

d'ordre ou de consigne à donner. Ils suggèrent, ils proposent les formules

et les décisions. Les autres frères, non initiés aux grades supérieurs,

croient être eux-mêmes spontanément venus aux décisions

qu'ils prennent alors. C'est la dynamique de groupe.

Voici, quelles sont les idées essentielles qui resteront dans

les esprits des simples frères ; la FM est sacrée, son origine se perd

dans la nuit des temps. Son symbolisme est obscur, équivoque, mais

la légende d’Hiram permet de renverser le sens de la Bible : Caïn

odieusement calomnié, victime de la jalousie d'Abel, ancêtre de tous

les grands inventeurs de l'histoire, père de la “Civilisation, du Progrès

et des Lumières”,

La tolérance est la grande vertu du frère initié : On a même

supprimé le G.A.D.L.U pour ne pas blesser la conscience de ceux qui

ne croient pas à l'existence de Dieu. “Parmi toutes les opinions qui se

heurtent, le frère peut défendre les unes, mais doit accepter le voisinage

des autres et les respecter.

Cette tolérance est prêchée avec fanatisme, les frères

modérés sont dénoncés pour leur mollesse devant l'Intolérance, pour

leur manque d'ardeur à prêcher la Tolérance. Ainsi les hommes les

plus doux vont petit à petit devenir fanatiques ; cette idée de

Tolérance doit être une arme sans cesse tournée contre l'Église intolérante.

On respecte le chrétien “sincère”, le chrétien “éclairé”, on

fustige le chrétien fermé sur son dogme, incapable d'ouvrir son esprit

aux “lumières” de la nouvelle société, ! ’intégriste en somme. Donc

l’ennemi à abattre. Et voici que le frère est prêt à passer l'action. Son

éducation révolutionnaire est quasiment achevée.

2) La F. M. est une Ecole de préparation à

l'Action.

Après cinquante ans de cette éducation, il faut passer à

l'action. En effet, au cours d'une première génération d'initiés, une

sélection remarquable a pu être opérée. À la génération suivante, la

plupart des initiés sont enfin assez préparés à la ''haine“ de la civilisation

chrétienne et de la Foi catholique pour que l’on puisse espérer

une révolution avec quelque chance de succès et sans trop de remous,

de sursauts et d'oppositions à l'intérieur de la Société maçonnique.

Vient le jour J, celui de la Révolution. Les hommes sont

prêts. La F.M. a terminé son œuvre éducative. Elle se met “en sommeil”.

Elle échappe ainsi aux conséquences de l’Échec, s'il y en a.

Les frères constituent des Sociétés d’action révolutionnaire : les

Jacobins, les Théophilanthropes, la Charbonnerie, la Ligue de l’enseignement,

l'Hétairie grecque, les Fenians irlandais, les ''Jeunes

Turcs”. Restent des circulaires confidentielles, des influences individuelles

soigneusement couvertes pour rappeler aux frères hésitants ce

qu’on attend d’eux.

Au moment du passage à l'action révolutionnaire, une

multitude de frères ouvre les yeux : les principes inculqués aboutissaient

donc à cela, qu'on ne voulait pas. Ce sera la fuite des frères

désabusés. Resteront seulement les violents, les ambitieux. La dernière

épuration est achevée. La Révolution sera aux mains des

“purs“, les esprits complètement éclairés. Enfin, “l'Infâme” va être

abattu.

3) La F.M. est une Contre-Eglise camouflée

- Il existe dans les Hauts grades, celui de Rose-Croix le 18-

ème. L'initié qui a enfin passé ce grade est nécessairement prisonnier

de sa haine contre l'Église catholique.

Comment provoquer cette haine antireligieuse ? Faire pratiquer

à l'initié des gestes, prononcer des paroles devant témoins qui

puissent révolter tout homme honnête et de bonne foi. À ce moment,

l'initié est prisonnier de ce qu’il vient d'accomplir. Il est “tenu” par les

autres initiés, témoins définitifs de la profanation. Le rit d’initiation

au Grade de Rose-croix est une haineuse profanation de la Sainte

Messe. Il comprend un signe d'ordre dit du bon Pastcur : un mot de

passe “Emmanuel” auquel on répond “Pax Vobis”. Puis, se déroule la

“Cène” rosicrucienne : pain et vin sur la table.

Le Maître des Cérémonies déclare : “que ce pain nous

maintienne en force et en santé” puis “que ce vin, symbole de

l'Intelligence élève notre esprit. Puis“Prenez et mangez, donnez à

manger à celui qui a faim”. “Prenez et buvez, donnez à boire à celui

qui a soif“. Enfin : “Tout est consommé. Retirons-nous en paix“.

Le texte maçonnique dit :

Le Chevalier Rose-Croix est un apôtre. Son apostolat lui

commande de placer l’Amour de l'Humanité, poussé à l'extrême

sacrifice, en frontispice de l'Oeuvre qu'il poursuit… Un historique

même abrégé de ta Croix dont l'origine se perd dans la nuit des temps.

Le point crucial ainsi déterminé (par la Croix) est l'axe de la Roue

Universelle des Choses, engendrée par la Révolution de la Croix

autour du point d'intersection de ses branches, image de l'Évolution

du Grand Tout, lieu de rencontre des valeurs extrêmes ou opposées,

ce point crucial est aussi le Médiateur et il est assez curieux de remarquer

que le nom égyptien de ce Médiateur est “Kryst” qui signifie le

Possesseur du Secret, etc…”.

Après une pareille initiation et une telle profanation de la

Sainte Messe, on peut se représenter l'état d’esprit d'un évêque F.M.

célébrant l'office religieux. Ce pourrait être par exemple le F.M.

Talleyrand, pour ne pas citer quelques évêques ou cardinaux plus

récents.

Etienne Couvert

Les élites dans le domaine économique

Michel de Poncins

“Les premiers seront les derniers ; les derniers seront les

premiers”.

Tout le monde connaît, même ceux qui ne sont pas chrétiens,

cette phrase fameuse que le Verbe de DIEU nous a dite, il y a

un peu moins de deux mille ans environ.

L'on pourrait en conclure que notre congrès doit s'arrêter

dès maintenant car il serait inutile de parler des élites, puisque les

meilleurs sont destinés à la dernière place et que les moins bons sont

destinés à la première.

En particulier, cela pourrait conduire, sur le plan économique,

à une sorte de fatalisme et à l'inaction. Or, justement, c'est tout

le contraire ; comme beaucoup de pages de l'Évangile, celle-ci doit

stimuler notre réflexion.

Ceux qui se croient les premiers, justement, ne le sont pas

vraiment parce qu'ils se croient les premiers. Et ceux qui se pensent

les derniers peuvent être les premiers sans le savoir.

C'est un appel étonnant à l'humilité et, depuis deux mille

ans, ces appels à l'humilité n'ont cessé de retentir jusque et y compris

par celle que l'on appelle la petite Thérèse qui, du fond de sa préten-

due petitesse, est devenue, sans le savoir à l'avance et sans évidemment

le vouloir, la Française la plus célèbre des temps modernes.

Et l'humilité est si importante dans tout l'Évangile que l'on

pourrait énoncer que l'élite est composée de ceux qui font bien mais

ne le savent pas.

Les élites sont, bien évidemment, nécessaires. Elles reflètent,

en effet, l'inégalité et celle-ci, contrairement à la philosophie en

vogue depuis deux cents ans, est indispensable au progrès de l'humanité.

Il est même possible d'affirmer que les élites sont un des aspects

de la création : les hommes étant divers sont inégaux et de ces inégalités,

l'élite doit surgir. C'est du fait qu'elles sont inscrites dans l'ordre

naturel qu'elles sont utiles et nécessaires.

Dans le domaine économique, le sujet pourrait, au départ,

paraître facile, car la foule y désigne facilement l'élite qui est particulièrement

visible. Mais, justement, cela constitue, en fait, une difficulté

car les apparences peuvent être trompeuses comme nous

allons le voir et la véritable élite n'est pas forcément celle que l'on

croit.

Nous parlerons d'abord de ce que je propose de dénommer

les élites de deuxième niveau, qui pourraient n'être qu'apparentes, et,

ensuite, des élites de premier niveau qui sont, en fait, les véritables

élites.

Les élites de second niveau ou les élites

apparentes

Nous ne parlerons que d'une économie libre qui correspond

à l'ordre naturel créé par DIEU.

Les activités économiques étatiques reposant sur l'usage

de la force publique et sur les prélèvements fiscaux ne peuvent être

dans le champ de notre réflexion et je ne crois pas que de véritables

élites puissent s'y développer. Tout le monde s'étonne que dans les

pays de l'Est les anciens communistes apparaissent comme des sortes

de maffiosi ; mais l'on ne doit pas s'étonner. Les communistes ne

deviennent pas des maffiosi ; en fait, ils l'ont toujours été.

Simplement, ils ont changé de méthode dans leurs rapines et sont restés

tels qu'ils étaient. Tout au contraire, le fait nouveau à l'Est, est qu'il

y a des personnes qui peuvent gagner leur vie honnêtement et peutêtre,

à ce titre, créer une élite.

La France est soumise à un système socialiste qui s'est

aggravé depuis la dernière élection présidentielle ; cela veut dire qu'il

ne peut guère y exister des élites économiques dans une large fraction

de la population. Nul doute que les inspecteurs des finances qui ont

détruit les plus belles banques françaises ne peuvent être considérés

comme appartenant à l'élite.

Quelles sont les élites dans le domaine économique

?

Aux yeux de la foule, l'élite économique est facile à désigner.

Sera réputé membre de l'élite celui qui réussit d'une façon ou de

l'autre et comme la réussite est visible la prétendue élite l'est aussi.

Cela commence par celui qui a la chance de passer des

examens, ces derniers, surtout dans le contexte français, étant annonciateurs

de succès économiques. Il est facile pour les titulaires d'examens

de se croire appartenir à l'élite et de le faire savoir. Les examens

constituent, en effet, une sorte de passeport assurant, sans autres

efforts, le déroulement d'une carrière réussie dans les entreprises ;

mentionnons, cependant, une atténuation récente de ces perspectives,

sans que l'on sache si elles reviendront en force ultérieurement.

Il y a le phénomène bien connu de l'ENA (Ecole Nationale

d'Administration). Les titulaires de cet examen ont pu tellement saisir

la totalité du pouvoir que même les plus malins ou les plus vertueux

d'entre eux auraient du mal à ne pas se considérer comme l'élite

; je dirais, même, qu'un énarque qui, par pure distraction, ne se

considérerait pas comme tel serait, en quelque sorte en faute, vis-àvis

de ses camarades et affaiblirait le système dont il tire tout son

pouvoir et toute sa richesse.

Indépendamment des examens, d'autres occasions apparaissent

pour entrer dans l'élite. La réussite professionnelle, la création

d'une belle entreprise, une découverte intéressante : voilà une

foule de circonstances où l'heureux bénéficiaire peut réellement penser

faire partie de l'élite.

Mais il peut aussi s'ajouter l'augmentation des gains et

même la fortune, qui peuvent accompagner les autres critères. Il est

logique, que dans une économie libre, les personnes qui réussissent

bénéficient d'un confort matériel accru. Qu'un Bill Gates qui rend service

à des milliards de personnes accumule de ce fait une fortune

incroyable est parfaitement légitime et de même pour d'innombrables

enrichissements de moindre niveau.

Quand l'on ajoute plusieurs critères les uns aux autres

(examens, réussite professionnelle, fortune) comment ne pas penser

que l'on appartient à l'élite. Si l'on n'y pensait pas, d'autres vous y

feraient penser. Le pouvoir et la richesse attirent les courtisans et

ceux-ci renforcent le concert de louanges.

J'ai coutume de dire qu'un imbécile qui est en même temps

pauvre sera toujours un imbécile. Un imbécile qui est riche sera tout

simplement un riche et plus du tout un imbécile.

Cette tentation de confondre, sans autre réflexion, le résultat

d'une sélection avec l'élite est d'autant plus forte dans le domaine

économique que le simple accomplissement du devoir d'état pousse à

chercher le succès. Quoi de plus naturel pour un commerçant que

d'essayer de rendre service honnêtement à des clients et à des clients

de plus en plus nombreux. Quoi de plus naturel pour un cadre que de

désirer rendre des services plus importants et valorisants dans une

fonction plus élevée. Quoi de plus naturel pour un patron que de

développer son entreprise à la satisfaction de ses actionnaires, des

clients, du personnel. Quoi de plus naturel pour les uns et les autres

que de voir leurs revenus s'améliorer et, s'ils ont le sens de l'épargne,

leur fortune s'accroître.

Au stade actuel, considérons que ceux qui se dégagent,

ainsi, du lot commun forment l'élite au sens économique du terme.

La nécessité des élites

Il est évident que l'élite, ainsi décrite et désignée, est absolument

nécessaire. Elle correspond, d'abord, à la création, comme

rappelé il y a un instant : les hommes naissent inégaux, contrairement

aux prétentions de certains idéologues pressés d'imposer aux autres

une égalité irréelle, qu'ils s'empressent d'ailleurs de refuser pour eux

; en plus, ces inégaux creusent l'inégalité en tous sens pendant le

cours de leurs vies respectives.

Notre Président, Jean de Siebenthal, ne m'en voudra pas, je

l'espère, de citer son nom : il est né, sans doute, fortement inégal et a

dû creuser l'écart, puisqu'il connaît non seulement les mathématiques

modernes, mais aussi l'histoire des mathématiques, ce qui doit être

formidablement compliqué.

Les services que rend ou doit rendre cette élite, ainsi décrite,

sont immenses ; d'où sa nécessité.

Le premier service est l'exemplarité. C'est le service essentiel

de toute élite dans quelque domaine que ce soit.

Mais il y en a bien d'autres.

Les instruits diffusent leur instruction vers les autres.

Beaucoup de progrès agricoles ont résulté de l'impulsion donnée par

des membres de l'élite. Louis XVI sut saisir l'importance de la

pomme de terre pour nourrir les gens dans une période où la famine

rôdait : il décida d'en consommer lui-même publiquement pour inciter

les autres à le faire.

Les riches épargnent, investissent, dépensent et créent.

L'idée que pour qu'il y ait moins de pauvres, il faut plus de riches est

vraie, au-delà de sa formulation abrupte. L'Ambassadeur de Venise,

bon observateur de la révolution, remarquait, parmi les diverses catastrophes

de cette époque, que la destruction des richesses avait jeté à

la rue des millions d'artisans.

Plus près de nous, d'innombrables industries ont commencé

par les riches : l'aviation, les ordinateurs personnels, l'automobile.

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, encore elle et bien que l'économie

ne soit pas son fort, nous donne un renseignement intéressant ; elle

écrit que, dans la ville de Lisieux, les riches avaient des ascenseurs ;

sans ces riches, jamais cette industrie des ascenseurs ne se serait

développée avec ses multiples implications.

Sans les riches, aucun des progrès techniques que nous

connaissons n'aurait eu lieu et les pauvres auraient faim.

Et ne nous trompons pas ; chacun est riche de quelque

chose et il est légitime de chercher à améliorer son sort. Si l'on ne

cherchait pas à améliorer son sort c'est-à-dire à s'enrichir, la terre ne

serait pas cultivée, les progrès techniques n'auraient pas eu lieu et

nous nous nourririons de racines.

Le formidable aménagement du jardin que DIEU nous

offre vient du fait que les hommes courent toujours après les biens

matériels.

Les dangers

Cependant à limiter la sélection de l'élite au succès économique

et à ce qui y mène, nous risquons de mutiler la notion même

d'élite. Et pour bien le comprendre, nous allons voir un certain nombre

de dangers qui menacent cette élite que nous avons évoquée et

peut la rendre simplement “apparente”.

L'orgueil est une première tentation. La tentation de l'orgueil

détruit l'élite. Le succès, dans n'importe quel domaine, est d'autant

plus difficile à gérer que, dans l’action, la simple fierté de soimême

est un adjuvant parfois précieux. Un des petits génies de l’informatique

aux USA a écrit un livre où il dit que seuls les “parano”

survivent. Il est de fait que certaines grandes réalisations n'auraient

jamais vu le jour sans une bonne dose d'inconscience et d'orgueil.

L'orgueil est le péché de Satan ; il conduit à la perversion

de l'intelligence, puisqu'il empêche de voir clair ; pervertissant l'intelligence,

il détruit l'œuvre de DIEU. Il y a une tour à Paris le long

du périphérique et cette tour est un hôtel ; le créateur s'est suicidé en

se jetant de la tour pendant la réception qui célébrait le rachat par un

concurrent. Or le rachat était la seule conclusion logique d'une difficulté

financière et le racheté n'était pas vraiment maltraité.

Mais l'acheteur était tellement odieux pour tout le monde

par son orgueil que les nerfs du racheté, lui-même, probablement formidablement

orgueilleux, n'avaient pas résisté. L'histoire est assez

morale puisque l'acheteur, à force d'être odieux, a fini par être lui

même chassé de sa propre entreprise.

La tentation du matérialisme est, aussi, omniprésente. Le

champ économique a précisément pour objet tout ce qui se rapporte

aux commodités de la vie ; or, du succès personnel à l'amour exclusif

et acharné de l'argent, le chemin est court.

Tout le monde connaît l'exemple du jeune homme riche.

Ce jeune homme dont l'image a traversé les siècles était honnête dans

ses transactions puisqu'il respectait les commandements ; il payait

certainement correctement ses caravaniers et il voyageait entre ses

entrepôts avec le respect de tous et, pourtant, le Seigneur lui dit qu'il

lui manquait l'essentiel.

Les biens de ce monde, comme l'on sait, ne devraient être

que des instruments et non des objectifs. Instruments, ils doivent l'être

pour nous aider à faire notre salut et à aider les autres dans le

même sens.

Un autre danger est l'égoïsme. La nécessité impérieuse de

faire bien et si possible mieux, la difficulté de la concurrence, les

multiples dangers de la vie économique actuelle peuvent facilement

conduire à l'égoïsme. Et cet égoïsme trouve facilement des justifications:

il faut nourrir sa famille, il faut préparer son avenir, il faut protéger

l'entreprise.

Reconnaissons que le développement incroyable des techniques,

en offrant une palette d'actions sans limite, peut être créateur

d'égoïsme. Dans une économie rurale, l'on subissait le sort des éléments

n'ayant pas beaucoup de moyens nouveaux pour réagir, si ce

n'est la poursuite au mieux des méthodes ancestrales. Si la récolte

était mauvaise, tant pis et tant mieux, si elle était bonne : l'on était

égaux devant cette fatalité. Dans le monde d'aujourd'hui les possibi-

lités de réagir sont innombrables, d'où cette impression de course qui

peut conduire à s'échapper tout seul en larguant les autres.

Et l’égoïsme mène au manque de charité. Le meilleur, au

sens humain du terme, se croit l'élite et se pense autorisé à écraser les

autres de sa supériorité.

Enfin, la tentation du vol.

Dans le monde socialiste, le vol est organisé institutionnellement.

On y est tellement habitué que plus personne n'y pense et

la plupart volent sans le savoir ou sans y penser. Je suis un usager

régulier du métro ; le métro étant subventionné, chaque fois que je

prends le métro, je vole quelqu'un ; dois-je, pour autant, aller à pied

?

Dans une économie libre, le vol n'est pas de fondation ni

organisé par l'État. Quand il se produit, il est volontaire. Mais la tentation

est forte, car justement le matérialisme et l’égoïsme y trouvent

leur compte. En France, le fait que la justice connaisse un certain

réveil met au jour des pratiques très anciennes au niveau des sociétés

et qui sont des vols purs et simples. L'intervention de la justice a,

d'ailleurs, pour effet justement, de les raréfier.

Mais l'on retrouve ici le socialisme. Ce dernier a développé

dans le monde entier la corruption et celle-ci a débordé dans le

domaine privé. Le problème est si vaste qu'une autre conférence

serait nécessaire à ce sujet. Un ami architecte me dit qu'en France l'on

ne peut gérer un cabinet, surtout un grand, sans corrompre non seulement

les services publics, mais aussi, par osmose, les services privés.

La gangrène s'étend.

Il est certain que celui qui succombe à l'un ou l'autre de ces

dangers n'appartient plus à la vraie élite. Certes, il continue apparemment

à être rangé dans la catégorie et à rendre des services mais

globalement il détruit les services rendus par ailleurs.

Dans ce cas, il est évident que le service de l’exemplarité

n'est plus rendu du tout et devient même négatif.

Les élites de premier niveau ou les vraies

élites

Cela nous conduit aux élites de premier niveau qui sont les

vraies élites.

J'aurais tendance à dire que la véritable élite dans le

domaine économique est celle qui au succès nécessaire joint la pratique

des vertus.

Je n'hésite pas à employer ce terme que, malheureusement,

l'on a démonétisé en quelque sorte. La vertu c'est bien de se conformer

à la volonté de DIEU en toutes choses et les vertus ce sont divers

moyens d'y parvenir.

Et ce qui est frappant, c'est que, finalement, la pratique des

vertus ne nuit pas au succès bien au contraire. J'oserais dire que les

vertus sont un bon placement, mais encore faut-il les pratiquer sincèrement

et non par intérêt.

L'Évangile, que nous retrouvons ici, n'a pas pour objectif

de donner des conseils de management et, pourtant, il se trouve qu'il

en contient. Par exemple, quand après une parabole, le Christ ajoute

:

“Celui qui est digne de confiance dans une toute petite

affaire est digne de confiance dans une grande. Celui qui est trompeur

dans une petite affaire est trompeur dans une grande. Si vous n'avez

pas été digne de confiance avec l'argent trompeur, qui vous confiera

le bien véritable?“.

Dans ce court texte, nous trouvons, à la fois, l'honnêteté

dans les transactions, la loyauté dans les affaires et le mépris des

biens de ce monde.

De son côté, Saint Paul écrit à Philémon, à propos de l'esclave

Onésime :

“Je l'aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu'il me

rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l'É-

vangile. Mais je n'ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu

accomplisses librement ce qui est bien, sans y être plus ou moins

forcé”.

Quel bon conseil pour inviter le nouveau converti à agir

au-delà de ce que pouvaient lui autoriser les règles économiques couramment

admises à l'époque.

La première vertu est l'honnêteté. L’honnêteté s'exerce

dans les paroles, les actes, les contrats. C'est le contraire du vol dont

je parlais à l'instant. Il se trouve d'autre part que c'est un excellent placement,

mais ce n'est pas facile en toutes occasions.

Saint Paul, encore lui, écrit :

“Mes frères, je me servirai de l'exemple d'une chose

humaine et ordinaire. Lorsqu'un homme a fait un contrat en bonne

forme, personne ne peut le casser, ni y ajouter. Or les promesses de

Dieu ont été faites à Abraham et à celui qui devait naître de lui.”

Une autre vertu dans le domaine économique est la franchise.

La franchise est, finalement, un bon placement aussi. Être

franc en affaire est le meilleur moyen d'être cru et d'avoir du crédit.

Le menteur est vite connu et démasqué.

Et, enfin, bien que j'en oublie peut-être, il y a la charité.

C'est probablement la plus difficile dans le domaine des relations

économiques.

Arrêtons -nous un instant sur un exemple parmi beaucoup

d’autres : la poursuite des débiteurs défaillants. Un particulier se

trouvant devant un locataire défaillant peut choisir l'indulgence, car il

est libre de ses intérêts. Un chef d'entreprise propriétaire de son affaire

peut aussi choisir de ne pas “exécuter” tel débiteur par simple

bonté, mais, déjà à ce stade, ce n'est pas simple. Un cadre de banque

peut-il faire de même ? C'est probablement dans la majorité des cas

impossible et non souhaitable.

L'exemple des catholiques sociaux au XIXème siècle est

intéressant. Beaucoup de patrons catholiques ont sacrifié de leur fortune

pour aider les autres et particulièrement leurs ouvriers dans des

circonstances difficiles ; ils étaient incontestablement de l'élite et ils

ont rendu de grands services. Mais là aussi il peut y avoir des limites.

J'ai connu une entreprise qui a disparu corps et biens parce que le propriétaire

avait été imprudent sur le plan social. En fait, la générosité

du patron sur le plan social aurait été gérable, mais elle avait eu des

effets indirects qu'il n'avait pas perçus : il s'était produit un laisser

aller général.

Certes, quand on évoque les limites économiques de la

bonté, l'on pourrait objecter la parabole des travailleurs de la vigne et

du denier qui rémunère des travaux inégaux. Mais, il s'agit de la

bonté sans limite de DIEU. Rien n'est impossible à DIEU et il faut

penser que nous sommes limités pour ce qui nous concerne. C'est

l'une des raisons pour lesquelles l'État -Providence est naturellement

et totalement condamnable. Les S.D.F. qui traînent hélas dans Paris

sont les victimes directes de l'assistanat développé par les pouvoirs

socialistes depuis une trentaine d'années.

Pensons encore à une dernière vertu, la justice. Voici une

belle vertu, si difficile aussi à pratiquer.

Conclusion

Pour conclure, je dirais volontiers que la véritable élite

dans le domaine économique est celle qui, aux qualités proprement

humaines, sait ajouter tout le supplément que peut lui inspirer le service

unique et nécessaire de DIEU.

Cela conduit, au premier niveau, celui où l'on ne pense pas

à se servir mais à servir.

Je terminerai volontiers par deux citations.

Saint Thomas écrivait :

“La société civile ne saurait subsister sans une autorité,

dont le rôle est la poursuite du bien commun dans le respect du droit

et de la justice ;”

Et, dans l'Imitation de Jésus-Christ, je lis au chapitre XXII

:

“Celui qui a reçu davantage ne peut se glorifier de son

mérite, ni s'élever au-dessus des autres, ni insulter celui qui a moins

reçu ; car celui-là est le meilleur et le plus grand, qui s'attribue le

moins et qui rend grâces avec le plus de ferveur et d'humilité”.

Michel de PONCINS

Résumé

Les élites sont un des aspects de la création : les hommes

étant divers sont inégaux. C'est du fait qu'elles sont inscrites dans l'ordre

naturel qu'elles sont utiles et nécessaires.

Dans le domaine économique, il faut distinguer, d'abord,

l'élite de second niveau qui peut n'être qu'apparente. En fait, la réussite

en est le critère principal et la rend visible ; la réussite, ce peut

être les examens, le succès professionnel, la fortune. Il est évident

que l'élite ainsi décrite et désignée est absolument nécessaire.

Elle rend de grands services : exemplarité, diffusion du

savoir, diffusion de la richesse. Mais elle peut n'être qu’apparente ;

l'orgueil, le matérialisme, l’égoïsme, le vol et la corruption peuvent

rendre l'élite nocive et la détruire.

Les élites de premier niveau, qui sont les vraies élites, sont

celles qui au succès joignent la pratique des vertus : honnêteté, franchise,

charité, justice et d'autres.

Cela conduit, au meilleur niveau, celui où l'on ne pense

pas à se servir mais à servir.

Note

Michel de PONCINS

Diplômé de l'Institut d'Études Politiques de Paris et

Docteur d'État (Économie).

Michel de Poncins est économiste. Il écrit de nombreux

articles, des livres et fait des conférences. Il préside le jury du prix

Renaissance de l'économie.

Ayant fondé l'association “Catholiques pour les libertés

économiques” (C.L.E) (adresse : BP 247 16, 75 768 PARIS CEDEX

16), il en assure la présidence. C.L.E. se propose d'affirmer qu'il n'y

a pas de contradiction entre le catholicisme et les libertés économiques

et que, bien au contraire, l'un suppose les autres. L'association

organise des conférences avec des personnalités de haut niveau et

édite la LETTRE DE CLE, périodique dont l'audience est importante.

Elle prend, aussi, position officiellement par des communiqués sur

les problèmes de son ressort.

Dans ses livres, Michel de Poncins s'attache, principalement,

à analyser le socialisme qui est, à ses yeux, le phénomène économique

le plus significatif de notre époque. Par contraste, il montre

les bienfaits des Libertés Économiques. Pour lui le socialisme ne se

limite pas du tout au parti du même nom. En France, il est le fait aussi

bien du parti du même nom que de la fausse droite.

Dans son livre, la République Fromagère, il montre comment

le but ultime de la loi, de toute loi, est l'enrichissement personnel

des politiciens et de leur cour.

Il écrit, aussi, de nombreux articles, participe à des émissions

de radio et donne de nombreuses conférences, en France et à l'étranger.

Il est également président du prix Renaissance de l’économie,

attribué chaque année par le Cercle Renaissance.

Liste des livres

- Tous capitalistes ou la réponse au socialisme : Prix

renaissance de l’économie 1983 (Éditions de Chiré, 1983).

- La démocratie ou le rêve en morceaux (Éditions

Albatros, 1986).

- Chômage : fils du socialisme : la vérité, les remèdes (Éditions

O.E.I.L. 1991).

-La république fromagère ou comment les politiques font

la fête avec l’argent des pauvres :(Première Ligne 1994).

- Catéchisme de l’électeur trompé (Odilon Media 1995).

- Les étranges silences de la cour des comptes (Odilon -

Media 1996).

La formation des élites médicales

Dr Philippe Schepens

Ce sujet me tracasse déjà depuis de nombreuses années, et

permettez-moi de vous livrer le fruit de mes cogitations dans ce

domaine.

Vous définir ce qu'est un médecin, ou plutôt ce qu'il ou elle

devrait être me semble à première vue superfétatoire. Cependant à y

réfléchir deux fois, il me semble bon de quand même vous livrer

quelques pensées à ce sujet.

Pour votre serviteur, un médecin se doit de se mettre au

service de la personne humaine individuelle en tout premier lieu. Le

médecin doit avoir le bien et le bien-être qui découle de ce bien

comme valeur suprême, comme guide dans ses interventions sur la

personne qui le consulte. …Évidemment il y a des biens encore plus

importants que la santé, tel la Foi, ou le service de la Patrie ou d'autres

personnes en état de besoin grave etc.

Tout service d'autre chose que le bien corporel ou psychologique

du malade se doit d'être subordonné à ce service. Par “autre

chose” je sous-entends ici non seulement les loisirs et surtout les

revenus du médecin, mais également la recherche scientifique, la

santé dite publique, et tous programmes issus du gouvernement espéré

légitime du pays où pratique le médecin.

Bref, tout ceci nous ramène à la base de l'éthique médicale

: le modèle de la médecine hippocratique.

Il va sans dire que l'exigence morale doit être haute pour

tout candidat médecin. Permettez-moi de déplorer fortement le fait

que dans pratiquement aucune faculté de médecine au monde, on

sélectionne les candidats potentiels sur des critères d'ordre éthique en

plus de critères scientifiques.

Dans mon pays, la Belgique, les candidats voulant étudier

puis pratiquer la médecine sont sélectionnés uniquement sur la base

de leurs capacités en physique, chimie, zoologie, physiologie et autres

sciences exactes. Tout cela peut être très utile pour assurer une

sélection quant au niveau des connaissances requises pour devenir

médecin. Mais ce n'est pas suffisant. On devrait au moins avoir la

capacité de refuser un diplôme de médecin à un candidat qui possède

un scotome, une tache aveugle sur le plan éthique.

C'est pourquoi je prône comme premier pas dans cette

bonne direction l'instauration d'un cours de philosophie beaucoup

plus approfondi que celui dont certaines universités gratifient leurs

étudiants en médecine. Philosophie de type thomiste, collant à la

réalité telle que la percevait déjà Aristote.

Car quelqu'un qui pense bien, agira également bien.

Mais le besoin d'une formation sérieuse, formation qui

transforme le corps médical en un corps d'élite de grande valeur, ce

besoin nécessite au fond une approche “intégrée” de la part du corps

professoral enseignant dans les facultés de médecine.

Le thème du respect de la vie n'est-il pas que trop souvent

amalgamé avec un prétendu “fondamentalisme” que l'on colle sur la

peau des mouvements Pro-Vie manifestant publiquement leur opposition

aux dénis de respect de la part des médecins pour toute vie

humaine ? De nombreux professeurs en médecine, voulant se montrer

aux étudiants comme des “esprits dits forts”, trouvent que dans le

domaine du respect de la vie une attitude “nuancée” s'impose. Cette

prétendue attitude nuancée tue tous les jours un nombre important de

personnes innocentes. Que ce soit par avortement, par euthanasie, par

fécondation in vitro ou même par certaines formes de la contraception.

Cette approche intégrée, qui d'ailleurs se fait par certains

professeurs, heureusement, se doit d'intégrer l'éthique médicale au

cours même de l'enseignement scientifique, lors de la description de

maladies ET de leur traitement.

Mais malheureusement, dans trop d'universités les professeurs

ne pensent qu'à former des “techniciens” de la médecine. Ils

oublient cette dimension de la morale, du permis et du non-permis,

avec toute la justification, le “pourquoi” de chaque intervention

médicale et de sa licéité.

C'est pourquoi l'Académie Pontificale Pour la Vie, fortement

sensibilisée à ce problème a suivi la proposition du Professeur

Edmund D. Pellegrino de la Georgetown University à Washington

USA et appuyée en séance de l'Académie par votre serviteur.

Le Professeur Pellegrino a proposé de créer un groupe de

travail entièrement dédié à ce sujet. Groupe de travail composé de

praticiens de la santé : médecins, personnel infirmier, scientifiques

biologistes, et même d'étudiants. Effaré par la méconnaissance des

principes de base de l'éthique médicale de la part tant des médecins,

des paramédicaux et des étudiants, le Professeur Pellegrino veut rapidement

remédier à la chose. Le problème est particulièrement urgent

dans les facultés de médecine des universités catholiques. De nombreux

professeurs y enseignent une éthique souvent contraire à celle

du magistère de l'Église Catholique, pour ne pas dire contraire à la

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Ainsi par exemple

l'enseignement de l'embryologie se retrouve falsifié par le refus de

reconnaître l'individuation dès le moment de la fécondation.Ce déni

de reconnaître formellement une vérité pourtant scientifique procède

comme tout un chacun le sait, d'un refus de vouloir tirer les conclusions

qui s'imposent dans le domaine des droits de l'embryon et du

fœtus.

Car la société occidentale, ayant pris de mauvaises habitudes

dans ce domaine, préfère un flou “artistique” quant à la définition

du début de la vie humaine, de peur de devoir refuser l'avortement, la

fécondation in vitro ainsi que la plupart des méthodes dites de

“contraception”. A-t-on oublié l'adage du vieux chasseur, qui refuse

de tirer sur un gibier qu'il n'a pas formellement reconnu. “Dans le

doute abstiens-toi” disaient les Romains antiques… Maintenant on

enseigne de tuer, parce qu'on ne veut pas être sûr qu'il s'agisse bel et

bien d'un être humain individuel, donc d'une personne humaine.

C'est en quelque sorte la “culture de la mort” qui prévaut à

présent dans les facultés de médecine, tout comme dans le reste de

nos sociétés tristement “post-chrétiennes”. Il faut non seulement arrêter

cet enseignement de la culture de la mort, mais il faut lui substituer

un enseignement de la culture de la vie. Ces réalités du début de

la vie, quand elles sont connues, sont même traitées avec dédain

comme un reste rétrograde de l'ère des Poissons, alors qu'on se veut

de passer à l'ère du Verseau, chère aux promoteurs des fadaises du

New Age…

C'est à nous, de produire l'alternative. Le Groupe de

Travail s'en occupe activement.

Nous avons pour objectifs pratiques les choses suivantes :

• Tout d'abord concevoir et publier un syllabus solide, qui

couvre les aspects scientifiques, philosophiques et spirituels des problèmes

concernant le respect de la vie humaine par le médecin. Ceci

est un travail de base extrêmement important. Cela nécessitera un travail

d'équipe d'experts reconnus, qui sont intellectuellement sains et

devra constituer une base pour tous ceux qui étudient les sciences

médicales et paramédicales.

• Ensuite organiser des journées d'études intensives tant

régionales qu'internationales pour tous ceux qui enseignent la médecine,

la biologie, les sciences infirmières, afin de les préparer à enseigner

dans leur propre université ou école (para) médicale, afin de

contrer ainsi certaines idées reçues issues de la culture de la mort, et

qui prévalent actuellement. Il nous faut reconquérir les facultés de

médecine !

• Finalement il faudra concevoir également de s'occuper

de la formation continue des médecins et paramédicaux. Cela tant sur

le plan des fondements scientifiques qu'éthiques du respect dû à tout

être humain. Les réunions seront par régions. Les instructeurs

devront mettre l'accent sur les particularités de chaque pays, des cultures

locales. Cela se fera tant dans le cadre des universités qu'en

dehors de celles-ci. Car c'est de l'éducation continue des médecins et

paramédicaux qu'il s'agit.

Tout cela est très important, car nous devons savoir quel

type de médecin, et de paramédicaux nous voulons avoir.

À mon humble avis, il faut que le médecin soit au service

de la personne humaine malade, de toute personne humaine malade

en tout premier lieu. Cela vous semble évident, mais au vu de l'évolution

des mœurs actuelles, ce ne l'est souvent plus guère.

L'avorteur n'agit pas au service de l'enfant non-né, puisqu'il

le tue pour satisfaire les désirs d'autres personnes.

L'euthanasiaste fait de même avec le malade non-curable. Le fécondateur

in vitro sélectionne les embryons et tue ceux dont il n'a pas

besoin. Il les traite même comme des objets d'expérimentation. Cela

au mépris le plus parfait de la Déclaration d'Helsinki de l'Association

Médicale Mondiale, déclaration qui régit l'expérimentation sur

l'homme….

Nous sommes à la croisée des chemins.

Voulons-nous une médecine au service de l'individu ? Ou

bien voulons-nous transformer le corps médical et para-médical en

un corps de fonctionnaires au service de l'État et de son administration

?

Qui se doit d'être l'employeur du médecin ? Le malade ou

bien le ministre de la santé “publique” et son administration ?

Permettez-moi, pour rendre les choses encore plus claires,

de vous parler en paraboles, de vous donner en exemple un récit

biblique.

Le médecin actuel est soumis à des tentations qui forment

autant de menaces tant pour l'intégrité de sa personnalité professionnelle,

que pour l'humanité elle-même. Ces tentations peuvent être

classées dans trois catégories que je comparerai avec les tentations de

Jésus Christ dans le désert (Matthieu 4 : 1-11). Le médecin, s'il veut

garder l'intégrité de sa profession, se devra de ne pas succomber à ces

trois tentations.

La première tentation, que l'on peut comparer au mieux

avec le récit biblique de la transmutation des pierres en pain, est pour

le médecin la tentation de l'argent. Qui place l'argent au-dessus du

bien être du malade, est un médecin indigne. Cette réelle inversion

des priorités est universellement connue - pas seulement dans le

monde médical et ne mérite pas d'explications supplémentaires.

La deuxième tentation peut aisément se comparer avec le

récit du défi aux lois de la gravitation universelle au départ du pinacle

du Temple. Cette tentation est, pour le médecin, nettement moins

terre à terre que la précédente. La science pure, l'expérimentation, la

passion des expériences est préférée à la santé et au bien-être du

malade. Car la science et le progrès des technologies doivent demeurer

au service de l'homme, et non pas au service des aspirations et

ambitions du scientifique. Ceci constitue même une condition

indispensable, si l'on veut bâtir plus avant la civilisation. Car la science

est impensable sans la conscience. Tout comme la personne doit

être placée au-dessus de l'objet, l'éthique devra toujours prévaloir sur

la technique. Et ceci est encore plus applicable à la science médicale

qui a l'homme lui-même pour sujet. Celui qui se livre à des investigations

sur la vie humaine, se doit de rester au service de cette même

vie. L'unique attitude réellement humaine sera une attitude de respect

absolu pour chaque vie humaine individuelle, sans distinction d'âge,

de race, d'état de santé, de convictions politiques ou religieuses etc…

Exploiter des individus humains, les écarter, voire les détruire, c'està-

dire les considérer comme des objets, est en contradiction flagrante

avec la nature même des sciences médicales. Qui place la science

et la recherche au-dessus du bien du malade est un médecin indigne.

La troisième tentation, que nous pouvons comparer avec le

récit biblique de l'adoration de Satan pour posséder le monde, est traduite

en catégories de notre époque encore plus idéaliste que les deux

précédentes. Le médecin se met en premier lieu au service de la

société et de son administration : le gouvernement, le parti, l'idéologie.

Le service au malade individuel vient seulement en deuxième

place.

Cette dernière tentation est certainement la plus pernicieuse

des trois.

En effet, le médecin se met aussi dans un rôle de guérisseur

des maux qui affligent la société. Il participe de façon très

concrète aux structures du pouvoir. Il devient l'exécutant de la volonté

des Dirigeants de la Nation. Il devient aussi un médicocrate, un

biocrate.

Le temps nous manque pour vous expliquer en détail les

mécanismes précis qui président à la mutation du médecin en médicocrate.

Je vous renvoie à l'oeuvre du Professeur SCHOOYANS,

disponible dans les stands de ce congrès, et en particulier au livre

“Maîtrise de la Vie, Domination des Hommes , à celle du Professeur

Robert J. LIFTON “The Nazi Doctors”, et du Dr. Pierre SIMON “De

la Vie Avant Toute Chose”.

Ces trois tentations sont autant d'appels au médecin pour

se mettre soi-même au-dessus des autres. Elles flattent son orgueil.

Davantage de finances donnent plus de pouvoir. Plus de science

donne plus de gloire, et il en découle plus d'argent et une influence

plus grande, donc également un pouvoir accru. Participer au pouvoir

politique signifie également plus d'influence partant plus de pouvoir.

Et tout cela est ressenti par le médecin comme étant prioritaire par

rapport au bien-être du malade. Cela ne veut pas nécessairement dire

que de tels médecins sont de prime abord beaucoup plus mauvais que

les autres. Les gradations sont nombreuses, mais dire “Oui” à ces tentations

signifie de toute évidence renoncer à l'idéal médical qui incite

à se mettre toujours au service du malade, de l'individu humain en

tout premier lieu.

Rien d'étonnant donc au fait constaté un peu partout que

des médecins succombent à deux ou aux trois tentations. Cela n'est

pas l'exception car l'une entraîne souvent l'autre. L'amour immodéré

de l'argent, ou celui de la recherche, sans parler de la soif de domination

sociale et politique, tout cela constitue trois aspects d'un seul

et même égocentrisme. L'orgueil en est fouetté. L'intellect se met à

son service propre, ou au service de la Caste, du Parti au pouvoir, et

non pas au service de l'homme, de l'individu humain souffrant, du

malade.

Voulons-nous assurer le futur de notre profession médicale

au service de l'humanité malade, il nous faudra nous garder de

consentir à ces tentations que je viens de vous décrire. Le caractère

hippocratique et humanitaire de la médecine ne doit pas seulement

être souligné en paroles et en actes, il doit “transpirer” de façon la

plus évidente possible dans tout acte médical. Et on ne saura jamais

assez insister sur ce fait, surtout quand il s’agit d'enseigner aux étudiants

en médecine ou aux paramédicaux. L'enseignement de la

médecine consiste malheureusement trop souvent en une formation

de “technicien médical”. Celui-ci sait un tas de choses sur l'organisme

humain et ses maladies, ainsi que les meilleures façons d'éliminer

ces dernières. Mais que ce brave homme travaille sur l'être humain

lui-même, semble être d'importance secondaire. C'est en fait toute la

différence entre l'homme et les autres individualités biologiques et

matérielles qui s'estompe. C'est cela qui doit changer.

Consentir à ces trois tentations, signifie de plus pour le

médecin, la perte de sa liberté thérapeutique, et de notre liberté en

général. “Les médecins sont les bergers de la liberté.” a déclaré le

Professeur Michel SCHOOYANS, de façon géniale. Ils sont les bergers

non seulement de leur propre liberté, mais aussi de celle des

hommes en général. L’homme, et sa santé doivent demeurer les buts

suprêmes du médecin. Le médecin devra rester le gardien de la liberté

de ses malades en les traitant toujours dans leurs intérêts propres.

Si nous nous mettons au service de quelque chose, ou de quelqu'un

d'autre que le malade, nous devenons des oppresseurs et nous collaborons

à l'avènement d'une société totalitaire. Voulons-nous garder

nos régimes démocratiques, nous devons en tant que médecins, rester

maintenant et dans le futur inébranlablement au service des individus

et des familles en tout premier lieu.

C'est cette vision du médecin, de la médecine et de tout le

travail au service du malade que nous devons propager auprès des élites

médicales et autres ainsi que surtout auprès des futures élites.

Dr Philippe Schepens

______________________________________________

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Les élites et le respect de la vie

Dr Emmanuel Tremblay

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis,

Notre sujet nous demande d'examiner les relations entre

les élites et le respect de la vie. C'est un sujet difficile et nous présenterons

un certain nombre de réflexions nullement exhaustives.

Le respect de la vie humaine est en fin de compte une philosophie

et un comportement en accord avec elle. Il fait partie de l'ancien

et du nouveau Testaments. Il est un élément du Décalogue. Et

plus on l'étudie, plus on se rend compte qu'il est un élément clef non

seulement de la religion, mais aussi de la philosophie.

Et on peut aujourd'hui presque diviser les civilisations en

deux groupes : celles qui respectent la vie humaine, celles qui ne la

respectent pas.

Et dans cette alternative, il n'y a pas de troisième voie.

On peut tuer ou ne pas tuer, mais on ne peut pas tuer à moitié.

S'il en est bien ainsi sur le plan de l'acte individuel, sur le plan sta-

tistique, il y a, certes, des peuples qui tuent massivement, il y a ceux

qui tuent moins, et ceux qui ne tuent pas. Mais, sur le plan des principes,

il n'y a que deux comportements possibles. Même si le crime

est commis en petit nombre, il ne cesse pas pour autant d'être un

crime. La loi est normative. Elle dit ce qu'il faut faire et ce qu'on n'a

pas le droit de faire. Mais, même dans les pays où la loi est bonne et

conforme au respect de la vie, il y a toujours, et il y aura sans doute

toujours des gens qui violeront la loi et qui tueront. Ceci, on ne pourra

sans doute jamais l’empêcher, mais, ce qui compte, avant tout, c'est

ce qu'on adopte sur le plan des principes.

En quoi cette philosophie du respect de la vie concerne-telle,

implique-t-elle, intéresse-t-elle les élites ?

On pourrait poser le problème autrement : pourquoi cette

philosophie ne les concernerait-elle pas ? Pourquoi seraient-elles en

dehors des questions fondamentales, voire les plus fondamentales de

la société ? Les élites ne peuvent pas être à part de ce problème. Elles

sont dans la société, donc concernées nécessairement par les problèmes

de celle-ci et surtout pour ses principaux problèmes.

Elles sont donc nécessairement impliquées par ce choix et

ne peuvent pas rester en dehors. Elles doivent choisir entre ces deux

philosophies. Et les meilleurs doivent choisir la meilleure.

Ces deux philosophies ne sont pas égales. À nous d'être

convaincants pour que les meilleurs choisissent la meilleure.

Normalement, le fait d'appartenir à l'élite, c'est-à-dire d'être

parmi les meilleurs, doit conduire à adopter la philosophie la

meilleure.

À voir comment la culture de mort s'est développée dans

le monde, et l'a littéralement envahi, il faut croire que la présentation

de la philosophie du respect de la vie n'a pas été suffisamment

convaincante et, en tout cas, pas ce qu'elle aurait dû être. Et les

tenants de cette philosophie devraient faire l'effort nécessaire pour

être les plus convaincants. Ils seraient, d'autre part, fort heureux que

les élites la retrouvent en grand nombre.

Mais ils ne sauraient se borner à un souhait.

Dans le combat idéologique en cours, il faut prouver la

supériorité du respect de la vie sur la culture de mort, seul moyen

véritable de ramener les élites au respect de la vie.

Dans cette affaire, il y a un affrontement idéologique certain,

et, à moins d'accepter la subversion idéologique totale, ce qui

adviendrait si nous cessions de nous battre et si nous déposions les

armes, nous sommes contraints à la victoire, car la situation actuelle

est une situation instable. qui peut basculer à tout moment et, pour

être sûr d'éviter cela, il n'y a pas d'autre issue que de vaincre.

Les élites iront vers la philosophie

la meilleure et la plus forte.

Pour toutes les personnes qui acceptent la loi de Dieu, qui

elle-même comporte, inclut le respect de la vie humaine, ce dernier

s'impose à elles par l'argument d'autorité.

La renaissance de la foi peut favoriser le progrès de la philosophie,

du respect de la vie et peut même assurer sa victoire.

Mais, pour tous ceux qui ne croient pas en Dieu, qui ne

reconnaissent pas la loi de Dieu, le respect de la vie doit s'imposer par

autre chose que l'argument d’autorité, à savoir par ses dualités propres

et en montrant sa supériorité sur la culture de mort.

Ce sont donc les qualités propres de la civilisation du

respect de la vie et sa supériorité sur la culture de mort qu'il faut établir

et démontrer et ne pas se contenter d'affirmer.

La culture de mort comporte quatre éléments principaux :

l'homicide volontaire, le mensonge, l'erreur et l'arbitraire, avec

comme dénominateur commun l'hostilité à l’homme et la volonté

bien arrêtée de réduire l'humanité et d'en détruire une grande partie,

voire la plus grande partie.

Ce n'est pas un état d'esprit, sans passage à l'acte. C'est le

meurtre en action, et les résultats sont là.

Disons au passage, qu'il s'agit de personnes très haut placées,

voire les plus haut placées. Il y a donc dans leurs rangs une partie,

et même une partie importante, voire la plus importante de ce

qu'on appelle couramment l'élite, disons une certaine élite.

Ecoutons-les parler, et voyons ces résultats :

Le Dr J.H. Knowles, Président de la Fondation

Rockefeller déclarait, dans un important discours prononcé à New-

York, le 14 mars 1973, devant le conseil national du centre de développement

du planning familial, je cite : «que c'est le rôle des secteurs

privés comme du secteur public, d'accélérer le développement

des avortements légaux, afin qu'ils atteignent aux USA de 1,2 à 1,8

million par an.» Ce monsieur considérait le massacre de 1,2 à 1,8

million d'enfants comme un objectif impératif.

Il ajoutait qu'il fallait répondre à cette exigence, qu'une

politique de laisser-faire ne permettait pas d'atteindre le but proposé

et qu'il fallait une politique volontariste de l'avortement de masse. Il

envisageait l'introduction de pressions légales, pour contraindre à l'avortement

de masse, et il s'insurgeait contre les institutions offrant

une alternative.

Dans son esprit, il ne s'agissait pas seulement d'autoriser

l'avortement, c'est-à-dire d'autoriser un meurtre, mais il s'agissait de

contraindre à l'avortement pour aboutir à un avortement de masse.

Autoriser un meurtre sans sanction était déjà une révolution. Mais le

promouvoir afin qu'il y en ait le plus possible était une étape au-delà

tout à fait décisive.

Ces documents ont été produits par le Professeur Rice,

professeur de droit devant la commission des règlements de l'administration

du Sénat des États-Unis, à l'occasion de la nomination de

Nelson Rockefeller, comme vice-président des États-Unis, le 26 septembre

1974.

Le Professeur Rice a emprunté sa documentation exclusivement

aux publications de la Fondation Rockefeller elle-même.

Tout ceci a été publié dans «Pro Life Reporter» volume 3

n° 7 summer (été) 1974, reproduit par US coalition for Life Export

Pennsylvania 15632 USA.

Le professeur Rice a écarté les documents venant des

ennemis de la Fondation Rockefeller, ce qui donne un poids considérable

à ses déclarations officielles et supprime les doutes.

Donc, l'assassinat de 1,2 à 1,8 million d'enfants aux USA

est considéré par ces gens-là comme un objectif, comme un but à

atteindre, au besoin par la contrainte.

Le commandant Jean Yves Cousteau, membre de

l'Académie Française, universellement connu, dans le Courrier de

1'UNESCO novembre 1991, page 13, demande la mort de 350.000

humains par jour en plus de la mortalité normale. Au Rwanda, on en

a tué 700.000, mais en deux mois seulement. C'est bien, mais pas

assez. (au rythme Cousteau, 350.000 par jour, pendant 60 jours, cela

fait 21 millions). C'est sans doute la raison pour laquelle les

Occidentaux qui savaient ne bougeaient pas (c'est l'honneur de la

France d'être intervenue).

William AIKEN, dans un livre publié à New-York en 1984

(Earth Bound New-introduction Essais Environnemental - Ramdon

House 1984 - New-York) déclare : «une mortalité humaine massive

serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C'est le

devoir de notre espèce vis-à-vis de notre milieu d'éliminer 90 % de

nos effectifs».

Le Professeur HERLICH demande le massacre des 5/6e de

l'humanité.

Il accordait à la France 500.000 habitants au lieu de 60

millions.

Hudson Hoagland, Président de l'American Academy of

Arts and Sciences, déclare dans un article de 1972 : «Pourquoi

contrôler la fertilité». Il y a deux solutions «accroître le taux de mortalité

ou réduire le taux de natalité.

Parmi les mesures suggérées par Hoagland, on trouve : stérilisation

temporaire des femmes célibataires et des femmes venant

d'accoucher jusqu'à ce que le gouvernement en décide autrement, stérilisation

obligatoire des hommes ayant plus de trois enfants, introduction

de substances contraceptives dans l'eau et la nourriture.

On remarque qu'il s'agit de mesures d'état totalitaire, intervenant

sans scrupule dans la vie personnelle des humains dans un but

de destruction avoué.

Les trois grands rapports officiels américains, adressés aux

Présidents des USA : - «Projet pour les années 80» du CFR (Council

of Foreign relation) - Le «Rapport Global 2000» aux Présidents - Le

«Rapport Kissinger NSSM 200» concluent dans le même sens.

Le rapport Kissinger NSSM 200 a été analysé en détail par

la revue française «Le Temps de l'Église» n° 8 avril 1993.

C'est bien une destruction massive de la population qui est

préconisée officicllemcnt ct déjà en cours de réalisation par une politique

massive d'avortements.

La culture de mort n'est pas une idéologie platonique, mais

une force de combat en action. On voit qu'elle est préconisée par les

plus hautes personnalités américaines qui appartiennent évidemment

à l'élite.

Quels sont ses résultats ?

L'ONU qui participe à l'action va nous le dire. Selon des

sources officielles, à savoir précisément l'ONU et plus particulièrement

le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour les activités en

matière de population), il y a eu en 1996, 45 millions de morts dans

le monde par avortement provoqué, soit, depuis 24 ans (le discours

Knowlès, président de la Fondation Rockefeller, appelant au massacre

date du 14 mars 1973), 45 x 24 = 1 milliard 80 millions de morts.

Admettons qu'il y n'y ait pas eu tout de suite 45 millions

de morts par an, on arrive quand même, en chiffres ronds à : 1

milliard de morts par avortement, soit 1/6e de l'humanité.

C'est en gros six fois plus que les pertes provoquées par les

deux guerres mondiales, le communisme et le nazisme réunis.

Et la perte en matière démographique est encore plus grande

que ne le donne à penser ce chiffre de 1 milliard.

En effet, l'espérance de vie d'une population est l'addition

de l'espérance de vie de chacun des individus qui la composent. Les

individus ont tous les âges, les uns étant au début de leur vie, les autres

à la fin, et le reste entre les deux. L'espérance de vie d'une personne

à la fin de sa vie est très faible, celle d'une personne au milieu

de sa vie est, en gros, l'espérance de vie admise de la population

moins son âge. Celle d'un jeune enfant est beaucoup plus grande. Et

celle d'un enfant dans le sein de sa mère plus grande encore. Pour établir

un chiffre exact, il faudrait des calculs mathématiques très compliqués,

comme nous les donnent les tables des compagnies d'assurances.

Mais, on peut dire, en première approximation, qu'un milliard

de morts par avortement, c'est, en matière de perte d'espérance de vie

d'une population, au moins comme 2 à 3 milliards de morts de la mortalité

générale, cette dernière se produisant plus dans les âges élevés

que dans l'âge adulte ou le très jeune âge.

Ce n'est pas tout. La perte de substance pour l'humanité est

encore plus grande. En effet, la mortalité générale se produit le plus

souvent après que les humains ont eu leurs enfants et même le plus

souvent leurs petits enfants. Donc, les générations suivantes ne vont

pas ou très peu diminuer par la mortalité générale, davantage par la

mortalité due aux guerres qui tuent beaucoup de jeunes hommes,

mais cependant, même dans ce cas, elles sont peu diminuées. Dans le

cas de l'avortement, les générations ultérieures correspondantes à la

population avortée sont totalement supprimées. En ne comptant que

deux générations descendantes (avec la prolongation de la durée de

la vie, ce serait plutôt trois), avec un coefficient de strict renouvellement

de 2,1, ce sont deux générations d’un milliard chacune qui sont

supprimées, soit deux milliards d'hommes, soit, en comptant le

milliard d'avortements, une perte humaine de 3 milliards d'humains,

soit la 1/2 de l'effectif de l'humanité actuelle. Ce sont les résultats

actuels déjà réalisés de la politique d'avortement légal imposée.

Si l'action de ces gens-là continue encore 20 ans, à partir

de maintenant, ils auront tué en empêchant de naître l'équivalent de

l'effectif de l'humanité actuelle (1 milliard d'avortements + 2

milliards de descendants supprimés, cela fait 3 milliards à ajouter aux

3 milliards supprimés par l'avortement déjà réalisé, cela fait 6

milliards).

Autrement dit, la guerre de l'avortement est bien une guerre

d'extermination, très supérieure et de très, très loin à toutes les

guerres connues depuis l'origine des temps.

Tous ces morts sont des innocents, ce ne sont pas des coupables

condamnés à mort par la justice pour actes graves.

La culture de mort pratique donc le meurtre en grand et

même en très grand et contre des innocents. C'est le crime à l'état pur

dans lequel la victime n'a aucun tort.

La culture de mort impose l'arbitraire :

Le choix des victimes est décidé arbitrairement. En

France, par exemple, 1'IVG ne peut être pratiquée qu'avant la fin de

la 10e semaine de grossesse (Article L 161-1).

Autrement dit, le dernier jour de ce délai, l'avortement est

encore légal. Un jour plus tard, il ne l'est plus.

Même si l'avortement était permis jusqu'à la veille de l'accouchement,

pourquoi serait-il permis de tuer jusqu'à la naissance et

interdit dès la naissance ?

Avec le vieillissement extrême de la population qui existe

déjà en Europe Continentale et qui va, par la volonté des politiciens

actuels de tous ses pays, prendre des proportions encore plus importantes,

créant des problèmes financiers d'une extrême gravité, avant

de devenir complètement insolubles, la culture de mort peut très bien

suggérer l'arrêt des soins médicaux à partir, par exemple, de 70 ans.

Toujours l'arbitraire, pourquoi pas 69 ou 71 ? Et donner deux chiffres

est encore un phénomène d’arbitraire.

Si vous faites un infarctus du myocarde à 70 ans moins un

jour, vous avez le droit d'être soigné. Si vous le faites à 70 ans plus

un jour, vous avez le droit de mourir sans soins. C'est précisément ce

que la culture de mort réclame. Pour l'enfant non né, vous avez le

droit de le tuer sans motif jusqu'à une certaine date. L'arbitraire est

total.

En raison du vieillissement accéléré de la population, non

seulement dans de nombreux pays, mais bientôt à l'échelle mondiale,

la tentation va être forte de laisser mourir et de tuer les personnes

âgées à partir d'une certaine date. Si la culture de mort reste en

vigueur, la probabilité de ce genre de choses est élevée. Les nazis

tuaient les personnes socialement inutiles, les malades mentaux, les

handicapés, par exemple. La culture de mort actuelle va quantitativement

beaucoup plus loin.

Pour supprimer l'arbitraire, la culture de mort doit autoriser

le meurtre de toute personne, à tous les âges, sans motif, et pour

couper court à tout arbitraire, par simple convenance personnelle et

sans avoir à fournir d'explications, comme c'est le cas actuellement

en France pour l'avortement, mais dans la période légale.

C'est ce à quoi aboutit la logique de la culture de mort, si

elle se débarrasse de l'arbitraire, et précisément des limites fixées

arbitrairement. Si en somme elle s'améliore.

Pour ne plus être arbitraire, la culture de mort doit être

totale.

Si la culture de mort va jusqu'au bout de sa logique, afin

de faire disparaître l'arbitraire, c'est l'insécurité pour tous, - avis aux

élites - y compris d'ailleurs pour les adeptes de la culture de mort euxmêmes,

et l'on voit très bien, dans un autre domaine, mais dans une

autre variété de culture de mort, les groupes de gangsters s'entre-tuer,

et le tueur tue un tueur, avant d'être tué par un autre tueur. C'est l'insécurité

pour tous, et il ne reste plus, pour ceux qui tiennent à la vie,

qu'à se barricader soigneusement dans un univers restreint et protégé.

C'est une conséquence pratique de la culture de mort qui devrait retenir

aussi l'attention des élites.

Rien ne s'oppose, sur le plan logique, à ce que la culture de

mort ne s'étende à un domaine plus large que le domaine restreint où

elle est cantonnée actuellement, mais qui lui permet quand même de

tuer tous les enfants non pas d'une année mais de chaque année, et

donc de toutes les générations.

Il n'y a que 300.000 avortements en France par an, parce

que les parents de ceux qui naissent ont refusé la culture de mort.

Mais, la loi autorise à les tuer tous, dans les limites de temps qu'elle

précise arbitrairement.

C'est seulement parce que la culture de mort est rejetée par

un certain nombre de personnes, qu'ils ne sont pas tous tués.

La loi en France ne précise aucun contingent (ce qui serait

arbitraire), ce qui signifie que toute femme a droit de tuer tous ses

enfants. C'est l'avis de l'actuelle Cour de Cassation.

Le seul rempart qui nous reste en France, est que ce «droit

de tuer les innocents », n'est pas encore inscrit dans la Constitution.

L'élite doit évidemment faire ses choix dans cet aspect des

choses, et dire notamment quelle société elle propose et choisit.

Par ailleurs, la culture de mort ment.

Nous n'allons pas énumérer la liste des mensonges dans

cette affaire. La femme sait, depuis l'origine des temps, que son

enfant est d'espèce humaine. On a tenté de lui faire croire, pour la

déculpabiliser, que ce n'était pendant longtemps qu'un amas de cellules

sans importance, et que l'acte en question était lui aussi sans

importance. Si c'était vrai, pourquoi agir et se donner tant de mal ?

La liste des mensonges est longue, comme les statistiques

hautement falsifiées par exemple, comme on a pu le démontrer

notamment en France, mais c'est très probablement aussi le cas

ailleurs.

Enfin : elle est dans l'erreur.

L'équation du Club de Rome (réserves connues/ consommation

annuelle = x années), qui a affolé des quantités de personnes

et est à l'origine de ce malthusianisme de destruction exterminatoire,

est complètement fausse.

L'homme ne détruit pas la matière en l'amenant au néant,

il ne fait que la manipuler et les matériaux sont recyclables. Même les

atomes constituant les combustibles ne sont pas détruits. Il y a des

déstructurations moléculaires qui pourraient être suivies de restructurations.

L'exemple le plus facile à donner est :

C + 02 = CO2 + chaleur et C02 + énergie = C + 02.

Cette dernière réaction est réalisée tous les jours par les

végétaux, grâce à l'énergie lumineuse solaire. C'est la photosynthèse

qui réalise donc la réaction inverse de la combustion :

CO 2 + énergie = C02.

Après x années il n'y aura plus de fer, c'est encore rigoureusement

faux.

Cette conclusion est liée à un sens aberrant donné aux

mots consommation et production, précisément par ces gens-là, et par

tous ceux qui les suivent.

C'est le « sens » même de ces mots qui est en cause.

Quand vous dites : « l'homme produit du fer», ceci veut

dire qu'il le sort d'où il est, l'isole, le manipule, le rend utilisable pour

son usage, mais n'a jamais voulu dire qu'il a créé du fer à partir du

néant, ce qui serait une création « vraie ».

Ce n'est pas là une opinion, un avis, mais un fait.

Quand on dit: « l'homme consomme du fer », ceci veut

dire qu'il l'emploie, s'en sert, mais n'a jamais voulu dire qu'il l'a

détruit en le transformant en néant.

La « consommation » n'est pas une destruction vraie. C'est

encore un fait et non une opinion.

Le fait que la « production » ne soit pas une création vraie,

c'est-à-dire à partir du néant et que la « consommation » ne soit pas

une destruction vraie, c'est-à-dire avec retour au néant, signifie qu'il

y a sur terre la même quantité de fer, de métaux, de minéraux, etc…

aussi bien après qu'avant l'intervention de l'homme.

Il n'y en a pas plus après la « production » qui n'a rien créé

à partir du néant. Il n'y en a pas moins après la « consommation » qui

n'a rien ramené au néant. L'homme ne réalise qu'une manipulation

sans création vraie, ni destruction vraie de la matière.

Quand la manipulation aboutit à la libération d'énergie

(déstructuration moléculaire, ou fusion ou fission atomique), cette

énergie est libérée où ? Dans la nature (qui ne perd rien).

Et toute opération de déstructuration peut être suivie d'une

opération de restructuration avec absorption d'énergie, mais il y a

aussi la mise en réserve de celle-ci et le matériel restructuré se trouve

où ? Dans la nature.

En raison de l'équivalence matière-énergie démontrée par

EINSTEIN, une partie de la matière ne fait, dans le cas de transformation

en énergie, que se transformer en son équivalent, c'est-à-dire

l'énergie qui, de plus, n'est pas libérée n'importe où (hors de l'univers),

mais dans l'univers, c'est-à-dire la nature qui ne perd rien.

Ceci n'est pas contestable.

Le fait que l'activité humaine ne soit qu'une manipulation

de la matière sans création vraie ni destruction vraie, fait disparaître

la notion d'épuisement des ressources terrestres. Il y a des déstructurations

moléculaires, mais qui peuvent être suivies de restructurations.

Elle agit à la manière d'une diastase qui préside à des remaniements

moléculaires sans détruire les éléments atomiques constitutifs.

L'homme est dans le cosmos. C'est une diastase cosmique. C'est une

qualité très particulière qui lui offre des perspectives considérables.

L'activité humaine n'entraîne pas de destruction vraie de la

matière.

Un accident cosmique pourrait, certes, produire des dévastations

massives sur terre, mais cela nous dépasse, et n'a, de plus, rien

à voir avec l'activité humaine.

La notion d'épuisement de la nature par l'activité humaine

est sans fondement et n'existe pas. Autrement dit, la motivation de la

récession économique maximum volontariste et du malthusianisme

démographique de destruction n'existe plus. La motivation de cette

destruction humaine massive n'existe plus.

C'est cette théorie fausse - celle de l'épuisement rapide de

la matière par l'homme - qui a conduit à ce malthusianisme féroce,

farouche, un malthusianisme d'extermination.

Il est le moteur même de la culture de mort, qui sans lui

n'existerait pas et qui n'a donc plus de raison d'être.

On est obligé de dire qu'une part importante de ce qu'on ne

peut pas ne pas appeler les élites a participé et participe toujours à

cette culture. Les patrons des grandes fondations américaines qui ont

organisé cette entreprise de destruction humaine, gigantesque et massive,

appartiennent aux hauts sommets de l'échelle.

Il y a certainement des élites dans le respect de la vie, mais

la masse des hauts dirigeants de très nombreux pays qui ont approuvé

la culture de mort est impressionnante et on est obligé de dire

qu'ils sont une forme d'élite, qu'ils appartiennent à l'élite.

Quel peut donc être le rapport entre les élites et le respect

de la vie humaine, puisqu’une très importante partie de celles-ci, dans

un très grand nombre de pays a accepté - et accepte toujours - la culture

de mort et ses pratiques et continue sa promotion ?

Dans le relativisme contemporain, toutes les opinions sont

également respectables, et chacun peut librement les professer, à

condition de ne pas chercher à les imposer.

Même dans cette perspective relativiste, la philosophie du

respect de la vie a donc le droit de proposer ses valeurs en face de la

culture de mort, et, puisqu'elle se propose à un choix, de vanter ses

mérites, et de se prétendre supérieure. Elle a donc, même dans cette

perspective, le droit de se proposer à l'élite.

Mais dans la situation présente, le problème ne se pose pas

sous la forme d'un libre choix. La culture de mort tend à s'imposer par

la force (Chine) et la contrainte. En France même, le grand appareil

médiatique se livre à une intoxication de force, la libre discussion

n'existe pas. Les membres du respect de la vie sont obligés de payer

les avortements, sous peine de poursuites. Et il est strictement interdit

de tenter de sauver un enfant non pas menacé de mort mais qui va

être tué sûrement par avortement alors que la loi d'assistance à personne

en danger existe toujours et vous l'impose. La contradiction

juridique est évidente. Néanmoins, si vous voulez sauver un enfant,

les sanctions judiciaires sont immédiates. Nous sommes bien dans

une société criminelle, avec des dirigeants criminels, donc des élites

criminelles.

Donc, nous ne sommes pas placés dans cette perspective

relativiste, qui met au départ le bien et le mal sur le même plan. Dans

la situation présente, nous sommes au-delà de ce relativisme contemporain,

nous vivons sous la contrainte de la culture de mort. qui

n'admet pas, elle, la présentation libre de notre position. Nous sommes

donc obligés au combat et nous le serions même si ce n'avait pas

été notre intention première.

Il faut donc être clair. Il y a le bien et le mal, le vrai et le

faux, la vérité et l'erreur, la vérité et le mensonge. La culture de mort

aligne le meurtre, l'arbitraire, le mensonge et l'erreur.

Personne ne peut dire aujourd'hui que le meurtre, a fortiori

prémédité, ne fait pas partie du mal, à moins d'accepter une inversion

totale des valeurs qui conduirait l'humanité à sa destruction finalement

totale. Le crime légal contre des innocents et dans l'arbitraire

total est une monstruosité que les élites doivent rejeter. Elles

devraient se précipiter pour ce rejet. Ceci heurte les bases même de

notre civilisation. Et ceux qui acceptent ce crime, et encore plus ceux

qui l'ont préconisé, inspiré, imposé et contraignent le monde à l'ap-

pliquer, appartiennent à une autre civilisation incompatible avec la

nôtre. Comme ce crime ne va pas seul, mais s'accompagne de l'arbitraire,

du mensonge et de l'erreur, c'est bien d'un autre monde qu'il

s'agit. Ces gens sont parfaitement identifiés comme on l'a vu plus

haut. Il s'agit du mondialisme malthusien impérialiste américain qui

est en train notamment de détruire l'Europe continentale.

L'heure est venue de conclure.

L'élite étant faite des meilleurs, les meilleurs peuvent-ils

choisir une philosophie inférieure ? La réponse est : non. Peut-on

accéder à l'élite avec une philosophie inférieure ? La réponse est :

non. Peut-on rester dans l'élite, si l'on choisit alors une philosophie

inférieure ? La réponse est : non.

Les choses apparaissent claires. Elles sont en effet très

claires. Mais, elles sont difficiles Elles sont même très difficiles, car

une très grande partie des sommets a adopté la culture de mort.

En France, par exemple, et c'est le pays le moins touché de

l'Europe continentale les 5/6e de la précédente Assemblée Nationale

sont pour la culture de mort. Et encore, dans le 1/6e restant, une

bonne partie est pour la loi Veil, ce qui est très loin du respect de la

vie. Ces gens veulent appliquer toute la loi Veil, c'est-à-dire inclusivement

les parties qui comportent une certaine limitation du meurtre

de masse. Alors que les autres sont en accord pour la violer au-delà

et violent notamment toutes les clauses restrictives de la loi.

Ceci signifie que le rétablissement du respect de la vie

représente un retournement de la grande majorité des sommets, c'està-

dire des élites, c'est-à-dire un véritable bouleversement de la situation

actuelle.

Les sommets sont, qu'on le veuille ou non, d'une certaine

façon, les élites.

Nous faisons appel aux élites qui sont déjà dans le respect

de la vie pour qu'elles augmentent leur effort et aux autres pour qu'elles

abandonnent la culture de mort, pour rejoindre le respect de la vie.

Sur le plan de l'idéal de la pensée, la culture de mort, l'arbitraire,

le mensonge et l'erreur qui l'accompagnent, doivent être évidemment

abandonnés, mais un tel ensemble a aussi un retentissement

négatif profond sur la qualité de la vie pratique (affaiblissement économique,

sénilisation des peuples). Ceci compte aussi dans l'option

finale. Contrairement à ce que veut faire croire la propagande pour la

culture de mort, celle-ci ne s'accompagne pas d'un enchantement,

d'une euphorie et d'une amélioration éblouissante de la vie de tous les

jours. C'est tout le contraire, elle amène un profond amoindrissement

de celle-ci, que la propagande de la culture de mort cherche à occulter

soigneusement.

L'élite ne s'arrête pas, par définition, à ce genre d'argument,

mais s'oriente sur l'essentiel. Cet essentiel doit suffire à la

déterminer en faveur du respect de la vie.

Nous espérons donc que l'élite optera en masse pour le

respect de la vie et y retrouvera la partie de l'élite qui a déjà fait le

bon choix.

Le respect de la vie est tout à fait certain de la supériorité

de la philosophie qu'il offre à tous, et il accueillera avec grande satisfaction

la partie de l'élite encore égarée.

Merci de votre aimable attention.

Dr Emmanuel Tremblay

Les élites traditionnelles en

Europe :

passé et avenir

Roberto De Mattei

Les élites en Europe, entre passé et avenir ; leur rôle dans

le chaos contemporain. Ceci est le thème de mon exposé.

1. Élite et aristocratie : la conception classique

La définition du mot élite est préalable. Ce terme est en

effet utilisé aujourd’hui de façon ambivalente et peut donner lieu à

des équivoques et à des malentendus. Il importe donc d’en fixer bien

le sens.

La première signification du mot est celle étymologique

qui remonte au Moyen Âge : la signification “d’élu”, de “choisi”, de

“distingué” ; le sens du terme est évidemment positif ; on se réfère

toujours à la “melior pars” de la société, à ce qu’il y a de meilleur

dans l’ensemble social, défini aussi comme aristocratie : l’élite est

une aristocratie ou, pour mieux dire, l’aristocratie est une véritable

élite, une classe politique avec des qualités supérieures.

Il y a en effet une nuance entre les deux mots. Le terme

élite indique génériquement la part plus distinguée, la part meilleure

de la société, alors que l’aristocratie est une structure politique, une

des trois formes de gouvernement classiques (monarchie, aristocratie,

démocratie).

D'après la pensée classique, c’est au petit groupe, à l’aristocratie,

que revient la conduite de l’État, pas au détriment, mais au

bénéfice de la multitude. Si le petit nombre gouverne dans son propre

intérêt et non dans l’intérêt commun, l’aristocratie dégénère en oligarchie.

Le terme oligarchie a toujours conservé un sens péjoratif,

comme version corrompue de l’aristocratie. Le mot aristocratie a toujours

eu au contraire, le sens positif, étymologique, de “gouvernement

des meilleurs”. C’est une conception qu’on pourrait définir

“axiologique” ou “valorielle”. L’axiologie est la recherche et l’exposition

des valeurs fondamentales et des principes auxquels on ne peut

renoncer, dans la conviction qu'il existe une vérité et un bien dans le

domaine moral, politique et social. Seulement à la condition de définir

l’existence d’un “bonum”, des bons, peut-on parler d’un

“melius”, des meilleurs.

Le rôle des “meilleurs” dans le gouvernement de la Cité a

été souligné, dans cette perspective, par tous les grands maîtres de la

pensée politique, de Platon et Aristote jusqu'à nos jours.

Pour Platon ainsi que pour Aristote, les aristoi, les

meilleurs, sont en tant que agathoi, bien nés, les nobles, ceux qui

appartiennent aux classes plus élevées de la société, tandis que les

kakoi, les “mal-nés”, sont proprement les méchants, la plèbe.

En ce sens, aristocratie peut devenir synonyme de noblesse

c’est-à-dire d’une condition politique et sociale transmise par voie

héréditaire. La noblesse est un groupe de familles auxquelles la loi

reconnaît des privilèges, faits de devoirs et de droits, se transmettant

par le fait de la naissance. L’investiture publique de ces familles par

l’Autorité souveraine qui, comptant sur leur dévouement, les emploie

au service du pays, c’est l’anoblissement.

Au cours des mille ans qui s’écoulent depuis l’aurore de la

chrétienté jusqu’à 1789, la noblesse a eu une place marquée dans le

gouvernement de la société européenne. La tripartition de la société

en trois classes, ou mieux, trois ordres - le clergé, la noblesse et le

peuple - manifestait la nette distinction entre gouvernants et gouvernés

inhérent à tout groupe social.

La société d’ordre d’Ancien Régime, d’après la formule de

Roland Mousnier, était une société profondément inégalitaire, mais

largement participative, caractérisée par la délimitation des rôles et

des attributions, et inspirée par la doctrine chrétienne, qui perfection-

ne la conception classique, sur la légitimité et la nécessité des inégalités

sociales.

La Révolution française a prétendu liquider la société

d’ordres d’Ancien Régime au nom de la démocratie égalitaire et totalitaire

d’origine roussienne. Dans son étude sur la souveraineté, en

renversant l’axiome de Rousseau, pour lequel l’aristocratie héréditaire

“est le pire de tous les gouvernements”, Joseph Maistre démontre

que le pire des gouvernements est la démocratie, parce qu’elle est,

selon sa définition, “une association d’hommes sans souveraineté”.

Maistre considère que la démocratie pure “n’existe pas plus que le

despotisme absolu” ; tous les gouvernements, d’après le grand penseur

savoyard, sont aristocratiques : “la démocratie n’est qu’une aristocratie

élective”, alors que la monarchie n’est autre qu’une “aristocratie

centralisée”.

Après 1789, les idées de Rousseau ont pris le dessus dans

la société. Les théoriciens de la Révolution française préconisent la

souveraineté populaire comme “volonté générale” dans laquelle toute

volonté particulière est destinée et forcée à se fondre quasi mystiquement,

pour engendrer le nouvel Éden, le règne de la démocratie, du

progrès, de l’égalité.

En effet, la Révolution française a marqué l'avènement

d'une nouvelle société égalitaire, qui sous prétexte de transférer toute

forme d'autorité et de souveraineté des élites au peuple, vise à la destruction

de toute autorité.

Cette utopie égalitaire, après la Révolution française, parcourt

tout le XIXe siècle et aboutit à sa nouvelle et plus radicale

expression : la Révolution communiste. C’est elle qui, à partir de la

prise du Palais d’Hiver de la part de Lénine au mois d’octobre 1917,

marque en profondeur notre siècle, siècle égalitaire et siècle totalitaire

par excellence.

L’écroulement du socialisme réel, à l’Est européen, est la

débâcle de l’utopie égalitaire, même dans l’Occident démocratique.

En effet, que nous est-il dévoilé ? Que dans cet après-guerre, dans ce

siècle, dans ces deux derniers siècles qui auraient dû marquer la fin

du despotisme et de l’oligarchie, nous avons été gouvernés, et nous

le sommes encore, par des minorités despotiques et non seulement

sous le communisme, le fascisme, le national-socialisme mais même

sous les prétendus régimes libéraux et démocratiques.

2. L’élitisme du XXe. siècle

À côté du sens traditionnel selon lequel l’élite est la

“melior pars” de la société, il existe une deuxième signification qui

revient de la littérature sociologique et de la science politique du XXe

siècle. Élite, en tant que classe dominante, minorité organisée qui

détient le pouvoir, mais sans aucune connotation positive ou “valorielle”.

En effet, sous le nom d’élitisme, une école politique est

née et s’est développée en Italie, au début de ce siècle, en réaction

aux mythes socialistes et égalitaires du XIXe siècle. Ses principaux

représentants furent Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto et Robert

Michels.

Le fondateur de l’école est le juriste sicilien Gaetano

Mosca (1858-1941) dont le nom est lié au concept de “classe politique”.

En s'appuyant sur une analyse historique et sociologique,

Mosca démontre qu’il est impossible d’édifier une société civile

dépourvue de structure hiérarchique. Là où existe une société organisée,

il existera toujours une minorité organisée, une minorité dominante

qui la dirige. C'est cette minorité que Mosca définit classe politique.

Dans toutes les sociétés, il y a donc deux classes de personnes

: une minorité de gouvernants et une majorité de gouvernés.

Ce que Mosca appelle formule politique est l’ensemble

des croyances et des valeurs qui constituent le fondement idéologique

dont chaque classe politique a besoin pour exercer le pouvoir.

Presque contemporain de Mosca est le sociologue et économiste

Vilfredo Pareto (1848-1923). C'est à lui, dans l’introduction

de son œuvre Systèmes socialistes (1902), que l’on doit le terme élite

pour désigner la couche supérieure de la population, dont font habituellement

partie les gouvernants. Entre ces deux couches, celle infé-

rieure et celle supérieure de la population, il y a une circulation, qui

permet aux élites de subsister et de persister. La théorie parétienne de

la circulation des élites, c'est-à-dire de la mobilité et du continuel

renouvellement des classes dominantes, décrit la loi qui gouverne la

constitution et la continuité des élites dans l'histoire.

Robert Michels (1876-1936), le troisième théoricien des

élites, améliore Pareto en démontrant que ce renouvellement des élites

ne doit pas être entendu dans le sens d’une substitution totale et

globale d’une classe dirigeante par une autre. La stabilité est assurée

par un phénomène d’assimilation d’éléments anciens et nouveaux.

Pour Michels, comme pour les autres élitistes, la démocratie en tant

que gouvernement du peuple est une illusion. Il y a dans l'histoire

changement des minorités dirigeantes, non changement de la structure

du pouvoir.

Après la dernière guerre mondiale, une nouvelle école

s’intéresse aux élites dans un pays toujours dominé par la philosophie

démocratique, et donc par les idées égalitaires : les États-Unis.

Après Harold D. Lasswell (1902-1979), on doit surtout à

Charles Wright-Mills (1916-1962) auteur de plusieurs livres, parmi

lesquels L'élite du pouvoir (1956) la théorisation du principe que

dans la société contemporaine, le pouvoir est distribué de manière

tout à fait inégalitaire. Dans la moderne société de masse, composée

d'individus apathiques, une “power élite”, caractérisée par la solidarité

et par l’interchangeabilité des membres et agissant souvent en

secret, prend toutes les grandes décisions d'intérêt général.

L'œuvre de Mills donna lieu à un vaste débat qui toucha le

problème même de la démocratie en Amérique. L'existence des élites

est-elle compatible avec la démocratie ? Il s'agit du problème, déjà

évoqué par la Révolution française, des rapports entre l'égalité et la

liberté. Un problème qui avait déjà été évoqué par Alexis de

Tocqueville, dans son œuvre La Démocratie en Amérique, et qui

récemment a été objet d'une étude d'un intellectuel “libéral” américain

Christopher Lasch (1932-1994), intitulée The Revolt of the

Elites and the Betrayal of Democracy.

Le sociologue américain parle de “rébellion des élites” de

même que José Ortega y Gasset parlait de “rébellion des masses”.

Pour Lasch, les élites sont “les groupes qui contrôlent le flux international

de la monnaie et de l’information, ceux qui dirigent les fondations

philanthropiques et les institutions d’études supérieures, qui

contrôlent les instruments de la production culturelle et qui définissent

donc les termes du débat public”. Ces élites, désormais privées

de tout contact avec la réalité, ont renoncé à leur rôle civique et “ont

perdu la foi en les valeurs de l’Occident” qui pour Lasch sont celles

de la démocratie et du progrès nés de la Révolution française.

Tandis que le siècle se termine, on découvre donc une

ancienne vérité : partout où il existe une société, il existe aussi un

petit nombre de personnes qui la dirigent. La souveraineté populaire

est un mythe désormais en miettes. La voix prophétique du comte de

Maistre, qui a condensé d’une manière lapidaire la philosophie politique

traditionnelle, arrive jusqu’à nous : “Dans tous les temps et dans

tous les lieux l’aristocratie commande”. “Aristote - ajoute-t-il - en

disant que la chose doit être ainsi, énonce un axiome politique dont

le simple bon sens et l’expérience de tous les âges ne permettent pas

de douter. Ce privilège de l’aristocratie est réellement une loi naturelle”.

Le mot élite a perdu cependant la valence axiologique

sous-jacente à la pensée traditionnelle. Ce qui caractérise les élitistes,

est l’absence du jugement des valeurs dans leur analyse de la société.

Le terme élite est donc utilisé dans le langage sociologique et

médiatique comme synonyme de classe politique ou de classe dominante,

pour désigner tous ceux qui exercent des fonctions dirigeantes

au sommet de la hiérarchie sociale. On parle désormais d’élites financières,

technocratiques, informatiques, médiatiques, pour indiquer les

hommes qui contrôlent tout simplement le pouvoir.

On se demande à ce point-là si cette utilisation neutre du

mot élite est correcte. En considérant que la fracture qui existe entre

la classe dominante et l’opinion publique est réelle, je parlerais, plutôt

que d’élite, d’establishment, de lobby, de nomenklatura, de “coupole

directive”, ou, pour appliquer un terme classique, d’oligarchie.

Par contre pour mieux définir le terme élite, pour restituer

à ce terme la signification ancienne et plus profonde, il me semble

mieux de le déterminer, en ajoutant, au substantif élite, la spécification

“traditionnelle”. J’oppose les “élites traditionnelles” à l’oligarchie

qui nous domine.

3. Les élites traditionnelles à l’heure actuelle

Cette conception axiologique des élites est celle exposée

par le grand Pape Pie XII, dans les quatorze allocutions qu’il a adressées

au Patriciat et à la Noblesse romaine entre 1940 et 1958. Elle

vient de nous être présentée par le professeur Plinio Corrêa de

Oliveira dans le remarquable livre qu’il a dédié à ce sujet : Noblesse

et élites traditionnelles dans les allocutions de Pie XII.

L’œuvre du prof. de Oliveira n'est pas seulement celle d'un

grand historien, c'est l'œuvre surtout d'un éminent philosophe et théologien

de l'histoire qui nous offre des critères fondamentaux pour distinguer

entre vraies et fausses élites, entre les aristocraties permanentes

et les modernes oligarchies. Il ne se limite pas à affirmer la nécessite

des élites : il détermine leur nature et leur tâche dans l’histoire et

dans le temps présent. La définition de l’origine, de la nature, du sens

profond du terme élite est, à mon avis, la contribution principale de

ce livre.

Quelle est donc l’essence de l’aristocratie, la spécificité de

l’élite ?

Ce qui rend une élite authentique, ce qui fait d’une minorité

une vraie aristocratie, affirme le Prof. de Oliveira à la lumière de

l’enseignement traditionnel de Pie XII, c’est la vertu et en particulier

la vertu chrétienne qui consiste à s’oublier soi-même, ses propres

intérêts, ses propres égoïsmes privés et particuliers, pour se consacrer

au bien commun, au service de la société. Antithétique à l’élite est

toute minorité qui s’organise non pas pour servir le bien commun

mais pour profiter des positions acquises à son propre avantage, à son

propre intérêt. L’homme d’élite est donc le parfait désintéressé,

l’homme qui se sacrifie, qui sert la vérité et le bien. L’esprit de sacrifice

et de service caractérisait le deuxième ordre dans l’Ancien

Régime.

La guerre était pour le noble un holocauste en faveur de

l’Église et du bien commun temporel. “Holocauste - observe le prof.

de Oliveira - qui lui revenait comme reviennent aux clercs et aux religieux

les holocaustes moraux inhérents à leur état”.

Holocauste. Le mot mérite d’être souligné car il avait,

dans la vie du noble, une importance centrale. “D’une certaine

manière - continue le penseur brésilien - il se faisait sentir jusque

dans la vie sociale, sous la forme d’une ascèse qui la marquait profondément.

Les bonnes manières, l’étiquette et le protocole se façonnaient

selon des modèles qui requéraient du noble une continuelle

répression de ce qui est vulgaire, grossier ou même blâmable dans de

nombreux comportements de l’homme. La vie sociale était, sous certains

aspects, un sacrifice constant, toujours plus exigeant au fur et à

mesure que la civilisation progressait et se raffinait”.

Esprit d’holocauste, esprit de sacrifice. Marie Madeleine

Martin rappelle comme jusqu’à la veille de la Révolution française le

privilège plus éclatant dont a joui la noblesse a été certainement celui

de ''l’impôt du sang'' par lequel elle sacrifiait généreusement ses

enfants, pour que l’ensemble de la nation puisse travailler en paix.

À la fin du XIX siècle - rappelle-t-elle - le Marquis de

Vogüe, sous le titre Une famille vivaroise, publiait une sorte de Livre

de la Raison de sa famille auquel il avait annexé un tableau généalogique.

Or à chaque ligne de ce tableau apparaissent les mentions suivantes

: “tué à l’armée d’Italie, tué au Tessin, mort à l’armée de

Hollande, tué au siège de Vallon”.

La noblesse, observe un autre historien, “est le groupe d’élite

par excellence qui veille au salut de l’État, elle est noblesse de

sang à deux titres par le sang reçu des ancêtres et par le sang généreux

versé pour le bien du royaume. Elle a en elle l’héroïsme héréditaire”.

Dans l’esprit d’holocauste on peut saisir l’essence de la

véritable élite. “Le propre d’une aristocratie - a écrit Marcel De Corte

- est de maintenir en elle un état d’âme fondé sur le sacrifice”.

Dans cette perspective de dévouement qui caractérise

toute véritable élite, l’élite traditionnelle est une élite que l’on pourrait

définir avant tout au service de la tradition, “enracinée” dans la

tradition. Enracinée dans le passé, grâce au lien mystérieux de l’hérédité,

mais enracinée aussi et surtout dans les valeurs et dans la vérité

parce que la Tradition est la vérité transmise et vécue dans l’histoire

: la vérité qui vit dans l’histoire sans se confondre avec elle ni

dépendre d’elle.

La fonction essentielle de l’élite aujourd’hui est de témoigner

de l’existence et de la permanence des valeurs. Quand les élites

transmettent leur esprit de service et leur patrimoine de valeurs dans

le temps, d’une génération à l’autre, elles deviennent des élites traditionnelles,

comme la noblesse. C'est là proprement la tradition : la

transmission dans le temps d’un patrimoine de valeurs, de principes

culturels, religieux et moraux.

“Protéger la tradition est la mission spécifique de la

noblesse et des élites analogues”. Le prof. Corrêa de Oliveira

explique bien la relation qui existe entre noblesse et tradition :

“Celle-là est la gardienne naturelle de celle-ci. Dans la société civile,

elle est la classe chargée, plus que toute autre, de maintenir vivant le

lien qui permet à la sagesse du passé de gouverner le présent sans

néanmoins l’immobiliser”.

Sagesse du passé… Aujourd’hui on veut en finir avec le

passé. Mais la tradition n'est pas le passé : la tradition c’est le lien

entre le présent et le passé. La tradition est la vie qui continue et qui

se développe.

“Loin d'être une routine ou un héritage passivement

recueilli, la tradition - explique encore Marcel De Corte - existe physiquement

en nous : elle est le plasma sanguin grâce auquel les hommes

communiquent concrètement entre eux, se comprennent et s'aiment”.

L’histoire, affirme un autre penseur catholique, cher à tout

Suisse, Gonzague de Reynold, “n’est point le passé : elle est une

force qui vient des origines, qui entraîne le passé sur nous, et qui nous

porte avec lui dans l’avenir”.

La perte du lien avec le passé, la fracture avec la tradition,

la dissolution de toute identité culturelle et historique est le problème

fondamental de nos jours. Face à cette perte de repères, à cette crise

profonde d'identité, “l'homme occidental - selon les mots d’un sociologue

contemporain - ne sait plus se reproduire et durer dans l'histoire.

Il perd sa conscience historique”. Il perd la liaison entre le passé

et l'avenir, pour se plonger dans le présent et, dans le présent, s’épuiser,

se dissiper.

Certainement, nous devons vivre le moment présent. C’est

ce qu’ont fait les saints, mais ils ont vécu la minute présente dans sa

relation avec l’instant immuable de l’éternité. Ils ont vécu le moment

présent non pas sur la ligne horizontale du temps, entre un passé

disparu et un avenir qui n’est pas encore, mais sur la ligne verticale,

qui le rattache à l’unique instant de l’éternité. C’est dans le passé,

dans la vitalité du passé, qu’on puise l’infinie richesse du présent. La

vitalité et la fécondité du passé sont la tradition, sorte d’éternel présent

qui, à la lumière des principes et des valeurs permanentes, relie

le passé et l’avenir à l’immuable éternité. La tradition est tellement

constitutive de la société, que son reniement lui interdit tout véritable

progrès.

“Comme l’indique son nom, - rappelle Pie XII - la tradition

est le don qui passe de génération en génération, le flambeau

qu’à chaque relais le coureur confie et remet dans la main d’un autre

coureur sans que la course s’arrête ou se ralentisse. Tradition et progrès

se complètent réciproquement avec tant d’harmonie que tout

comme la tradition sans le progrès se contredirait elle-même, le progrès

sans la tradition serait une entreprise téméraire, un saut dans

l’obscurité”.

La perte de la tradition, le “déliement” du passé et de l’éternité

sont le désordre radical, le chaos suprême, la “décivilisation”

ou la “tribalisation” du monde. Ce monde “tribal”, réalisé par la décivilisation

du chaos dont on parle désormais ouvertement, semble à

nos portes.

Pie XII nous a déjà montré l’itinéraire à suivre pour s’opposer

à ce processus. “C'est le monde entier, peut-on dire, qui est à

réédifier : c'est l'ordre universel qui est à rétablir. Ordre matériel,

ordre intellectuel, ordre moral, ordre social, ordre international, tout

est à refaire et à remettre en marche régulière et constante. Cette tranquillité

de l'ordre, qui est la paix, la seule paix véritable, ne peut

renaître et durer qu'à la condition de faire reposer la société humaine

sur le Christ, pour recueillir, récapituler et rassembler tout en Lui :

instaurare omnia in Christo (Eph. I, 10)”.

Celle-ci est la tâche principale que Pie XII confie aujourd'hui

aux élites…

L’homme d’élite, celui qui est choisi, a une mission, une

vocation à accomplir, un rôle et une fonction spécifique dans la société.

Le caractère propre des élites n’est pas seulement un témoignage

privé, c’est aussi le rayonnement. Ce rayonnement correspond à l’apostolat

typique des élites : remplir une fonction de guide de la société.

L’élite doit faire rayonner autour d’elle la tradition, les valeurs

dont elle est la dépositaire. Bonum est diffusivum sui : le bien tend à

se diffuser. L’élite a une fonction publique par le fait même que la

vérité et le bien se répandent irrésistiblement. L’élite ne peut pas être

repliée sur elle-même, dans une solitude stérile. L’action, le témoignage

public, font partie de son essence même.

Cette action publique est spécialement nécessaire face à

l’horizon de ruines, de décomposition, de chaos qui nous est présenté

par la dissociété actuelle.

Aujourd’hui, comme toujours, quand une société se

décompose, quand il s’agit de restaurer ce qui est ruiné, c’est l’heure

des élites. Le retour au modèle humain représenté par les “élites traditionnelles”

peut constituer le principal antidote à cet extrême déclin

de la société.

Quels sont les hommes d’élite ? Ce sont les hommes qui

luttent publiquement pour la vérité, qui se sacrifient pour la tradition.

Ce sont des hommes pour lesquels la vérité est la vie vécue de tous

les jours, de la même manière que la tradition est la vérité vécue dans

l’histoire et dans la société. La mission que le prof. de Oliveira réser-

ve aux élites traditionnelles, c’est d’opposer avant tout un modèle

humain, une doctrine vécue, au tribalisme contemporain.

Les hommes d’élite par excellence sont les saints, dont

l’exemple est accessible à tous. Parmi les saints, permettez-moi de

rappeler Saint Joseph, Gardien de la Sainte Famille, Protecteur de

l’Église, Prince de la Maison Royale de David, homme d’élite par

excellence, sous le patronage duquel M. de Siebenthal a bien à propos

mis notre congrès.

Les grandes victoires de notre histoire sont le fruit de la

rencontre entre la Grâce Divine et la volonté humaine, de la collaboration

entre l’homme et Dieu. Dieu ne meurt pas, les vérités divines

et naturelles ne changent pas, mais brillent dans la voûte atemporelle

de l’histoire. Ce qui se détourne de la vérité et du bien, mais qui peut

à tout instant y revenir, est le coeur humain.

Le vrai problème de notre temps concerne les hommes. Il

faut des hommes qui servent la vérité, des hommes qui correspondent

à la grâce, des hommes d’élite, des hommes de tradition. Je suis

convaincu que ces hommes existent. L’heure est arrivée pour qu’ils

se rencontrent. Et ce congrès me semble une occasion très importante

pour cela.

Roberto de Mattei

La formation morale des élites

Amiral Michel Berger

De nos jours, parler de formation morale est supposé porter

atteinte à la liberté. L'intellectuel qui évolue dans le tourbillon des

idées à la mode, sans référence objective, remplace le sage dont la

maturité demeure liée à l'acquisition des quatre vertus cardinales (justice,

force, tempérance et prudence). Nous orienterons notre réflexion

sur la dimension sociale de ces vertus en liant leur pratique au service

du bien commun et en insistant plus particulièrement sur la justice.

Ces vertus constituent l' “honnête homme”, à l'esprit dur et au

coeur doux.

«Bien plus qu'un encadrement imposé de l'extérieur

comme des béquilles, ce qui structure une société et la soutient par

l'intérieur c'est son élite.»

Les civilisations naissent ou meurent par la vertu ou la

carence de leurs élites (Amiral Auphan).

Qu'entend-on ici par “l'élite”? Il ne s'agit pas de donner

une définition qui viendrait s'ajouter à celles déjà très complètes,

mises en évidence depuis le début de ce congrès. Mais je voudrais

apporter quelques précisions nécessaires pour introduire notre sujet

relatif à la formation de ces élites.

Il est clair que nous ne classons pas, a priori, dans la catégorie

des élites ceux qui disposent de moyens ou de ressources (intellectuels

ou financiers) supérieurs à ceux des autres, ni ceux qui ont

atteint un niveau élevé de connaissances ou sont parvenus à des rangs

élevés de la hiérarchie sociale. L'élite, disait l'Amiral Auphan dans la

conférence que je viens de citer, est la trame sociale des êtres

humains qui ne se contentent pas de “gagner leur croûte” comme on

dit vulgairement, mais qui ont conscience au poste où la destinée les

a placés, d'un service à rendre, d'un exemple à donner. Font partie de

l'élite tous ceux qui, venus au monde dans n'importe quel milieu

social, accomplissent leur tâche quotidienne, si modeste soit-elle, en

voyant plus haut que leur intérêt personnel, en pensant au bien com-

mun de la portion de société, grande ou petite, où leur action s'exerce,

en remplissant leur devoir d'état avec abnégation, en surmontant

les épreuves avec le sens du sacrifice. «Beaucoup, desservis par les

circonstances, restent ignorés de leurs semblables: leurs mérites ne

sont connus que de Dieu; mais ils s'additionnent à l'infini dans la

communion des saints et contribuent ainsi sur un autre plan, celui de

la grâce, à nous soutenir». L'élite c'est le sel de la terre, c'est en

quelque sorte, dans notre société frappée par l'immoralité, le remède

dont l'action capillaire, patiente, persévérante arrête d'abord le mal,

redonne ensuite la santé. Il est clair, comme déjà le remarquait le

professeur Marcel De Corte lors d'un congrès de Lausanne, que “le

salut de l'humanité et donc notre espérance civique, sociale, politique,

est plus que jamais suspendu à l'initiative privée de quelques

hommes qui, en pratiquant leurs devoirs d'état maintiendront en vie

et transmettront à leurs fils les vertus dont la Cité a besoin pour qu'elle

ne soit ni une foire d'empoigne, ni une termitière”.

Voulant parler de la formation morale des élites, nous

devions rappeler ce que nous entendons par élites, mais peut-être estil

tout aussi nécessaire aujourd'hui de définir le domaine de la morale.

Élites et morale (et combien plus encore élites et ordre moral) sont

des notions que l'on veut oublier. Parler de formation morale est

supposé porter atteinte à la liberté. La formation du caractère, la formation

du coeur sont accusés d'engendrer un climat d'intolérance

quand elles ne sont pas sources de psychoses. Par contre on exalte

“l'intellectuel” qui remplace le héros ou le sage des temps païens ou

le saint des siècles chrétiens; l'intellectuel, ainsi honoré, est alors

celui qui, de façon plus ou moins souple ou plus ou moins rebelle -

selon qu'il est de droite ou de gauche évolue “dans le tourbillon des

idées mortes soulevées par la mode du jour”. La morale n'est plus

qu'une morale de situation, sans référence objective. Pour mieux l'évacuer,

on parlera d'éthique et l'on opposera ou juxtaposera éthique

de conviction et éthique de responsabilité... Que deviennent dans ce

contexte instable les vertus morales qui expriment des “dispositions

stables”, des perfections habituelles de l'intelligence et de la volonté

qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite?

On n'en parle plus! Beaucoup ne savent plus leurs noms; plus

nombreux encore sont ceux qui ignorent que quatre de ces vertus sont

dites cardinales car elles jouent un rôle charnière (cardo: gond), tou-

tes les autres vertus se regroupent autour d'elles. Et pourtant “la

maturité morale, aujourd'hui comme hier, demeure l'acquisition de la

prudence, de la justice, de la force et de la tempérance. Ces dispositions

permanentes à agir efficacement en accord avec la raison, sont

un peu, dans l'ordre moral, ce que le squelette réalise dans l'ordre

physique. Inséparable de tout le reste de la vie organique, le squelette

en est la charpente”. Il en est ainsi des vertus morales pour le soutien

de l'action. Dans quatre petits traités, Marcel De Corte a remarquablement

analysé chacune de ces vertus pour montrer qu'il ne s'agissait

pas seulement de vertus personnelles mais de vertus sociales,

toutes ordonnées au bien commun.

J'ai choisi d'insister tout particulièrement sur la justice,

car y est directement liée la notion de bien commun et que ce qui spécifie

l'élite c'est un sens précis du Bien commun, qu'elle a le devoir

de servir. Hélas aujourd'hui, le bien commun est trop souvent ignoré

et cette ignorance entraîne la dissolution de nos sociétés.

La Justice

La vertu de justice consiste à avoir habituellement la

volonté - qu'on puisse ou non l'exécuter - de rendre à chacun tout ce

à quoi la loi naturelle, et dans une certaine mesure la loi civile, lui

donne droit, tout ce qui lui est dû. Avec cette vertu, nous sommes

ainsi dans le domaine des droits et donc des devoirs de l'homme, dans

toutes ses relations avec autrui. Et l'on peut dire que tous les commandements

du décalogue se rapportent à la justice; à commencer

par les premiers: les devoirs vis-à-vis de Dieu. La vertu de religion

est l'un des aspects de la vertu de justice. Le culte divin est une dette

de stricte justice. Devoirs également vis-à-vis des parents et de la

patrie: c'est la vertu de piété, dont on peut dire qu'elle est une justice

imparfaite. On ne rendra jamais à nos parents, à notre patrie, tout ce

que nous leur devons. Devoirs vis-à-vis de nos bienfaiteurs: reconnaissance,

gratitude sont des devoirs de justice. Dire la vérité est un

devoir de justice vis-à-vis de ceux à qui nous nous adressons.

Respecter le mariage est un devoir de justice entre époux. Respecter

la vie, son intégrité est des devoirs de justice envers tout être humain.

Payer l'impôt, effectuer un service militaire, voter sont des devoirs de

justice vis-à-vis de la société. Toute la vie en société repose sur la jus-

tice. La justice est la condition principale de la paix, “tranquillité de

l'ordre”. À la base de la justice, il y a la notion d'échange et dans

les exemples que je viens d'évoquer, il y a échange d'un objet bien

réel entre deux ou quelques personnes, objet au sens très général du

terme, qui s'intercale entre les personnes. Et c'est l'existence, la valeur

de cet objet qui - indépendamment de la volonté, des dispositions

intérieures ou des états d'âme des partenaires - fait qu'une action est

juste ou non. Mais lorsque le partenaire n'est plus une personne bien

définie et que l'on veut parler de “l'autre” considéré socialement, que

l'on veut parler de la société et de ses membres, le bien échangé, on

dira alors le bien commun, «n'a plus la même netteté tant il est vaste,

ni l'obligation où chacun se trouve d'avoir à le rendre à la communauté,

ni le droit qu'a la communauté d'en exiger l'observance de chacun

de nous. Tel est le paradoxe de la justice générale. Sa réalité n'apparaît

guère à cause même de sa surabondance». Le bien que l'homme

attend de la société c'est qu'elle soit un moyen d'assurer à ceux

qu'elle réunit non pas le respect de leurs simples droits individuels

mais, en plus, un ensemble de biens auxquels une multiplicité d’existences

solitaires leur interdirait d'accéder. Bien plus, l'objectif fondamental

à viser pour chacun dans cette vie collective n'est pas de profiter

le plus possible de tout ce que les autres pourraient lui fournir,

car s'il en était ainsi, la vie sociale n'aurait d'autre loi vraiment essentielle

que l'exploitation systématique de tous par chacun.

Le bien commun d'une “société” (famille, entreprise,

cité...) - expression qui traduit à la fois les notions de communauté du

bien et de bien de la communauté - n'est pas une somme de biens particuliers.

Nous en resterons à une approche descriptive.

L'exemple de l'orchestre est souvent utilisé: le bien du tout que constitue

l'orchestre c'est la perfection de la symphonie et non la perfection

de l'une seulement des parties (la virtuosité d'un violoniste...),

mais pour le violoniste qui renonce peut-être à sa virtuosité pour

jouer une partition plus facile, cette perfection de l'ensemble satisfait

en réalité le désir d'un bien plus grand qu'est la réalisation d'une

musique d'ensemble, qu'il était incapable d'obtenir seul.

Dans l'entreprise, le bien commun est fait d'association

pacifique, de bonne répartition des tâches, d'autorité avisée et de discipline

consentie, de confiance mutuelle, de tradition de fabrication,

de prospérité stable... C'est tout cela qui est à la fois bien de la communauté

et épanouissement des qualités personnelles.

Dans la profession, le bien commun est fait de solide

apprentissage, de statuts bien établis, de collaboration loyale, de

bonne entente, de traditions professionnelles et morales, de patrimoine

corporatif, d'institutions sociales.

Dans la commune et dans la nation, le bien commun est

fait de richesses et d'installations possédées en commun, d'une bonne

législation, de bonne distribution des charges et des biens, de paix

sociale, de confiance, de sécurité extérieure, d'une certaine unité dans

la conception de la vie, d'ardeur commune au travail, de discipline

civique, d'honneur, de la gloire du passé, de l'ordre public, de prospérité.

Le bien commun spirituel se lie intimement au bien commun

temporel, qu'il conditionne et qu'il procure. Que viennent à faiblir

les vertus intellectuelles et morales et le bien commun temporel

s'écroule. Le bien commun spirituel est le potentiel total d'intelligence,

de sciences, de sagesse, de vertus d'un corps social, de ses traditions

intellectuelles, morales, artistiques, pédagogiques, de ses chefsd'oeuvres

matériels, de ses institutions juridiques et sociales, de sa

culture, de son humanisme. Son élément le plus essentiel est la religion.

C'est le fruit d'une lente sédimentation millénaire.

Le bien commun spirituel est conçu, désiré, établi par les

hommes animés d'un esprit commun, à force d'actes vertueux coordonnés

pour aboutir à la création de richesses purement spirituelles

comme les doctrines philosophiques, théologiques, les traditions

morales mais aussi de richesses marquant la matière comme les

chefs-d'oeuvres de l'architecture, de la sculpture, de la peinture, de la

musique chrétiennes, des institutions liturgiques. Le bien commun

spirituel se compose de toutes les valeurs possédées de façon indivise

par les membres de la communauté et qui acheminent l'homme

vers sa destinée universelle.

Le bien commun est un bien dont la nature est de se reverser

sur les membres d'une société. Encore faut-il que les membres

vivants ou disparus de cette société l'aient auparavant instauré. C'est

à l'effort combiné des hommes qu'il doit d'exister, sur lesquels il se

reverse sans se diviser, de même que l'amour d'un père ne se trouve

pas réduit par division en fonction du nombre de ses enfants. Tous les

membres d'une société profitent de l'atmosphère de la bienfaisance

du bien commun sans que celui-ci soit pour autant le bien propre

d'aucun. Il est la raison d'être et la fin des associations humaines.

Il est le bien qui constitue et qui resserre une communauté.

En lui, et par lui seul, se réalisent l'harmonie sociale, la paix durable.

Son privilège est d'unir les hommes dans l'idéal, dans le travail,

dans la vertu, dans le sacrifice, dans la joie.

Si dans le bien commun on doit comprendre des réalités

objectives de tous ordres, ensemble de valeurs intellectuelles, spirituelles

et matérielles, il faut y inclure - et c'est essentiel - un ensemble

de conditions qui permettent à cet ensemble de biens d'être diffusés,

échangés.

Ces conditions sont si importantes que c'est le plus souvent

cet aspect que les papes ont retenu:

«Le bien commun d'ordre temporel consiste dans la paix et

la sécurité dont les familles et les citoyens jouissent dans l'exercice

de leurs droits et en même temps dans le plus grand bien-être spirituel

et matériel possible en cette vie, grâce à l'union et à la coordination

des efforts de tous» .

«Le bien commun - c'est-à-dire l'établissement de conditions

publiques normales et stables, telles qu'aux individus aussi bien

qu'aux familles, il ne soit pas difficile de mener une vie digne, régulière,

heureuse selon la loi de Dieu - le bien commun est la fin et la

règle de l'État et de ses organes» .

«Le bien commun embrasse l'ensemble des conditions de

vie en société qui permettent à l'homme d'atteindre sa perfection propre

de façon plus complète et plus aisée»

Pour achever cette “description” du bien commun, il faut

insister sur l'importance de la paix et de l'unité. Saint Thomas exprime

clairement que «Le bien et le salut des hommes en société sont la

conservation de cette unité qu'on appelle la paix». Plus loin, il fait de

l'ordre et de la paix une des conditions requises pour «instituer la vie

bonne de la multitude». Marcel De Corte note que chaque action au

service du bien commun «n'a d'autre résultat que de maintenir et de

renforcer l'union des membres de la communauté: le bien commun

est tout ce qui unit. Ce qui rassemble les hommes entre eux, les relations

de toutes sortes qu'ils nouent au coeur des générations successives

». Et il souligne que rien n'est plus concret que ce bien commun.

Marcel Clément (L'Homme nouveau, 5.12.82) écrivait que «le bien

commun est la source jaillissante de la plus haute lumière de l'intelligence

dans l'ordre pratique de l'agir».

«Rien n'est plus quotidien en effet que le service de ce bien

commun, à condition d'agir en vue de le renforcer. Si l'on reste les

bras ballants, le coeur fade, l'intelligence morne en face de ses sollicitations,

il s'évanouit; on n'aperçoit plus de lui qu'une carapace verbale

sans signification, à reléguer aux vieilles lunes...» et Marcel de

Corte ajoute: «Nous en sommes là. Le naufrage de nos sociétés c'est

le naufrage du bien commun».

S'il fallait donner une nouvelle définition des élites, on

pourrait dire qu'elles doivent être les gardiennes du bien commun. Ce

doit être-là leur premier souci, tout le reste en découle. La formation

morale des élites peut, à la limite, se résumer en une formule: formation

du sens du bien commun. Toute l'activité de la cité, toute l'activité

dans la cité y sont ordonnées.

«Dans le corps moral, écrit Pie XII (“Mystici corporis”), il

n'y a pas d'autres principes d'unité que la fin commune (le bien commun)

et - au moyen de l'autorité sociale - la commune poursuite de

cette même fin».

Et, en effet, l'autorité sans laquelle il ne peut y avoir de

société, est directement liée à la primauté du bien commun qui en est

le fondement, lui assigne sa fin, détermine les conditions et les limites

de son exercice.

Et c'est en vertu du bien commun que l'élite doit exercer

l'autorité liée à sa compétence et à son état. «L'autorité, comme “l'auteur”,

est source de fécondité, origine d'être et développement» (L.

Salleron). Il y a dans “autorité” comme dans “auteur” (substantifs de

même racine) tout ce qui découle du verbe augere: augmenter, faire

croître, enrichir, hausser. L'auteur est inventeur, créateur, fondateur,

promoteur, instigateur... (à quelque niveau qu'il soit). Qui ne décide

pas, se dérobe devant un choix pour ne pas déplaire, ne remplit pas

son devoir d'état et manque au bien commun. Tout prince faible est

injuste, a écrit Bossuet. «Quand on a laissé l'autorité se perdre et s'évaporer,

faute d'avoir été bien exercée, on ne peut pas se remettre

brusquement à la brandir sans risques des cassures irrémédiables. Si

une société a perdu le sens de l'effort, du sacrifice et de la discipline,

parce qu'on ne lui en a jamais parlé, sinon parfois pour s'en moquer,

seule une élite consciente de sa responsabilité morale est capable de

l'y ramener. Il n'y a pas d'autre planche de salut pour la civilisation.»

Qui dit autorité dit obéissance et nous devrions développer

ici cette vertu qu'est l'honnêteté intellectuelle... De même, à propos

de l'exercice de l'autorité, il faudrait insister sur les exigences du principe

de subsidiarité.

La Force

La force est la vertu qui permet d'écarter les obstacles qui

empêchent la volonté d'obéir à la raison pratique en ses deux fonctions

essentielles de prudence et de justice. Il s'agit non seulement de

réprimer la crainte mais aussi d'attaquer les difficultés aux modérations,

dit Saint Thomas. La force a pour objet, en effet, à la fois la

crainte pour la réprimer et l'audace pour la modérer. Modérer est à

rapprocher ici de maîtriser et non d'affaiblir. Si l'acte principal de la

force est de résister: ne pas subir, il faut aussitôt souligner que cela

ne réduit pas son domaine à la défensive, la vertu de force implique

d'éviter les complicités auxquelles conduisent par exemple aujourd'-

hui bien des erreurs sur la tolérance. Double aspect donc de cette

vertu: sustinere et agredire: résister et attaquer. On discerne bien le

domaine de la force en analysant les vertus qui s'y rattachent: la

patience, la persévérance ou la ténacité; j'insisterai sur la magnanimité,

expression de la fermeté vers le bien, disposition à viser ce qu'il

y a de plus grand. Disons aussitôt que grandeur d'âme et humilité ne

sont pas du tout incompatibles. Il s'agit de s'appliquer aux petites choses,

inébranlablement, chacun à sa place tout en visant un but élevé:

le relèvement de la société, le salut de la patrie, la restauration de la

Royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et dans cette action, conduite

parfois dans la nuit, espérer contre toute espérance. Ranimer des

braises, suivre la petite voie de Sainte Thérèse, «surélever la faiblesse

au niveau de la force par d'humbles moyens journaliers, en prenant

sur soi et en allant du fini le plus simple à l'infini». Si l'ambition et la

présomption sont ainsi étrangères à la magnanimité, il faut en dire

tout autant de la pusillanimité, celle de ce serviteur de l'Évangile qui

enfouit son talent au lieu de le faire fructifier et se fait punir par son

maître. On le voit - et il faudrait y insister dans notre société d'aujourd'hui

- il est essentiel de distinguer force et violence. À la force

sont attachés l'harmonie, l'ordre - et donc la vérité - la cohérence, la

paix. La violence (son radical: “viol” l'exprime) est rupture de cette

harmonie; elle provient du désordre soit qu'elle le produise, soit qu'elle

y remédie. La force émane de l'harmonie; elle est un reflet de la

plénitude de ce qui est en ordre, c'est-à-dire de ce qui est adapté à sa

raison d'être, ordonné à sa fin, reflet de la plénitude de ce qui est vrai.

Plus une société perd le sens de la vérité, plus elle perd le sens de l'ordre,

plus elle perd en force douce et devient société de violence.

Aujourd'hui plus qu'hier, ce qui mérite d'être défendu, les biens fondamentaux

spirituels et matériels, d'une nation ne pourra l'être efficacement

que par la formation constante de toutes les élites de la cité.

Se former pour ne pas mériter cette parole de Saint Pie X: tout le nerf

du règne de Satan tient à la couardise et à la paresse des bons. Se

former sans attendre. Quelques sursauts de violence tardifs ne sont

d'aucune efficacité et les regrets au moment de l'échec ne sauvent

rien. «Il est inconvenant de pleurer et de trépigner comme une

femme, quand on est en train de perdre ce qu'on n'a pas eu la volonté,

le courage de défendre comme un homme», rappelait à son fils la

mère du dernier roi maure de Grenade, au moment où il devait quitter

sa capitale sous la poussée des rois catholiques.

Se former, il s'agit bien ici de la formation de l'intelligence

et de la volonté par le souci quotidien de tout orienter vers le plus

grand des biens, le bien commun. Se former donc pour qu'au travers

des actions quotidiennes, le but soit clairement visé, autrement dit,

pour tenir fermes les deux bouts de la chaîne: pratique et doctrine,

ordre naturel et ordre surnaturel.

Se former aussi pour former les autres, notamment par

l'exemple de ce que représente le Non de la résistance et leur montrer,

comme le dit Marcel De Corte, qu'en matière d'action, très souvent

le Oui commence à Non. «Si tous, moi pas», telle était la devise

admirable d'une grande famille française. Si tous choisissent le

mal, si tous choisissent le mensonge, si tous choisissent la médiocrité,

moi Non.

La Tempérance

Je passerai très vite sur la vertu de tempérance, et pourtant

aujourd'hui il est important de la rappeler. Elle n'est plus à la mode et

sa signification tend à être tout à fait estompée dans notre société de

consommation.

Est attachée à la tempérance une certaine modération, une

certaine mesure dans les jugements et la conduite, une solution mesurée

des problèmes que soulèvent les jouissances que l'homme peut

éprouver. Ce sont les notions d'ordre et d'harmonie qui dominent ici

encore et, lorsque triomphe le plaisir, la société s'émiette, n'est plus

qu'un agrégat confus d'individus ne cherchant que leur propre plaisir

au détriment du bien commun. N'ayant plus alors aucun souci de l'autre,

l'individu devient incapable d'éprouver la moindre crainte d'un

acte honteux, la moindre pudeur. Or la pudeur est la condition sociale

nécessaire de la vertu de tempérance; à ce titre Marcel De Corte

l'appelle “pré-vertu sociale”.

La Prudence

La prudence, enfin, a une place toute particulière. C'est “la

plus humaine des vertus” (titre de l'ouvrage de M. De Corte). La pratique

de la justice, de la force, de la tempérance doit précéder l'exercice

de la prudence. Mais, en même temps, la prudence détermine le

juste milieu raisonnable dans lequel doivent se tenir les autres vertus;

il n'est pas possible d'être vertueux sans être prudent. St Thomas le

montre très bien: «La vertu morale est par définition l'habitude de

faire de bons choix - et pour que le choix soit bon, il faut deux choses:

d'une part avoir une intention droite et c'est l'œuvre de la vertu

morale d'incliner au bien en harmonie avec la raison; d'autre part

prendre les bons moyens pour la fin visée et ceci ne peut se faire

qu'au moyen d'une raison pratique qui sache bien conseiller, juger et

commander, ce qui est l'œuvre de la prudence et des vertus qui lui

sont rattachées. La prudence se développe ainsi en fonction de la

croissance des vertus chez ceux qui se soumettent à l'attraction du

bien commun, sont capables de se gouverner eux-mêmes et de gouverner

les autres en leur servant de droite raison prudentielle. Elle se

trouve à son point culminant chez le chef qui réalise ainsi le type de

l'homme prudent par excellence. (M. De Corte citant Aristote dans

l'Éthique à Nicomaque et St Thomas”.

Vertu très humaine car très réaliste, elle embrasse à la fois

l'universel et le particulier. Elle fait qu'en toutes choses nous jugeons

correctement de ce qu'il faut faire; c'est la science de l'action. En utilisant

la comparaison automobile de M. Clément: la justice est la

vertu “code” (code de la route), la force est la vertu “moteur”, la tempérance

est la vertu “frein” et la prudence, c'est le “volant”. Elle suppose

connues les règles, la doctrine, le but à atteindre. Elle discerne

et dicte les actions qui leur conviennent.

La vie ne se réduit pas à deux domaines: ce qui serait interdit

(ou obligatoire) et ce qui serait laissé à l'appréciation totalement

libre de chacun. Il ne faut pas installer une frontière stricte, linéaire,

là où se trouve tout un domaine dans lequel options et doctrine peuvent

se rencontrer et s'unir. C'est justement le domaine de la prudence.

Si la frontière était cette ligne simple, la justice suffirait.

En oubliant ce domaine propre de la prudence, on en rattache

obligatoirement l'étendue soit à la doctrine (rigorisme excessif,

abusif) soit à l'option libre (laxisme, scepticisme).

La prudence sait estimer à leur plus juste mesure les exigences

tactiques d'une situation. Elle peut exiger que l'on recule ou

cède, mais pas au-delà de ce qui est nécessaire. En vue du bien commun

et pour ce seul motif, Léon XIII précisait qu'il est des cas où la

loi des hommes peut, et même doit, tolérer un mal (“Libertas”). C'est

à la prudence de "gérer" cette tolérance, si mal comprise aujourd'hui.

La prudence guide la justice dans son souci de l'ordre que

saint Augustin définissait comme la juste disposition des moyens par

rapport à la fin ("La Cité de Dieu", chap. XIX). Bien qu'elle soit évidente,

cette corrélation des moyens et de la fin est, elle aussi, trop

souvent ignorée aujourd'hui.

La prudence exige un sens aigu du réel.

Sens aigu du réel

Cette réflexion sur la prudence nous ramène à des considérations

très concrètes sur lesquelles j'achèverai cet exposé. Il faut

insister sur ce “sens aigu du réel”. Le jugement droit est celui qui

concorde avec le réel, dit saint Thomas. Plus l'élite sera réaliste, attachée

à la vérité qui exprime cette concordance entre le réel et l'idée

que l'on s'en fait, plus elle remplira le rôle qu'exige le redressement

d'un monde en proie à un subjectivisme débridé. Pour cela, il ne suffit

pas de savoir et de comprendre - ce qui est du domaine scolaire -

il faut avoir acquis une dose raisonnable d'expérience réfléchie et

donc de sagesse.

Le véritable ordre humain n'est pas fait que de notions

abstraites. Il est incarné, immergé dans les faits. Faute de réaliser cet

ancrage, le seul enseignement des notions les plus sûres tend à développer

chez ceux qui s'y complaisent un goût exclusif de l'absolu qui

rend dur, implacable, et conduit à faire se grouper de prétendus purs

de plus en plus purs, pratiquement coupés de tous et de tout, faisant

le vide autour d'eux. La vérité humaine ne serait pas vérité si elle

n'assumait pas tout le réel, réel doctrinal, intellectuel et spirituel, réel

des principes mais aussi réel du concret, de la matière, de ce qui est

contingent, singulier, local... C'est la compréhension de ce tout (à la

fois naturel et surnaturel), le respect de la subsidiarité de cet ensemble

multiforme qui doivent diriger et animer une saine formation

morale des élites, disait Jean Ousset à Lausanne en 1973. Respect de

la diversité que doit coiffer en quelque sorte un souci d'unité, que

seule une formation générale suffisante peut assurer. De façon plus

concrète encore, l'amiral Auphan parlait de l'éducation d'un sixième

sens; il faut, disait-il, qu'il se forme en soi le sens des possibilités qui

permet d'éviter les chimères et les utopies, tout en cherchant toujours

à atteindre les limites de ce possible. Cette expérience, cette sages-

se ne se transmet pas; il faut se les “fabriquer”; c'est là un des aspects

de l'acquisition de la compétence. Il faut s'y prendre très tôt en s'exerçant,

encore jeune, à des responsabilités. L'expression “sixième sens”

exprime l'acquisition d'une disposition permanente - nous ne quittons

pas le domaine de la vertu - Une fois dans l'action, on n'a plus le loisir

de réfléchir. L'émotion, les préoccupations, l'attention détournée

par un incident fortuit peuvent obscurcir la raison, faire manquer une

occasion. Il faut que l'étude, la méditation et la prévoyance aient au

préalable éduqué les réflexes.

Importance de l'histoire

Si l'expérience, la sagesse ne se transmettent pas, au sens

propre du terme, cela ne signifie pas évidemment qu'il faille faire du

passé table rase. On ne peut parler de la formation morale des élites

sans évoquer l'importance de l'histoire, c'est-à-dire toute la littérature,

la philosophie, les épreuves religieuses de nos ancêtres qui s'offrent

à l'élite comme une source inépuisable d'expérience sociale.

L'histoire participe à ce façonnement de la conscience

avec laquelle ensuite on jugera le présent pour orienter l'avenir, d'où

“son extrême importance pour la pureté de la pensée” (Amiral

Auphan). Hélas, en ce domaine, nous avons à vivre dans une véritable

jungle: omissions calculées, affirmations inexactes, mots truqués,

etc. C'est déjà beaucoup d'en être averti.

Connaissance du passé mais aussi attachement à ce passé,

à une tradition qui peut être familiale, locale, professionnelle, nationale

et qui est faite surtout de l'ensemble de ces traditions. Nous sommes

héritiers et l'élite que nous souhaitons, c'est l'élite de cet héritage.

La qualité d'un homme se juge au nombre et à la qualité de ses liens,

disait Saint-Exupéry et le premier de ces liens c'est l'attachement au

passé. Peut-on dire avec Simone Weil qu'un peuple sans passé, sans

traditions, sans racines est un peuple impropre au surnaturel? Si l'on

ne peut aller jusque-là, du moins peut-on comprendre ce qu'elle voulait

montrer.

Nous n'avons pas la prétention d'avoir épuisé le thème de

la formation morale des élites, encore moins celui de leur éducation.

Nous n'avons retenu qu'un axe de réflexion, celui de la formation

morale nécessaire pour remplir le rôle social que l'on doit attendre

des élites, rôle tout entier ordonné au service du bien commun, rôle

dont chacun doit savoir qu'il n'est pas facultatif. Il est un des aspects

du devoir de charité politique qu'évoquait Pie XI, affirmant que le

domaine de cette charité politique était le plus vaste après celui de la

religion.

Cette expression de charité politique suffit à montrer que

nous n'avons pas, en ne retenant que cet axe social, voulu “utiliser”

pour un seul bien temporel, des biens et des valeurs normalement

réservés à la vie des âmes ou au progrès spirituel.

Cette expression enfin, de charité politique, sous entend

que tout ce que nous avons développé suppose l'amour. La prudence,

cette science de l'action, est un élan de l'amour, non pas d'un amour

timide, vite arrêté ou détourné mais d'un amour ingénieux dans une

intention de conquête. Et l'on ne peut séparer la justice de l'amour, de

même que l'on ne peut commander sans aimer. Sans charité le zèle

pour la vérité n'est déjà plus l'ordre véritable. Mais, s'il faut que la

charité compatisse, il ne faut pas que la vérité se relâche, disait

Bossuet. En fait, il faut que l'élite ait “l'esprit dur et le coeur doux”,

esprit dur, commentait Jean Ousset à Lausanne en 1983, cela ne veut

pas dire esprit méchant mais esprit rigoureux, sans basses ou honteuses

capitulations, coeur doux, c'est-à-dire miséricordieux, habile à

conquérir, à gagner ceux qui sont dans l'erreur. C'est à ce prix que l'élite

peut être une réelle pépinière de héros et de saints qui protègent,

guident et sauvent nos sociétés.

Michel Berger

Entré à l'Ecole Navale en 1952, l'amiral BERGER a principalement

servi dans les Forces Sous-Marines et dans les activités

nucléaires des Forces Armées. Depuis le ler janvier 1989, il a rejoint

l'équipe de l'Action Familiale et Scolaire*, qui vise à éclairer par l'enseignement

constant de l'Église catholique, les problèmes actuels de

notre société, afin de soutenir le combat politique pour la restauration

d'un ordre social chrétien.

(*) ACTION FAMILIALE & SCOLAIRE 31, rue

Rennequin - F-75017 Paris - Tel.: 01.46.22.33.32

Les élites face à la perversion de

l'intelligence et des mœurs

du XVIème siècle à nos jours

François Marie Algoud

Le sujet que je dois traiter est tellement vaste que je ne

pourrais que l'effleurer. Cependant, je vais m'efforcer de le présenter

de telle manière que chacun sentira la nécessité personnelle de l'approfondir,

et en aura un désir pressant, étant donné la conjoncture

politique.

Des pervertis et des pervertisseurs, il y en a eu de tout

temps. En revanche, il n'en fut pas de même de la volonté de perversion.

Si l'on constate en France - et en Europe - une perversion

marquante de l'intelligence et des mœurs dès le XVIème siècle, l'histoire

nous fait voir une volonté de perversion deux siècles plus tard -

et cela coïncide avec la création de la Franc-maçonnerie, d'ailleurs !

À cette volonté de perversion s'en est opposée une autre,

celle de laïcs et d'hommes d'église, décidés à la combattre, car l'alternative

est de taille : doit-on aller vers Dieu ou vers la Bête ?

En 1516 : La question de l'euthanasie apparaît pour la première

fois chez Thomas More dans son Utopie. Plus tard, chez

Francis Bacon.

Dans ce même ouvrage, l'auteur préconise que, pour la

félicité collective, chacun soit "sans cesse exposé aux yeux de tous".

Cela préfigure les mots d'un Conventionnel en mission :

"Dans un pays libre, nul ne peut ni ne doit déguiser l'intérieur de sa

maison" (cité p. 119, dans Nature humaine et Révolution, Xavier

Martin, DMM, 1994)

En 1517 : Martin Luther (1483-1546), moine augustin

allemand, affiche sur les portes du château de Wittenberg ses Quatrevingt-

quinze thèses qui marquèrent le début de la Réforme.

La maxime selon laquelle les bonnes œuvres ne sont pas

nécessaires au salut risque d’entraîner un relâchement des mœurs.

On connaît cette présentation du protestantisme donnée

par le pasteur Richard Molard : “le protestantisme, étranger à tout

dogme fixé, à toute morale immuable et surtout à toute règle définitive,

doit signifier en paroles et en actes les exigences de l'Évangile

dans la société telle qu'elle est” (Article “La vraie nature du protestantisme”

dans le Figaro du 30 mai 1974, cité dans “l’Offensive

maçonnique”, AFS, no 97, p 3)

C'est la même année que Jérusalem est prise par les

Ottomans, et aussi Alger, la Syrie, l'Irak, l’Égypte. En 1530 c'est la

Confession d'Augsburg, premier formulaire exposant la profession de

foi des luthériens, rédigée par Melanchton.

En 1531 : Henry VIII se proclame chef de l'Église

d'Angleterre et rompt avec Rome. En 1536 : Calvin (l509 - l564)

publie (en latin) L'Institution de la religion chrétienne, qui deviendra

le livre clef du calvinisme.

En réaction le Concile de Trente convoqué par Paul III

puis Paul IV s'ouvre en 1546. Lors de sa clôture par Pie IV en 1563,

paraissent les décrets sur le péché originel, la justification et les

sacrements. C'est l'organisation de la Contre-Réforme.

Autre réaction : le 7 octobre 1571, c'est la victoire de

Lépante.

Puis viennent :

- Campanella : “Les idées de Campanella sont essentiellement

conçues à partir de la fusion du dogme chrétien et du naturalisme

de la Renaissance”

- Descartes : “La révolution accomplie par René Descartes

a été un des tournants, un des âges de la pensée humaine, un des âges

de l'humanité. Elle se situe, comme la Croix de la Révélation nouvelle,

au carrefour de ce Monde issu de la Renaissance, de cette Re-

Naissance dont Chesterton a pu dire, au sens biblique, qu'elle ouvrait

l'ère de la Re-Chute.”

- Comenius : Le projet rosicrucien de Comenius est assurément

l'un des projets les plus achevés d'une communauté européenne

d'inspiration occultiste et plus précisément rosicrucienne.

En face ce sont avant tout des réactions religieuses, celles

de fortes personnalités : des Saints et des Saintes, qui définissent,

fondent, et agissent

- Saint Pie V : il codifie la messe. Il publie le catéchisme

du Concile de Trente. Il fait publier le missel en 1570.

- Saint François de Sales : (1567-1622). Il est déclaré docteur

de l'Église en l 677.

- Sainte Jeanne de Chantal (1572-1641). Elle fonde l'Ordre

de la Visitation.

- Le Cardinal de Bérulle (1575-1629).

- Saint François-Régis (1597-1648).

- En 1622 : ouverture à Paris du premier séminaire

- En 1625 : Fondation par Saint-Vincent de Paul, “le grand

saint du grand siècle, de la Société des prêtres de la mission”, les

Lazaristes (prieuré de Saint-Lazare). Monsieur Vincent (1581-1660)

multiplie les fondations de charité. Il est à l’origine de la cérémonie

de la communion solennelle.

- En 1635 : Louise de Marillac (1591-1660) fonde la

congrégation des Filles de la charité. Elle sera béatifiée en 1920

(comme Jeanne d'Arc), et canonisée en 1934.

- Le 10 février 1638 : A Abbeville, Louis XIII consacre

solennellement à la Très Sainte Vierge Marie "notre personne, notre

État, notre couronne et nos sujets". Il ordonnait qu'en mémoire du

vœu, dans toutes les églises du royaume,

- le 15 août, une procession solennelle soit organisée, et

que dans toutes les cathédrales une chapelle soit dédiée à la Vierge.

Il avait consacré sa personne à Notre-Dame-du-Puy en l 629.

- Saint Jean Eudes : 1601-1680. Congrégation de Jésus et

Marie : les Eudistes.

- Saint Jean-Baptiste de La Salle (1651-1716), et ce sont

les "Frères des Écoles chrétiennes".

- Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716).

Ses prodigieuses missions en Vendée en ont fait la terre des héros, des

martyrs et des saints qu'a voulu anéantir la sinistre Révolution, hélas

française !

- De 1651 à 1659 : Corneille traduit l'Imitation de Jésus-

Christ, en treize mille vers.

- En 1659 : A Paris sont créées les missions étrangères.

- En 1662 : mort de Pascal Son "Apologie de la religion

chrétienne" demeurant inachevée, ses fragments sont rassemblés et

publiés sous le titre de "Pensées".

"Il y a bien de la différence, disait Pascal, entre avoir les

mœurs corrompues et corrompre la règle des mœurs".

Nous y sommes !

Le 24 juin 1717, c'est la création de la Franc-maçonnerie

en Angleterre (Grande Loge de Londres). L'un des trois principaux

animateurs est Désaguliers, ami et collaborateur de Newton.

En 1721 : Institution, à Dunkerque, de la loge "Amitié et

Fratemité".

Tout remonte à l'influence prise par les sociétés de pensée

animées par les Francs-maçons.

En 1723 : Un plan, dont les révolutions américaine et française,

à la fin du siècle, ne furent que les premières réalisations violentes,

se devinait déjà dans les ouvrages d'auteurs du siècle précédent.

Il est énoncé en termes assez explicites dans les"constitutions"

de la Franc-maçonnerie de 1723 et prévoit, après la destruction des

formes traditionnelles de sociétés fondées sur la religion, la formation

de groupements sociaux artificiels toujours plus étendus et

homogènes.

Je ne vais pas maintenant m'étendre sur toutes les manifestations

d'une effroyable - je l'appellerai satanique - volonté de perversion.

Vous en avez toutes les preuves dans mon livre : “Histoire de

la volonté de perversion de l 'intelligence et des mœurs, du XVlè ne

siècle à nos jours ".

En revanche, je vais faire état de réactions, et ce, par ordre

chronologique (ces citations sont toutes extraites de mon ouvrage,

précité).

Souvenons-nous donc que le 31 août 1670, au séminaire

de Rennes, se célèbre pour la première fois la fête du Sacré-Cœur de

Jésus.

Le 27 décembre 1673 : Le Christ fait de Sainte

Marguerite-Marie Alacoque, Visitandine de Paray-le-Monial, sa messagère.

En 1674 : Il lui fait connaître son Coeur, et lui montre les

merveilles inexplicables de son Amour. En pratique, Il recommande

la réception fréquente de l'Eucharistie, la coutume du premier vendredi

du mois, précédée d'une veillée le jeudi soir, pour réparer le

sommeil des apôtres pendant son agonie, et le 16 juin 1675, enfin,

montrant à nouveau son Coeur, Il prononce ces paroles, depuis lors

bien connues : "Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu'II n'a

rien épargné, jusqu'à s'épuiser pour leur témoigner son Amour. En

guise de reconnaissance, Je ne reçois qu'ingratitude par leurs irrévérences

et par leurs sacrilèges ; leur froideur et le mépris qu'ils ont

pour Moi dans le Saint Sacrement." C'est alors qu'II demande l'institution

de la fête du Sacré-Coeur.

En 1688 parait l'Histoire des variations des Églises protestantes

par Bossuet (1627-1704)

L'année d'après, le Christ déclare à Sainte Marguerite-

Marie : "Je régnerai malgré mes ennemis ".

RAPPELONS NOUS SANS CESSE CETTE

DÉCLARATION POUR Y PUISER FORCE ET

DÉTERMINATION DANS NOTRE COMBAT CONTRE LES

PERVERTISSEURS DE TOUT POIL.

Le 20 octobre 1694 : Mandement de Bossuet "pour exhorter

à la communion pascale ceux qui manquent à la faire" (Revue

Bossuet, t. V, 1904, p. 11). L'inquiétude de Bossuet vient d'un "affaiblissement

de la foi chez les élites, la remise en cause des certitudes

traditionnelles, les attaques de plus en plus virulentes des "libertins"

contre la religion".

Le 24 avril 1738 : Dans l'Encyclique In Eminenti, Clément

XII déclare : "Nous défendons formellement… d'entrer dans lesdites

sociétés de Francs-maçons".

Le 18 mai 1751 : Encyclique Providas de Benoît XIV.

Confirmation à propos de la Franc Maçonnerie : "Nous voulons et

décrétons qu'elle ait force et efficacité à toujours".

Le 14 septembre 1757 : Clément XIII, en plein siècle des

Lumières (ou plutôt des lumignons), aux patriarches, primats, archevêques

: "Si nous nous laissons ébranler par l'audace des méchants,

c'en est fait de la force de l'épiscopat, de l'autorité sublime et divine

de l'Église, il ne faut plus songer à être méchants, si nous en sommes

venus au point de trembler devant les menaces et les embûches des

pervers. "

Nous arrêtons ici l'énumération chronologique des oppositions

à la volonté de perversion de l'intelligence et des mœurs. Vous

trouverez la suite dans mon ouvrage d'où sont issues les dates précitées.

Je n'énumérerai pas les maîtres de la contre-révolution.

Mes auditeurs et lecteurs les connaissent.

Il est évident, pour les moins informés d'entre eux, que le

personnage ayant le plus marqué son époque est le maître de l'Action

Française, Charles Maurras. Ce n'est pas aujourd'hui que je développerai

ce sujet, mais je dois cependant rappeler que l'Action Française

a influencé trois mouvements importants :

- le retour à un classicisme littéraire,

- le nationalisme français (le nationalisme intégral étant la

monarchie),

- la renaissance catholique.

Enfin, je voudrais rappeler que si "le désespoir en politique

est une sottise absolue", suivant la profonde réflexion de

Charles Maurras, un chrétien ne doit jamais désespérer puisque le

Christ est ressuscité !

Ma conclusion est et sera pleine d'espérance. C'est la citation

de la harangue d'un des plus magnifiques opposants à la folie

révolutionnaire : le Général Charette. Les accords de la Jaunaie, (le

17 février 1795) "présageaient pour toujours la victoire d'un peuple

soulevé pour ses fidélités", ainsi que l'a écrit Emmanuel Catta

"Notre Patrie à nous, c'est nos villages, nos autels, nos

tombeaux, tout ce que nos pères ont aimé devant nous. Notre Patrie,

c'est notre Foi, notre Terre, notre Roi. Mais leur Patrie à eux, qu'estce

que c'est ? Vous le comprenez, vous ? Ils veulent détruire les coutumes,

l'ordre, la tradition. Alors, qu'est-ce que cette Patrie narguante

du passé, sans fidélité, sans amour ? Cette patrie de billebaude et

d'irréligion ? Beau discours, n'est-ce ? Pour eux, la Patrie semble n'être

qu'une idée ; pour nous, elle est une terre. Ils l'ont dans le cerveau

; nous l'avons sous les pieds, c'est plus solide ! Et il est vieux comme

le diable, leur monde qu'ils disent nouveau et qu'ils veulent fonder

dans l'absence de Dieu… Vieux comme le diable… On nous dit que

nous sommes les suppôts des vieilles superstitions… Faut rire ! mais

en face de ces démons qui renaissent de siècle en siècle, sommes une

jeunesse, Messieurs ! Sommes la jeunesse de Dieu. La jeunesse de

fidélité ! Et cette jeunesse veut préserver, pour elle et pour ses fils, la

créance humaine, la liberté de l'homme intérieur".

À Jésus par Marie et que Dieu vous et nous garde, chers

amis !

"Seigneur, endormez-moi dans votre paix certaine

Entre les bras de l'Espérance et de l'Amour.

Ce vieux coeur de soldat n'a point connu la haine

Et pour vos seuls vrais biens a battu sans retour.

"Le combat qu'il soutint fut pour une Patrie,

Pour un Roi, les plus beaux qu'on ait vus sous le ciel,

La France des Bourbons, des Mesdames Marie,

Jeanne d'Arc et Thérèse, et

Monsieur saint Michel."

Charles Maurras

(vers recueillis par Gustave Thibon)

Annexes

Voici quelques textes ne figurant pas dans la première édition

de mon "Histoire de la volonté de perversion de l'intelligence et

des mœurs, du XVIème siècle à nos jours" :

"La "civilisation occidentale moderne", qui a fini par

imposer sa loi à toute la planète, est née de deux sources polluées : la

révolte de la Réforme et la révolution "humaniste" de la Renaissance.

Ces deux sources, diversifiées dans les manifestations périphériques

dont s'occupent les historiens, n'en dérivent pas moins d'une origine

souterraine commune. L'analyse philosophique de l'essence même du

monde "moderne" nous a permis de conclure que ses principaux

ingrédients sont le nominalisme et la morale de l'amour-propre, ou de

l'homme extérieur. Notons encore que ce ne fut point dans les académies

et les cours de philosophie que ces venins de la raison spéculative

et de la raison pratique ont structuré mentalement notre civilisation

: ce fut plutôt dans la dissémination, la pollution qui fit parvenir

ces toxines aux bronches spirituelles de la majorité. C'est au niveau

de la perversion du sens commun que s'est nouée la tragédie. "

(Gustave Corçao : Le Siècle de l’Enfer, Ed. Sainte Madeleine, 1995

p. 565).

"Le plus grand scandale de ce siècle fut le mariage adultère

des catholiques avec les communistes". (Gustave Corçao : le

Siècle de l'Enfer, Ed. Sainte Madeleine, 1995 p. 490).

"On ne dira jamais toutes les lâchetés dont nos compatriotes

ont été et seront capables par crainte de ne point paraître suffisamment

à gauche." (Charles Péguy)

"Une personne sensée qui se réveillerait en ce tournant du

siècle, après un sommeil de quelque quatre cents ans, aurait le plus

grand mal à saisir en amont la continuité, le fil de ce courant historique

qui - au nom de la "Justice" et de la "passion des pauvres" - a

engendré la monstruosité de l'univers socialiste ; et elle ne saurait pas

de quoi s'étonner le plus, si elle pouvait, en se retournant, considérer

la flasque "tolérance" avec laquelle le monde libéral s'est laissé violer.

" (Gustave Corçao : le Siècle de I’Enfer, Édition Sainte

Madeleine, 1995, p. 143)

"Si nous restons tranquilles et négligents, si nous permettons

que l'apathie et la timidité s'emparent de nos personnes, si nous

laissons les portes ouvertes à ceux qui cherchent à détruire notre religion,

ou si nous attendons que le triomphe de nos convictions soit

assuré par la bienveillance de l'ennemi, alors nous n'aurons plus le

droit de nous lamenter lorsque l'amère réalité nous fera clairement

comprendre que nous avons eu la victoire à portée de mains, mais que

nous n'avons pas su combattre comme des guerriers intrépides préparés

à mourir glorieusement. " (Cardinal Segura, archevêque de

Tolède, lettre pastorale de mai 1931).

"Traitant des origines du socialisme, nous réunissons sous

cette appellation les diverses écoles qui s'en réclament, et que nous

ne saurions démembrer pour ouvrir avec chacune une controverse

particulière. Si beaucoup de socialistes ne sont que des disciples

retardataires des plus coupables erreurs du paganisme, il en est d'autres

qui, sur plus d'un point, s'accrochent encore aux traditions chrétiennes,

et dont l'erreur principale est de vêtir de nouveaux noms les

anciennes vertus, de transformer en préceptes les conseils évangéliques,

et de vouloir fixer sur terre l'idéal des cieux. Nous ne sousestimons

pas la générosité de ces illusions, mais nous en voyons le

danger.

Comme toutes les doctrines qui perturbent la paix du

monde, le socialisme n'a pu tirer sa force que de nombreuses vérités

mélangées à de nombreuses erreurs. Cette confusion lui confère une

allure de nouveauté qui cause l'admiration des esprits simples et peu

défendus: nous parviendrons à écarter tout le péril de leurs enseignements

le jour où nous y aurons montré, d'une part, les anciennes vérités

qui n'ont pas attendu le soleil du dix-neuvième siècle pour voir le

jour, et, de l'autre, les erreurs séculaires tant de fois jugées par la

conscience des hommes et l'expérience des pauvres. Il est temps

aujourd'hui de procéder au triage et de reprendre ce qui est nôtre,

c'est-à-dire des vieilles idées populaires de justice, de charité et de

fraternité. Il est temps de montrer que nous pouvons plaider la cause

des ouvriers, que nous pouvons nous consacrer au secours des classes

déshéritées, et promouvoir l'abolition du paupérisme sans nous

solidariser le moins du monde avec les prédictions déchaînées par la

tempête de juin (1848) qui suspend au-dessus de nos têtes de sombres

nuages.

"Nous pouvons compter principalement sur le christianisme,

qui n'a jamais cesse de combattre avec une égale fermeté l'erreur

du socialisme et les passions de l'égoïsme individuel : le christianis-

me contient toutes les vérités des réformateurs modernes et aucune de

leurs illusions, il représente la seule forme capable de réaliser l'idéal

de la fraternité sans immoler la liberté, et de procurer aux hommes la

plus grande félicité terrestre possible sans les arracher au don sacré

de la résignation ; il est le plus sûr remède aux douleurs d'une vie, et

sa dernière parole lorsqu'elle doit s'achever." (Ozanam : "Les origines

du socialisme", in Mélanges, Paris 1855, volume VII œuvre I, pages

185-230).

"Un autre trait propre aux intellectuels consiste à ne jamais

tirer aucune leçon des événements, parce qu'ils les censurent. " (Jules

Monnerot : La France Intellectuelle, Éditions Bourgine, Paris, 1970,

page 63).

"Quelle sera l'issue de ce combat livré à Dieu par de faibles

mortels, nul esprit sensé ne peut le mettre en doute. Il est loisible

assurément, à l'homme qui veut abuser de sa liberté, de violer les

droits et l'autorité suprême du Créateur; mais au Créateur reste toujours

la victoire. Et ce n'est pas encore assez dire: la ruine plane de

plus près sur l'homme justement quand il se dresse plus audacieux

dans l'espoir de triomphe. C'est de quoi Dieu lui-même nous avertit

dans les saintes Écritures. Il ferme les yeux, disent-elles, sur les

péchés des hommes, comme oublieux de sa puissance et de sa majesté

; mais bientôt, après ce semblant de recul, se réveillant ainsi qu'un

homme dont l'ivresse a grandi la force, il brise la tête de ses ennemis,

afin que tous sachent que le roi de toute la terre, c'est Dieu, et que les

peuples comprennent qu'ils ne sont que des hommes. " (Saint Pie X :

Supremi Apostolatus)

François-Marie Algoud

Président d'honneur, fondateur de l"Oeuvre chrétienne de

la Cité Vivante"

Bâtir des groupes d'élite chrétiens

en Europe

Winfried Wuermeling

Face à une nouvelle Europe qui s’organise, les chrétiens,

pourtant largement majoritaires, se confinent souvent timidement à

leurs clochers, paroisses, diocèses ou nations.

L.'UNEC qui, depuis sa fondation, en 1989, veut aider à

rassembler les chrétiens de toute l'Europe, à expérimenter des formes

de coopération chrétienne traversant les frontières :

1) dans les domaines intellectuel et médiatique ; collectes

de signatures, groupes d’étude, publications, agence de presse chrétienne,

2) dans le domaine caritatif : actions SOS pour les enfants

d’Irak, du Liban, de Tchernobyl ; pour les mamans en instance d’avortement

en France, Belgique, Ukraine, pour l’aide matérielle par

un “pont chrétien vers la Pologne et l’Ukraine“, enfin pour les

malades du Sida (projet),

3) dans le domaine religieux ; organisation de pèlerinages

de l'ouest en est, et inversement; pèlerinages à St. Jacques de

Compostelle à pied ; conférences à l’étranger sur la Ste Tunique

d'Argenteuil ; aides ponctuelles pour des projets chrétiens à l’est

(chemin de croix pour la vie en Pologne, chapelle roulante pour la

Roumanie, Vierges pèlerines pour l’Ukraine)

Chaque fois des groupes de composition internationale se

forment autour de chacune de ces activités : cellules vivantes pour la

future Europe chrétienne à (re) bâtir

L’UNEC répète, par ailleurs, son appel aux présidents des

associations chrétiennes européennes de tout genre de se réunir librement

une fois par an pour convenir d’une seule action annuelle commune

d'envergure

Le texte complet de l’allocution n'est pas prévu, puisqu’il

s’agit plutôt d'un rapport d'expériences vécues.

Christliche Elitegruppen in Europe aufbauen

!

von Winfried WUERMELING,

Generalsekretär der Union der Nationen des Christlichen

Europas (UNEC)

Zusammenfassung :

Die Christen beschränken sich oft ängstlich auf ihre

Kirchtürme, Pfarreien, Diözesen bzw. nationalen Grenzen im

Anblick des sich strukturierenden neuen Europas.

Die UNEC, welche seit ihrer Gründung im Jahre 1989

dazu beitragen möchte, dass sich die Christen ganz Europas zusammenfinden,

hat verschiedene Formen grenzenüber schreitender

christlicher Zusammenarbeit experimentiert :

1) im Bereich von Intellekt und Medien : Europäische

Symposien, Unterschriftensammlungen, Studiengruppen,

Veröffentlichungen, christliche Presseagentur ;

2) im karitativen Bereich : Aktionen SOS für die Kinder

im Irak, in Libanon, in Tchernobyl, für die an Abtreibung denkenden

Mütter in Frankreich, Belgien, Ukraine ; zwecks materieller Hilfe

mittels einer "christlichen Brücke" nach Polen und Ukraine ; und

schliesslich für die AIDS-Kranken (Projekt) ;

3) im religiösen Bereich : Organisation von Wallfahrten

von Westen nach Osten, und umgekehrt ; Fusswallfahrt nach Skt.

Jakob von Compostella ; Vorträge im Ausland über die hl. Tunika von

Argenteuil ; Zielhilfen für christliche Projekte im Osten

(Lebenskreuzweg fur Polen, rollende Kapelle für Rumänien,

Pilgermadonnen für die Ukraine).

Jedesmal formen sich internationale Gruppen um jede

Aktion : lebendige Zellen für das zukünftige christliche Europa, das

wir (wieder) aufbauen wollen.

Zudem wiederholt die UNEC ihren Aufruf an die

Präsidenten der christlichen Vereine aller Art in Europa, sich auf

freier Basis einmal jährlich zu treffen, um eine einzige gemeinsame

Grossaktion pro Jahr zu organisieren.

(Ein kompletter Text dieses Vortrags ist nicht vorgesehen,

da es sich mehr um einen Erlebnisbericht handelt.)

Texte pour la Conférence du CCE à Lausanne du 11/12

oct. 1997 - éd. allemande

Let's form Christian Elite Groups in Europe

!

by Winfried WUERMELING,

Secretary general of Union of the Nations of Christian

Europe UNEC)

Abstract :

In view of the new Europe getting structured before our

eyes, Christians use to confine themselves anxiously to their bell

towers, parishes, dioceses or national boundaries,

UNEC which, since its foundation in 1989, wants to

contribute that the Christians of Europe find themselves together, has

made experiments of various ways of christian cooperation in Europe

:

1) in the field of intellect and media : European conferences,

collection of signatures, groups of study, publications, christian

news agency ;

2) in the charity field : actions SOS in favour of children

in Iraq, Lebanon, Tchernobyl ; of mothers thinking about abortion in

France, Belgium, Ukraine ; of material aids by means of a "christian

bridge" to Poland, Ukraine, Rumania ; and finally of AIDS diseased

(project) ;

3) in the religious field : organisation of pilgrimages from

West to East, or vice versa ; foot pilgrimage to St. James of

Compostella; conferences in foreign countries concerning the Holy

Tunica of Argenteuil ; assistance to selected projects in the east

(Crossway for life in Poland, rolling chapel for Rumania, Pilgrim

madonnas for Ukraine).

Each time international groups are formed around each

action : living cells for the future Christian Europe which we want to

(re) build.

On top of this, UNEC repeats its appeal to the Presidents

of christian associations of all kind in Europe to meet freely once a

year in order to define one single common action of large size per

year. (A complete text of this conference is not foreseen, because it is

rather a report of lived experience.)

Texte pour la Conference du CCE à Lausanne du 11/12

oct. 1997 - éd. anglaise

Winfried Wuermeling

secrétaire général de l’Union des Nations de l’Europe

Chrétienne (UNEC

Des élites de coeur et d'esprit

Daniel Rivaud

"Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang,

mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs

des ténèbres d'ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux

célestes". Ephésiens 6 - 10 v. 12.

Vous n'en voudrez pas au pasteur que je suis d'introduire

ainsi notre propos par cette citation de Saint Paul dans l'Écriture

Sainte. Je le fais non seulement en tant que pasteur mais aussi parce

que je suis convaincu qu'au-delà de nos appartenances confessionnelles,

réside là la clef de notre compréhension, aussi bien du contexte

actuel dans nos sociétés que de la réponse que nous devons apporter

en tant que chrétien dépositaire de la révélation divine, témoin et

disciple de Jésus-Christ.

Ainsi, je crois que c'est notre relation à Dieu qui déterminera

notre influence sur la société et notre regard sur l'autre, le prochain.

Le nouvel ordre laïc - qu'il conviendrait plutôt d'appeler

désordre laïc ! - insiste sur la nécessité de séparer la pratique religieuse

de la vie courante et de la réduire à une simple affaire intérieure

qui ne doit, en aucun cas, s'exprimer publiquement. Cette prétention

révèle non seulement une méconnaissance flagrante d'une foi

authentique et vécue, mais également une intolérance qui plonge ses

racines dans un système qui, s'il a rosi aujourd'hui, n'en reste pas

moins rouge du sang de ses victimes.

Une même tentation de séparation, mais pour d'autres raisons,

existe également dans l'Église à travers ses différentes composantes.

La création de certains ordres religieux catholiques a été

basée sur la volonté d'une séparation totale d'avec le monde considéré

comme souillé et impur. Dans le protestantisme, un certain nombre

de mouvements ont prôné cette même séparation d'avec le monde.

Si cette mise à l'écart peut favoriser l'expression d'une foi authentique,

elle porte en elle les germes d'une sclérose qui risque d'annihi-

ler les effets même de ce qu'elle voulait protéger. Jésus nous le rappelle

lui-même en Matthieu 5 lorsqu'Il nous dit "Vous êtes le sel de la

terre. Mais si le sel perd sa saveur avec quoi la lui rendra -t-on ? Il

n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds." Ce jugement

sévère du Christ lui-même ne pourrait -il pas s'appliquer parfois à

certaines de nos églises, jolies boîtes à sel hélas fermées !

Dans son numéro de Juin 97, la revue "Permanences" citait

une revue anglaise, elle-même citée dans un article du Père

Sertillanges "Il y a-t-il une politique chrétienne ?". "Toutes les barrières

dressées entre l'ordre laïc et l'ordre religieux s'effondrent aussitôt

qu'on les pousse; elles ne tiennent qu'en apparence ; car la vie

est un tout… Le citoyen chrétien est, comme tout autre, soumis aux

conditions normales de la cité ; il défend ses opinions politiques non

parce qu'elles sont chrétiennes, mais parce qu'elles sont politiquement

sages ; seulement, sa conception de l'excellence politique est

déterminée par ses principes de chrétien et si la politique vise les

hommes non comme chrétiens mais comme citoyens, toujours est-il

que le christianisme des citoyens finira nécessairement par réagir sur

leur conception du bon ordre et du bien-être civil, laquelle s'incarnera

dès lors dans la législation".

Ainsi Prévost-Paradol, écrivait-il à Taine : "De l'origine ou

de la constitution du monde, tel que chacun le conçoit, découlent une

politique et surtout une morale appropriée" toujours cité dans

"Permanences". Cette même pensée est reprise et développée, de

façon magistrale, dans le dernier livre de Michel Schooyans

"L'évangile face au désordre mondial". "Pour la connaissance d'une

vérité aussi fondamentale que celle qui porte sur le respect dû à tout

être humain, Dieu a donné à chaque homme la lumière naturelle

nécessaire. Cependant, la révélation apporte à l'homme des raisons

nouvelles de respecter tout être humain. La première de ces raisons

c'est que l'homme a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu.

Le Nouveau Testament permettra à la réflexion théologique de préciser

cette ressemblance. L'homme ressemble au Dieu trinitaire. Il est

capable de relation avec les autres hommes, qui, eux aussi, partagent

l'existence reçue du même Dieu trinitaire. C'est ce Dieu, Père, qui

nous porte dans l'existence par son Fils et qui nous y maintient par

l'oeuvre de l'Esprit. De là découle l'insistance de la révélation sur l'u-

nité fondamentale de toute la famille humaine. Dès le livre de la

Genèse, il nous est dit qu'Ève est "mère des vivants" (Genèse 3 v. 20),

et que tous les hommes tirent leur origine d'Adam et Ève (Genèse 9

- v 19). En toute instance, cette unité a là sa source dans la commune

référence au créateur".

Ainsi, notre anthropologie nous détermine, non seulement

par rapport au créateur, mais également au prochain. Non seulement

notre regard sur l'autre peut être changé mais il peut être générateur

de changements profonds dans la société. L'exemple merveilleux de

Mère Térésa l'a démontré avec une force bouleversante qui restera

gravée dans l'histoire de l'humanité. Une Sainte ? certainement."

Mais qu'est-ce qu'un Saint demandait justement Mère Térésa, sinon

une âme résolue et qui se sert de la force de Dieu pour agir". Là, nous

touchons certainement au coeur de notre compréhension du témoignage

que les élites devront rendre aujourd'hui et demain dans notre

société en perte de repères. Des élites de coeur et d'esprit. Ce coeur

du Père céleste plein d'amour et de compassion à l'égard de tous ceux

qui errent loin de son Royaume. Des élites remplies de l'Esprit de

Dieu, qui seul pourra nous donner le discernement nécessaire contre

ces puissances dans les lieux célestes, qui seul saura nous donner la

force de contrer ces attaques et de remporter la victoire.

C'est ce que le théologien américain, Michel NOVAK,

appelle "le réalisme biblique". Ce réalisme qui doit ainsi diriger nos

choix, le choix pour des hommes et des femmes qui, au-delà de leurs

capacités, de leur don, sauront aimer. "L'amour et le service donnent

du sens à notre vie et la rendent belle, car nous savons pourquoi et

pour qui nous nous y engageons. C'est au nom du Christ qui nous a

aimés et servis le premier. Qu'y a-t-il de plus grand que de se savoir

aimé, comment ne pas répondre joyeusement à l'attente du Seigneur

! L'amour est le témoignage par excellence qui ouvre à l'espérance"

rappelait Jean-Paul II aux jeunes rassemblés lors de la dernière

"Journée Mondiale de la Jeunesse" à Paris.

Des élites, certes, nous en avons besoin à tous les niveaux

de la société et dans tous les domaines. Mais l'aune à laquelle nous

serons mesurés pour l'éternité sera celle de l'amour. C'est le message

central de la Bible. Il ne s'apprend pas, il ne se gagne pas, il est sim-

plement le reflet d'une relation personnelle avec le Dieu de Jésus-

Christ.

Puissent toutes les élites que nous souhaitons voir se lever

le réaliser pleinement et, qu'au-delà des sensibilités, des clivages, des

barrières élevées par les hommes, un peuple nombreux se lève pour

préparer le chemin de Celui qui vient.

Pasteur Daniel RIVAUD, Président de l'Association "OUI

ALAVIE DIFFUSION FRANCE", de "LA JOURNEE MONDIALE

POUR LA VIE " et co-auteur du livre "L'avortement : la tragédie

cachée d'une société qui s'effondre"

La bourse et la vie, les élites en

économie.

François de Siebenthal

Introduction

Le Roi St Louis disait, à la fin de sa vie, que sa principale

tâche de roi consisterait à assurer la stabilité de sa monnaie, afin de

protéger les pauvres. Notre but est de vous parler des élites qui

devraient assurer ce rôle dans le monde actuel.

Dans une première partie, nous présenterons la situation

actuelle, puis, dans une partie historique, nous esquisserons le chemin

parcouru et le pourquoi de la crise. Nous oserons enfin, dans la

troisième partie, aborder des questions dont peu d'économistes osent

parler, puis dans une quatrième partie, présenter ce qui doit changer

rapidement pour sauver ce qui peut encore l'être et comment le faire.

Dans une cinquième partie, nous soulèverons quelques questions

légitimes.

Mais tout bon exposé commence par en définir les bases.

Dans élite, il y a les racines ex et legere, ce qui signifie en latin "de"

(ex) et "choisi" (legere), qui ont aussi donné les mots élu, élection,

électif. Nous sommes dans le domaine du choix parmi des candidats.

Les questions primordiales sont donc :

Qui choisir ?

Par qui ?

Comment ?

Quand ?

Pourquoi ?

Pour qui ?

Après avoir posé les bases du raisonnement, nous tenterons

aussi de répondre à ces questions au sixième point de cet exposé.

CORPS DU SUJET

1. État actuel de la situation

1.1 Les limites naturelles

Le monde économique, financier, des affaires domine de

plus en plus toutes les autres sphères des activités humaines. Les

échanges de la société marchande dictent les rythmes de la vie de

cette planète. Un de mes amis financiers de profession me faisait

cette confidence : " Dans le monde, tout s'achète, les votes, les

responsables, les décisions, les personnes, les femmes…" Quand je

lui ai parlé de ses enfants et de leur prix, il s'est tu.

Il semble à certains qu'il n'y a plus de limites au pouvoir

des hommes dans un monde virtualisé et immédiat, on domine même

la génétique, l'espace. Les machines répondent au doigt et à l'œil,

elles ne font pas grève, produisent toujours plus pour moins cher. Les

échanges financiers journaliers dépassent les mille milliards de dollars,

les bourses attirent les capitaux en offrant des gains apparemment

faciles et constants. Mais ces hommes si riches savent-ils ce

qu'ils font ? Sont-ils heureux ? Où sont les coûts cachés de cette griserie

? Qu'elles en sont les limites ?

Un grand économiste américain qui vient de mourir, Julian

Simon, payé pour démontrer que la terre était surpeuplée, écrivait

après deux ans d'étude dans son livre " The ultimate ressource " que

la terre est vaste, que ses ressources sont très généreuses et que l'homme,

par sa technique, trouvera toujours le moyen de s'en sortir économiquement.

Il est vrai qu'il y des régions surpeuplées, mais la vraie

question est culturelle, comment partager les richesses surabondantes

? Comment répartir tous nos surplus qui engorgent nos économies ?

Pourquoi les politiques veulent nous faire croire le contraire ?

1.2. Les limites politiques

A contrario, Kissinger, bras droit de Nixon, dans son rapport

secret codé NSSM-200/de 1974 et rendu public en 1991, " estime

indispensable pour la sécurité des États-Unis, de mettre en oeuvre

une politique de contrôle démographique dans les pays du Tiersmonde.

Les moyens sont : la contraception chimique, la stérilisation,

l'avortement, etc…". Pour éviter que les États-Unis soient suspectés

de céder à une motivation impérialiste, ce rapport propose d'invoquer

les droits de l'homme (droit de l'individu de déterminer librement le

nombre d'enfants qu'il désire et le droit des nations pauvres au développement

social et économique) pour imposer tous les moyens de

contraception, y compris les avortements. Signalons que l'ONU a

décerné une médaille aux autorités chinoises responsables de la politique

de l'enfant unique en Chine, qui fonctionne par des avortements

forcés, et qui vise surtout les petites filles et que l'IPPF, le planning

familial financé par les USA, recommande l'homosexualité comme

moyen de contrôle des populations. Les conférences du Caïre, de

Pékin, Istanbul… confirment cette politique subtile. 20 millions de

femmes brésiliennes ont été stérilisées, souvent sans savoir exactement

ce qui leur arrivait. Aux Philippines notamment, des vaccins

étaient en même temps en cachette des contraceptifs de longue durée

et toxiques. Clinton et Al Gore suivent Nixon dans ce domaine.

De plus, les autorités locales sont achetées avec nos impôts

pour diffuser ces politiques et les programmes d'aide sont conditionnés

à la mise en route de politiques drastiques et coercitives de

"contraception". Cette mentalité est tellement admise dans les faits

que la plupart des lecteurs seront à ce stade prêts à arrêter leur lecture.

Mais je les prie de continuer car les causes de certains de leurs

malheurs leur apparaîtront et la connaissance libère de certaines chaînes

invisibles.

1.3. Les limites économiques

Le monde moderne se caractérise par la surproduction. Le

problème actuel est de trouver des clients solvables. La cause de la

crise japonaise, qui va se généraliser, est démographique. Sans

enfants, pas de futur. La courbe de Bourgeois-Pichat annonce un

futur apocalyptique, au rythme actuel, plus que deux personnes en

2470, avec en passant une chute de l'immobilier, des monnaies…

Une fonction exponentielle inverse pour les scientifiques. Et tous les

faits confirment la tendance, même les plus irréductibles commencent

à comprendre les mensonges du Club de Rome. Halte à la croissance

signifie chômage, crises, chutes, dépression, malheurs….

1.4. Les limites culturelles

Jean-Paul II, dans sa lettre aux chefs d'État sur ces sujets,

parle de " la promotion d'un style de vie, celui des sociétés riches et

sécularisées, conception individualiste de la sexualité, généralisation

de l'avortement, contrôle et programmation des naissances ".

Mais nous oublions que tous ces projets sont basés sur des

individus (philosophie de l'utilitarisme, Bentham, Adam Smith…),

que ceux-ci sont mortels et que toutes ces chimères sont mortelles,

donc qu'une civilisation pareille est mortelle. Leur état social est un

mensonge, il ne tient pas dans la durée, les retraites des jeunes ne

seront pas payées. Vouloir trop de sécurité amène à l'absence de cette

sécurité tant recherchée.

2 Comment en est-on arrivé là ?

Ce primat de l'économie amène à une centralisation des

entreprises, à des fusions, à des destructions des PME, des corps

intermédiaires, des pouvoirs subsidiaires, des syndicats, corporations,

communes, cantons, même des états vont disparaître avec la

CEE et le traité d'Amsterdam. L'ignorance des mécanismes des créations

monétaires, laissés sans contrôles réels, a amené à une griserie

de pouvoir pour une petite élite peu connue de financiers internationaux,

qui gouvernent de fait la planète, et qui sont les victimes agissantes

d'une manipulation basée sur l'irruption dans le monde réel

d'une création inhumaine venue du néant et devenue folle, celle des

masses monétaires ex nihilo (du néant). Ces masses sont en pleine

croissance par les pyramides de crédits, mais cette croissance étouffe

les hommes encore vivants sous une structure de plus en plus lourde

de crédits impayables à terme. Peu de monde sait que la banque

centrale américaine est privée et qu'elle contrôle presque le monde

entier par le dollar.

2.1 Le rôle du crédit et ses conséquences démographiques

L'économie moderne est basée sur des emprunts. Le public

ne sait pas que les banques prêtent leurs économies, en prenant de

surprenantes "libertés". Si, par exemple, l'épargne s'élève à 100, le

système bancaire américain prête environ 100 fois 100, soit 10'000,

d'où une "création" du néant de 9'900 (sic). Cet " argent " vient de la

confiance accordée aux banques et de la loi des grands nombres qui

dit que jamais tous les épargnants ne vont retirer leur argent en même

temps. La situation reste plus grave aux USA car ceux-ci ont bénéficié,

par le passé, de l'arrivée massive de jeunes immigrants actifs et

bien formés. Les villages et villes américains ont souvent le quartier

des banques comme centre, dowtown, rarement une cathédrale. Ils

ont pris l’habitude bancaire de vendre le futur mais le problème est

que l'argent est d'abord un moyen d'échange actuel dont la valeur est

symbolique. Par exemple un billet de mille lires permet de l'échanger

contre un croissant. Or un banquier, quand il reçoit un symbole de

mille exerce en fait un pouvoir de 100 x 1'000 = 100'000 (sic, cent

mille, vous avez bien lu, ce n'est pas une erreur). La globalisation de

l'économie mondiale aggrave cette situation de "miracle" bancaire.

Les banques ont donc poussé au maximum les dettes afin de jouir de

ce pouvoir sans limites apparentes dans le temps. Vu que la nature

humaine a des limites, celles-ci commencent à se montrer et on

découvre que le coût de cette manipulation " miraculeuse " se compte

en vies humaines, et surtout en enfants que l'on ne laisse pas naître.

Ces enfants commencent à manquer et la crise actuelle est due à

cette absence. Si tous les épargnants du monde voulaient retirer leurs

économies, nous aurions une gigantesque crise financière. Et ceci va

arriver dans les pays riches à cause de la pyramide qui vieillit. En

effet, les vieux devront retirer leurs avoirs et les jeunes ne pourront

faire face que de plus en plus difficilement. Nous devons avoir l'intelligence

de prévoir cette chute et de préparer des plans alternatifs en

favorisant les familles.

2.2 L'effet multiplicateur inverse ou effet diviseur

Dans le passé, le système fonctionnait parce que la pyramide

des âges était équilibrée.

Cependant, la pyramide en forme de champignon décrivant

la situation actuelle recouvre une très grave crise économique,

parce qu'il y a de moins en moins de jeunes actifs et pouvant consommer

avec une demande solvable. Actuellement, nous avons cinq

actifs pour un passif, nous aurons très vite un actif pour un passif et

ce passif coûte de plus en plus cher. En Suisse par exemple, le seul

coût de la santé d'une personne âgée égale cinq fois celui d'un actif.

2.3 L'équation fondamentale de l'économie

Cette équation explique l'effet d'inflation par la création ou

la non-création d'argent fiduciaire. L’argent fiduciaire est créé par le

crédit octroyé par les banques. Plus grande est la masse de la monnaie

imprimée, plus élevée est l'inflation (P). Tout le monde se rappelle

que l’une des causes de la IIème guerre mondiale est la crise

économique et la fameuse inflation de Weimar où on achetait un Kg

de pain pour quelques milliards de marks. Les prix sont une relation

du papier monnaie imprimé (M1) plus toutes les masses " créées " par

les crédits (M2, M3, etc.) multipliées par leur vitesse de circulation et

le total étant divisé par la quantité de biens sur le marché. Les

banques contribuent donc à l'inflation par les crédits faciles. En outre,

le crédit accordé au responsable d'une affaire pourrait le pousser à

produire des biens de consommation qui ne sont pas toujours

indispensables, alors que sa présence en famille l’est et que des

carences se traduisent par la drogue, la délinquance, le suicide des

jeunes. Sans compter que la société de consommation pousse de plus

en plus les femmes et les mères à travailler hors de la maison.

2.4 Le rôle des taux d'intérêt

Par le biais de soudaines hausses des taux d'intérêt, et de

création de monnaie, les banques, petit à petit, prennent possession

des richesses réelles en laissant la monnaie fictive entre les mains des

emprunteurs. Cette monnaie devient de la monnaie de singe. L'effet

est répétitif et dure dans le temps. Au Canada, on calcule que l'argent

réel ne représente que 2 % de la masse totale. Les intérêts se cumulent

donc et chargent à tous les niveaux et plusieurs fois dans l'année,

à chaque tour du capital circulant par exemple, ou au niveau communal,

cantonal. régional, national, international….

Les familles ou les petites entreprises empruntent souvent

lorsque les taux sont bas, et sont obligées, la plupart du temps, de

rembourser lorsqu'ils sont hauts. La conséquence est l'absence d'enfants

car la machine économique s'emballe et ceux qui paient sont

ceux qui n'ont pas de voix pour les défendre.

Dans certains pays, on prête à 7 % d'intérêt réel par mois :

ce qui signifie en apparence environ 84 % mais vu les calculs actuariels,

du 125 % (sic, cent vingt-cinq) d'intérêt réel par année (prêteur

sur gage à 1 + i puissance n) alors que l’inflation est à 9 %.

Ces taux sont usuriers et personnifient purement et simplement

la cupidité. Ceci ne tient pas compte d'autres systèmes pires

que ça (1 peso philippin sur 5 par semaine, soit près de 1’000 % par

année, sic mille). Cependant, l'intérêt joue un rôle plus pernicieux

encore.

Les pays en voie de développement ont une grande

demande pour des travaux d'infrastructure et d'autres travaux à

moyen et long terme. Cependant, ces pays ont souvent une inflation

et des taux d'intérêts très élevés. Utilisant des techniques financières

basées sur les taux d'intérêts qui favorisent le court terme, le calcul

de la rentabilité de ces projets fait que ceux-ci sont alors souvent

considérés comme pas assez profitables, alors qu'ils sont indispensables

à long terme pour le pays.

Dans ce domaine, les crédits de pays à pays jouent un rôle

sérieux. En fait, ces prêts sont accordés à des taux avantageux à la

condition que les pays pratiquent le contrôle de la population (cf… la

Chine avec sa politique de l'enfant unique et d'avortements forcés, et

le massacre des filles qui s'ensuit, ce qui provoque déjà un grave problème

de manque de femmes à marier pour des dizaines de millions

de jeunes chinois). Le cercle vicieux commence alors, puisque les

dettes provoquent des offrandes humaines au Moloch moderne. Les

droits de l’homme et la liberté humaine sont écrasés par l’économisme.

Il est intéressant de savoir que le mot "intérêt" n'est apparu

de manière significative dans la langue française qu'au XVIIème

siècle, et il signifiait "ce qui a le plus d'importance". Ce mot est en

train de remplacer insidieusement celui de Dieu et d'Amour (inter

esse = l'être entre les personnes). L’emprunt sans intérêt était la règle,

c’était une forme de don, il était gratuit, sa récompense non exigible

en était la reconnaissance, qui fait si cruellement défaut actuellement.

Son manque favorise le désespoir qui se répand de plus en plus.

2.5 Les impôts et le budget social

Les États ont emprunté aux banques des montants considérables.

Or, ces montants sont souvent de la monnaie fiduciaire

créée du néant (M2, M3, Mn). Cette monnaie est gagée par la fortune

de tout le pays et surtout par les citoyens du dit pays, qui payent

en fait des intérêts sur l'argent dont ils sont de facto les garants. Tout

ceci est légal mais n’est pas juste, à l’instar de l’avortement “légal”

qui reste un crime. En effet, ces sommes colossales provoquent des

annuités toujours plus grandes. Celles-ci pèsent dans les budgets et

provoquent le chômage, les coupes sombres, le stress, les disputes,

les plans de restructuration, etc… Les ménages ont de moins en

moins de moyens et doivent habiter des logements de plus en plus

serrés.

L'État, comme du temps de Charlemagne ou de St Louis,

doit créer lui-même sa monnaie ou en confier la création, pour des

sommes forfaitaires et non des intérêts, à des privés. Signalons que

toute la monarchie française a interdit le taux d'intérêt, avec pourtant

des succès culturels, économiques, artistiques, sociaux… Le capitalisme

sauvage mange ses enfants, mais si lentement et si insidieusement

que certains s’en habituent. Une autre alternative, le marché

subtil selon le philosophe Henri Hude de Paris, qui préconise la stérilisation,

non des hommes, mais des masses monétaires surnuméraires.

2.6. L’égalité devant les taux

Celle-ci reste illusoire. Les grands empruntent à 3,5 % (cf.

23), alors que les petits empruntent à plus de 125 % (sic), pour des

taux d’inflation équivalents. Ce qui aggrave encore les écarts.

3 Les paramètres cachés

Le silence pourrit tout. Ste Catherine de Sienne.

Le Cardinal Ratzinger a affirmé qu'il y a plus de 40

millions d'avortements (recensés) par année. Ceci signifie qu'en

comptant les avortements par stérilets et par la pilule abortive RU-

486 (non recensés), dans les 10 dernières années, il y aurait eu environ

1 milliard d'êtres humains exterminés, sans compter ceux qui

n'ont pas été conçus à cause de la mentalité de contraception. Ce massacre

est le pire de l'Histoire. Quelles en sont les causes ?

3.1 Sagesse éternelle

L’amour de l’argent est à la racine de tous les maux.

I Timothée 6-10

3.1.1. Le Christ, de manière positive, recommande clairement

dans St Luc (6,35) de prêter sans rien espérer en retour. Dieu,

en citant l'usure et l'intérêt, Josh 3,15 ; 4,18/1 Chr 12,15/Isa 8,7/Dan

8,16/Ex 22,25/Neh. 5,5,7/Lev. 25, 36,37/Ps 15,5/Pr 28,8/Isa 24,2/Jér

15,10/Ezek 18,8,17… 13, 22, 12/Mat 25, 27/Luc 19,23/et L'Église

ont toujours condamné les taux d'intérêt et pas seulement l'usure, surtout

par la voix de St Thomas d'Aquin, mais ont légitimé le juste profit,

Gen 25,32 ; 37,26/Esth 3,8/Job 21,15 ; 30,2 ; 35,3 ; 35,8/Ps

30,9/Pr 14,23/Eccl 1,3 ; 3,9 ; 5,16 ; 2,11 ; 5,9 ; 7,11/Is 30,5/Jér

16,19/Mal 3,14/1 Sam 12,21/Rom 3,1/1 Cor 7,35 ; 10,33/2 Tim

2,14/Heb 12,10.

Or St Thomas connaissait le seul texte de la parabole citée

par Matthieu (ou par Luc) cf. ci-dessous 3.3., qu'il considérait comme

purement imagée. Il a donc explicité par la raison la condamnation de

principe du taux d'intérêt, constante de toutes les écritures saintes,

reprise d'ailleurs par les trois grandes religions monothéistes. La

Chrétienne, qui reprend toute la Loi en insistant sur l'amour fraternel

mais sans changer un seul Iod, condamne l'intérêt qui est une attaque

directe de l'amour. Le texte du Notre Père (Mat. 6, 9-13 ; Luc 11, 1-

4), récité plusieurs fois par jour, dit bien “debita nostra”, ce qui signifie

toutes nos dettes, au sens propre d’abord, comme nous l’ensei-

gnent les méthodes d’interprétation de la Bible selon le nouveau catéchisme.

Par chance, les évêques français demandent pour le Jubilé,

de reprendre la vraie formulation. De plus, le Seigneur n’est pas venu

abolir mais accomplir la loi, dont pas un seul petit trait ne doit disparaître.

(Mat 5,17-20). Notre justice doit surpasser celle des scribes

(20), sinon nous n’irons pas au ciel. Or, la condamnation de l’intérêt

est plus qu’un petit trait et les scribes suivaient cette loi, au moins

avec leurs frères juifs. En pratiquant l’intérêt, où amasse-t-on ? (Mat

6,20). D’autant plus que lors de sa première prédication à Nazareth

(Luc 4,16), il invoque le passage d’Esaïe (61,1-10) qui annonce exactement

cette libération des dettes (avec une haine des rapines) et l’année

du Jubilé qui pourrait être celle de l’effacement total des dettes

dans l’esprit du Lévitique, partie de la Torah et esprit commun aux

trois religions monothéistes. (Lév. 25,8-28 et surtout 25, 36-37 avec

les avertissements sévères du chap. 26,15 et ss. en cas de nonrespect).

Même Boudha était contre l’intérêt, avec la plupart des philosophes

anciens. Merci à Jean-Paul II de nous offrir cette fête du

Jubilé en l’an 2’000 et d’en préparer l’arrivée avec le texte “pour le

troisième millénaire” qui confirme l’essentiel de ce rapport.

3.1.2. Il est intéressant de voir que l’histoire de l'Église

démontre qu'à la demande des marchands du Nord de l’Europe

(Allémanniae 30), l’intérêt devrait être libéralisé. Nous ne devons pas

faire de distinction entre usure et intérêt car c’est le principe même

qui est pernicieux (fonction du temps, temps volé aux pères d'abord,

puis aux mères qui doivent aller travailler, cf démonstration ci-dessous),

bien qu’il soit évident que plus le taux est élevé, plus le mal est

grand. Les condamnations de la cupidité de l’intérêt par Pie II sont

très dures, (31) “des théories hérétiques détestables et abominables

(32)”. Il y a le même rapport entre embryon (vie cachée en grec) et

pré-embryon (la vie est aussi cachée) qu’entre usure et intérêt. Le mot

usure, usage du temps, s'applique dès la première seconde, à l'image

de l'embryon qui est là en tout cas en tant qu'unité (pouvant contenir

plusieurs personnes, jumeaux, triplés…) dès la réunion des deux

gamètes. La notion de pré-embryon sert à tuer les faibles par la

"réduction" embryonnaire des frères ou sœurs surnuméraires lors des

fécondations in vitro ou encore lors des avortements, comme celle

d'intérêt sert à exploiter la détresse des pauvres, en Suisse et dans le

tiers-monde.

Le texte de Luc 6-34 ss est invoqué et sa clarté évidente

“Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous

en saura-t-on ? et prêtez sans rien espérer… car on vous mesurera

avec la mesure dont vous vous serez servi…“

3.1.3 La peine prévue est la même que celle contre tous

ceux qui participent à l’avortement, “excommunicatio latae sententiae

poenam” (33), après un rappel des conciles de Clichy (626), de

l’admonitio generalis de 789 qui confirmait la décision de

Charlemagne (769), du capitulaire de Nimègue de 806, de Pîtres en

864, du IIème et IIIème Concile de Latran (1139 et 1179) où les usuriers

sont déclarés infâmes, du Concile de Westminster (1175), de la

condamnation de la lettre à terme à prix majoré de 1185 (l’actualité

récente des contrats à terme provoquant le chômage de milliers d'ouvriers

prouve le caractère prophétique de celle-ci), de l’interdiction

de certains contrats d’assurances comportant de l’usure (1227), du

Concile de Trèves (1227), de l’ordonnance de St Louis contre l’usure

(1254), du IIème Concile de Lyon (1274), du Concile de Vienne

(1311), de la qualification du prêt à intérêt d’hérésie par le Vatican en

1311, de la condamnation par l’Université de Paris de l’intérêt en

1532, de la bulle contre les rentes mobilières en 1569, des Papes Pie

V (1571) condamnant la spéculation bancaire, le dépôt et le prêt à

intérêt, Paul II, Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, Jules II. De

plus, Benoît XIV, lettre du 1 novembre 1745, encyclique “Si vix pervenit

“qui interdit absolument tout contrat de crédit à intérêt comme

illicite et usuraire et qui n’accepte que, notion absolument différente,

des contrats d’entreprise et de participation aux profits et pertes, texte

étendu à l'Église universelle par Grégoire XVI en 1836 et Pie IX,

Encyclique aux Évêques d’Italie Quanto conficiamur 10-08-1863 et

Léon XIII avec Rerum Novarum du 15-05-1891 et Jean-Paul II avec

le nouveau catéchisme (fin du 7e commandement, point 2249 page

497) où il est écrit “dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures

juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt…). Jésus

fait sienne cette parole… Par là, il ne rend pas caduque la

VÉHÉMENCE des oracles anciens…. qui renvoie à Amos 8,5ss qui

dit “...Nous falsifierons les balances pour tromper (le taux de change

du $) L'Éternel l’a juré...Je n’oublierai aucune de leurs œuvres. Le

pays montera tout entier comme un fleuve (des inondations) je ferai

coucher le soleil à midi (nuages nucléaires). Et je rendrai chauves

toutes les têtes (radiations ?). Et sa fin sera comme un jour d’amertume.

C’est trop facile de dire que les Papes et les Saints se sont trompés

pendant des siècles ou que les temps ont changé. Non et non,

l’essentiel n’a pas changé. La vraie théologie de la Libération est

dans le courage de remettre en question soi-même et sa culture, surtout

si celle-ci conduit à la mort des corps et des âmes.

3.1.4. La condamnation est d’autant plus d’actualité que

les ordinateurs font maintenant tous les calculs, le “travail” réel diminue

donc toujours plus.

3.1.5. Dans la pratique des confessions, tous les papes ont

confirmé (cf. ci-dessus), se sont abstenus ou ont adopté une attitude

attentiste et très subtile, sous réserve d’un jugement exprès à venir du

St Siège, qui n’est pas encore paru et seulement pour des pénitents de

bonne foi (Pie VIII du 18.08.1830, Grégoire XVI du 31 août 1831 et

17.01.1838, infirmé par l'extension au monde entier par le texte de

1863) Jean XXIII a bien parlé d’intérêt sur les prêts aux agriculteurs,

mais c’était pour les favoriser après la guerre en remboursant ainsi

l’inflation forte de l’époque. Mais l’intérêt est l’un des facteurs

déclencheur de l’inflation et non pas l’inverse, comme l’a démontré

Jacques Rueff. Dans Mater et Magistra, J, XXIII, 960, Il dit aussi : "

De plus, lorsque les entreprises, grandes ou moyennes, pratiquent

l'autofinancement, nous estimons pouvoir affirmer qu'elles doivent

reconnaître un titre de crédit aux travailleurs qu'elles emploient, surtout

s'ils reçoivent une rémunération qui ne dépasse pas le salaire

minimum." Ce crédit est évidemment au sens avantages sans intérêts,

par exemple à titre de participation aux bénéfices et même, avec le

temps, à titre d'actionnaires.

L’encyclique Splendor Veritatis rappelle qu’il y des maux

intrinsèques et que certains péchés sont absolus. Les ignorer peut

supprimer la faute personnelle, donc le péché du prêteur

(L’emprunteur, selon St Thomas, ne fait pas de péché) Mais la société

le paie par le risque de disparaître et ceux qui favorisent l’ignorance

en seront les responsables.

3.1.6. Nous sommes réconfortés dans notre thèse par le fait

que le nouveau catéchisme, rédigé en français, réitère cette condamnation

à la fin du commentaire du 7e commandement.

3.1.7. L’argument de certain est de dire : “L'Église cédera

en morale sexuelle comme elle a cédé de facto en morale économique.

Nous croyons pouvoir dire que c’est à cause de ces omissions

qu’il est si difficile de se battre en tant que père de famille. Il sera plus

facile de faire passer la morale familiale en protégeant les familles

économiquement. Leur liberté pourra enfin s’exercer.

3.1.8. L’encyclique Vix pervenit

Il est clair que dans ce domaine, vu le silence depuis

quelques années, selon la tradition, on ne fait pas de péché si l’on

n’en n’est pas conscient de bonne foi. Mais les conséquences du

péché sont très graves tout de même et la société en paie le prix fort.

Le texte “Vix pervenit” (al.3 ch.1), qui est le meilleur

résumé de la Tradition et du Magistère affirme simplement que :

“Tout profit de cette espèce, qui va au-delà de la remise du capital,

est illicite et usuraire.” Tout profit, et non les profits exagérés suite

aux distinctions subtiles entre usure et ceux qui seraient admis car le

taux serait bas et raisonnable.

Les exceptions du ch.3 font références à des contrats de

participation aux risques, d’entreprise ou de négoce, dont l’esprit et

le mode de réalisation restent complètement différents, comme

expliqué ailleurs dans ce texte. Le chiffre 3 précise très clairement “

d’une nature entièrement différente de celle du prêt “.

Les chiffres 4 et 5 ont prévu nos erreurs actuelles et le

Pape prévoit “C’est la justice qui élève la nation, c’est le péché qui

rend les peuples misérables “ Il affirme encore au sujet de ceux qui

seraient trop laxistes “Il s’opposerait non seulement aux textes sacrés

et à la tradition de l'Église sur l’usure, mais encore au sens commun

humain et à la droite raison.”

La sentence “excommunicatio latae sententiae” était maintenue,

soit excommunication automatique dès la connaissance du

péché. Les camps de la mort sont là, les enceintes concentrationnaires

aussi (fœtus in vitro), nous assistons à un génocide et à des crimes

contre l'humanité. Il y a aussi un principe pénal de non assistance à

personnes en danger, et l'encyclique “L’évangile de la Vie” le confirme.

3.1.9. Les pères de l'Église

Toute la tradition des Pères de l'Église est lumineuse à cet

égard (cf. Bibliographie). Le point de départ est “emplissez la terre et

soumettez-la”. (Gen 1, 28). L’être est supérieur à l’avoir, l’homme

aux machines, le travail au capital, le faible au fort, le pauvre au

riche. En résumé, St Grégoire de Nysse disait dans son sermon sur les

usuriers “peut-être fais-tu l’aumône…Mais à quoi bon consoler un

pauvre si tu en fais cent”. (7). Les grands théologiens confirment

cette sagesse.

3.1.10. L’œcuménisme

Dieu vomit les tièdes

St Jean, Apocalypse

La tradition des pères de l'Église est reconnue par tous les

chrétiens. L’aspect critique du taux de l’intérêt fait partie de tous les

fils d’Abraham. Il existe par exemple à Paris un organisme d’entraide

juif qui prête aux vrais juifs sans intérêts. Car il existe de faux juifs

qui abusent de leur statut pour exploiter les autres. Ces faux juifs que

St Jean appelle la synagogue de Satan. De même chez les musulmans.

Pourquoi donc les chrétiens ont-ils tant de peine à prêter, au

sens propre, aux autres chrétiens et aux hommes de bonne volonté,

car prêter signifie sans rien attendre de plus en retour ? Parce qu’il est

plus facile de prêter quelque chose qui n’existe pas encore, qui vient

du néant, et de gagner sur ce néant. Signalons encore les Groupes

Bibliques Universitaires qui mettent en cause aussi l’intérêt. Nous

avons aussi un ami grec, chef d'entreprise qui est en train de faire

faillite car les banques lui demandaient plus de 30 % d'intérêt. Il a

découvert que le principal actionnaire de sa banque était son église

orthodoxe, alors que son Pope local continue à dire que l'intérêt est

mauvais. Ne pas mettre toutes les cartes sur la table en discutant

sérieusement rend le vrai œcuménisme impossible. Le manque de

cohérence rend tiède et même révolté. La vraie unité de vie, qui seule

pourra unir les communautés, restera impossible aussi longtemps que

les petits auront des doutes si graves sur l'intégrité de leurs responsables.

3.1.11. Le déficit démocratique

La vraie démocratie, celle des anciens cantons suisses, est

faite par des hommes libres et égaux. Or, le système de l’intérêt fait

que, par des promesses intenables, certains possèdent, avec la même

somme en caisse, plus de 100 fois plus de pouvoir que le simple

citoyen qui leur fait une confiance encore trop aveugle. Ceux-là peuvent

alors acheter les rédactions des journaux, les TV, l’opinion

publique et diffuser la pornographie, la violence, le cynisme, la corruption

et la drogue. Le Crédit Lyonnais par exemple a investi plusieurs

milliards, en s’alliant à la Mafia et à la SASEA, pour prendre

le contrôle d’une partie de Hollywood (Le lion Lyonnais prenant le

contrôle du lion de la MGM) et de Las Vegas.

D’autant plus que nous sommes le corps mystique du

Christ, est-ce chrétien que certaines parties profitent, le coeur par

exemple, ou la raison, puisque le processus de création économique

est analogue au processus de procréation par ses fruits attendus, que

cette raison grossisse, se distende, devienne hypertendue et tellement

égoïste qu’elle prenne la vie aux autres et surtout aux petits qui

devraient naître et qui ne le peuvent pas. Les membres doivent se

témoigner une mutuelle sollicitude (1 Cor 12,25), or l’intérêt dit “raisonnable”

comporte la notion de faillite. Il tient le couteau par le

manche, contrairement au dividende ou au bénéfice qui comporte une

notion de joie et de partage, “Tous les membres prennent part à sa

joie” (1 Cor 12,26).

Un individu est mortel, toute civilisation, qui comme la

nôtre se base de plus en plus sur l’individualisme, devient mortelle.

Notre civilisation se suicide et les politiques malthusiennes sont plus

efficaces que les experts ne le prévoyaient. En l'espace d'une génération,

toutes les tendances de fécondité sont à la baisse.

L'exponentielle est inversée. Chaunu a raison, le monde suit l'exemple

de Berlin. C’est un fait. Nous pouvons et devons réagir maintenant

et les meilleurs remèdes sont connus. Ayons le courage et l’audace

de nous remettre en question, de remettre en question certains

tabous, le sexe, le compte en banque (qui peut partir en fumée), la

pseudo-culture, la T.V. violente, bête et pornographique, les idées

reçues, certaines modes, le snobisme, la frivolité, la superficialité, le

cynisme etc. pour miser sur le bonheur du partage, de la famille, des

enfants, de la vie, de la nature, du soleil, du sport, de l’amitié, des

valeurs de nos pères qui ont fondé cette Suisse si belle, si libre, si

indépendante, si généreuse, si efficace, si démocratique quand elle le

veut. Osons le futur maintenant, soyons fiers de nos 700 ans de combats

pour l’indépendance dans la responsabilité.

3.2 Arguments de droit naturel

3.2.1 Les contrats impossibles sont nuls

Il est impossible, dans la durée, d'honorer les prêts à intérêts

(composés ou non). Prenons l'exemple suivant :

Crésus emprunte un capital de 100 à la naissance du

Christ. En appliquant un taux de 10 % (le petit crédit en Suisse est

proche de 18 %), la somme à rembourser en l'an 2'000 est de x =

(100) fois 1,1 puissance 2'000, soit 6 fois 10 puissance 82. Ce chiffre

avec 82 zéros dépasse l'imagination (par exemple 10 puissance 77

maisons de SFr 600’000, ou encore 10 puissance 68 maisons par

habitant de la terre). Il est même impossible de respecter le contrat en

soi avec ce système. Beaucoup de guerres proviennent de ces raisons

financières. La fuite en avant devait mettre à zéro les compteurs par

une guerre ou une révolution, en tuant au passage le maximum

d’hommes, afin de “libérer” de l’espace vital.

La courbe des intérêts composés est une exponentielle

avec une pente de plus en plus grande, fonction du taux de l’intérêt.

Tous les esprits scientifiques savent que le propre de l’exponentielle

est de commencer sa croissance sans “douleur”, petit-à-petit, mais de

révéler sa nocivité plus tard, et de manière verticale, sans rémission.

L’image du Mayon, volcan parfait, symbolise aussi les pyramides des

âges du passé. La verticale tend vers l’éternité. Mais le hic, c’est que

les dettes et la pyramide folle des crédits est une exponentielle de

monnaie, alors que toutes les tendances de fertilité sont maintenant à

la décroissance, ce qui signifie que la demande globale solvable

décroît, donc que les biens offerts décroissent et que les économies

d’échelle seront plus petites, donc que les signes monétaires seront

trop nombreux et que l’inflation à venir sera colossale. Le rêve fou de

certains banquiers est de n’avoir qu’une population mondiale de 700

millions d’habitants. La conférence du Caire a démontré qu’ils le

désirent par tous les moyens et ils obtiendront à coup sûr la ruine de

la plupart des petites et moyennes entreprises. Ils veulent le partage

du monde entre quelques grandes puissances commerciales qui organisent

une ruche régulée par de pseudo-experts, au prix de nombreux

petits sacrifiés à l’autel de la “science”, de Mammon et surtout de

Moloch.

3.2.2 La théorie des martingales

Un mathématicien français, M Paul Levy, démontre que, à

terme, toute la richesse du monde appartiendra aux banques, par simple

application des règles mathématiques des martingales.

3.2.3 Le raisonnement par l'absurde

L'histoire récente et réelle de ce yougoslave, M. Zavisa

BLAGOEVIC, représentant pendant des années des firmes japonaises

en Europe, chassé pour des raisons iniques (racistes) et gagnant,

après des procès multiples et du fait des intérêts composés et des

clauses pénales, une somme si gigantesque qu’elle ne sera probablement

jamais honorée (environ 9'000 mia de dollars) démontre par

l'absurde que l'application juridique de ces règles est impossible,

même sur une courte durée. Beaucoup de guerres viennent de cette

nécessité de remettre les compteurs à zéro.

3.2.4 Les fonctions de l'argent

1) Moyen d'échange. Les balances sont faussées en défaveur

des faibles, (cf. les psaumes, le prophète de l’Ancien Testament

Amos ou encore M. Soros, boursier d'origine hongroise et qui a fait

gagner à ses clients plus d'un milliard de dollars en une nuit en jouant

contre certaines monnaies européennes grâce aux taux de change

flottants, qui sont de facto des balances faussables instituées au détriment

des pères de famille, les contribuables qui paient la facture, toujours

plus salée).

2) Moyen d'épargne. La création monétaire contribue à

l'inflation, donc à l'érosion de l'épargne. Les familles en sont souvent

les premières victimes.

3) La nature de l’argent : St Antoine de Sienne démontre

que l’argent, par sa nature même, ne peut être fructifiable (35).

4) St Thomas et le Catéchisme du Concile de Trente

(35ème, al.4) affirment que l’on ne peut pas vendre deux fois la

même chose, ce qui tombe sous le sens. Le texte est très fort : “Sont

également coupables de rapine… les usuriers, ces ravisseurs si durs

et si cruels qui pillent le pauvre peuple, et l’écrasent de leurs intérêts

exorbitants. - L'usure est tout ce qui se perçoit au-delà de ce qui a été

prêté, soit argent, soit autre chose qui puisse s’acheter et s’estimer à

prix d’argent. Il est écrit dans le prophète Ezéchiel : Ne recevez ni

usure ni rien au-delà de votre prêt.” Et Notre-Seigneur nous dit dans

St Luc : “Prêtez sans rien espérer de là.” Ce crime fut toujours très

grave et très odieux, même chez les païens. De là cette maxime :

Qu’est ce que prêter à usure ? Qu’est ce que tuer un homme ? pour

marquer qu’à leurs yeux, il n’y avait pas de différence. En effet, prêter

à usure, n’est-ce pas, en quelque sorte, vendre deux fois la même

chose, ou bien vendre ce qui n’est pas ?

L’usure au temps d’Ezéchiel était de 1 %, d’après Strong.

Or, avec l’intérêt et la création monétaire, c’est ce qui se

passe, mais pire car les taux sont hauts et les morts dépassent le

milliard.

3.2.5. Le temps et le stress

Les voleurs du temps

Vu que l'intérêt et toutes ses superstructures sont fonction

du temps, insidieusement, le résultat est un vol du temps en faveur de

l'usurier qui fait travailler de plus en plus un quasi esclave qui se croit

encore libre car volontaire, mais manipulé par ses " espoirs ", souvent

déçus. En Angleterre, au temps de la Magna Carta, en 1215, les paysans

avaient plus de 150 jours chômés, du fait des fêtes religieuses et

autres. Du fait du progrès technique, nous devrions disposer de

vacances considérables. Qui a volé ce temps ? Peut-on vraiment vendre

le temps qui appartient à Dieu ? On peut prévoir un contrat de

participation aux risques et aux bénéfices et un montant du dividende.

Mais ce montant ne doit pas être en fonction du temps. Il doit être

proportionnel au succès avec un éventuel salaire, fixé par contrat et

de manière inamovible ou seulement par mutuel accord afin d’éviter

que les forts cupides changent à la hausse quand les faibles ne peuvent

qu’accepter le diktat. Une autre possibilité, choisie par les

musulmans, consiste à répartir le bénéfice de la banque selon une clé

définie par contrat, ce qui dans les faits, revient presque à la situation

actuelle lorsque les taux sont bas, mais avec l’avantage moral en plus.

D’autant plus que les calculs d’intérêts ne respectent jamais le jour

saint, le sabbat, signe que ceux qui pratiquent ces méthodes ne

respectent pas le Créateur puisque le commandement est formel dans

toutes les grandes religions et surtout dans la Juive, dont la tradition

a été reprise par la Chrétienne. Tu sanctifieras le jour du Seigneur. Or,

pour ce faire, il faut exclure l’intérêt car sinon, ça reviendrait à obliger

nos frères à travailler pour le jour du Seigneur.

3.2.6 Les soi-disant "nouvelles " conditions

1) Qu'y a-t-il de vraiment nouveau ? Rien de nouveau sous

le soleil. En effet, dans l’antiquité, on connaissait la plupart des

instruments utiles financiers actuels, cf. le livre “la Bible arrachée au

sable”, qui décrit les actions d’une multinationale de l’époque sumérienne,

avec ses lettres de change, ses billets à ordre, ses chèques, ses

crédits etc… Le reste est surtout du domaine de la désinformation et

de la protection de chasses gardées lucratives par les exploiteurs de

l’ignorance humaine. Comme le dit St Paul à Timothée (I, 5-20)

“garde ce dépôt, en évitant les discours vains et profanes et les disputes

DE LA FAUSSE SCIENCE dont font profession quelques-uns,

qui se sont ainsi détournés de la foi”. La fausse science est aussi l’économie

qui est devenue les idoles Mammon et Moloch auxquelles

on sacrifie les bébés et les vieillards.

3.2.7. Les petits

1) D’après Aristote et le Père Philippe de la communauté

de St Jean dans son livre les trois sagesses, il est dangereux d'accepter

des "créations humaines" faisant des petits et se reproduisant.

2) Or l'argent est une création humaine, qui, si l'on accepte

l'intérêt, fait des petits. Ces petits ne sont pas que des symboles, ils

provoquent des morts et des blessés, dans tous les domaines.

3) Il est plus prudent d'interdire tout nouvel organisme faisant

de lui-même des petits. (cf. les virus informatiques, les chimères

in vitro, le développement de nouvelles espèces, microbes, virus,

etc.), y compris des organismes intellectuels ayant des conséquences

dans la réalité. Le bien commun “argent “est aux mains de gens souvent

sans scrupule ou ne comprenant pas les conséquences de leurs

actes. C’est un devoir grave que de leur expliquer les tenants et aboutissants

moraux de leur profession.

4) Signalons que la communauté des Béatitudes int